M. Roland Courteau. Cet amendement, auquel François Patriat et Patricia Schillinger sont particulièrement attachés, a lui aussi pour objet d’encadrer la mention d’un ingrédient AOC entrant dans la composition d’un produit.

Les pratiques consistant à incorporer dans la composition d'un produit un ingrédient AOC – vin, fromage, champagne, huile d’olive…  – se développent sans aucun contrôle. En effet, la réglementation en vigueur ne comporte aucune restriction quant à la mention, dans l’étiquetage, d'un tel ingrédient, dont les qualités spécifiques ne sont pourtant en général plus perceptibles dans le produit auquel il a été incorporé.

Ces pratiques sont illégitimes en ce qu'elles permettent à des fabricants de s'approprier indûment la notoriété attachée à une appellation d'origine contrôlée.

Afin de remédier à cette situation et de protéger la notoriété des appellations d’origine contrôlée, le présent amendement tend à encadrer la mention d'un ingrédient AOC entrant dans la composition d'un produit.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 452.

Mme Françoise Férat. Mes collègues ont déjà brillamment défendu cet amendement !

Monsieur le ministre, un dispositif similaire a déjà été adopté par l’Espagne et l’Italie pour protéger leurs appellations contrôlées. Pourquoi la France, pays où les AOC sont les plus nombreuses, les plus connues, les plus prestigieuses, ferait-elle moins bien que ses voisins pour les défendre ?

Alors qu’un producteur est soumis au respect de règles nombreuses et rigoureuses avant d’être autorisé à mentionner l’AOC sur son étiquetage, tout fabricant qui ajoute quelques gouttes, quelques grammes, quelques miettes d’un ingrédient AOC, la plupart du temps indétectable à l’analyse et à la dégustation, dans la composition de son produit peut mentionner sans aucune restriction le nom de cette appellation sur l’étiquette.

Cette situation paradoxale et tout à fait inacceptable nécessite sans doute l’intervention du législateur, d’où le dépôt de cet amendement. J’ai appris hier qu’un fabricant de shampooing faisait figurer le mot « champagne » dans le nom de son produit !

Mme Nathalie Goulet. « Calvados », cela ne faisait pas sérieux ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. À Bordeaux, nous avons le même problème ! (Nouveaux sourires.)

Les produits élaborés qui ne peuvent se prévaloir d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée peuvent cependant contenir des produits bénéficiant d’un tel label, qui est souvent mis en avant pour des raisons commerciales. Or, l’utilisation massive des produits AOP en tant qu’ingrédients peut nuire à leur réputation.

Ces trois amendements ne sont vraisemblablement pas compatibles avec les règles communautaires, mais l’ancien ministre des affaires européennes qu’est M. Le Maire nous donnera tout à l’heure son point de vue sur ce sujet…

En revanche, l’article L. 214-1 du code de la consommation prévoit qu’un décret en Conseil d’État devra intervenir pour réglementer la présentation des denrées alimentaires comprenant un produit sous AOC.

Mes chers collègues, le problème que vous soulevez devrait donc pouvoir être résolu par voie réglementaire. La commission vous demande de bien vouloir retirer vos amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable, en attendant d’entendre celui du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je croyais que le shampooing au champagne n’existait qu’au festival de Cannes ou à Saint-Tropez ! (Sourires.) J’ai donc appris quelque chose !

Je partage totalement les préoccupations manifestées par les auteurs des amendements nos 49 rectifié quater, 442 et 452. Il est hors de question que l’on puisse tromper le consommateur en invoquant de manière fallacieuse des appellations AOP, AOC ou IGP.

Cela étant, comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, nous sommes soumis, en matière d’étiquetage, au droit communautaire. Nous ne pouvons donc pas agir par la voie législative.

J’indique aux auteurs des amendements que j’enverrai dès mardi prochain à la Commission européenne, pour notification, le projet de décret que mes services ont préparé avec ceux de M. Novelli. Si, comme c’est probable, nous obtenons une réponse favorable, nous pourrons, par voie réglementaire, mettre en place un dispositif qui répond très exactement à leur préoccupation.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je vous donne lecture de ce projet de décret tel qu’il est rédigé aujourd’hui :

« Le nom du produit bénéficiant d’une AOP ou d’une IGP peut figurer dans l’étiquetage, la publicité ou la présentation d’un produit élaboré si aucun autre ingrédient comparable n’a été mis en œuvre. On entend par ingrédient comparable tout produit alimentaire substituable totalement ou partiellement à l’ingrédient bénéficiant d’une origine protégée qui a été mis en œuvre. Lorsqu’ont été mis en œuvre dans un produit élaboré des ingrédients comparables à un produit bénéficiant d’une AOP ou d’une IGP, le nom de celui-ci ne peut figurer que dans la liste des ingrédients. »

Cette rédaction permet de bien distinguer les choses, de protéger le consommateur et de mettre en place le même type de réglementation qu’en Italie ou en Espagne.

Sur la base de cet engagement du Gouvernement, je demande à mon tour le retrait des trois amendements.

M. le président. Monsieur Pointereau, l’amendement n° 49 rectifié quater est-il maintenu ?

M. Rémy Pointereau. Je pensais que l’unanimité qui se manifeste dans l’hémicycle sur ce sujet nous vaudrait des avis favorables. Toutefois, dans la mesure où ce projet de décret semble répondre à nos préoccupations, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 49 rectifié quater est retiré.

Monsieur Courteau, l'amendement n° 442 est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 442 est retiré.

Madame Férat, l'amendement n° 452 est-il maintenu ?

Mme Françoise Férat. Non, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 452 est retiré.

L'amendement n° 596, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le I de l'article 2 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les associations de protection de la nature et de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement ont vocation à être représentées au sein des commissions ainsi que dans les comités professionnels ou organismes de toute nature investis d'une mission de service public, ou assurant la gestion de fonds publics ou assimilés, où siègent des représentants des exploitants agricoles.

« La présente disposition n'est pas applicable aux organisations interprofessionnelles. »

II. - Au II du même article, l'année : « 2000 » est remplacée par l'année : « 2011 ».

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 596, 600 et 599, car ils portent globalement sur la même problématique.

M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 600 et 599.

L'amendement n° 600, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 141-6 du code rural et de la pêche maritime est complétée par les mots : « et la présence d'un collège d'associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement ».

L'amendement n° 599, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 511-7 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article ainsi rédigé :

 « Art. L. 511-7-1. - Sont associés aux chambres départementales d'agriculture, des représentants de l'État, des collectivités territoriales, des propriétaires fonciers et des associations de protection de la nature et de l'environnement. »

Veuillez poursuivre, monsieur Muller.

M. Jacques Muller. L’amendement n° 596 a pour objet d'intégrer systématiquement les associations de protection de la nature et de l'environnement agréées dans les instances de concertation sur les questions agricoles.

En effet, de plus en plus, l'avenir de l'agriculture passera par une implication plus forte de l'ensemble de la société dans l'élaboration de la politique agricole et alimentaire. Seul un renforcement des liens entre le monde agricole et le reste de la société permettra de garantir la légitimité des soutiens publics à l'agriculture et la préservation de l'activité agricole face à d'autres enjeux : je pense notamment à la menace de l'urbanisation.

Aux termes de l’'article 7 de la Charte de l'environnement, « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».

Par ailleurs, l'article 49 de la loi dite « Grenelle I » énonce le principe général de modification de la gouvernance des instances ayant compétence sur des questions environnementales, en prévoyant qu'elles « associeront, dans le cadre d'une gouvernance concertée, les parties prenantes au Grenelle de l'environnement et auront une approche multidisciplinaire ».

Ce principe peut se décliner dans plusieurs domaines concernant l’agriculture. C'est pourquoi cet amendement vise à réformer la gouvernance en matière d'agriculture, pour une meilleure intégration de la société civile dans le débat agricole.

L’amendement n °600 concerne quant à lui les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, tandis que l’amendement n° 599 a trait aux chambres départementales d’agriculture.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. L’amendement n° 596 vise à mettre sur le même plan associations de protection de la nature et de l’environnement et représentants des exploitants agricoles pour siéger dans les organismes touchant à l’agriculture.

Cette proposition me paraît excessive, mon cher collègue, d’autant que les agriculteurs ne siègent pas systématiquement dans tous les organismes intervenant en matière d’environnement. La commission émet un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 600, s’agissant de la composition des conseils d’administration des SAFER, la loi dispose seulement qu’un tiers des membres de ceux-ci au moins doivent être des représentants des collectivités. Je ne vois pas pourquoi il faudrait prévoir dans la loi la présence en leur sein de représentants des associations de protection de l’environnement, et non, par exemple, celle de représentants des professions agricoles. Il me paraît préférable de laisser chaque SAFER organiser elle-même sa gouvernance, dans le cadre fixé par la loi et le règlement. La commission émet un avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 599, l’article R. 511-7 du code rural prévoit déjà que les chambres d’agriculture peuvent désigner huit membres associés, qui participent aux sessions avec voix consultative. Il est donc d’ores et déjà possible à des personnalités qualifiées ayant une activité en relation avec la profession agricole de siéger au sein des chambres d’agriculture. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Mêmes avis défavorables et mêmes arguments, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Ces amendements posent, me semble-t-il, de vraies questions, que l’on ne peut écarter aussi facilement.

Je rappelle que des représentants de l’État, du monde syndical, tant ouvrier que patronal, du monde agricole et des associations de protection de l’environnement étaient associés dans la gouvernance du Grenelle de l’environnement et que cela a donné d’excellents résultats.

Il me semblerait donc souhaitable que cette forme de gouvernance soit élargie. Par exemple, les SAFER ont aujourd’hui la possibilité d’intervenir pour préserver des zones humides en achetant des terrains. Cela signifie que le rôle des SAFER n’est plus seulement d’acheter et de revendre des terres agricoles : elles sont désormais des acteurs de la protection de l’environnement. Ne serait-il pas normal, dans ces conditions, que les mouvements associatifs puissent participer, dans un esprit constructif, à leur gouvernance ?

Il est peut-être temps d’en finir avec l’image des intégristes écolos, des « khmers écolos », qui s’opposeraient à tout développement. Nous sommes aujourd’hui passés à l’âge adulte, grâce à l’expérience du Grenelle I et du Grenelle II.

Dans cette perspective, les amendements présentés par nos collègues sont, me semble-t-il, tout à fait intéressants, et méritent d’être l’objet d’une réflexion approfondie de la part du Gouvernement

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Je pense moi aussi que ces amendements méritent réflexion.

Cependant, au sein des chambres d’agriculture siègent des représentants élus, qui sont aussi des représentants de la société civile, laquelle ne se compose pas seulement des associations de défense de l’environnement. Étant moi-même élue, je suis trop respectueuse du suffrage pour ne pas être quelque peu réservée sur ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je voulais faire les mêmes observations, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 596.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 600.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 599.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 601, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 214-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 214-1-1. - Il est créé un comité national du bien-être animal. Il est composé, de représentants de l’État, des collectivités territoriales, des syndicats de salariés des professions concernées, du patronat des professions concernées, des associations de protection de la nature et de l’environnement, des associations de protection des animaux, des associations de consommateurs et de personnalités qualifiées en raison de leur expertise dans le domaine du bien-être animal. 

« Il a pour mission de faire des propositions visant à améliorer la protection et le bien-être des animaux. Il fournit un rapport annuel au Gouvernement sur l’état du bien-être animal assorti de propositions pour l’améliorer. Le Gouvernement tient compte de ces avis dans l’élaboration des politiques concernées. »

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Cet amendement vise à la création d’un comité national chargé de veiller à la prise en compte du bien-être animal dans les politiques publiques.

Il serait constitué d’experts et fournirait des avis au Gouvernement, à l’instar du Farm Animal Welfare Council, instance indépendante de conseil installée par le gouvernement britannique en 1979.

Sur des questions relatives au bien-être animal, telles que la douleur, ce conseil pourrait avoir pour mission de réfléchir, de former, de sensibiliser aux bonnes pratiques, d’élaborer des solutions quant à la prise en charge des coûts induits, de faire évoluer la réglementation pour rendre obligatoires certaines pratiques et en interdire d’autres. En bref, sa mission serait d’améliorer les conditions d’élevage, ainsi que de veiller à la qualité et à l’indépendance du conseil fourni aux éleveurs en matière de choix de système, de bâtiments d’élevage et de pratiques. Son action permettrait aussi d’orienter les collectivités dans leurs choix en matière de soutien aux élevages et aux filières régionales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. La création d’un organisme consultatif relève du règlement, et non de dispositions législatives. L’avis est donc défavorable. Créer un comité national du bien-être animal, ce serait d’ailleurs peut-être aller un peu loin !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Muller, il existe déjà un comité consultatif de la santé et de la protection animales, placé auprès du ministre de l’agriculture, qui peut être consulté sur l’ensemble des questions ayant trait au bien-être animal. Sa composition est ouverte à tous les représentants des organisations professionnelles et des associations de protection animale. Nous avons organisé voilà quelques mois des rencontres « animal et société » pour examiner l’ensemble des questions qui touchent au bien-être animal. Nous avons mis en place une commission qui se réunit régulièrement depuis lors.

Je vous propose donc, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement, car le dispositif existant répond à votre préoccupation. Je ne vous cache pas non plus que les associations de défense du bien-être animal sont particulièrement actives…

M. le président. Monsieur Muller, l’amendement n° 601 est-il maintenu ?

M. Jacques Muller. M. le ministre a compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel et m’a apporté les réponses que j’attendais. Je retire donc cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 601 est retiré.

L’amendement n° 597, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :

« Le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire participe à la définition, à la coordination, à la mise en œuvre et à l’évaluation de la politique d’orientation des productions et d’organisation des marchés.

« Il est composé à part égale  de cinq collèges représentant :

« - l’État ;

« - les collectivités territoriales ;

« - les syndicats de salariés ;

« - le patronat ;

« - les associations de protection de l’environnement et de consommateurs. »

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 598, qui relève de la même philosophie.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 598, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, qui est ainsi libellé :

Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3 du code forestier est ainsi rédigé :

« Le Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois est composé à part égale de cinq collèges représentant l’État, les collectivités territoriales, les syndicats de salariés, le patronat et les associations de protection de l’environnement. »

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jacques Muller. Ces deux amendements ont pour objet de modifier respectivement la composition du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire et celle du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois, selon le principe des cinq collèges du Grenelle de l’environnement. Ce mode d’organisation a bien fonctionné dans ce cadre, et il convient donc de l’étendre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. M. Muller propose de modifier la composition du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, le CSO, en l’organisant selon cinq collèges, conformément aux orientations du Grenelle de l’environnement.

Malheureusement, l’adoption de l’amendement n° 597 entraînerait la suppression des dispositions de l’article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime prévoyant les attributions du CSO. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable.

La commission est également défavorable à l’amendement n° 598

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.

Je précise une fois encore que le CSO réunit déjà l’ensemble des parties prenantes que M. Muller souhaite voir représentées.

M. Jacques Muller. Je retire les deux amendements.

M. le président. Les amendements nos 597 et 598 sont retirés.

TITRE II

RENFORCER LA COMPÉTITIVITÉ DE L’AGRICULTURE FRANÇAISE

Articles additionnels après l'article 2
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Articles additionnels avant l’article 3 (début)

M. le président. L’amendement n° 132, présenté par Mmes Nicoux et Herviaux, MM. Guillaume, Botrel, Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l’intitulé de ce titre :

Assurer un revenu équitable à la population agricole française

La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Le titre II du projet de loi met l’accent sur la recherche et le renforcement de la compétitivité de l’agriculture française.

Le présent amendement vise à rédiger l’intitulé de ce titre de manière à souligner que l’un des objectifs prioritaires de la politique française en matière d’agriculture est d’assurer un revenu équitable à la population active agricole.

En effet, au regard du projet de loi, il semble évident que le Gouvernement n’aborde la question de l’avenir de l’agriculture que du point de vue de la fonction économique de celle-ci. Ce sont davantage les notions de marché et de concurrence qui sont au cœur du texte que celles de valorisation de la qualité, de reconnaissance du travail réalisé par les agriculteurs pour l’entretien de nos paysages et de nos espaces ruraux ou au bénéfice de la vitalité de nos territoires.

Pourtant, chacun s’accorde à reconnaître que ce texte doit permettre aux agriculteurs de tirer de leur travail un revenu décent. Il est donc indispensable d’y inscrire cet objectif.

La crise agricole que nous traversons actuellement impose de repenser notre approche politique de l’agriculture. Nous pourrions, dans cette perspective, nous inspirer de deux exemples.

Tout d’abord, le commerce équitable permet, grâce à un comportement vertueux des distributeurs, d’assurer un juste revenu aux agriculteurs du Sud. Pourquoi ne pas appliquer cette démarche au profit de nos agriculteurs, afin de leur permettre de tirer un revenu décent de leur activité ?

L’objectif visé, au travers des contrats, est bien de sécuriser le revenu des agriculteurs. Aussi ne peut-on, à notre avis, vouloir renforcer sans fin une compétitivité fondée uniquement sur les prix et ne tenant pas compte du rôle joué par le monde agricole en matière tant d’aménagement rural que de maintien du tissu social ou de préservation de notre environnement. Ce que font les consommateurs en choisissant d’acheter plus cher un produit pour soutenir l’activité des agriculteurs du Sud, ne peuvent-ils le faire au bénéfice des producteurs français ?

Le second exemple que je voudrais évoquer est celui du tourisme équitable, qui consiste à assurer aux communautés locales une part équitable des revenus issus de l’activité touristique et de concilier celle-ci avec leur développement durable.

Dans le même esprit, il faut se diriger vers une agriculture équitable !

J’entends par là que les prix doivent au moins couvrir les coûts de production, rémunération du travail comprise, que le revenu doit être à la hauteur des efforts réalisés par les agriculteurs en termes de qualité et de respect de l’environnement. Nous ne pouvons plus tolérer que des exploitants vendent à perte ! Il faut donc rééquilibrer les relations entre producteurs, transformateurs et distributeurs, qui doivent être désormais placés sur un pied d’égalité.

Il convient aussi d’instituer une répartition équilibrée de la valeur ajoutée dans la chaîne de commercialisation alimentaire. Nous devons mettre en place un cadre permettant de contrôler l’évolution des prix alimentaires tout au long du processus de production et de vente afin de pouvoir, le cas échéant, sanctionner toute forme de distorsion.

C’est dans cet esprit qu’il faut développer aujourd’hui l’agriculture française, pour qu’elle soit « mieux disante », et non pas forcément « moins disante ». C’est pourquoi renforcer la compétitivité ne nous semble pas approprié, car ce serait en rester à des considérations purement productivistes ne tenant pas compte des hommes. Les aliments ne sont pas des biens de consommation comme les autres. De ce fait, les exploitations qui les produisent doivent être considérées différemment des autres entreprises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Nous partageons l’objectif que la politique agricole assure un revenu décent aux agriculteurs. À défaut, les exploitants cesseront leur activité.

Toutefois, l’objet de cette loi est non pas de proclamer ce principe, mais de mettre en place les moyens de l’appliquer. Or, comme je l’indiquais durant la discussion générale, il est illusoire de négliger la notion de compétitivité. La commission a donc émis un avis défavorable sur le présent amendement, qui vise précisément à supprimer ce mot de l’intitulé du titre II.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Nous souscrivons bien entendu à l’objectif d’assurer aux exploitants un revenu juste, qui permette de couvrir les coûts de production ; c’est même l’objet premier de ce texte. Toutefois, pour l’atteindre, il faut répondre à un certain nombre de questions essentielles qui se posent aujourd’hui à l’agriculture française, notamment celle de la compétitivité.

Il suffit de discuter avec des exploitants agricoles pour constater que l’une de leurs craintes majeures est la perte de compétitivité, surtout à l’égard de pays de l’Union européenne, en particulier l’Allemagne. La principale préoccupation des producteurs de fruits et légumes est de savoir comment parvenir à un coût de production à peu près comparable à celui des Allemands, comment réduire l’écart de compétitivité lié au prix des produits phytosanitaires ou à la structure salariale. Il est donc légitime qu’un titre complet du projet de loi soit consacré au renforcement de la compétitivité.

Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, j’ajoute que compétitivité ne veut pas dire productivisme. J’insiste vraiment sur ce point, qui a donné lieu à des discussions tout à fait intéressantes en commission : une exploitation de taille moyenne ou petite peut être compétitive. Renforcer la compétitivité suppose de tendre vers le développement durable, notamment par une réduction de la consommation d’énergie, ce qui n’est pas synonyme de productivisme.