M. le président. L'amendement n° 150, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce, après les mots : « motivées par », sont insérés les mots : « les études réalisées par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires défini à l'article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime, ».
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Par cet amendement, qui concerne, lui aussi, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des prix alimentaires, dont nous voulons qu’il ait les moyens de jouer pleinement son rôle, nous proposons des adaptations à l’article L. 410-2 du code de commerce.
Par dérogation au principe de liberté des prix, l’article L. 410-2 du code de commerce prévoit que le Gouvernement peut introduire par décret des mesures temporaires contre des hausses ou des baisses excessives de prix dans les situations suivantes : crise, circonstances exceptionnelles, calamité publique, situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé.
Pour que les études réalisées par l’Observatoire de la formation des prix et des marges puissent déboucher sur des actions concrètes menées par les pouvoirs publics, il nous semble important de mentionner que le Gouvernement pourra prendre des mesures d’encadrement temporaire des prix pratiqués pour les denrées alimentaires, sur la base des travaux de l’Observatoire.
Introduire la définition de l’Observatoire de la formation des prix et des marges dans le code rural et de la pêche maritime nous semble être une bonne chose : cela permet de souligner le caractère bien spécifique des denrées alimentaires, qui ne sont pas des marchandises comme les autres, et la nécessité de rendre plus transparents les processus de formation des prix à la consommation.
Toutefois, il est nécessaire de faire le lien, dans le code de commerce, entre les travaux de cet organisme et les possibilités de dérogation au principe de la libre détermination des prix par le seul jeu de la concurrence. La concurrence libre et non faussée, dans un secteur caractérisé par une profonde asymétrie des pouvoirs de négociation entre l’amont et l’aval, ne peut conduire à une répartition équilibrée des marges. Cela semble évident.
Les pouvoirs publics doivent donc pouvoir s’appuyer sur les travaux de l’Observatoire pour intervenir dans la fixation des prix. Nous ne voulons pas une administration des prix ni un commerce régulé ; nous voulons simplement que la régulation économique permette aux producteurs de vivre des fruits de leur travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. L’amendement n° 150 a pour objet de donner la possibilité au Gouvernement d’imposer des mesures d’encadrement des prix sur la base d’études réalisées par l’Observatoire de la formation des prix et des marges.
Je rappelle que l’article L. 410-2 du code de commerce permet, dans des circonstances exceptionnelles ou dans des situations de crise, de prendre des mesures de contrôle des prix. Ce régime d’exception s’applique pour une durée très limitée.
Vous proposez, monsieur Guillaume, que les études de l’Observatoire permettent de déclencher ce contrôle des prix. Nous avons déjà eu hier un assez long débat sur le rôle de l’Observatoire de la formation des prix et des marges ; que l’on me permette de rappeler que dimanche prochain, c’est la fête des mères : si nos discussions se poursuivent à ce rythme, nous serons privés du plaisir de la passer en famille… (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Guillaume. Mais qu’est-ce que cela veut dire ?
M. Gérard César, rapporteur. Notre débat est certes très constructif, mais nous pourrions quelquefois faire l’économie de certaines prises de parole.
En ce qui concerne le rôle de l’Observatoire, je souligne qu’il suivra les prix et les marges dans la durée. Son analyse ne se limitera donc pas aux crises conjoncturelles, mais s’inscrira sur le long terme et devra permettre d’identifier les grandes tendances.
En outre, pour l’analyse des situations de crise, ses travaux ne sont qu’un élément parmi d’autres. Par exemple, le Service des nouvelles des marchés, le SNM, permet de mieux observer les mouvements à très court terme qui justifient une intervention du contrôle des prix.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour ma part, je me satisferais que nous finissions l’examen de ce texte avant la fête des pères, qui me concerne directement… (Rires.)
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. En effet, il est satisfait par le dispositif de modération des marges et par l’article existant du code de commerce, qui prévoit que, par décret en Conseil d’État, le Gouvernement peut intervenir dans ce genre de situations.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Le jour de la fête des mères, beaucoup d’agriculteurs travaillent, en particulier les éleveurs. Par conséquent, si nous devions siéger ce jour-là, nous le ferions bien volontiers. Il ne s’agit pas pour nous de faire de l’obstruction.
M. Gérard César, rapporteur. Non !
M. Didier Guillaume. Nous sommes tous d’accord pour estimer que notre long débat d’hier sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges a été riche et intéressant. Parfois les avis divergent, c’est ainsi.
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
M. Didier Guillaume. M. le rapporteur l’a rappelé hier soir, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Notre objectif, en précisant le dispositif, est non pas d’atteindre le paradis, mais simplement de permettre à nos agriculteurs de vivre un peu mieux, grâce à des revenus décents. En l’occurrence, nous souhaitons leur adresser un signal clair. On ne peut pas se borner à nous répondre que l’amendement est satisfait par un article du code de commerce. Pourquoi refusez-vous d’inscrire ce que nous proposons dans la loi, alors qu’il n’y a pas de désaccord de fond entre nous ?
Cela étant dit, je souhaite par avance une bonne fête des mères à Mme César ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas pour nous de rallonger le débat. Sur d’autres articles, nous irons beaucoup plus vite, mais il s’agit ici de l’essentiel.
Puisqu’il est question de fêtes familiales, je soulignerai que, au cours des six derniers mois, 40 000 agriculteurs ont demandé à bénéficier du RSA ! M. Yannick Botrel l’a rappelé à plusieurs reprises, les producteurs de lait ont vu leurs revenus baisser de 50 %. De 1,6 million, le nombre des exploitations agricoles est passé à 600 000. Aujourd’hui, nombre d’exploitants agricoles sont des travailleurs pauvres et surendettés…
C’est pourquoi, loin de chercher à faire de l’obstruction, nous mettons en lumière cette situation et demandons que l’on inscrive dans la loi ce qui y manque. Si vous acceptiez notre amendement, tout serait simple : notre préoccupation, partagée au-delà de nos travées, est de sortir les agriculteurs de l’ornière dans laquelle ils se trouvent.
Sur certains points fondamentaux, notre exigence amène une prolongation des débats, certes, mais il suffirait d’un simple geste de votre part, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, pour que les choses aillent beaucoup plus vite !
M. le président. L'amendement n° 149, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 410-2 du code de commerce, il est inséré un article L. 410-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 410-3. - Lorsque l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires défini à l'article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime constate que la baisse des prix de cession des produits agricoles n'est pas répercutée sur les prix de vente à la consommation, il alerte le ministre chargé de l'alimentation et le ministre chargé de la consommation.
« Le gouvernement peut alors intervenir dans la détermination des prix des produits alimentaires en imposant aux entreprises de commercialisation ou de distribution des accords de modération des marges ou en activant le coefficient multiplicateur défini à l'article L. 611-4-4 du code rural et de la pêche maritime qui permet d'encadrer les marges. »
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Cet amendement, monsieur le rapporteur, a pour objet de permettre aux agricultrices d’avoir une fête des mères honorable en 2011, grâce à des revenus décents…
Nous souhaitons que l’Observatoire de la formation des prix et des marges soit chargé de donner l’alerte lorsqu’il constatera que la baisse des prix de cession des produits agricoles n’est pas répercutée sur les prix de vente à la consommation.
L’Observatoire est placé auprès du ministre chargé de l’alimentation et du ministre chargé de la consommation. On peut donc espérer que ses analyses fréquentes des prix et des marges seront très rapidement transmises au Gouvernement, qui pourra alors intervenir dans la détermination des prix des produits alimentaires, en imposant aux entreprises de commercialisation ou de distribution des accords de modération des marges ou en activant le coefficient multiplicateur défini à l’article L. 611-4-4 du code rural et de la pêche maritime, qui permet d’encadrer les marges.
Toutefois, nous préférons préciser ce rôle d’alerte dans la loi. Nous estimons d’ailleurs que ces alertes devront être rendues publiques par le président de l’Observatoire. Si celui-ci est, comme annoncé, une personnalité de poids, respectée dans le milieu agricole et dans le secteur de la distribution, ces alertes publiques pourront avoir un effet bénéfique rapide sur les prix pratiqués, sans même que les pouvoirs publics aient à intervenir.
La vocation de l’Observatoire est de faire la transparence sur le processus de formation des prix alimentaires, mais la finalité, sur le moyen terme, est de promouvoir un rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée dans la chaîne de commercialisation qui permette aux agriculteurs de vivre de la vente de leurs productions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement vise à confier à l’Observatoire de la formation des prix et des marges un rôle d’alerte, en vue de l’activation d’un mécanisme de coefficient multiplicateur.
Par définition, l’Observatoire observe ! Ses études étant rendues publiques, il n’est pas utile de prévoir qu’il donne l’alerte. Ce sont les professionnels, mais aussi les parlementaires, qui, au vu des données fournies par l’Observatoire, devront le faire. Par ailleurs, nous pourrons tirer le signal d’alarme au vu d’autres données que celles qui seront issues de l’Observatoire. Il appartient aussi, monsieur le ministre, au Gouvernement de prendre ses responsabilités, ce que vous avez fait récemment dans le secteur du lait.
Vous préconisez, monsieur Piras, deux moyens d’action : le coefficient multiplicateur et les accords de modération des marges.
Nous l’avons dit hier, le coefficient multiplicateur présente certains inconvénients. Cela ne signifie pas, toutefois, qu’il ne faudra jamais le mettre en œuvre. Sur ce point, votre amendement n’apporte rien. En effet, il prévoit qu’en cas de crise, le Gouvernement pourra déclencher ce mécanisme, disposition qui figure déjà dans le code rural et de la pêche maritime.
En ce qui concerne la modération des marges, le dispositif adopté hier au travers de l’amendement n° 657 répond à votre préoccupation.
En conséquence, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. J’émets moi aussi un avis défavorable.
En effet, le dispositif qui figure dans le texte de la commission permet de répondre à la préoccupation des auteurs de l’amendement. Le rôle de l’Observatoire est bien d’alerter lorsqu’il apparaît que le niveau des marges pratiqué par la distribution ou les industriels est excessif, notamment par rapport aux coûts de production des agriculteurs.
Nous souhaitons vivement que cet organisme soit un acteur essentiel de la régulation des rapports commerciaux dans la filière alimentaire, telle qu’elle a été définie d'ailleurs par l’amendement n° 146 de M. Guillaume, qui a été adopté.
Nous avons impérativement besoin d’un outil objectif et puissant, qui aura accès à toutes les données statistiques, quitte, comme l’a proposé M. Dubois, à ce que la liste des entreprises qui ne respecteraient pas l’obligation de se soumettre aux enquêtes soit rendue publique. Ainsi, nous pourrons savoir exactement où se situent les marges et comment se forment les prix, ce qui nous permettra de rééquilibrer les rapports commerciaux au sein de la chaîne alimentaire dans son ensemble.
Nous attachons donc énormément d’importance à cet observatoire. Nous placerons à sa tête une personnalité reconnue, à même de lui faire jouer pleinement son rôle et de lancer les alertes nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour explication de vote.
M. Bernard Piras. Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre bonne volonté. Toutefois, bien que j’aie un peu d’expérience, votre réponse m’étonne : même si notre demande est déjà satisfaite, pourquoi ne pas inscrire la mesure que nous proposons dans le projet de loi ? Pourquoi toujours utiliser ce prétexte pour rejeter nos amendements ? Pour notre part, nous voulons marquer très fortement notre soutien aux agriculteurs. Il serait bon, à mon sens, que l’ensemble du Sénat manifeste son souci de défendre leur revenu. Monsieur le ministre, je le répète, l’argument selon lequel cette disposition serait déjà inscrite dans le projet de loi ne me satisfait pas.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Nous visons tous les mêmes objectifs, mais nous ne nous accordons pas sur les voies et les moyens qui permettraient de les atteindre.
Monsieur Piras, vous estimez que, en introduisant cette disposition dans le projet de loi, vous garantirez sa mise en application. Quant à nous, membres de la majorité, nous faisons confiance à M. le ministre, qui a montré sa détermination à agir en ce sens. Cette confiance, mon cher collègue, vous ne semblez pas la partager totalement…
Monsieur le ministre, je voudrais simplement appeler votre attention sur la question des marges et sur la fragilité de la situation de certaines filières.
En 2007, lorsque les cours du blé ont flambé, nous avons vu le prix de la baguette de pain progresser sensiblement. À l’époque, les commerçants ont justifié cette évolution par le renchérissement de la matière première. Or j’ai alors eu la chance de faire un stage de trois jours aux Grands Moulins de Paris, dont le directeur n’était autre que le fils de notre ancien collègue Philippe François, naguère sénateur de la Seine-et-Marne. Quand je me suis inquiété auprès de lui de l’écart important entre le prix de la farine et celui de la baguette chez le boulanger, il m’a expliqué que le coût du blé ne représentait que 7 % ou 8 % du prix de revient du produit fini et que, au sein de la filière, toute une série d’intermédiaires se rémunéraient au passage. En outre, de nombreuses taxes sont perçues à chaque échelon. Ce constat vaut notamment pour les circuits longs, comportant une chaîne de transformation complexe et de nombreux intermédiaires.
Il serait donc intéressant que l’Observatoire examine non seulement les marges de la distribution et des transformateurs, mais aussi le poids des taxes, qui alourdit le prix de vente. Ce qui est vrai pour le blé et le pain l’est certainement aussi pour la viande ou d’autres produits.
Pour ma part, j’attends que chacun balaye devant sa porte, que la transparence soit totale et que tous accomplissent un effort, y compris l’État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 272, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article 2 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le financement public des organisations syndicales qui remplissent les conditions fixées par le décret susvisé, est basé sur le seul nombre de suffrages obtenus dans le collège mentionné au 1° de l'article R. 511-6 du code rural et de la pêche maritime. »
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« La présente disposition n'est pas applicable aux établissements et organismes intervenant dans le secteur des produits à appellation d'origine ».
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même les amendements nos 272 et 273.
M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue.
J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 273, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, et ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le financement des organisations syndicales fait l'objet d'un rapport du Gouvernement remis au Parlement, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi.
Veuillez poursuivre, madame Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Les dispositions de ces deux amendements portent sur le financement des organisations syndicales. Elles ont toute leur place, nous semble-t-il, dans ce projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
En effet, aujourd’hui le financement des organisations syndicales agricoles est occulte et ne répond pas aux règles les plus élémentaires de la démocratie, ce qui aboutit à des situations injustes.
Ainsi, alors que la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, ne recueille qu’un peu plus de 50 % des voix lors des élections professionnelles, les décrets actuellement en vigueur lui permettent, chaque année, de bénéficier de plus de 80 % des subventions. Cette répartition, bien entendu, se fait au détriment de la Confédération paysanne et de la Coordination rurale, qui obtiennent chacune environ 20 % des voix et recueillent seulement 10 % des financements.
Le Gouvernement souhaite moderniser le dialogue social. Pourtant, il ne se préoccupe pas de ces injustices ! C’est pourquoi nous estimons qu’il faut profiter de l’examen de ce projet de loi pour assurer la transparence et l’équité du financement public des organisations syndicales agricoles. Nous proposons, à cette fin, que ce dernier soit fondé sur le seul nombre de suffrages obtenus au sein du collège mentionné au 1° de l’article R. 511-6 du code rural et fasse l’objet d’un rapport du Gouvernement au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation du présent texte.
Le Gouvernement s’honorerait d’établir ainsi davantage de justice dans le financement des organisations syndicales. Que diraient les membres de la majorité présidentielle si le financement public des partis politiques était fondé non plus sur le nombre de suffrages obtenus aux élections législatives, mais sur celui des sièges gagnés lors des élections régionales ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Gérard César, rapporteur. L’amendement n° 272 a pour objet de fonder le financement des organisations syndicales agricoles sur le seul nombre de suffrages obtenus lors des élections aux chambres d’agriculture.
Toutefois, je rappelle que tous les syndicats perçoivent aussi des cotisations volontaires, chacun pouvant adhérer à la formation syndicale de son choix.
Je rappelle également que la dotation budgétaire de l’État inscrite chaque année dans la loi de finances au profit des organisations syndicales agricoles est déjà répartie en fonction des sièges obtenus lors des élections aux chambres d’agriculture. Cette répartition fait donc une part à toutes les sensibilités syndicales. Il est logique que les syndicats dont les représentants exercent des responsabilités dans différents organismes reçoivent une part plus importante, du fait des charges qui pèsent sur eux, par exemple en matière de déplacements.
À proprement parler, il n’existe aucune autre ressource publique pour les organisations agricoles ; toutefois, je le rappelle une nouvelle fois, les cotisations volontaires doivent également financer les syndicats : il s’agit en quelque sorte d’un cofinancement.
En conclusion, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour ne pas être suspecté de faire preuve d’idéologie ou d’esprit partisan sur ce sujet, je rappellerai que les critères de la représentativité des organisations syndicales agricoles ont été définis par la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999 : le ministre de l’agriculture de l’époque n’appartenait pas à la majorité actuelle ! Les modalités de financement elles-mêmes ont ensuite été définies par la loi de finances pour 2002.
Ces critères me paraissent tout à fait valables. Ils reposent sur des principes respectables et ne sont pas susceptibles d’être modifiés. Le financement public est réparti entre les différents syndicats agricoles sur la base d’un calcul assis sur les résultats obtenus aux élections aux chambres d’agriculture. Ainsi, en 2010, la FNSEA et les JA, c'est-à-dire les Jeunes agriculteurs, ont reçu chacun 4,7 millions d'euros, la Confédération paysanne, 1,8 million d'euros, le MODEF, c'est-à-dire le Mouvement de défense des exploitants familiaux, 141 000 euros, et la Coordination rurale, 1,6 million d'euros ; s’y ajoute le cas particulier de l’Allier et de l’UDSEA, l’Union départementale des syndicats d’exploitants agricoles. Je le répète, il ne me semble pas souhaitable de modifier ces règles, qui ont été établies en 1999 selon des principes équitables.
S'agissant de la représentation des syndicats au sein des interprofessions, j’ai toujours tenu, depuis que je suis à la tête de ce ministère, à mener les concertations les plus larges possibles, en associant l’ensemble des organisations syndicales représentatives. Je n’ai organisé aucune réunion, sur quelque sujet que ce soit, qu’il s’agisse des céréales ou de la crise du lait, sans inviter chaque fois les organisations syndicales représentatives, telles que définies par le code rural et de la pêche maritime.
Je précise également que Nicolas Sarkozy, lorsqu’il a clos le Salon de l’agriculture, a tenu une table ronde avec l’ensemble des syndicats représentatifs du monde agricole. C’était la première fois qu’un Président de la République organisait une telle réunion. Le pouvoir politique agit donc en concertation étroite avec toutes les organisations syndicales représentatives.
Cela étant, les interprofessions sont des organismes de droit privé. Si elles souhaitent modifier leur mode de fonctionnement, le nombre de leurs membres ou leurs modalités de suffrage, il leur appartient d’en décider.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. L'amendement n° 390 rectifié, présenté par MM. Ferrand et Jarlier, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'alinéa 4 de l'article L. 621-5 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un décret fixe les modalités de nomination des membres des conseils spécialisés, afin de garantir la transparence des décisions et la représentativité des différents acteurs des filières au sein de ces conseils. »
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Cet amendement a été déposé sur l’initiative de M. Ferrand.
FranceAgriMer est un établissement national qui exerce de nombreuses missions d'intérêt général et assiste le ministère chargé de l'alimentation dans l'application de la PAC.
Cet établissement est doté de conseils spécialisés par filières. Le manque de transparence dans la nomination des membres de ces instances faisant l'objet de nombreuses critiques, le présent amendement vise à établir par décret les critères de nomination des membres des conseils spécialisés, afin de garantir l'impartialité des analyses émanant de FranceAgriMer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. L’article L. 621-5 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les membres des conseils spécialisés – représentants de la production, de la transformation et de la commercialisation, des pouvoirs publics, des salariés de la filière et des consommateurs – sont nommés par arrêté du ministre chargé de l’agriculture et de la pêche. Il n’est donc pas utile de prévoir une définition par décret des critères de nomination, qui alourdirait un processus dont la transparence n’est pas en cause.
Le président du conseil d’administration de FranceAgriMer, en revanche, est nommé par décret sur proposition du conseil d’administration.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Les modalités de nomination des membres des conseils spécialisés de FranceAgriMer ont été définies par l’ordonnance du 25 mars 2009. Ce n’est pas quelques mois à peine après les avoir modifiées que nous allons revenir sur cette question par voie législative ! Le Gouvernement demande donc également le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Jarlier, l'amendement n° 390 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 390 rectifié est retiré.