Mme la présidente. L’amendement n° 139 est-il maintenu, monsieur Bérit-Débat ?
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le ministre, je n’ai pas dû lire le même texte que vous ! Où est-il inscrit que cette commission sera placée sous l’autorité de l’État ? Il n’est précisé nulle part par qui elle sera présidée !
Bien que je sois plutôt enclin à vous faire confiance, je préfère tout de même maintenir mon amendement. Nous verrons ainsi comment nous nous départagerons, après ce détour par le Périgord et la Dordogne !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César, rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Comprenant tout à fait que notre collègue souhaite avoir des précisions, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que la présidence de la commission de médiation sera bien confiée à un haut fonctionnaire ? Au demeurant, nous reviendrons sur cette question tout à l’heure, lors de l’examen d’un amendement déposé par le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je veux bien, pour faire avancer le débat, prendre l’engagement, au nom du Gouvernement, que cette commission, quelle que soit, je le répète, l’appellation qui sera finalement retenue, sera présidée par un haut fonctionnaire et non par une haute personnalité. Cette précision figurera dans le décret.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat
M. Claude Bérit-Débat. Je vous donne acte, monsieur le ministre, de votre engagement, et je retire donc cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 139 est retiré.
L’amendement n° 648, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Compléter cet alinéa par les mots :
après avis des interprofessions concernées
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre d’entre vous, appartenant notamment au groupe de l’Union centriste, ont fait part de leur préoccupation au sujet de la médiation dont il vient d’être question. Ils s’inquiètent de ce qu’elle puisse être mise en œuvre sans l’avis des interprofessions concernées.
Jugeant cette remarque pertinente, le Gouvernement propose d’ajouter, à la fin de l’alinéa 20, les mots « après avis des interprofessions concernées », afin que la médiation puisse bien associer les professionnels à la discussion.
Si cet amendement était adopté, nous proposerions, dans le cours de la discussion, de supprimer l’alinéa 6 de l’article 7, qui prévoit de confier aux organisations professionnelles un éventuel rôle de médiation.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 679, présenté par M. Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1 de l’amendement n° 648
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I. - Alinéa 20
Remplacer les mots :
une commission de médiation dont la composition et
par les mots :
un médiateur dont
La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Nous avons toujours considéré que le contrat présentait des avantages et une amélioration sensible apportée à la commercialisation des produits. Nous estimons toutefois que l’on peut encore aller plus loin. Il nous paraît en effet essentiel, lors de la conclusion d’un contrat entre des parties qui n’ont ni la même force, ni la même organisation, ni les mêmes moyens, ni, parfois, les mêmes objectifs, qu’un médiateur puisse intervenir, plutôt que de risquer d’aller jusqu’à la rupture qui ferait exploser le contrat en vol.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous proposons de sous-amender l’amendement n° 648, pour revenir quasiment au texte initial. Il s’agit, à l’alinéa 20, de remplacer les mots « une commission de médiation dont la composition et » par les mots « un médiateur dont ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous sommes favorables à ce que la commission de médiation soit remplacée par un médiateur. Au travers de ce sous-amendement, l’objectif du groupe de l’Union centriste et en particulier de Daniel Dubois est de renforcer le rôle de la médiation, ce qui nous paraît tout à fait opportun.
Je précise toutefois, afin qu’il ne subsiste aucune ambiguïté dans l’esprit des membres du groupe socialiste, que ce médiateur sera un haut fonctionnaire.
La discussion nous a donc permis de progresser, puisque nous serons passés d’une commission de médiation sans définition précise à un médiateur haut fonctionnaire chargé de résoudre les difficultés éventuelles lors de la conclusion des contrats.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. M. le ministre vient d’expliquer la différence fondamentale existant entre une commission de médiation et un médiateur. Ce dernier interviendra facultativement, à la demande des parties, pour aplanir les difficultés susceptibles de survenir.
Aussi, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 648 du Gouvernement, ainsi que sur le sous-amendement n° 679, qui vise à préciser fort opportunément le rôle que nous entendons faire jouer aux interprofessions.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 679.
M. Claude Bérit-Débat. Ainsi, d’une commission de médiation on passe à un médiateur !
M. Gérard César, rapporteur. Oui !
M. Claude Bérit-Débat. Or l’une et l’autre obéissent à des logiques totalement différentes.
Monsieur le ministre, vous soutenez d’abord l’idée d’une commission de médiation, paritaire et placée sous l’autorité de l’État. Puis vous acceptez le principe d’un médiateur, qui, lui, sera nommé. Cela change le sens de la réponse que vous m’avez faite tout à l’heure : comment ce dernier réussira-t-il à faire la parité à lui tout seul ?
Il est pour le moins curieux de remplacer une commission de médiation par un médiateur.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Si tant est que j’aie bien saisi le sens de votre observation, monsieur le sénateur, il me semble que l’objet du sous-amendement n° 679 répond à votre préoccupation.
Le médiateur sera un haut fonctionnaire, c’est-à-dire un représentant de l’État. C’est la garantie que l’intérêt général et l’équilibre entre les parties seront préservés.
Par ailleurs, si l’amendement du Gouvernement est adopté, le médiateur ne pourra être saisi qu’après avis des interprofessions concernées. Aussi, celles-ci conservent toute leur place, en dépit du remplacement de la commission de médiation par un médiateur.
Enfin, le mot « médiateur » est un terme générique pour désigner une autorité publique. Voilà qui est conforme à notre engagement. Évidemment, cette personnalité ne travaillera pas isolément. Lorsqu’il était médiateur du crédit, René Ricol s’était adjoint les services d’une vingtaine de personnes au moins pour s’acquitter de son immense tâche. Pour autant, il a toujours été question d’un « médiateur du crédit », et non d’une « commission de médiation du crédit ».
Ce qui me paraît indispensable, c’est qu’un arbitre puisse, sous l’autorité des pouvoirs publics, intervenir au cas où la négociation des contrats entre les parties ne se déroulerait pas bien.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. L’objectif, finalement, c’est de tendre vers une plus grande efficacité et une plus grande réactivité. Tous ceux qui ont négocié des contrats savent pertinemment que, pendant la phase de discussion, des blocages peuvent survenir, blocages qui sont parfois synonymes d’échecs, surtout quand les parties ne jouissent pas d’une influence identique.
Maintenir la commission de médiation signifierait que, en cas de blocage, il faudrait engager une nouvelle négociation pour permettre la signature, dans de bonnes conditions, des contrats, et ce dans un contexte de marché sans doute difficile.
Acteur unique, le médiateur sera donc un facilitateur, un gage d’efficacité.
M. Gérard César, rapporteur. Voilà !
M. Daniel Dubois. A contrario, avant de réunir, éventuellement, la commission de concertation, il aurait été nécessaire de s’interroger préalablement sur le bien-fondé de cette démarche et, le cas échéant, sur la disponibilité de tous ses membres.
En sa qualité de haut fonctionnaire de la République, le médiateur apportera la garantie que les contrats entre les parties seront négociés et conclus en toute équité.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Je suis également quelque peu surpris par un tel revirement, puisque la création de cette commission de médiation était une promesse.
Je n’ai aucunement l’intention de rendre les choses plus complexes, mais ne pourrait-on envisager qu’en cas de désaccord persistant entre les parties, y compris après l’intervention d’un médiateur, une commission paritaire tranche définitivement ? Je suis gêné que l’on supprime ainsi un mode de gestion démocratique des contrats.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Cette partie de ping-pong ne manque pas d’être quelque peu surprenante. Voilà quelques minutes, M. le ministre avalisait le principe de la commission de médiation, présidée par une personnalité présentant, nous assurait-il, toutes les garanties nécessaires. Immédiatement après, cette commission est remplacée par un médiateur !
Notre collègue Daniel Dubois nous assure que celui-ci permettra, comme son nom l’indique, d’ouvrir des négociations dès qu’une situation de blocage apparaîtra. Il n’est pas dans mes propos d’émettre un jugement de valeur sur le médiateur et sa mission, mais je déplore, au nom du groupe socialiste, que la commission de concertation, dont nous avons débattu en détail tout à l’heure, soit supprimée, comme par artifice, au profit d’un médiateur. On ne parle pas de la même chose.
Aussi, j’aimerais que le Gouvernement nous indique clairement sa position.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Mirassou, soit vous considérez que le débat nous permet de progresser dans notre réflexion, soit vous vous contentez de vous prononcer sur les dispositions soumises à votre vote.
Ce projet de loi a l’immense intérêt de susciter, sur des questions essentielles, des débats de fond qui nous permettent de progresser. Je vous renvoie, par exemple, au vote de l’amendement n° 261 de M. Le Cam visant à interdire le retour au producteur des produits acceptés par l’acheteur lors de la livraison.
Je n’ai qu’un seul souhait : que la médiation soit la plus efficace possible.
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous aussi !
M. Bruno Le Maire, ministre. Une majorité s’est dégagée, estimant que cet objectif ne pourrait être atteint qu’à la condition que cette médiation soit placée sous l’autorité des pouvoirs publics, ainsi que l’ont demandé, d’ailleurs, les syndicats agricoles. Cette solution n’allait pas forcément de soi : je signale que des médiations issues d’initiatives privées remplissent parfaitement leur rôle.
Ensuite, la question s’est posée du choix entre un médiateur et une commission de médiation. Le groupe de l’Union centriste, par la voix de Daniel Dubois, s’est prononcé en faveur d’un médiateur clairement identifié, considérant, non sans raison, que cette solution présentait l’avantage de personnaliser davantage la médiation.
Conformément à notre engagement, ce médiateur sera un haut fonctionnaire, représentant des pouvoirs publics. Ainsi, en cas de litige entre les industriels et les producteurs, il tranchera en respectant strictement l’intérêt général, et non en privilégiant tel ou tel intérêt particulier.
Ces garanties répondent, me semble-t-il, aux exigences que vous avez posées, les uns et les autres.
Mme la présidente. L’amendement n° 487, présenté par M. Marc, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, Fichet, S. Larcher, Lise, Madec, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22,
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la vente d’un produit doit faire l’objet d’un contrat écrit en application du présent article, tout contrat doit comprendre, le cas échéant, les clauses rendues obligatoires par décret. Ces clauses déterminées par décret peuvent être complétées par un guide des bonnes pratiques contractuelles, à caractère volontaire et ne pouvant faire l’objet d’une extension, élaboré par filière au sein des interprofessions. Ce guide ne peut en aucun cas comprendre des dispositions de nature à placer le producteur en état de dépendance, ou dans un quelconque lien de subordination, vis-à-vis de l’acheteur.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Nous souhaitons aller au-delà des simples contrats types en permettant aux interprofessions d’établir, en complément, des guides de bonnes pratiques contractuelles.
Cet amendement vise à préserver au maximum le pouvoir de décision économique des producteurs et à éviter les « dérives intégratives », comme l’illustre, en particulier en Bretagne, le secteur de la volaille.
Le mécanisme est le suivant : intégrés à la politique des abatteurs, qui sont également marchands d’aliments, les éleveurs de volailles de chair signent des contrats annuels avec leurs donneurs d’ordres. En échange d’un prix fixé à l’avance pour chaque kilogramme de viande en poids vif, l’éleveur prend à sa charge le coût du bâtiment et de l’énergie, les frais vétérinaires et les risques de pertes par mortalité. Or, au fil des ans, ces contrats sont devenus de moins en moins rémunérateurs.
En sept ans, la production de volailles de chair a diminué de 25 % en Bretagne. Une étude officielle annonce d’ailleurs que cette tendance va se poursuivre.
Dans leur rapport, Gérard César et Charles Revet l’indiquent clairement : « Le bilan des contrats d’intégration dans le secteur de la volaille n’est pas jugé positivement : si cette technique a permis à l’industrie de sécuriser ses approvisionnements, les producteurs estiment cependant y avoir perdu leur liberté économique, sans pour autant y gagner de meilleurs prix. »
À la lumière de cet exemple particulièrement instructif, nous proposons de rendre possibles des adaptations territoriales des contrats et, bien entendu, de préserver le pouvoir de négociation.
Le système interprofessionnel peut parfois fonctionner dans des conditions déséquilibrées. Pour trouver les moyens d’y remédier, il est nécessaire de s’appuyer sur l’expérience du passé en optant pour une solution de nature à satisfaire les interprofessions. Dès lors que les clauses sont connues, la définition claire de bonnes pratiques contractuelles susceptibles d’être adaptées localement pour tenir compte des pratiques professionnelles régionales permettra d’offrir des conditions plus satisfaisantes aux interprofessions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Par son amendement, notre collègue propose d’accompagner les contrats par des guides de bonnes pratiques contractuelles.
Les accords interprofessionnels peuvent prévoir de tels documents. Par ailleurs, pour les contrats imposés par décret, une circulaire précisera certainement l’interprétation devant être faite de celui-ci.
Dans la mesure où il n’est pas très utile de prévoir une telle adjonction dans la loi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Je précise à l’intention de M. Marc que nous sommes totalement opposés au modèle d’intégration, dont les contrats se différencient radicalement. D’ailleurs, nous avons pris toutes les dispositions pour éviter que les circulaires d’application ne fassent référence à ce modèle d’intégration.
Cet amendement me gêne, car, au fond, il sous-tend l’idée que, dans un premier temps, il faut faire confiance aux interprofessions en les laissant autonomes, cependant que, dans un second temps, l’État peut être amené à intervenir si elles ne parviennent pas à s’accorder sur un modèle de contrat. Cela revient à dire que, puisque l’on ne fait pas vraiment confiance aux interprofessions, on va leur imposer des règles dans l’élaboration de ces contrats.
Il me paraît difficile de reprendre d’une main ce qu’on a donné de l’autre. Les interprofessions ayant établi un guide de bonnes pratiques prennent leurs décisions à l’unanimité. Cela signifie que le collège des producteurs aura, de toute façon, son mot à dire. Aussi, ou bien l’on fait confiance aux interprofessions pour s’accorder sur un contrat – c’est ce qui est proposé par le texte –, ou bien on ne leur fait pas confiance et on leur impose d’emblée un modèle de contrat.
L’adoption de cette dernière solution conduirait à revenir sur ce que vous avez vous-même proposé.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Monsieur le ministre, je ne peux qu’écarter vos objections, car, contrairement à ce que vous dites, il n’est nullement dans notre intention d’imposer, de façon arbitraire ou autoritaire, un modèle de contrat.
Notre amendement prévoit simplement la possibilité de compléter les clauses de ce contrat par « un guide de bonnes pratiques contractuelles, à caractère volontaire et ne pouvant faire l’objet d’une extension, élaboré par filière au sein des interprofessions ». Notre objectif est d’offrir aux producteurs une protection supplémentaire qu’eux-mêmes réclament. Nourries de leur expérience dans les régions, les interprofessions demandent aujourd’hui qu’on aille au-delà de ces contrats types et qu’on leur offre la possibilité, de manière volontaire, de recourir à un guide de bonnes pratiques contractuelles.
Cet amendement a donc tout son sens, et j’invite mes collègues à le voter.
Mme la présidente. L’amendement n° 676, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Supprimer les mots :
de la direction générale
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 508 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, J. Blanc, Carle et Bailly, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions de la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime s’appliquent également aux organisations de producteurs visées au 4° de l’article L. 551-1.
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Cet amendement vise à ouvrir le dispositif de contractualisation aux organisations de producteurs à vocation commerciale.
Le projet de loi tend à développer la contractualisation, afin de stabiliser les prix et d’assurer aux producteurs une meilleure visibilité sur leurs débouchés. Ce dispositif aura un effet réellement positif si, au lieu de se limiter à la relation entre producteurs et premiers metteurs en marché, il s’applique à l’ensemble des opérateurs intervenant tout au long de la chaîne.
Dans les filières dites « longues », les producteurs ne sont pas directement confrontés à la transformation et au commerce ; ils se regroupent au sein d’organisations de producteurs. C’est précisément entre ces organisations et leurs acheteurs que la nouvelle politique envisagée pourra le mieux déployer son efficacité et rétablir une certaine équité.
C’est pourquoi nous proposons que l’obligation de conclure des contrats soit étendue aux relations entre les organisations de producteurs à vocation commerciale et leurs acheteurs.
Il paraît en effet important de conforter les capacités de négociations des organisations de producteurs pour permettre aux agriculteurs de peser collectivement dans les discussions commerciales. Je pense, en particulier, aux professionnels qui unissent leurs moyens pour améliorer leur production et rencontrent des conditions très différentes selon les territoires, notamment en montagne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Monsieur Jarlier, votre amendement me paraît satisfait par la rédaction actuelle de l’article 3, qui précise : « La conclusion de contrats de vente écrits entre producteurs et acheteurs, ou entre opérateurs économiques visés au premier alinéa de l’article L. 551-1, propriétaires de la marchandise, et acheteurs, peut être rendue obligatoire […] »
Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je propose également à M. Jarlier de retirer son amendement, dans la mesure où la nouvelle rédaction de l’article 3 répond à sa demande.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote.
M. Jean Boyer. Puisque l’amendement est satisfait, nous le sommes également ! Il s’agissait de répondre en particulier à l’aspiration des professionnels des filières bovines et ovines. En effet, les éleveurs étaient jusqu’ici quelque peu livrés à eux-mêmes et aspiraient à la mise en place d’une chaîne de commercialisation allant du petit producteur à l’abatteur.
Mme la présidente. Monsieur Jarlier, l’amendement n° 508 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier. Si la contractualisation avec les organisations de producteurs à vocation commerciale est effectivement possible, j’accepte de retirer mon amendement, puisqu’il est satisfait.
Mme la présidente. L’amendement n° 508 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote sur l’article 3.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais préciser notre position à l’égard de l’article 3, car nous abordons là le fond du problème, si je puis m’exprimer ainsi. Comme l’a si bien dit mon collègue Paul Raoult, on y trouve un certain nombre d’éléments qui soulignent combien nous pouvons parfois avoir une vision différente de l’agriculture.
Depuis le début des débats, nous n’avons cessé de défendre une régulation publique de l’offre au niveau européen, en insistant sur l’importance de prendre en compte la volonté plus ou moins forte des États de mettre en place les moyens humains et financiers nécessaires. Il convient de faire en sorte que le modèle agricole puisse se perpétuer, comme cela a été le cas en France.
Nous voulons une agriculture forte, performante si ce n’est compétitive, « écoproductive », une agriculture rémunératrice, plus juste, plus équitable, une agriculture pourvoyeuse d’emplois tout en garantissant des systèmes de production variés, une agriculture aménageuse du territoire.
Tel a été le discours que nous avons répété, comme un leitmotiv, tout au long de la défense de nos différents amendements.
Chacun l’a reconnu, les contrats peuvent avoir leur utilité : ils constituent parfois des garde-fous nécessaires contre certaines pratiques, notamment dans le cadre des coopératives ; il y a eu ainsi de très bons contrats, à l’image des CTE, permettant de prendre en compte l’ensemble des problèmes agricoles.
Toutefois, une contractualisation trop vague et limitée aux relations économiques entre producteurs et acheteurs peut, si l’on n’y prend garde, se révéler dangereuse.
Le dernier amendement dont nous avons débattu illustre bien les inquiétudes des agriculteurs. En effet, comment leur assurer que nous sommes contre tout ce qui pourrait les placer dans un état de dépendance ou de subordination vis-à-vis l’acheteur ?
On nous dit que ces contrats sont à même de garantir des prix plancher, alors même que le texte de loi ne fait référence qu’à des clauses relatives aux critères et modalités de détermination des prix. Vous avez d’ailleurs fait porter la responsabilité de cette faille à l’Europe, monsieur le ministre.
On nous dit également que les organisations professionnelles pourront demander l’application du principe de prix plancher. Il en va de même pour la durée minimale, qui peut varier selon les filières.
La médiation de la puissance publique est absolument nécessaire et les dispositions du texte de loi sont à cet égard insuffisantes. L’absence de reconnaissance expresse du droit à une rémunération équitable, à défaut de garantir les revenus, constitue la principale faiblesse de cet article.
Nous avons déposé des amendements, trop vagues pour certains, visant à garantir un niveau de rémunération décent. Nous avons proposé des contrats respectant le principe de juste rémunération des producteurs et de transparence dans la fixation des prix. Nous avons même demandé, toujours sans succès, que ces derniers soient au moins égaux aux coûts de production incluant la rémunération du travail.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut pas se contenter de dire que la profession agricole serait la seule autorisée dans notre pays à vendre à perte !
C’est pourquoi, malgré la qualité de nos débats et les tentatives honorables de l’ensemble des membres de cette assemblée, nous sommes au regret de voter contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. L’ensemble des mesures que nous souhaitons prendre dans ce domaine ne sauraient être réunies dans un article relatif à la contractualisation.
Je rappelle que, aux termes de l’alinéa 23 de l’article 3 et grâce à l’insistance du Gouvernement, ces dispositions sont d’ordre public. Ainsi, en cas de violation des dispositions relatives à ces contrats, même si le contrat est imparfait, celles-ci seront simplement réputées non écrites.
Une telle précision démontre, une fois encore, notre bonne volonté à tous de faire aboutir cette tentative de contractualisation. Si celle-ci n’a pas la prétention d’atteindre dès aujourd’hui la perfection, elle jouera son rôle dans le cadre de l’interprofession.
Ces contrats vont devoir vivre. Comme chacun le sait, le contrat est la loi des parties, la tâche du législateur se limitant à l’encadrer le plus consciencieusement possible. Il faut espérer que l’interprofession interviendra pour améliorer encore le texte voté par le Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Au cours de ce débat relatif à la rémunération des producteurs dans notre pays, nous avons insuffisamment souligné l’inutilité d’une perpétuelle chasse aux bas prix dans le domaine alimentaire.
En effet, le budget affecté à l’alimentation par les ménages se réduit, tandis que d’importants efforts ont été consentis sur le plan qualitatif. Avoir à disposition de façon permanente des produits alimentaires de qualité a un prix. La recherche aveugle de la baisse des prix n’est pas souhaitable. Je tenais à souligner cet aspect du débat.
Par ailleurs, monsieur le ministre, nous sommes quelques collègues à vouloir obtenir une précision au sujet de la coopération. Nous sommes tous ici, me semble-t-il, favorables à des coopératives vivantes. Pour les producteurs qui s’engagent dans cette voie, les contrats sont actuellement de cinq ans, reconductibles en cas de non-dénonciation dans les six mois précédents.
Comment cela se passera-t-il pour ces producteurs ? Une coopérative peut-elle garantir un prix pour les cinq ans à venir à ses coopérateurs ? Le texte de loi ne répond pas à ces questions.
Il existe dans ma région beaucoup de coopératives laitières, qui regroupent la plupart des producteurs. Vu le hochement de tête de certains de mes collègues, je vois que la question est partagée !
Comment s’appliquera le texte que nous votons à cet instant pour les producteurs faisant partie de coopératives ? Ce point mérite d’être clarifié, monsieur le ministre.