compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Jean-Noël Guérini.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
problèmes de recouvrement et difficultés financières du rsi
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, auteur de la question n° 874, transmise à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
M. Dominique Leclerc. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État sur les graves difficultés financières que rencontre le régime social des indépendants, le RSI, depuis la création de l’interlocuteur sociale unique, l’ISU, le 1er janvier 2008. Depuis cette date, le RSI est contraint de déléguer aux services de l’URSSAF le recouvrement des cotisations sociales des 1 500 000 chefs d’entreprises du commerce, de l’industrie et de l’artisanat. Or les systèmes informatiques du RSI et de l’URSSAF reposent sur des logiciels totalement différents, qui ne sont pas compatibles entre eux. Aussi des milliers d’artisans ou de commerçants ne sont-ils pas affiliés, tandis que d’autres ne sont pas radiés, alors qu’ils devraient l’être.
Si rien n’est fait rapidement, c’est l’avenir du RSI qui est menacé. Avant la création du RSI, le taux de recouvrement de l’Organisation autonome nationale d’assurance vieillesse de l’industrie et du commerce, l’ORGANIC, de l’Assurance vieillesse agricole, l’AVA, et de l’assurance maladie des professions indépendantes, l’AMPI, se situait entre 96 % et 98 %. Or, depuis que le recouvrement a été délégué de force aux services de l’URSSAF, ce taux est tombé à moins de 80 %. Quelques cas extrêmes et particulièrement préoccupants ont même été relevés. Ainsi, en Guyane, le taux de recouvrement des cotisations sociales est inférieur à 20 % et, en Île-de-France, il n’atteint que 64 %. Le 30 octobre dernier, on comptait 1,8 million de cotisations sociales non recouvrées. Cette diminution du taux de recouvrement se traduit par une perte de ressources de près de 3,6 milliards d'euros pour le RSI.
Si rien n’est fait, c’est la pérennité du financement des retraites par le RSI qui est menacée. À l’heure de la réforme des retraites et de la lutte contre les déficits publics, les pouvoirs publics ne peuvent pas se permettre de laisser s’échapper plusieurs milliards d’euros.
La situation actuelle est d’autant plus critique que le service rendu aux assurés s’est considérablement dégradé ces derniers mois. Les caisses du RSI sont confrontées à une multiplication de demandes d’explications ou de réclamations auxquelles elles ne peuvent pas toujours faire face.
Pour remédier à ces difficultés, la création d’un nouvel outil informatique est prévue, mais il ne devrait pas être opérationnel avant 2013, voire 2014. On croit rêver ! Cet horizon est beaucoup trop lointain : le RSI comme ses assurés ne peuvent attendre plus longtemps.
Pour faire face à cette situation, il faut réformer de toute urgence l’ISU en revenant sur la délégation accordée aux services de l’URSSAF et confier la fonction de recouvrement des cotisations et des contributions sociales au RSI. Tant qu’un système informatique commun ne permettra pas une collaboration fructueuse entre RSI et URSSAF, il est peu souhaitable de persévérer dans la voie actuelle.
Madame la ministre, le Gouvernement compte-t-il réformer l’ISU et, surtout, revenir sur la délégation du recouvrement des cotisations sociales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de M. François Baroin.
Comme vous l’indiquez, la simplification des démarches administratives est un élément indispensable pour favoriser l’acceptabilité des prélèvements et permettre aux entreprises de se consacrer au développement de leur activité. Le Gouvernement est très attentif à ce sujet. Permettre aux artisans et aux commerçants de s’acquitter de l’ensemble de leurs cotisations et contributions sociales obligatoires auprès d’un seul organisme, au lieu de trois auparavant, constitue une étape importante en ce sens.
Si l’interlocuteur social unique est devenu une réalité pour la très grande majorité des travailleurs indépendants, sa mise en place, c’est indéniable, a aussi entraîné des difficultés pour environ 6 % d’entre eux.
Néanmoins, le dispositif de l’ISU est logique et cohérent. Il repose à la fois sur les compétences reconnues des services de l’URSSAF, qui assurent les missions de recouvrement de masse en back office, et sur les caisses régionales du régime social des indépendants pour le suivi personnalisé des cotisants et la gestion de leurs droits.
Monsieur le sénateur, vous évoquez des problèmes financiers. Il faut rétablir plusieurs vérités à ce sujet.
D’abord, le taux de recouvrement des cotisations sociales avant 2007 atteignait environ 95 %, ce qui est sensiblement inférieur au chiffre que vous avancez. La crise économique qui est intervenue depuis a augmenté fortement le nombre de débiteurs.
Ensuite, les mesures prises par le Gouvernement pour faciliter l’octroi de délais de paiement dans cette période difficile ont nécessairement pour contrepartie un manque à gagner, au moins temporaire.
Par ailleurs, la suspension temporaire des poursuites sur tous les dossiers suspectés de recéler des anomalies du fait des problèmes informatiques que vous évoquez a pu jouer à la hausse.
Enfin, ce taux est artificiellement gonflé par des montants de cotisations sociales estimés sur des bases forfaitaires pour des cotisants dont les revenus déclarés n’ont pas été correctement intégrés en fin d’année par les systèmes d’information. Ces cotisations sociales sont ensuite recalculées sur des bases réelles et revues généralement à la baisse.
Au final, si l’on neutralise ce facteur particulier, on revient à des taux de restes à recouvrer réels atteignant environ 8 %.
Monsieur le sénateur, vous mentionnez également des dysfonctionnements affectant les relations avec les cotisants et la qualité du service.
Il s’agit là de problèmes indéniables pour la résolution desquels le Gouvernement s’est déjà engagé fortement, le 24 février dernier. Ainsi, un plan de règlement de l’ensemble des difficultés liées à l’ISU a été annoncé. D’ici à la fin de l’année 2010, tous les impacts négatifs ressentis par les cotisants devraient être résorbés. Une équipe conjointe RSI-URSSAF a été constituée de manière permanente dans ce but.
En outre, un plan d’action visant à améliorer le processus d’affiliation et de radiation a été décidé par le Gouvernement pour établir un schéma opérationnel dès cette année. Dès la fin de l’année, le délai moyen pour s’affilier devra être d’environ un mois.
La mobilisation du Gouvernement, des services de l’URSSAF et des caisses du RSI a permis l’adoption de solutions de qualité, et des efforts supplémentaires seront accomplis pour la médiation et la relation avec les cotisants.
D’ores et déjà, en cas d’arrêt pour maladie, une solution personnalisée est adaptée par la caisse du RSI compétente, afin d’assurer le versement des indemnités journalières.
Enfin, sachez que le système de déclaration des revenus des travailleurs indépendants a été adapté pour mieux s’articuler avec les échéances fiscales.
Monsieur le sénateur, vous considérez que l’horizon 2013 pour une refonte informatique de l’ISU est trop lointain. Pourtant, la mise en place d’un nouvel outil dédié au recouvrement des cotisations sociales est le meilleur moyen de garantir un bon fonctionnement du RSI. En effet, c’est la rapidité avec laquelle nous sommes passés à la mise en place du régime social des indépendants qui explique largement les difficultés actuelles. Il n’est donc pas concevable de fragiliser, par une réforme précipitée, ces systèmes déjà fortement affectés.
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Madame la ministre, ces difficultés sont bien antérieures à la crise ! En outre, au moment où nous abordons la réforme des retraites et où sont mis en avant les problèmes de gouvernance liés à la multiplicité du nombre des caisses – et je n’évoque pas les mutuelles obligatoires –, des convergences s’imposent. La création du RSI en est un bon exemple : c’est une réussite, à l’instar de nombreuses autres.
Ce que je trouve difficilement acceptable, c’est que l’on puisse, au xxie siècle, être confronté à des problèmes d’incompatibilité informatique entre différents services d’une même caisse d’assurance maladie, problèmes qui durent déjà depuis un certain nombre d’années ; et je pourrais citer d’autres exemples au sein de la branche maladie. On croit rêver ! Alors qu’il n’est question que de nouvelles technologies et que nous savons que l’avenir réside dans la promotion de la recherche et de l’innovation, buter sur des problèmes administratifs paraît inconcevable. Cela ne prête guère à rire !
Par ailleurs, je tiens à souligner les conséquences financières d’une telle situation. Comment peut-on passer par pertes et profit plusieurs milliards d’euros de cotisations sociales non perçues ? Les contribuables ne le comprennent pas.
Enfin, pourquoi avoir mis en place un système compliqué alors que l’on pouvait faire simple ? Nous le voyons aujourd'hui avec la question des retraites : certaines complaisances, dont on connaît d’ailleurs la raison, sont inadmissibles.
Madame la ministre, tout cela coûte cher. Les responsabilités doivent être assumées afin que nous puissions progresser et gagner en simplification et en efficacité, dans l’intérêt non seulement des contribuables, mais aussi et surtout des cotisants et des affiliés.
les chemins de la simplification administrative
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 905, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, constatons ensemble que l’indispensable simplification administrative ne progresse pas. Nous pouvons même très objectivement admettre qu’elle recule, car, nous le savons tous, qui n’avance pas recule.
En effet, une partie de notre administration cherche trop souvent à s’abriter sous des parapluies, lesquels deviennent des obstacles excluant toutes les solutions, même les plus légales. Comme l’on veut trop se couvrir, laver plus blanc que blanc, involontairement, on complique, on rallonge et, surtout, on décourage. Ce découragement est tel aujourd’hui qu’il touche le besoin de répéter, d’écrire, de crier ce constat.
Les décrets d’application dénaturent les lois. Les circulaires rendent souvent ces dernières illisibles. Notre société perd ses valeurs, mais elle perd aussi une force, celle que lui donneraient sa simplicité administrative, son bon sens, son réalisme.
Pour être efficaces et bien suivies, les directives doivent être claires. Or, les millefeuilles administratifs d’hier se démultiplient et deviennent aujourd'hui autant de constitutions spécifiques.
Les gouvernements se succèdent et, avec eux, les déclarations de circonstance. Néanmoins, madame la ministre, veut-on vraiment réformer pour simplifier ?
Les chemins de la simplification débouchent trop souvent sur des sentiers à débroussailler, sans aucun résultat à la clé. Le contexte économique est difficile, voire très difficile, et les solutions sont rares. C’est la loi du plus fort, celle de la jungle. Dans le domaine administratif, ne sommes-nous pas face à une forêt équatoriale, une véritable jungle administrative ?
Reconnaissons que nous aussi, parlementaires, devons accomplir un effort en ce sens. Soyons certains que tous les Français, qui sont souvent déroutés, seraient unanimes à approuver cette nouvelle feuille de route.
Pour terminer, madame la ministre, je ne ferai qu’évoquer le problème des retards, remarquant simplement que les décrets successifs se contrarient parfois, l’un n’étant pas encore né tandis que l’autre est embryonnaire.
Je vous serais reconnaissant de nous dire votre sentiment sur ce problème, ainsi que les mesures qui sont envisagées.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Monsieur le sénateur, Je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. François Baroin, qui, ne pouvant malheureusement être présent ce matin au Sénat, m’a chargée de vous répondre.
L’instabilité normative et la dégradation de la qualité de la norme sont des maux auxquels des réponses sont apportées ces dernières années.
Les conditions d’élaboration des normes nouvelles ont connu d’importantes évolutions, que la révision constitutionnelle de 2008 est venue amplifier. Les délais d’application des lois se sont beaucoup améliorés au cours de la présente législature, et l’action du Gouvernement est tout aussi résolue en matière de simplification de la réglementation en vigueur.
Ces progrès tangibles sont constatés par l’OCDE dans le rapport sur la gouvernance réglementaire en France qu’elle vient de rendre public.
La révision constitutionnelle de 2008 a donné au Parlement de nouvelles prérogatives qui lui permettent d’ores et déjà d’affirmer son contrôle sur la qualité des lois en préparation et de trouver un nouvel équilibre entre ses travaux législatifs et ses attributions de contrôle de l’activité gouvernementale, notamment au travers des études d’impact qui aident à apprécier la nécessité de l’intervention de règles nouvelles.
Ces études, rendues publiques, constituent l’un des outils majeurs des politiques mises en œuvre pour améliorer la qualité de la législation et de la réglementation. Dans le même esprit, il est à souligner que l’anticipation des incidences des réformes réglementaires pour les collectivités territoriales a beaucoup progressé.
Par ailleurs, la commission consultative d’évaluation des normes créée par la loi de finances rectificative du 25 décembre 2007 fait un remarquable travail d’examen de l’impact financier des mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales et leurs établissements, et de l’impact technique et financier des propositions de textes communautaires sur les collectivités territoriales et leurs établissements.
Un double principe de transparence et d’obligation de résultat régit, sous cette législature, les travaux du Gouvernement dans l’application des lois, selon la procédure fixée par une circulaire du Premier ministre de février 2008.
Le Parlement est régulièrement destinataire de bilans actualisés, tandis que les citoyens peuvent suivre cette application par des tableaux de bord mis en ligne sur le site de Légifrance. Le Sénat a lui-même relevé la nette amélioration constatée dans ce domaine depuis le début de la législature.
Enfin, depuis 2003, le Gouvernement s’est engagé dans un vaste programme de simplification, se traduisant par l’adoption de deux lois de simplification en 2007 et 2009 qui ont permis l’abrogation de plusieurs centaines de lois obsolètes, allégeant ainsi significativement le volume de notre corpus législatif. Ce travail se poursuit puisqu’une nouvelle proposition de loi de simplification du droit a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 2 décembre 2009.
Rendre un service public plus efficace, mieux adapté à la réalité des usagers et de plus grande qualité est l’une des priorités de l’action que le Gouvernement a engagée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame la ministre, votre réponse a été conforme à nos souhaits, c’est-à-dire empreinte de clarté et de volonté. Et l’on dit bien que, quand il y a une volonté, il y a un chemin !
Je regrette qu’une ministre jeune et appréciée comme vous reçoive ce matin le message d’un ancien élu qui fait du « réchauffé ». C’est en effet, du réchauffé : le problème est lancinant depuis des décennies, quel que soit le Gouvernement ! Or, vous avez bien montré que l’État prenait cette situation en considération, et je vous en remercie. C’est parfois à force de frapper à la porte que cette dernière s’ouvre ! Il y a certes des normes, comme vous l’avez très bien dit, mais l’application des normes doit être menée elle aussi avec bon sens. Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’avoir apporté ce message réconfortant.
implantation de commerces « drive » par les enseignes de la grande distribution
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, auteur de la question n° 851, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
M. Dominique Braye. Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais au préalable féliciter Mme la ministre, qui répond à une série de questions dont aucune n’a trait aux responsabilités qu’elle exerce au sein du Gouvernement ! Je vous félicite donc, madame la ministre, pour votre omnicompétence… Mais je regrette parallèlement cet état de fait qui n’est pas particulièrement positif pour la Haute Assemblée et ne nous permet pas d’obtenir des réponses de la qualité que nombre d’entre nous sont en droit d’attendre.
Peut-être ne participerai-je plus à ces séances du mardi matin... En effet, monsieur le président, je n’ai pas pour habitude de poser des questions pour les faire simplement figurer dans mes bulletins à l’attention des grands électeurs ! J’essaie de poser des questions pour être constructif ! Mais je vois que cela a bien peu de chance d’aboutir.
Je souhaitais donc attirer l’attention de M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation sur la prolifération anarchique d’un nouveau genre de magasins : les commerces de type « drive ».
Les principales enseignes de la grande distribution, ainsi qu’une chaîne spécialisée, ont trouvé avec ce concept un nouvel espace de développement commercial et de concurrence économique. Ce dynamisme commercial est certes louable et correspond, de toute évidence, à de nouvelles habitudes de consommation des clients, notamment avec le développement des commandes par Internet. Internet permet de se connecter au site marchand d’une enseigne de la distribution et de passer commande à distance, depuis chez soi, ce qui est indéniablement un progrès.
Jusqu’à récemment, les commandes étaient livrées à domicile ; or, l’idée du « drive », qui a déjà connu un certain succès avec les enseignes de restauration rapide, a fait son chemin auprès des enseignes de la grande distribution. Celles-ci sont en train de tresser sur la totalité du territoire national un maillage très serré de ces installations dans lesquelles le client vient chercher en voiture ses commandes.
Dans l’absolu, ce concept ne pose pas de problème ; mais en pratique, ces points de retrait sont des entrepôts de stockage de marchandises d’une certaine taille, presque toujours très inesthétiques, qui engendrent toujours une circulation très importante.
Or, c’est bien là que le bât blesse, puisque ces bâtiments, qui sont des annexes des enseignes de la grande distribution, échappent comme par magie, pour leur implantation, à toute autorisation, notamment à celle des commissions départementales d’aménagement commercial.
Les enseignes concernées, vous l’imaginez bien, se sont immédiatement engouffrées dans cette faille législative. Leur implantation se multiplie à grande vitesse, sans aucun contrôle sur le plan tant de l’équilibre commercial des villes que de l’augmentation de la circulation induite, sans parler des atteintes portées à l’environnement.
Je m’interroge d’ailleurs sur ce dernier point, madame la ministre : allons-nous laisser nos villes se dégrader dans les années 2010 et 2020, comme nous l’avons fait pour nos entrées de villes dans les années 1970 et 1980 ?
Il me paraît important et urgent de nous doter de moyens pour contrôler le développement de ce nouveau concept de distribution, au même titre que toute implantation d’une surface commerciale supérieure à un certain seuil est contrôlée par la commission départementale ad hoc. Je souhaiterais savoir, madame la ministre omnicompétente, quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour préserver l’équilibre commercial, toujours fragile, de nos agglomérations et territoires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de vos félicitations et, surtout, de vous demander de bien vouloir excuser mon collègue Hervé Novelli, qui m’a chargée de vous répondre.
La notion de « drive » recouvre des réalités commerciales distinctes. Selon les cas, cette forme de distribution est soumise ou non aux dispositions de l’article L. 752-1 du code de commerce qui visent les projets soumis au régime des autorisations d’exploitation commerciale.
En effet, seules les activités commerciales donnant lieu à la création d’une surface de vente sont soumises à l’obtention d’une autorisation d’exploitation commerciale délivrée par les commissions d’aménagement commercial. Au regard des prescriptions de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972, une surface de vente est composée des espaces couverts et non couverts affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, à l’exposition de marchandises proposées à la vente, au paiement des marchandises, à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente.
Avec la généralisation de l’accès à Internet, les enseignes de la grande distribution assurent aujourd’hui la promotion d’une nouvelle forme de commerce au moyen du concept de « drive ». Il s’agit dans ce cas, pour le consommateur, d’effectuer ses achats sur Internet avant de procéder au retrait, dans un entrepôt aménagé à cet effet, des biens de consommation dont il s’est déjà porté acquéreur. Ce mode de consommation, à l’instar du « e-commerce », est assimilable, pour le secteur non alimentaire, à la vente par correspondance où la transaction s’effectue au domicile du client.
Ainsi, compte tenu de ses caractéristiques, ce concept commercial ne donne pas lieu à la création d’une surface de vente : ces espaces ne sont pas affectés à la circulation de la clientèle en vue d’effectuer des achats dans la mesure où l’acte d’achat a déjà été effectué, les clients venant uniquement retirer les produits dont ils se sont déjà porté acquéreurs. En outre, les marchandises présentes en ces lieux ne sont pas exposées ou proposées à la vente, mais déjà vendues et entreposées en vue de leur retrait.
En revanche, dans le secteur du bricolage, plusieurs enseignes procèdent actuellement au développement de « bâti-drive », le consommateur accédant au moyen de son véhicule à un espace, couvert ou non, en vue de procéder à l’achat de matériaux et à leur chargement. Dans ce cas, ces activités commerciales sont soumises au régime des autorisations d’exploitation commerciale dans la mesure où ces espaces répondent aux caractéristiques de la définition d’une surface de vente.
Enfin, sont également qualifiés de « drive » les espaces implantés dans les magasins où les commandes sont effectuées à partir de bornes, installées à cet effet, préalablement au retrait de la marchandise qui est payée sur place, aux abords d’un entrepôt. Ces surfaces sont soumises à l’examen des commissions d’aménagement commercial dès lors qu’elles prennent place dans un ensemble commercial d’une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, ou devant dépasser ce seuil par la réalisation du projet.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Manifestement, ce que je craignais est arrivé : Mme la ministre m’a expliqué ce qu’est un « drive », explication que j’avais préalablement donnée moi-même dans ma question, mais – et je le regrette profondément – elle n’a pas répondu au fond de la question !
Je crois, monsieur le président, que c’est devenu la règle de cet exercice : le représentant du Gouvernement ne répond jamais à la question ! Il fait certes un petit laïus de présentation, reprenant en général ce qu’a dit l’auteur de la question, mais il n’apporte pas la moindre réponse à de véritables problèmes de société !
Je ne sais pas si les choses peuvent continuer ainsi. Ce que je peux simplement dire, c’est que, pour ma part, je ne poserai plus de questions dans ces conditions-là. Je ne sais ce qu’il faut faire, et comment faire respecter la capacité de la Haute Assemblée à contrôler le Gouvernement ou à attirer son attention sur un point particulier. En tout cas, ce n’est pas par ce simulacre qui a lieu le mardi matin et auquel nous venons d’assister aujourd’hui que les choses avanceront !
Je remercie donc Mme la ministre de m’avoir lu les réponses que lui avaient préparées les services du ministère concerné, en regrettant qu’une fois de plus on ne réponde absolument pas à une question de société. Ce n’est sûrement pas ainsi, madame la ministre, que les choses vont avancer dans notre pays et que le Gouvernement acquerra de la crédibilité !
Voilà ce que voulait vous dire un sénateur qui appartient à la majorité et qui souhaite attirer l’attention sur ces dysfonctionnements majeurs portant atteinte à l’image du Sénat. Répondre ainsi – ou plutôt, ne pas répondre ! – à des questions que les sénateurs estiment pertinentes et auxquelles ils sont confrontés sur le terrain porte un grand discrédit à l’action du Gouvernement en général.