M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement vise à sanctionner les entreprises de la distribution qui refuseraient de conclure des accords répercutant les baisses de prix agricoles aux consommateurs, ou qui les appliqueraient mal.
Votre amendement, ma chère collègue, est satisfait à 99,5 % (Sourires.) par le contrat de modération des marges qui a été conclu à l’Élysée le lundi 17 mai, sous la présidence du Président de la République, en présence du ministre de l’agriculture, du président Emorine et de moi-même. L’amendement n° 657 rectifié du Gouvernement, que nous examinerons dans quelques instants, vise à traduire cet accord dans la loi. Je vous proposerai, madame Laborde, de l’adopter.
Dans ces conditions, je vous prie, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. J’avoue avoir une petite divergence – cela m’arrive rarement ! – avec M. le rapporteur. Pour ma part, j’estime que cet amendement est satisfait à 110 % ! (Rires.) En effet, la sanction prévue dans l’amendement du Gouvernement est plus importante que celle qu’envisageait Mme Laborde. Il est vrai que celle-ci a déposé son amendement avant la conclusion, sous l’autorité du Président de la République, de l’accord entre les producteurs et les distributeurs, accord dans lequel ces derniers s’engagent à modérer leurs marges en période de crise et qui a demandé, je tiens à le préciser, des mois de travail avant que toutes les enseignes acceptent de le signer.
J’ajoute que nous avons maintenu dans la loi, contrairement à ce qu’elles souhaitaient, le principe d’une taxe additionnelle, dont le montant est supérieur à celui que vous proposez, madame la sénatrice.
Telle est la raison pour laquelle, je le répète, votre amendement est satisfait à 110 %
M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 535 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Je suis tellement rassurée et assurée que je le retire, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 535 rectifié est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 269 rectifié, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « fruits et légumes » sont remplacés par les mots : « produits agricoles et alimentaires » et après les mots : « de celles-ci », sont insérés les mots : «, sur la base des propositions de l'Observatoire des prix et des marges » ;
2° Au début du deuxième alinéa, sont insérés les mots : « Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, » et les mots : «, dans une limite qui ne peut excéder trois mois, » et « après consultation des organisations professionnelles agricoles » sont supprimés.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Notre amendement vise à étendre l’application d’un dispositif introduit par l’article 23 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, issu d’un amendement sénatorial : le coefficient multiplicateur.
Permettez-moi de rappeler en quoi il consiste. Le principe de cet outil est extrêmement simple : l’État fixe un taux légal à ne pas dépasser entre le prix d’achat au fournisseur et le prix de vente au consommateur, taux qui s’applique à la chaîne des différents intermédiaires prise dans son ensemble, et non pas individuellement à chacun d’eux.
Par ce simple mécanisme, les prix à la production sont protégés dans la mesure où une augmentation des marges des intermédiaires passe obligatoirement par une augmentation du prix d’achat au fournisseur, mais les prix à la consommation sont de leur côté également protégés, compte tenu du fait que le mécanisme interdit aux intermédiaires de dépasser un certain niveau de prix à la revente finale.
Prenons l’exemple d’un coefficient multiplicateur fixé à 1,5. L’intermédiaire achète un produit X au prix du marché, par exemple des salades à 40 centimes pièce. Il ne peut revendre ce produit à plus de 60 centimes pièce. Sa marge est donc de 20 centimes. Si l’intermédiaire décide d’acheter des salades en dessous du prix du marché, mettons à 20 centimes pièce, il ne peut dès lors les revendre au-dessus de 30 centimes pièce. Sa marge n’est plus que de 10 centimes.
En période de crise conjoncturelle définie à l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, ou en prévision d’une telle crise, les ministres concernés peuvent décider de l’application d’un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des fruits et légumes périssables à un taux et pour une durée qu’ils définissent, dans une limite qui ne peut excéder trois mois. Les mêmes établissent la liste précise des produits visés par cette mesure.
Si depuis l’instauration de ce dispositif son activation a été évoquée à plusieurs reprises, jamais la démarche n’a été concrétisée.
Jusqu’à présent, l’idée selon laquelle le coefficient multiplicateur serait, en quelque sorte, une « arme de dissuasion » à l’égard des distributeurs a prévalu.
Quand au mois de juillet 2008 la chute des prix a atteint jusqu’à 30 % pour certains fruits, la seule réponse des pouvoirs publics fut d’autoriser à titre exceptionnel la vente directe de fruits et légumes à l’extérieur des magasins pour huit catégories de produits durant trois week-ends à la fin du mois de juillet et au début du mois d’août.
Le coefficient multiplicateur, s’il était utilisé, serait pourtant un outil très efficace pour éviter les situations dans lesquelles les producteurs sont obligés de travailler à perte.
Certains craignent que ce mécanisme ne présente plus d’inconvénients que d’avantages. Vous aviez évoqué, monsieur le ministre, la question des importations en provenance d’Amérique du Sud ou d’autres continents.
La concurrence libre et non faussée, qui exacerbe les rapports déséquilibrés dans les relations commerciales, a déjà des effets pervers. Nous l’avons vu récemment en Europe avec la crise du lait.
Aussi, nous vous demandons d’élargir le dispositif du coefficient multiplicateur à l’ensemble des produits agricoles et alimentaires périssables.
M. le président. L'amendement n° 534 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Fortassin et Tropeano, Mme Laborde et MM. de Montesquiou, Plancade, Marsin, Baylet, Barbier, Mézard, Milhau, Vall, Chevènement, Alfonsi et Detcheverry, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « fruits et légumes périssables » sont remplacés par les mots : « produits mentionnés à l'article L. 441-2-1 » ;
2° La première phrase du premier alinéa, est complété par les mots : « ou lorsque l'Observatoire défini à l'article L. 692-1 constate une évolution injustifiée des prix et en alerte les pouvoirs publics » ;
3° Dans le deuxième alinéa, les mots : «, dans une limite qui ne peut excéder trois mois, » sont supprimés.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Mêmes causes, mêmes effets !
La loi relative au développement des territoires ruraux a introduit la possibilité d’instaurer un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des fruits et légumes en cas de crise conjoncturelle ou en prévision de celle-ci.
Cet amendement vise à étendre ce dispositif à l’ensemble des produits agricoles périssables et à prévoir sa mise en œuvre non seulement en cas de crise, mais aussi lorsque l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires constate une évolution injustifiée des prix et en alerte les pouvoirs publics.
C’est un des rôles que nous aurions aimé voir jouer par cet Observatoire ; nous en reparlerons à l’article 6.
Enfin, nous le constatons aujourd’hui, une crise conjoncturelle peut se prolonger. C’est pourquoi notre amendement prévoit de supprimer la mention aux termes de laquelle la durée d’application d’un tel coefficient est limitée à trois mois.
Cela étant, nous sommes réalistes : cette mesure restera lettre morte si elle ne s’accompagne pas d’une réelle volonté des pouvoirs publics de la mettre en œuvre. Rien ne s’opposait à son application pour les fruits et légumes : le décret d’application est paru au Journal officiel en juillet 2005 et la crise a été avérée.
On peut comprendre l’hostilité de la distribution, monsieur le ministre, mais un coup de semonce de trois mois n’aurait pas été inutile !
M. le président. L'amendement n° 151 rectifié bis, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l'article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigée :
« Un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le prix de vente des produits agricoles périssables mentionnés à l'article L. 441-2-1 du code de commerce peut être instauré en période de crises conjoncturelles définies à l'article L. 611-4 ou en prévision de celles-ci.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Il s’agit du troisième amendement portant sur le coefficient multiplicateur, le quatrième sera présenté par M. Teston dans quelques instants.
Comme cela a déjà été dit, grâce à la loi relative au développement des territoires ruraux, qui a été votée en février 2005, l’État dispose d’un outil – le coefficient multiplicateur – qui pourrait lui permettre de fixer un taux légal à ne pas dépasser entre le prix d’achat au fournisseur et le prix de vente au consommateur, taux qui s’appliquerait, d’ailleurs, à l’ensemble des intermédiaires dans le secteur des fruits et légumes en période de crise conjoncturelle.
Je rappelle que le problème essentiel n’est pas uniquement celui de la relation entre l’amont et l’aval, entre le producteur et la grande surface. Il concerne tout le circuit de distribution.
L’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime précise que nous sommes en situation de crise conjoncturelle lorsque le prix de cession des produits agricoles par les producteurs ou leurs groupements reconnus est anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des périodes correspondantes des cinq dernières campagnes.
Au regard de la situation du secteur des fruits et légumes et de la plupart des filières agricoles, la crise conjoncturelle est incontestable. Nous pouvons même craindre qu’il ne s’agisse d’une crise structurelle, autrement dit une crise conjoncturelle qui reviendrait tous les ans.
Vous notez, monsieur le ministre, dans le dossier de presse du 17 mai 2010 – Odette Herviaux a cité un autre extrait de ce dossier : vous le constatez, nous lisons les dossiers de presse –, que « la filière des fruits et légumes est confrontée à des variations de prix majeures qui peuvent atteindre le stade de la crise conjoncturelle avérée. Cette crise se caractérise par une baisse importante des prix de cession des producteurs aux différents acheteurs. Or le prix payé par le consommateur ne diminue pas systématiquement dans les mêmes proportions. ».
Vous faites le bon constat, mais vous n’êtes pas disposé à utiliser un outil existant pour les fruits et légumes : le coefficient multiplicateur.
Vous avez préféré introduire dans le projet de loi un nouveau dispositif permettant d’inciter les distributeurs à s’engager dans un accord de modération des marges, en mettant en place une imposition spécifique additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales. Je ne reviens pas sur ce point qui a été évoqué à plusieurs reprises.
Nous considérons que cette intervention est tardive – néanmoins, mieux vaut tard que jamais – puisque le secteur des fruits traverse depuis l’année dernière une crise majeure.
Nous pensons également que ce dispositif sera difficile à mettre en œuvre et n’aura que peu de conséquences concrètes.
Quel sera le bénéfice réel pour les agriculteurs en temps de crise ? Il serait important de considérer les deux bouts de la chaîne de commercialisation et l’ensemble du circuit.
Nous vous demandons d’activer le coefficient multiplicateur en parallèle des accords de modération des marges afin de confirmer votre volonté d’agir sur la transparence des relations commerciales et sur la répartition de la valeur ajoutée. Selon nous, c’est, si vous me permettez cette expression, ceinture et bretelles ! Cela aurait un effet très positif.
Notre amendement vise à élargir la possibilité de recourir à cet outil en période de crise conjoncturelle pour tous les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, ainsi que pour les produits de la pêche ou de l’aquaculture, mais j’ai cru comprendre que les professionnels de ces deux derniers secteurs ne demandaient rien de tel.
Si le secteur des fruits et légumes a été particulièrement sinistré, il occupe le devant de la scène médiatique. À l’approche de l’été, nous adresserions un signe important aux arboriculteurs et aux maraîchers en adoptant cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 152 rectifié, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l'article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est complétée par les mots :
ou lorsque l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires défini à l'article L. 692-1 fait la constatation de marges excessives ou injustifiées au cours des transactions au sein de la chaîne alimentaire
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. L’article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime introduit la possibilité, en période de crise conjoncturelle, d’instaurer un coefficient multiplicateur encadrant les marges des fruits et légumes périssables par la limitation du rapport entre le prix d’achat et le prix de vente.
Ce sont les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture qui décident d’utiliser cet instrument, et qui fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d’application, dans une limite qui ne peut excéder trois mois, ainsi que les produits visés après consultation des organisations professionnelles agricoles.
Or, même en cas de crise avérée, le Gouvernement n’a pas souhaité activer cet outil.
Nous regrettons ce choix, car une activation rapide du coefficient multiplicateur aurait permis de modérer les marges de la distribution et de répercuter la baisse des prix agricoles sur les prix à la consommation.
L’article 6 du projet de loi institutionnalise l’existence de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires au sein de la chaîne de commercialisation.
Nous vous présenterons quelques amendements visant à renforcer ses missions et à rendre plus effectifs ses travaux.
Dès à présent, nous vous proposons de lier le déclenchement du coefficient multiplicateur aux analyses de l’Observatoire.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé que, en plus du rapport transmis chaque année au Parlement, l’Observatoire serait amené à présenter des publications mensuelles et à analyser les données brutes sur les prix.
Nous estimons donc que lorsque l’Observatoire fera le constat de marges indues dans la chaîne de commercialisation, il devra alerter les pouvoirs publics, ce qui pourra conduire à l’activation du coefficient multiplicateur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Le coefficient multiplicateur a été mis en place en 2005 par la loi relative au développement des territoires ruraux, dont notre collègue Jean-Paul Emorine a été rapporteur au Sénat.
Notre collègue Daniel Soulage avait beaucoup œuvré pour le coefficient multiplicateur, qui concerne le seul secteur des fruits et légumes frais.
Le mécanisme est le suivant : en période de crise ou lorsqu’une crise s’annonce, le Gouvernement fixe par décret pour trois mois au maximum un rapport entre le prix de vente du produit au consommateur et le prix payé au producteur.
Le coefficient multiplicateur ne garantit pas le relèvement des prix à la production, mais assure la répercussion à l’acheteur des baisses de prix pour relancer la consommation et ainsi mieux écouler les produits.
Ce mécanisme n’a jamais été mis en œuvre, et ce pour au moins deux raisons.
La première tient à la complexité du système, qui prévoit un taux identique quel que soit le stade de commercialisation auquel le coefficient multiplicateur s’applique. Or il existe plusieurs intermédiaires dans la chaîne : le producteur, le grossiste, le distributeur. Comment décomposer le coefficient multiplicateur aux différentes étapes ?
En outre, l’application du coefficient multiplicateur, comme tout mécanisme de contrôle des prix, demande des moyens administratifs de contrôle considérables.
La seconde raison est que le coefficient multiplicateur pourrait favoriser les importations provenant de pays à bas coûts, comme M. le ministre nous l’a rappelé lors des questions cribles thématiques du 13 octobre 2009.
Voilà pourquoi le mécanisme du coefficient multiplicateur est à examiner avec beaucoup de prudence.
Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche met en œuvre d’autres instruments. Le Gouvernement propose un mécanisme de modération des marges, notre collègue Didier Guillaume l’a rappelé à l’instant, qui vise à faire face aux situations de crise conjoncturelle.
La commission est donc défavorable aux amendements nos 269 rectifié, 534 rectifié, 151 rectifié bis et 152 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis est également défavorable. Je ne reprendrai pas l’excellente argumentation développée par M. le rapporteur.
À titre personnel, je n’ai jamais été tout à fait convaincu par le coefficient multiplicateur. Quand je vois l’empressement de la grande distribution à accepter ce mécanisme, je me dis qu’il ne doit pas être très favorable pour les producteurs.
En revanche, le temps qui a été nécessaire pour aboutir à la signature de l’accord qui a été conclu lundi dernier tend à prouver que ce dispositif sera sans doute plus efficace. Testons donc ce dispositif.
Je présenterai dans quelques instants un amendement, qui prévoit un régime de sanctions très dur. Il sera à même d’apporter une réponse à la difficile modération des marges en période de crise pour donner du revenu aux producteurs.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l'amendement n° 534 rectifié.
M. Didier Guillaume. Je souhaitais m’exprimer sur l’amendement n° 151 rectifié bis, mais mon explication de vote vaut pour les quatre amendements que nous examinons.
Nous avons déjà eu cette discussion en commission. Nous ne sommes pas à l’origine de la loi instaurant le coefficient multiplicateur.
Ce mécanisme n’a jamais été mis en œuvre, au grand désespoir de notre collègue Daniel Soulage. Avant de dire qu’il ne fonctionne pas, testons-le !
Monsieur le ministre, je vous ai proposé de mixer les deux dispositifs. Lorsque nous avons déposé l’amendement n° 151 rectifié bis, qui porte sur le coefficient multiplicateur, nous ne connaissions pas encore la position du Gouvernement et l’accord conclu avec la grande distribution.
S’il n’y a pas eu d’empressement autour du coefficient multiplicateur, il n’y en a pas eu non plus pour l’accord qui a été signé lundi dernier ! Les choses sont ouvertes.
Compte tenu des contraintes que vous faites peser en prévoyant de retenir la moyenne des prix observés lors de trois des cinq dernières campagnes, le dispositif risque de ne pas avoir suffisamment d’effet pour les producteurs.
Or si cette loi est faite pour la grande distribution, pour les consommateurs, pour la modernisation de notre agriculture, elle est faite également pour les producteurs, afin qu’ils puissent vivre de leur production.
Essayons au moins ce coefficient multiplicateur puisque la loi nous y autorise ! Sur quasiment toutes nos travées, un consensus se dégage pour considérer qu’il s’agit d’un bon mécanisme. Pourquoi ne pas le tester ? Si son application se révélait inefficace, dont acte !
Ne pas essayer ce dispositif, au moins de manière temporaire, pour faire face à la crise conjoncturelle de la campagne d’été, par exemple, reviendrait à se priver d’un élément, d’une « cartouche » susceptible de regonfler le moral et le budget de nos arboriculteurs !
J’avais initialement rédigé cet amendement pour le seul secteur des fruits et légumes, mais après en avoir discuté avec les collègues de mon groupe il nous a semblé pertinent de l’étendre aux denrées périssables. Si une telle extension pose un problème et constitue un danger au regard des importations, je suis prêt à modifier mon amendement afin qu’il ne concerne plus que les fruits et légumes.
Essayer ce mécanisme, ce ne sera peut-être pas l’adopter, mais cela pourrait sans doute permettre d’ouvrir de nouvelles perspectives pour nos arboriculteurs.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. On peut comprendre que la grande distribution n’ait pas peur du coefficient multiplicateur…
Cette mesure a été adoptée sur la proposition de notre collègue Daniel Soulage, lors de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Nous déposions des amendements en ce sens depuis des années, nous avons donc voté cet amendement.
Par la suite, quand cette disposition aurait pu être appliquée, un certain nombre de décrets sont intervenus pour introduire des références aux années précédentes, au cours moyen, à une définition de la crise dont les critères sont quasi impossibles à réunir. On a donc créé les conditions pour que ce coefficient multiplicateur soit totalement inapplicable, raison pour laquelle il est totalement inappliqué.
On nous dit maintenant que ce coefficient multiplicateur pourrait favoriser les importations. Effectivement, jusqu’à aujourd’hui, on n’a pas trouvé la recette pour freiner les importations abusives, qui permettent à la grande distribution de gagner beaucoup d’argent sur le dos des clients, en achetant à très bas prix et en dégageant des marges exceptionnelles.
La seule solution qui nous reste consiste à agir auprès des consommateurs, en leur expliquant qu’acheter des produits étrangers – venant du Chili ou de je ne sais où, peut-être de certains pays communautaires, puisque, en Europe même, on ne joue pas le jeu communautaire ! – revient à tuer nos paysans. Il faut vraiment faire prendre conscience aux consommateurs qu’en achetant étranger ils tuent leurs agriculteurs !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 151 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 657 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le chapitre XIII du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« Chapitre XIII : Taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales
« Art. 302 bis Z. - I. - Sont soumises à une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales prévue par l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, les personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée qui satisfont aux conditions suivantes :
« - elles achètent et revendent en l’état ou après conditionnement à des personnes autres que des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée agissant en tant que tels, des pommes de terre, bananes et des fruits ou des légumes mentionnés à la partie IX de l’annexe I du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur ;
« - elles ne sont pas parties à des accords de modération des marges de distribution des fruits et légumes frais mentionnés à l’article L. 611-4-1 du code rural et de la pêche maritime.
« II. - Sont exonérées de cette taxe les personnes qui satisfont aux conditions suivantes :
« - elles exploitent des établissements dont le chiffre d’affaires annuel afférent aux ventes de fruits et légumes mentionnés à l’alinéa 2 du I est inférieur à 100 millions d’euros ;
« - elles ne sont pas liées contractuellement à un groupement de distributeurs dont le chiffre d’affaires annuel afférent aux ventes de fruits et légumes mentionnés à l’alinéa 2 du I est supérieur à 100 millions d’euros.
« III. - Pour l’application du II, le chiffre d’affaires d’un groupement de distributeurs est réputé correspondre à la somme des chiffres d’affaires des membres de ce groupement.
« IV. - Le montant de la taxe est égal à trois fois le produit entre, d’une part, le montant dû au titre de la taxe sur les surfaces commerciales par les personnes mentionnées au premier alinéa du I, d’autre part, le rapport entre le montant total des ventes de fruits et légumes mentionnés à l’alinéa 2 du I, et le chiffre d’affaires total.
« V. - La taxe est déclarée et acquittée lors du dépôt de la déclaration relative à la taxe sur les surfaces commerciales, et due au titre de l’année. Toutefois, pour l’année 2010, la taxe est déclarée sur une déclaration conforme à un modèle fixé par l’administration et déposée au plus tard le 31 décembre 2010.
« VI. - La taxe est liquidée, recouvrée et contrôlée sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée.
« Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
« VII. - L’exonération prévue au II est subordonnée au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis. »
II. - Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
a) Les alinéas 2 et 3 de l’article L. 611-4 sont supprimés.
b) Après l’article L. 611-4, il est rétabli un article L. 611-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 611-4-1. - Les personnes mentionnées au I de l’article 302 bis Z du code général des impôts peuvent conclure chaque année avec l’État des accords de modération des marges de distribution des fruits et légumes frais.
« Ces personnes doivent, lorsqu’elles sont liées contractuellement à une centrale d’achat ou à une centrale de référencement ou associées à un groupement d’achat, mandater le responsable de cette centrale ou de ce groupement pour signer en leur nom les accords prévus à l’alinéa précédent.
« La marge de distribution visée au premier alinéa s’entend de la différence entre le prix de revente hors taxe au consommateur du produit et son prix d’achat hors taxe.
« Ces accords, dont le contenu est précisé par décret en Conseil d’État, sont signés avant le 1er mars de chaque année. Pour l’année 2010, ils sont signés au plus tard un mois après la publication de ce décret. Ils entrent en application dès que la situation de crise conjoncturelle définie à l’article L. 611-4 est constituée.
« Les personnes mentionnées au I de l’article 302 bis Z du code précité ou le groupement de distributeurs dont elles dépendent rendent compte à la demande des ministres chargés de l’agriculture et de l’économie de l’application des accords.
« Le non-respect des accords ou le retard dans leur mise en œuvre est sanctionné d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d’euros. L’amende doit être proportionnée à la gravité des faits constatés, au vu notamment du volume de produits en cause et de la durée des périodes de crise. L’action est introduite devant la juridiction civile compétente par le ministère public, par le préfet, par le ministre chargé de l’agriculture ou le ministre chargé du commerce. »
La parole est à M. le ministre.