M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Paul Raoult. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Didier Guillaume. Cela commence mal ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt, ministre. Pas du tout ! C’est justement pour cette raison qu’il est important de rappeler ce qui a déjà été évoqué sur ce sujet hier à deux reprises. En effet, comme M. le rapporteur vient excellemment de le dire à l’instant, une telle préoccupation est prise en compte à l’article 1er bis, qui résulte des travaux de la commission et sur lequel a notamment été déposé un amendement n° 241 présenté par M. Le Cam et plusieurs de ses collègues.
Je me permettrai d’aller plus loin : cet amendement, s’il était adopté, serait contraire aux exigences communautaires et pourrait être attaqué par la Cour de justice des communautés européennes, comme cela a déjà été le cas en Grèce et en Italie pour des dispositions similaires. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) En d’autres termes, si son objet est bon, sa rédaction est de nature à fragiliser le texte.
C’est la raison pour laquelle je me tourne, avec empressement et chaleur (Sourires.), vers M. Revet, pour lui suggérer de prendre la meilleure position qui soit, c’est-à-dire de retirer son amendement !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je voudrais dire un mot avant que Charles Revet n’en vienne sans doute à retirer l’amendement sous la pression amicale de M. le ministre et de M. le rapporteur.
Je comprends très bien l’argumentation qui vient d’être développée par le Gouvernement. Elle ne fait d’ailleurs que reprendre celle qui nous a été avancée pas plus tard que la nuit dernière par M. Le Maire sur des amendements similaires.
M. Alain Vasselle. Certes, monsieur le rapporteur, la commission a prévu, sur votre initiative, à l’article 1er bis, une disposition qui devrait être de nature à satisfaire Charles Revet, mais à une nuance près : vous ne prévoyez qu’une simple faculté, quand notre collègue voudrait que cela devienne une obligation ; vous dites « peut » quand il dit « doit ».
Or j’ai entendu hier de la bouche de M. le ministre que toute disposition ayant un caractère contraignant susceptible d’être introduite dans la loi se heurterait aux règles adoptées à l’échelon européen. Il se bat, nous dit-il, pour faire évoluer cette réglementation et obtenir que ce que nous souhaitons aujourd’hui y soit en partie intégré.
Il s’agit aujourd’hui de faire confiance au Gouvernement pour aller dans la bonne direction. Mais, comme beaucoup d’autres, je reste dubitatif : les dispositions que nous introduisons dans la loi seront-elles vraiment contraignantes ? J’espère que ce ne seront pas autant de coups d’épée dans l’eau, ce qui risque d’arriver si, d’aventure, M. le ministre ne réussissait pas à dégager une majorité à l’échelon européen pour intégrer nos préoccupations dans les textes communautaires.
Je l’ai dit, il ne s’agit pas, aujourd’hui, de mettre le Gouvernement en difficulté. Nous ne pouvons qu’avoir confiance dans l’avenir et nous interroger : comment peut-on aider le Gouvernement pour qu’il obtienne l’accord des autres pays européens et que notre souhait à tous ici devienne réalité ? Sinon, à quoi servons-nous ?
Mme Renée Nicoux. Absolument !
M. Alain Vasselle. En fait, tout repose sur la capacité du Gouvernement à convaincre ses homologues. Pour l’heure, je reste dans l’expectative. Je n’ai rien d’autre à dire, et je laisse à mon collègue Charles Revet le soin de prendre une décision !
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. À ce moment du débat, il nous faut être vraiment très précis. Pour ma part, je soutiens l’amendement de M. Revet. Non seulement la disposition proposée s’appliquerait à tout produit commercialisé sur le territoire national, mais elle permettrait en plus de garantir une meilleure information. Sans aller jusqu’à parler de publicité mensongère, il faut bien reconnaître que certains professionnels s’appuient sur l’image très positive d’un territoire pour commercialiser des produits dits « locaux » quand, en réalité, ils se contentent d’amalgamer des matières premières, certes transformées dans la région, mais venant d’ailleurs.
Mme Nathalie Goulet. C’est le cas de certains camemberts dits de Normandie !
Mme Odette Herviaux. Cela pose un vrai problème.
Monsieur le rapporteur, pour en revenir à ce qui a été évoqué hier, le dispositif que nous avons accepté en commission permettra-t-il de contraindre les industriels fautifs à changer leurs pratiques ?
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
Mme Odette Herviaux. Dans le cas contraire, nous sommes tout à fait prêts à voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il est vrai que nous avons déjà eu un débat hier sur le sujet, mais cette affaire de l’étiquetage est tout de même extrêmement importante pour l’ensemble des consommateurs.
Nous avons rencontré exactement le même problème dans le cadre de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale, lorsqu’il a été question de renforcer l’information sur les produits trop gras, trop salés et trop sucrés.
À force de vouloir imposer des étiquettes les plus complètes possible, on n’aura pas fini de les lire que les produits seront déjà périmés !
L’étiquetage, globalement l’information du consommateur, est un sujet extrêmement important. Si, en règle générale, je ne suis pas très favorable à la constitution de groupes de travail, en l’occurrence, nous nous devons de mener une réflexion approfondie sur ce que nous voulons vraiment obtenir.
Pour prolonger ce que vient de dire Mme Herviaux, certains camemberts de Normandie sont faits avec du lait qui vient de n’importe où, y compris de Chine, et leurs fabricants utilisent l’image du vrai camembert de Normandie et sa réputation pour vanter la qualité de leurs produits.
Si l’amendement de M. Revet est tout à fait intéressant, il n’a peut-être pas sa place ici, dans un tel contexte. En tout état de cause, il faudra engager une vraie réflexion sur l’étiquetage dans le cadre de la politique de l’alimentation. Cela nous sera très utile lorsque, au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous étudierons tout ce qu’il est envisageable de faire pour protéger à la fois les enfants et les adultes de la « malbouffe » et de l’obésité, pour les dissuader d’acheter des produits dont on ne maîtrise absolument pas la composition.
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Ce problème, dont nous discutons depuis hier soir, est certes difficile, mais, disons-le, il est en réalité lié à la politique menée en la matière par l’Union européenne, qui va à l’encontre de la qualité des produits.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Paul Raoult. Par sa volonté d’uniformiser l’ensemble de la production, elle entend supprimer, par exemple, les fromages au lait cru. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) C’est ainsi que les spécificités régionales finissent par disparaître.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Paul Raoult. Au fond, l’idéologie communautaire peut se résumer ainsi : derrière notre volonté de défendre les produits locaux se cache une forme de protectionnisme déguisé. Au nom de quoi on nous fait manger des pommes golden venant de Hollande, certes peu chères mais sans aucun goût ! Et nos producteurs locaux, eux, ont beaucoup de mal à écouler leurs pommes, jonagold ou autres, pourtant de bien meilleure qualité.
Nous rencontrons des problèmes similaires dans le cadre des appels d’offres pour les cantines et restaurants scolaires. Si l’envie nous prend d’introduire dans le cahier des charges une clause exigeant des produits spécifiquement locaux, nous voyons aussitôt débarquer une armée de fonctionnaires zélés, toujours prompts à critiquer la rédaction du document sous prétexte qu’il déroge au principe de libre concurrence avec les produits venant d’ailleurs !
Outre l’Europe, qui, selon sa philosophie, est souvent encline à nous soupçonner de pratiquer un protectionnisme larvé, nous devons aussi composer avec les responsables de la concurrence et de la fixation des prix, toujours en train de nous suspecter de tricher parce que nous préférons commercer avec les producteurs locaux : comme si c’était forcément mal…
À partir de là, nous avons bien des difficultés pour faire en sorte que les produits de nos propres régions puissent se retrouver dans l’assiette de nos enfants ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet et M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Aux termes de l’article 1er bis, adopté par la commission, il est bien précisé : « Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d’indication de l’origine des denrées alimentaires, l’indication du pays d’origine peut être rendue obligatoire pour les produits agricoles, alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé. »
Cette rédaction va dans le sens de l’intérêt de chacun, notamment du consommateur, qui pourra ainsi connaître précisément la provenance et le niveau de qualité du produit.
Grâce à cette disposition, l’étiquetage de tous les produits agricoles pourra, pour ceux qui le souhaitent, être généralisé. C’est une avancée à mon sens très importante et extrêmement intéressante.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. J’interviens peu dans le débat, mais l’amendement de Charles Revet porte sur un sujet essentiel, qui a nourri le débat en commission.
Sans parler à la place du ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche – je n’ai pas cette ambition ! –,...
M. Didier Guillaume. Pas encore !
M. Charles Revet. Cela peut venir !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. … je me souviens des discussions que nous avons eues sur l’étiquetage des produits. Si nous avons accepté de prévoir une faculté, et non une obligation, c’est pour nous mettre en conformité avec les directives européennes. M. Le Maire s’est justement engagé à les faire évoluer, mais encore faut-il convaincre les autres pays.
Il y a un autre aspect que M. le ministre a décidé de prendre en compte : il s’agit des indications géographiques protégées, les IGP, auxquelles nous nous devons d’être très attentifs.
Selon le droit communautaire, une IGP permet de distinguer la nature d’un produit local. Mais il suffit que ce produit soit transformé dans la région pour bénéficier de cette appellation, ce qui est une anomalie, à mon sens.
Une indication géographique protégée, à proprement parler, doit s’appuyer sur une zone. Pour prendre un exemple, qui concerne aussi M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, l’appellation « Charolais de Bourgogne » mérite d’être une véritable IGP ; or, comme je l’ai signalé aux services du ministère, nous avons du mal à la faire reconnaître, alors même qu’elle correspond à un espace géographique précis. À l’inverse, la moutarde de Dijon est une IGP, alors qu’une partie de ses ingrédients provient du Canada.
Il y a donc vraiment une discussion à avoir à l’échelon européen, et nous pouvons compter sur M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche pour convaincre ses homologues européens.
Avec mon collègue Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, j’ai mis en place un groupe de travail sur les perspectives d’évolution de la politique agricole commune. C’est l’un des éléments qu’il faut faire valoir devant les autres pays afin de mettre en avant les véritables indications géographiques protégées et, par la suite – pourquoi pas ? –, d’envisager de rendre obligatoire l’identification des produits, pour répondre à la préoccupation de Charles Revet.
Cela étant, M. le rapporteur et M. le ministre l’ont dit, l’amendement n° 30 rectifié bis est aujourd’hui satisfait par le texte de la commission.
Je conclurai en indiquant à Alain Vasselle qu’il ne nous est pas possible, aujourd’hui, d’aller au-delà des règles européennes. Encore une fois, je fais confiance à l’engagement de M. le ministre.
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement 30 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Charles Revet. J’ai entendu l’appel de notre sympathique ministre, que nous connaissons bien. Je me demande toutefois s’il n’y a pas une confusion.
Cet amendement ne vise pas à introduire une entrave à l’ouverture des frontières aux importations de produits. Il est évident que les instances européennes s’opposeraient à une telle décision de notre part, sauf dans certains domaines particuliers.
En revanche, je ne vois honnêtement aucun obstacle à la mise en place d’un étiquetage clair informant les consommateurs. Si les instances européennes l’interdisent, je souhaiterais vivement avoir connaissance du texte sur lequel elles se fondent. Même si je ne remets pas en doute vos propos, monsieur le ministre, j’ai vu, pour m’être rendu récemment à Bruxelles, que les textes donnaient parfois lieu à interprétation.
S’il existait une opportunité d’introduire la disposition, la commission mixte paritaire pourrait peut-être s’en saisir.
Quoi qu’il en soit, ayant entendu votre appel, monsieur le ministre, je vais retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre. Monsieur Revet, en l’état actuel de la législation européenne, l’étiquetage que vous prônez ne peut être rendu obligatoire.
M. Charles Revet. Je le reconnais !
M. Henri de Raincourt, ministre. C’est cependant tout le sens de l’action menée par M. Le Maire, rappelée à l’instant par le président de la commission de l’économie, M. Emorine, visant à faire évoluer cette législation.
Pour répondre très directement à votre préoccupation, le texte que vous demandez vous sera communiqué par le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, afin que vous disposiez de tous les éléments d’information.
M. Vasselle se demandait tout à l'heure comment aider le Gouvernement dans ce domaine. Il me semble que nous pouvons relayer la volonté du Gouvernement auprès des autres pays par l’intermédiaire de la Commission européenne et des contacts noués entre le Parlement européen et notre Parlement national pour faire avancer le débat dans le sens que nous souhaitons.
M. Alain Vasselle. Très bien ! Au boulot !
M. Charles Revet. Je retire l’amendement n° 30 rectifié bis, monsieur le président.
M. le président. L’amendement 30 rectifié bis est retiré.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, puis-je reprendre cet amendement en le modifiant légèrement ?
M. le président. Vous pouvez le reprendre, ma chère collègue, si la rectification est très légère.
Mme Odette Herviaux. Il s’agit simplement de supprimer le dernier membre de phrase « ainsi que l’indication du pays où il a été fabriqué », seule partie de l’amendement risquant d’être contraire à la législation européenne. Rien ne nous empêcherait alors, tant que cela concerne uniquement le territoire national, d’exiger la précision de l’origine du produit.
Mmes Catherine Procaccia et Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 30 rectifié ter, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout produit commercialisé sur le territoire national doit porter, bien lisible pour le consommateur, l'indication du pays d'où vient le produit proposé à la vente s'il est vendu en l'état, ou du pays d'origine des matières premières ayant été utilisées pour sa fabrication s'il s'agit d'un produit ayant fait l'objet d'une transformation industrielle.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet argument ne tient pas ! Si nous voulons rendre cet étiquetage, non pas obligatoire puisque c’est impossible, du moins très incitatif, dans l’intérêt à la fois des producteurs et des transformateurs, mais aussi des consommateurs, il importe qu’il soit clair et qu’il ne puisse pas être invalidé par les instances européennes. En même temps, il faut que l’Europe se plie aussi aux décisions que nous voulons prendre dans notre pays et, surtout, au sein du Parlement.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre. J’en suis désolé, madame Herviaux, mais, dans l’état actuel des choses, le Gouvernement ne peut pas émettre un avis favorable sur l’amendement n° 30 rectifié ter. C’est précisément cette disposition qui a été appliquée par la Grèce et qui a justifié les poursuites engagées à son encontre par les instances européennes.
Mme Nathalie Goulet. Cela ne lui a pas porté bonheur !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Si nous débattons longuement sur cet amendement, c’est qu’il est fondamental dans cette discussion.
Si chaque fois que le Parlement veut prendre une décision on nous oppose la perspective d’un refus des instances européennes, autant leur transférer tous les textes et les laisser gérer le droit français, le droit espagnol, le droit italien ! Veuillez m’excuser d’être quelque peu caricatural, mais, d’ores et déjà, il est question de soumettre les budgets nationaux à l’imprimatur de la Commission européenne en amont de leur adoption. Cette situation n’est pas acceptable !
Par ailleurs, nous comprenons les propos de M. le ministre concernant les contraintes européennes. Cependant, ce serait un acte fort de la part du Parlement français de voter cet amendement pour soutenir le ministre et faire plier l’Europe !
J’entends les discours du Président de la République et du Gouvernement indiquant qu’on ne se laissera rien imposer par l’Europe, qu’il faut la faire plier. Vous l’avez encore dit tout à l'heure, monsieur le ministre ! Le constat est cependant tout autre : pour l’instant, l’Europe ne plie pas vraiment !
Cet amendement, qui n’est d’ailleurs pas de notre fait, a pour objet de donner une meilleure information au consommateur.
Tous hier, tant le ministre que les intervenants de l’ensemble des groupes, se sont félicités de ce qu’un texte mettait en place pour la première fois une véritable politique de l’alimentation. Monsieur le rapporteur, vous avez salué tout à l’heure l’engagement de notre collègue Mme Catherine Dumas en ce sens.
Cette question n’est ni politique ni politicienne, mais bien transversale et partagée. Charles Revet a souhaité retirer son amendement, mais nous l’avons repris à titre symbolique, car il sera peut-être rejeté.
Si nous ne défendons pas ici la souveraineté des États et du Parlement, en garantissant l’étiquetage le plus clair et le plus complet possible pour éclairer le consommateur sur l’origine des produits, alors la loi votée sera tiède.
Le vote de cet amendement serait un acte fort, qui honorerait le Parlement. Ce débat est important pour l’agriculture française, pour la politique de l’alimentation et pour les consommateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Tout d’abord, je m’interroge sur la réponse fournie par M. le ministre, aux termes de laquelle l’Union européenne veille au respect de la concurrence libre et non faussée entre les États. Or l’amendement 30 rectifié ter vise uniquement notre territoire national. Par conséquent, cette réponse ne peut me satisfaire.
Ensuite, permettez-moi de faire un bref rappel historique. La politique agricole commune s’est construite, au début des années soixante, à partir des dispositifs que la France avait mis en place dans la décennie précédente. Les prix indicatifs et les prix d’intervention institués dans le cadre de la PAC de 1962, sur le marché du blé par exemple, existaient en France dans les années cinquante. Autrement dit, c’est ce que nous avions accompli en France qui a été généralisé par la suite.
Or, à présent, alors que nous souhaitons prendre une décision qui, sur le fond, fait l’unanimité, nous devrions pour ce faire attendre l’avis de l’Europe ?
Cette décision, qui serait bénéfique à nos producteurs sans nuire à la concurrence étrangère, doit être prise aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Ce que propose M. Guillaume est assez dangereux. On a pu voir par le passé que, chaque fois que le gouvernement français s’est mis en infraction, il a dû payer des pénalités ou rembourser des aides qui avaient été versées à tort.
Nous avons aujourd’hui un débat serein, et je remercie Charles Revet de l’avoir engagé. Ces éléments sont présents depuis le début de notre discussion.
Pour ma part, je suis un Européen convaincu et je souhaite que l’Europe avance. Comme l’a dit le Président de la République récemment, l’Europe nous appartient. Mais si nous voulons avancer, il importe de faire partager nos points de vue. Mettre en avant une idéologie spécifique n’a pas d’intérêt si elle n’est pas partagée !
Je suis contre cet amendement 30 rectifié ter, car il n’intéresserait que les produits français. Au nom de quoi les produits étrangers ne seraient-ils pas identifiés ?
En tout état de cause, il me paraît important de respecter la directive européenne et de s’appuyer sur les capacités de notre ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, mais aussi sur celles du Président de la République. J’entends des critiques concernant les déplacements de ce dernier afin d’évoquer les relations commerciales avec la grande distribution : cherchez dans notre histoire un Président de la République qui s’intéresse autant à l’agriculture et qui aille défendre nos produits sur le terrain ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 78 rectifié, présenté par MM. Pinton et Mayet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le programme national pour l'alimentation intègre un plan national spécifique d'engraissement destiné à la filière bovine. Le gouvernement s'attache à la définition précise des éléments constitutifs de ce plan puis à sa mise en œuvre et à son suivi, dans le respect des spécificités des territoires.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 93, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer huit alinéas ainsi rédigés :
« Art. L... - Le Conseil national de l'alimentation est placé auprès du ministre chargé de l'agriculture et de l'alimentation, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la consommation.
« Il est consulté sur la définition de la politique de l'alimentation et du programme national pour l'alimentation. Il donne des avis assortis de recommandations sur les questions qui s'y rapportent. Il peut, en particulier, être consulté sur les grandes orientations de la politique relative :
« 1° à l'adaptation de la consommation aux besoins nutritionnels ;
« 2° à la sécurité alimentaire des consommateurs ;
« 3° à la qualité des denrées alimentaires ;
« 4° à l'information des consommateurs de ces denrées ;
« 5° à la prévention des crises et à la communication sur les risques.
« Ses membres sont répartis en différents collèges représentant toutes les composantes de la chaîne alimentaire : associations de consommateurs et d'usagers, producteurs agricoles, secteurs de la transformation et de la distribution, restauration collective, salariés de l'agriculture et de l'agro-alimentaire et personnalités qualifiées ainsi que des associations de protection de l'environnement. Ils sont nommés pour une durée de trois ans renouvelable.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Comme nous l’avons vu hier soir, le Conseil national de l’alimentation, ou CNA, a un rôle important à jouer dans la définition de la politique publique de l’alimentation.
Or cette instance indépendante, qui regroupe des collèges représentant les consommateurs, les industriels, les producteurs et la grande distribution, existe depuis 1985.
Depuis cette date, elle a pour mission de donner des avis et recommandations aux trois ministères compétents concernant la définition de la politique de l’alimentation, l’adaptation de la consommation aux besoins nutritionnels, la sécurité et la qualité des aliments, ainsi que l’information des consommateurs.
Cette instance a-t-elle atteint ces objectifs ? Tel n’est a priori pas le cas, puisque l’étude d’impact jointe au projet de loi fait clairement état de l’absence d’une politique publique de l’alimentation en France.
Comment conférer plus de portée à ses avis et recommandations ? Est-ce seulement une question de volonté politique ? Le Gouvernement a prévu de renforcer les missions du CNA par voie réglementaire et de l’élargir aux associations de protection de l’environnement. Est-ce suffisant ?
Par cet amendement, nous vous proposons de consacrer l’existence du CNA dans la loi et dans le code rural, après la définition de la politique de l’alimentation que vous avez souhaité y intégrer.
De la même façon que pour l’Observatoire des prix et des marges, nous pensons qu’une instance, même consultative, a plus de poids quand on la reconnaît officiellement dans la loi.
M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche a déclaré, hier soir encore, vouloir faire du CNA un parlement de l’alimentation, régulièrement consulté par le Gouvernement. Convenez que l’existence d’un tel parlement ne relève pas du domaine réglementaire. C’est pourquoi nous vous proposons d’intégrer, après l’alinéa 18, le texte présenté par cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Le CNA est régi par les articles D. 541-1 et suivants du code de la consommation. Vous proposez de transposer dans la loi les missions prévues par ces articles et, de manière un peu moins précise, la composition du CNA.
J’ai été tenté, en tant que rapporteur, de faire de même. J’y ai renoncé, considérant que les règles applicables aux organismes consultatifs relevaient plutôt du domaine réglementaire.
Par ailleurs, la commission a précisé dans son texte que le CNA serait associé à l’élaboration du programme national de l’alimentation. Il est donc pleinement intégré à la nouvelle politique prévue à l’article 1er.
Votre amendement, mon cher collègue, est donc quasiment satisfait par l’article 1er. Aussi, la commission émet un avis défavorable.