M. Jean-François Voguet. Il est totalement illusoire de penser que l’on pourrait se passer de l’avis de la région pour réaliser ce réseau de transport. C’est pourtant la position que la commission a adoptée.
Si nous voulons que ce projet se réalise, il faut indéniablement un consensus, comme l’ont d’ailleurs dit tous ceux qui suivent ce dossier. De surcroît, la majorité régionale a été confortée par les récentes élections et elle tient à ce que son programme soit réalisé.
Est-ce pour autant contradictoire avec le projet porté par le Gouvernement ? Évidemment non ! Les élus de l’Est parisien, en tout cas, sont favorables à la conjonction des deux. La double boucle est à l’Ouest ; le projet est une nouvelle fois défavorable pour l’Est.
Il est nécessaire de desservir le département de la Seine-Saint-Denis, Montfermeil et toutes ces villes qui souffrent – personne ne dit le contraire. Mais est-ce à dire que l’on renonce une fois de plus au développement économique de l’Est, à la réalisation d’un transport inter-banlieue qui manque cruellement ? Bien sûr que non !
Il faut donc remettre l’ouvrage sur le métier. Or décider de façon arbitraire que la région ne sera pas consultée, c’est le meilleur moyen pour que rien ne se fasse. Il convient donc de rediscuter et de prendre en compte les aspects positifs de ces deux projets en ayant à l’esprit que, dans celui qui nous est présenté, l’Est est, une fois encore, défavorisé.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. M. le secrétaire d’État nous a répondu précisément ; il a défendu son projet, selon sa logique. Pour notre part, nous défendons un amendement qui repose sur une logique différente. Il est vrai que le débat est franc.
Cependant, quand il rappelle l’histoire pour évoquer le projet Arc Express, il doit donner des dates précises et dire qui était qui. Il y a dix-huit ans, en 1992, la majorité régionale était à droite ! M. Jean-Paul Huchon n’est arrivé aux responsabilités qu’en 1998, et encore ne disposait-il que d’une majorité relative. Les protagonistes de l’époque – il convient de le rappeler – étaient donc vos amis. Ils ont pris du retard et il ne faudrait pas qualifier l’équipe actuelle d’attentiste.
Je ne puis laisser dire non plus, monsieur le secrétaire d’État, que la majorité régionale, par le biais du STIF, n’est pas soucieuse de cohésion sociale. Je pense à un territoire difficile du nord-est parisien que vous n’avez pas cité expressément, mais nous savons tous qu’il s’agit notamment, mais pas exclusivement, de Clichy-sous-Bois.
La région a provisionné le financement du T4, qui permet de désenclaver ces territoires oubliés de la République. Si le dossier n’avance pas, ce n’est pas la faute de la région, c’est parce qu’il faut d’abord que les quatre communes concernées se mettent d’accord sur le tracé. C’est cela qui prend du temps. D'ailleurs, vous n’irez certainement pas aussi vite que vous le prévoyez quand vous négocierez les contrats de développement territorial et le tracé final.
Monsieur le secrétaire d’État, vous invoquez le discours prononcé par le Président de la République le 29 avril 2009 ; dont acte. Mais n’oubliez pas la lettre de mission du Premier ministre adressée à M. Carrez, le 3 juin 2009, en vue d’étudier la faisabilité de l’ensemble du réseau de transport d’Île-de-France, en particulier d’en dégager des ressources financières et fiscales.
M. Carrez a travaillé sur deux tracés : celui que défend le Gouvernement et le plan de mobilisation de la région. Il a rendu un rapport au Premier ministre. Devant la commission spéciale, il a défendu la cohérence de la phase qui va jusqu’en 2025.
À la lumière de ce débat, on comprend pourquoi vous avez refusé nos amendements sur le phasage ! M. Carrez avait ouvert une voie, sinon de consensus, monsieur Dallier, du moins de compromis, dans laquelle on pouvait discuter ; on était dans la réalité, le faisable.
Je voudrais conclure au sujet de ce qui s’est produit hier soir. Le STIF avait adressé un dossier relatif à Arc Express au président de la Commission nationale du débat public. La CNDP a considéré que le dossier était suffisamment complet pour être soumis au débat public, sous réserve que les conditions de compatibilité avec le projet de réseau de transport public du Grand Paris soient explicitées pour la bonne information du public.
C’est la raison pour laquelle nous insistons pour faire figurer dans la loi le plus de précisions possible. Vous refusez l’équation de la Commission nationale du débat public, ainsi que les amendements que nous avons déposés en ce sens, et vous posez le préalable suivant : on ne pourra discuter que si l’on se plie à votre projet, en annulant l’opération engagée par la région, alors même que la Commission nationale du débat public considère qu’elle peut être soumise au public.
Je ne sais pas qui prend l’alinéa 17 de l’article 3 en otage ! Si le Gouvernement, le rapporteur et la majorité sénatoriale persistent à aller dans ce sens, je considère qu’il s’agit d’une déclaration de guerre : permettez que nous nous battions !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. J’ai relevé quelques dissonances entre vous. Pour M. le rapporteur, l’essentiel, afin de donner satisfaction à nos concitoyens, c’est, notamment, les lignes A et 14 ; pour M. le secrétaire d’État, c’est le désenclavement du plateau de Clichy-sous-Bois–Montfermeil, comme cela a été dit pendant la campagne électorale.
Y a-t-il une incompatibilité entre ces deux projets ? La réponse est non, notamment sur des tronçons qui intéressent l’est parisien. En tant qu’élu de la Seine-Saint-Denis, je vous garantis que le tronçon reliant Le Bourget à la cité Descartes est essentiel, tout comme la liaison entre Noisy-le-Sec et Sucy-en-Brie, qu’il est nécessaire de poursuivre.
J’attire votre attention sur le fait que ce maillage important est facile à réaliser, puisqu’existent à la fois la ligne de la grande ceinture et sa complémentaire. Avec une somme certes non négligeable, ce projet pourrait être exécuté rapidement.
Par conséquent, je vous demande de revenir sur votre position. Il est nécessaire de consulter de nouveau la population et vous verrez que cette consultation sera extrêmement positive. La population de l’est parisien est la plus défavorisée d’Île-de-France en matière de transports en commun, en particulier pour les liaisons de banlieue à banlieue. Il faut au moins que les projets de la région puissent se réaliser.
Il existe des zones entières, en Seine-Saint-Denis, où les gens n’ont pas la possibilité de se déplacer en transports en commun, par exemple de Clichy-sous-Bois à la plateforme de Roissy-en-France. Il y aurait pourtant des emplois possibles, mais les habitants du département ne peuvent pas en profiter. Comment aller de Clichy-sous-Bois au futur cluster de la cité Descartes ? Seul votre projet y répond, je le reconnais.
Je le répète, il n’y a ni incompatibilité ni télescopage entre les différents projets pour l’est parisien. Ne retardez pas la réalisation de ceux qui sont faciles à réaliser et relativement peu onéreux !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, pour les questions d’actualité au Gouvernement ; nous examinerons ensuite le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, avant de reprendre la discussion de ce texte.
Mme Nicole Bricq. On caviarde notre débat !
M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas normal !
M. David Assouline. On sait que vous souffrez, monsieur le président !
M. le président. En tant que président, je suis tenu à la réserve.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente. Je veux croire que chacun s’appliquera à respecter scrupuleusement ce temps de parole.
Au cours de la conférence des présidents qui s’est tenue hier, nous avons encore une fois beaucoup insisté sur cette règle pour que l’expression des uns et des autres soit respectée, y compris, avec attention, celle du Premier ministre.
autonomie financière des départements
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs jours, l’ensemble de la presse et des médias se fait l’écho des graves difficultés financières dans lesquelles se trouvent de nombreux conseils généraux. Ce déséquilibre budgétaire est provoqué par l’inflation des dépenses liées à la politique sociale décidée et transférée par l’État à ces mêmes collectivités, sans que leur soit versée la compensation financière équivalente.
En 2008, ces dépenses se sont élevées à plus de 11 milliards d’euros, l’État n’en ayant compensé que 7,5 milliards d’euros.
L’exemple le plus flagrant est celui de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, dont les charges transférées devaient être initialement supportées à parts égales, mais qui sont aujourd’hui supportées à 70 % par les conseils généraux.
M. Gérard Longuet. Merci, M. Jospin !
M. Raymond Vall. On observe la même dérive pour tous les autres dispositifs tels que le revenu de solidarité active, le RSA, que les conseils généraux compensent déjà à hauteur de 20 %, contrairement aux engagements pris par l’État. Dans le Gers, pour ne citer que cet exemple, les dépenses sont passées de 30 millions d’euros en 1998 à 100 millions d’euros en 2010 !
Cette injustice est aujourd’hui dénoncée par les présidents de conseil général de droite comme de gauche. Elle est confirmée par un récent rapport du professeur Dominique Rousseau remis à l’Assemblée des départements de France, mais aussi par la Cour des comptes, qui dans son rapport sur la décentralisation soulignait ceci : « Les modes de compensation par l’État des transferts ont été très fluctuants et le plus souvent jugés insuffisants ». (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Monsieur le ministre, le Gouvernement est bien conscient de cette situation puisque la direction générale des collectivités territoriales a publié une liste des conseils généraux en situation de crise : ils sont 25 en 2010 et seront 60 en 2011.
L’ensemble des élus dénonce donc le non-respect de l’article 72-2 de la Constitution, qui pose pourtant deux principes : d’une part, la compensation à due concurrence des transferts de compétences de l’État vers les collectivités ; d’autre part, le principe d’autonomie financière des collectivités, mis à mal par la suppression, en 2010, des ressources issues de la taxe professionnelle, et par celle, dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, des ressources émanant de la taxe d’habitation.
Ces dettes de l’État envers les départements se traduisent déjà par des réductions d’investissement, qui se répercuteront en cascade sur les autres collectivités, impactant directement l’activité économique, en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue.
M. Raymond Vall. Monsieur le ministre, les sénateurs radicaux de gauche et les membres du groupe RDSE en appellent au respect de l’État de droit, au respect des engagements de l’État et à l’arrêt immédiat de l’asphyxie financière des collectivités.
Ma question est donc très simple : quand comptez-vous enfin doter nos collectivités des moyens nécessaires à l’exercice des missions que vous leur avez transférées ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Bernard Vera applaudit également.)
M. René-Pierre Signé. Bonne question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, permettez-moi, au préalable, de démentir l’existence de cette prétendue liste de départements en difficulté, que vous avez évoquée. La direction générale des collectivités locales, et donc le ministère de l’intérieur, est totalement étranger à cette publication. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est une rumeur ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est dans la presse.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient des difficultés financières d’un certain nombre de départements.
Deux raisons expliquent celles-ci : d’une part, ainsi que vous l’avez rappelé, le fort dynamisme des dépenses sociales, notamment celles qui sont liées à l’APA, laquelle, je le signale au passage, a été transférée aux départements en 2001 par le gouvernement de Lionel Jospin (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.) ; d’autre part, la crise, qui a entraîné une baisse très importante des ressources fiscales des départements, et principalement des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, de l’ordre de 2 milliards d’euros en 2009.
Bien entendu, face à cette situation, le Gouvernement n’est pas resté inactif.
D’abord, contrairement à ce qui avait été initialement prévu, il a reconduit en 2009 et en 2010, soit pour deux exercices budgétaires supplémentaires, les crédits du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion, le FMDI, pour un montant de 500 millions d’euros. Je rappelle que ce fonds était prévu à l’origine pour une durée de trois ans : 2006, 2007 et 2008.
Ensuite, le Gouvernement a mis en place en 2009 un mécanisme de remboursement anticipé du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, auquel ont adhéré quatre-vingt-dix départements sur cent. Cela représente pour l’État, par rapport aux dotations habituelles, un effort supplémentaire de 3,8 milliards d’euros,…
M. Pierre-Yves Collombat. Cela n’a rien à voir !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … dont près de 30 % au bénéfice des seuls départements. Monsieur le sénateur, je pourrai d’ailleurs vous en fournir la liste, qui, elle, est bien réelle.
Enfin, M. le Premier ministre a récemment confié à Pierre Jamet, directeur général des services du département du Rhône, une mission sur la consolidation des finances des départements, fragilisées par la crise.
Le Gouvernement sera sans doute amené à prendre des décisions dès après la remise de ce rapport, à la mi-avril.
De façon plus globale, je vous rappelle que l’effort financier de l’État en faveur des collectivités locales est toujours aussi soutenu. Il s’élève à près de 80 milliards d’euros en 2010, et même, si l’on y ajoute la fiscalité transférée, 98 milliards d’euros. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le Premier ministre, réduire nos déficits, résorber notre dette publique sont des impérieuses nécessités. Impératif économique, c’est également une nécessité démocratique, pour que nos successeurs disposent de marges de manœuvre financières.
M. René-Pierre Signé. Il commence à parler de succession !
M. Nicolas About. Peut-être pourriez-vous vous taire, mon cher collègue ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Il faut savoir écouter les autres et les respecter quand ils s’expriment !
Mais c’est aussi et surtout une exigence morale vis-à-vis des générations futures.
Modifier la Constitution, comme nous le souhaitons, pour que la loi de programmation des finances publiques fixe un niveau limite d’endettement fonctionnel constitue une démarche positive, mais ne suffit pas. Il faut poursuivre dans le concret.
Le Gouvernement peut-il s’engager à poursuivre ses efforts de réduction des dépenses de l’État, mais à le faire à une hauteur suffisante, peut-être proche de 15 milliards d’euros par an sur les trois années à venir ?
Pour préserver nos recettes, mais aussi par souci de justice fiscale, envisagez-vous de moduler le bouclier fiscal lors de la prochaine loi de finances ? (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Pierre-Yves Collombat. Au moins, il pose la question !
M. Nicolas About. En effet, si rien n’est fait, demain, l’effort contributif que les Français devront fournir pour redresser notre situation sera consenti par tous, sauf par nos concitoyens les plus aisés, protégés par le bouclier fiscal.
M. René-Pierre Signé. Voilà la succession !
M. Nicolas About. Le taux moyen d’imposition pour les 1 % de Français disposant des plus hauts revenus est de 20 %, un taux très éloigné du taux théorique qui devrait s’appliquer. Cela s’explique par le jeu de trop nombreuses niches fiscales, dont l’efficacité économique n’est pas toujours démontrée.
M. Nicolas About. Le Gouvernement est-il prêt à répondre favorablement à notre demande de réduction du poids de toutes ces niches fiscales ?
Ces deux signaux envoyés aux Français ne correspondent pas à l’idée que nous nous faisons de la justice fiscale. Il ne faut pas nécessairement beaucoup plus d’impôt, mais il faut parvenir à un impôt plus juste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Paul Raoult. Le bouclier fiscal, vous l’avez voté !
M. Nicolas About. Monsieur le Premier ministre, parce que, pour les centristes que nous sommes, réformer la France ne peut se concevoir sans la rendre plus juste (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), quelles réformes le Gouvernement compte-t-il engager afin de poursuivre la réduction de nos dépenses tout en améliorant les recettes publiques et la justice de notre fiscalité ?
M. Paul Raoult. Il est trop tard !
M. Nicolas About. Quant à la politesse de nos collègues, vous n’y pouvez malheureusement rien ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président About, depuis trois ans, la politique économique du Gouvernement tend à réduire l’écart de compétitivité de l’économie française par rapport aux autres économies de la zone euro, essentiellement l’Allemagne, qui est notre principal partenaire. Nous avons choisi un destin commun, une monnaie commune, et il faut en assumer toutes les conséquences.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous ne pouvons pas laisser se creuser l’écart de compétitivité entre nos deux économies. Or celui-ci s’est creusé au cours des quinze dernières années.
M. Paul Raoult. Surtout depuis sept ans !
M. François Fillon, Premier ministre. Il s’est creusé parce que nous n’avons pas suffisamment réformé pendant que les différents gouvernements allemands qui se sont succédé engageaient, quant à eux, des réformes structurelles. Je pense en particulier au gouvernement socialiste de M. Schröder.
M. Paul Raoult. Ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux ! D’ailleurs, il a perdu les élections !
M. Roland Courteau. Après, il a perdu les élections !
M. François Fillon, Premier ministre. Dans cet esprit, le Gouvernement et la majorité ont spectaculairement réformé le crédit d’impôt recherche et supprimé la taxe professionnelle. Le Parlement a par ailleurs décidé d’investir 35 milliards d’euros dans des secteurs stratégiques de l’économie française, et ce pour booster la croissance de notre pays.
M. Pierre-Yves Collombat. Le chômage !
M. François Fillon, Premier ministre. Ces décisions, combinées au plan de relance, ont conduit à des résultats. (M. Roland Courteau est dubitatif.) Ainsi, en 2009, nous avons fait mieux que l’Allemagne, puisque la récession a été deux fois moindre dans notre pays que chez notre voisin. En 2010, nous ferons au moins aussi bien que l’Allemagne, et sans doute un peu mieux en termes de croissance.
M. Pierre-Yves Collombat. Les Allemands sont plus compétitifs et ils font moins bien que nous, c’est bizarre !
M. François Fillon, Premier ministre. Ces résultats, nous les avons obtenus au prix d’un endettement supplémentaire, qu’il ne faut pas le regretter (M. Paul Raoult s’exclame.). En effet, si nous n’avions pas pris ces mesures, la récession aurait été plus importante, entraînant des destructions d’emplois plus nombreuses et de moindres recettes fiscales.
M. René-Pierre Signé. Il y a toujours pire !
M. François Fillon, Premier ministre. En fin de compte, le déficit aurait sans doute été identique à ce qu’il est aujourd’hui, mais les conséquences sociales auraient été plus importantes.
Maintenant que nous sortons de cette crise, nous devons nous attaquer vigoureusement à la réduction du déficit.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. À cette fin, le Gouvernement soumettra au Parlement un projet de loi triennale, dont l’objectif sera de réduire, à l’horizon de 2013, le déficit budgétaire à moins de 3 % du produit intérieur brut. Pour y parvenir, nous vous proposerons de geler strictement les dépenses de l’État.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui va payer ?
M. François Fillon, Premier ministre. C’est possible ! D’ailleurs, en 2009, la perspective d’un déficit égal à 8 %, puis à 7,9 % du PIB ne s’est pas vérifiée, puisqu’il a finalement été de 7,5 % – ce qui montre que les dépenses ont été tenues !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut geler les profits !
M. François Fillon, Premier ministre. Par ailleurs, nous devons maîtriser les dépenses d’assurance maladie et faire passer leur progression en dessous de 3 %, objectif qui a été atteint au cours des deux dernières années. Il nous faudra aller au-delà.
M. René-Pierre Signé. Ce sont les pauvres qui paient !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les salariés vont encore payer !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons engager la réforme des retraites.
Enfin, nous vous proposerons la suppression ou le plafonnement de niches fiscales et sociales. Le Gouvernement sera évidemment très attentif aux propositions que fera le Sénat, aux propositions qui émaneront du groupe de l’Union centriste et de l’ensemble des groupes, aux propositions que formulera la commission des finances.
Il y a deux façons pour agir : ou bien examiner la possibilité, pour chacune des niches, de sa suppression ; ou bien mettre en place une règle applicable à l’ensemble des niches fiscales et sociales.
Monsieur le président About, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais insister sur un point : nous sommes les premiers à sortir de la crise,…
Mme Nicole Bricq. Ah bon ?
M. François Fillon, Premier ministre. … mais, en même temps, la croissance est extrêmement fragile. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. Nous sommes encore loin d’en être sortis !
M. François Fillon, Premier ministre. L’économie américaine et celle des pays émergents redémarrent fortement. Si nous voulons nous accrocher au train de la reprise (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.), il faut veiller à ne pas donner des coups de barre désordonnés.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. Aussi, nous maintiendrons le cap de notre politique économique. Ensemble, nous avons fait le choix, que nous assumons, de ne pas recourir aux fonds de pension pour financer nos retraites.
M. René-Pierre Signé. Il faut des mesures efficaces !
M. François Fillon, Premier ministre. Dans le même temps, on ne peut pas avoir un système fiscal qui décourage les investissements dans notre pays (M. Robert del Picchia applaudit.), d’autant que nous évoluons dans une zone économique commune.
J’entends bien les remarques qui fusent de la gauche de l’hémicycle. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je suis prêt à recevoir tous les conseils que vous voudrez bien me donner (M. Alain Gournac rit.), mais certainement pas les leçons. Je rappelle que c’est le parti socialiste, sous le gouvernement de Michel Rocard, qui a inventé le principe du bouclier en plafonnant la fiscalité à 70 % des revenus ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est mieux que 50 %
M. François Fillon, Premier ministre. C’est le gouvernement de Lionel Jospin qui a diminué la fiscalité applicable aux stock-options ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. François Fillon, Premier ministre. C’est le Gouvernement de Lionel Jospin qui a baissé les taux de l’impôt sur le revenu ! (Mêmes mouvements.)
M. Alain Gournac. Effectivement !
M. Paul Raoult. À l’époque, on créait un million d’emplois !
M. François Fillon, Premier ministre. Quant aux niches fiscales, nous en avons autant à notre actif que vous au vôtre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, respectons nos engagements, respectons notre parole et faisons preuve de cohérence dans la politique économique que nous conduisons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
situation de la gendarmerie
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Mais que devient donc la gendarmerie ? Elle change de chef. Elle change de mission. Elle change d’allure. Elle ne joue plus son rôle de proximité. Elle n’assure plus, par une présence visible, proche et durable, son rôle dissuasif et sécurisant.
Les élus nous interpellent, s’inquiètent de certaines décisions.
La suppression de 1 300 emplois prévue en 2010 et la fermeture de 175 brigades territoriales d’ici à 2012 : très mauvais indice !
La fermeture de quatre écoles de gendarmerie sur huit : très mauvais indice !
Le rapprochement du RAID, l’unité de recherche assistance intervention dissuasion, et du GIGN, le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale : nouvel indice !
Le redéploiement de crédits entre les deux forces au détriment de la gendarmerie, à hauteur de 23 millions d’euros en 2009 : encore un nouvel indice !
Les élus se demandent ce qu’il adviendra de la préservation du maillage territorial et de la proximité entre les services de gendarmerie et les citoyens, alors que la population s’accroît et que la délinquance augmente dans les zones rurales et périurbaines.
Ces interrogations, ces craintes, ces critiques ne sont pas le fait de gendarmes que vous auriez martialement sanctionnés. Elles émanent de sénateurs de l’UMP, lors de l’audition par la commission des affaires étrangères, voilà quelques jours, du général Roland Gilles, qui était encore Directeur général de la gendarmerie nationale !
De surcroît, il suffit de regarder autour de nous. Depuis la mise en place des communautés de brigades, depuis que les gendarmes ont été affectés de façon excessive aux tâches de répression routière, nous ne les voyons plus que dans un rôle répressif. Le maître mot n’est-il pas : faire du chiffre ! Voudrait-on créer un sentiment de rejet que l’on ne s’y prendrait pas autrement !
Les craintes s’expriment de toutes parts, sur tous les bancs, que notre gendarmerie ne soit à moyen terme vouée à la fusion avec la police nationale.
Vous donnez l’impression de poursuivre un but inavoué, d’organiser, comme vous l’avez déjà fait en matière de recherche, l’effacement d’un pilier de la République : la gendarmerie, son statut militaire et sa présence, pourtant très appréciée, sur notre territoire.
Monsieur le Premier ministre, acceptez-vous, devant le Sénat, de tirer un premier bilan du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur ? Et surtout, accepterez-vous, si ce bilan est négatif, de revenir sur vos pas ? Cela nous semble absolument indispensable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)