M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 180, présenté par M. Dallier, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le dossier comporte également une estimation, à cinq, dix et quinze ans, de la progression du potentiel fiscal des collectivités locales et de leurs groupements dont tout ou partie du territoire est situé dans le périmètre des 1 500 mètres autour des gares du futur métro automatique.
Veuillez poursuivre, monsieur Dallier.
M. Philippe Dallier. Puisque la séance semble se dérouler dans un climat un peu plus détendu que celle d’hier soir, il me semble utile de rappeler ce dont nous discutons aujourd’hui : nous en sommes à l’examen des articles relatifs au schéma d’ensemble, et n’en sommes pas encore arrivés à ceux qui concernent les contrats de développement territorial.
Hier, au cours des débats, certains ont fait semblant de considérer que c’était la même chose, et que l’avis des 1 300 communes de France avait autant d’importance sur les contrats de développement territorial qui les concernaient que sur le schéma d’ensemble, alors que ces dispositifs sont de natures complètement différentes.
À mon sens, nous devons nous préoccuper de la cohérence du schéma d’ensemble, qui, bien qu’étant relatif aux transports, aura, nous le savons bien, un impact en matière d’aménagement et de logement, et donc de mixité sociale. Par la suite, le développement économique que ce réseau de transport doit engendrer – c’est en tout cas ce que nous en attendons – aura également une incidence sur la capacité fiscale des différentes collectivités locales qui auront la chance de figurer sur le tracé de ce réseau de transport.
Les deux amendements que je vous propose ont pour but d’éclairer le public sur l’impact du réseau de transport en matière de logement et de retombées fiscales.
Les précisions que je souhaite apporter ont un véritable intérêt si nous voulons éviter de connaître les mêmes difficultés et de retomber dans les mêmes erreurs que dans les années soixante ; l’État avait alors investi massivement à certains endroits, et la richesse fiscale, notamment la richesse économique produite, avait été localisée, territorialisée, puis captée par un certain nombre de collectivités locales. Nous ne voulons plus connaître une telle situation, et il me semble donc intéressant de pouvoir préciser dès la présentation du schéma d’ensemble l’incidence du projet de réseau de transport et des aménagements que celui-ci induira sur le rééquilibrage en matière de logement, et donc sur la mixité sociale dans la métropole.
À cette fin, il nous faut à mon avis disposer d’une préfiguration de la répartition de ces logements, même si, bien évidemment, nous n’exigeons pas que celle-ci soit effectuée précisément quartier par quartier.
Le second amendement vise la même évaluation concernant l’évolution des bases d’imposition en matière de richesse économique. Si nous voulons un jour corriger les déséquilibres que connaît la région d’Île-de-France, et plus particulièrement au sein de celle-ci la zone dense, il faut essayer de voir comment cette richesse économique va progresser, et ce afin de connaître l’impact du réseau de transport et d’envisager ensuite la manière dont nous pourrons modifier les mécanismes de péréquation.
Il me semble très important de prendre en compte ces deux éléments : il faut essayer d’apprécier, dès le schéma d’ensemble, l’impact du réseau de transport à la fois sur les logements et sur les retombées fiscales pour les collectivités locales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 179 rectifié et 180 ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Nicole Bricq. C’est tout ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Nous avons vu combien il a été difficile de passer du texte initial du Gouvernement à celui de la commission spéciale, dont la rédaction mentionne enfin les objectifs de construction de logements et l’objectif de mixité. L’article 1er est cependant resté, comme nous l’avons constaté également, de nature plus votive que normative.
Les deux amendements présentés par M. Dallier ont un intérêt majeur puisqu’ils visent à inscrire dans la loi les conditions d’un véritable passage à l’acte concernant la conception de la cité. L’amendement n° 179 rectifié mentionne, d’une part, la répartition par périmètre de contrat territorial, et, d’autre part, la répartition par catégorie de logements. Un objectif global n’a en effet pas beaucoup de sens s’il reste seulement quantitatif et s’il ne permet pas de fixer une répartition qui concourt réellement à la mixité sociale dans les périmètres concernés.
Tous les Franciliens savent que les trente dernières années d’urbanisation dans notre région ont porté une atteinte grave au « vivre ensemble » parce que la préoccupation de mixité sociale n’a pas été prise en compte.
L’amendement n° 180 nous paraît lui aussi pleinement justifié car des objectifs qui ne sont pas assortis de possibilités de financement, et donc d’un réel potentiel fiscal des collectivités locales et de leurs groupements, ont bien évidemment toutes les chances de rester des objectifs éthérés.
Voilà pourquoi nous voterons les amendements nos 179 rectifié et 180.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je voudrais simplement préciser à Mme Tasca et à M. Dallier que nous avons créé dans le texte un article 19 bis qui concerne précisément les problèmes relatifs au logement.
Mme Nicole Bricq. Mais justement !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Il serait donc légitime de discuter de ces problèmes lors de l’examen dudit article. Nous aurons également l’occasion d’aborder ce sujet lors de l’examen de l’article 9 bis, qui vise à créer une taxe sur les plus-values foncières. Parler des problèmes de cohérence du schéma d’ensemble et des questions relatives au logement au début du texte, au moment où l’on présente le schéma à l’ensemble du public, c’est démolir la rédaction proposée par la commission ; c’est pourquoi j’ai émis un avis nettement défavorable !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous n’avons eu de cesse de souligner dès l’article 1er que les intentions et les déclarations contenues dans cet article ne sont pas assorties de mesures contraignantes, notamment dans le domaine du logement social.
Nous avons également souligné qu’il n’était pas possible d’envisager une amélioration des conditions de transport et une réduction des inégalités dans ce domaine en faisant l’économie d’une réflexion profonde sur le logement : il faut s’interroger à la fois sur le besoin de créer des logements en quantité et sur la qualité de ces logements, et réfléchir à la question du logement social.
M. Dallier pointe donc ici une préoccupation que nous pouvons partager : nous sommes confrontés à un schéma d’ensemble, et la question se pose de rendre contraignantes et exigibles des réponses concrètes en termes de logement.
Cela dit, il y a encore loin de la coupe aux lèvres, et ces mesures ne sauraient nous dispenser du respect et de l’application dans toutes les communes du territoire de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Les modifications qu’introduirait l’amendement n° 179 rectifié peuvent cependant nous aider à vérifier que, avec ce schéma d’aménagement, nous allons vers une amélioration effective de la mixité sociale et donc de la solidarité de nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Jégou. Je voudrais apporter mon soutien à Philippe Dallier, car nous souffrons d’une absence totale de mixité sociale dans la région d’Île-de-France.
Lorsque nos collègues des régions parlent de l’Île-de-France, j’ai toujours envie de leur dire qu’il y a non pas « une » mais « des » Île-de-France. Ce que vient de défendre Philippe Dallier me paraît indispensable, même si M. le rapporteur estime qu’il serait plus opportun d’aborder ces questions lors de la discussion de l’article 19 bis.
Dans une loi sur un sujet aussi important, il me paraît nécessaire de bien indiquer notre volonté de rééquilibrage de la région d’Île-de-France. Voilà quelques jours, nous discutions de la révision des différentes dotations de péréquation au sein de ce territoire : mes chers collègues, on ne le dit pas assez, mais la richesse de l’Île-de-France se caractérise par un écart de 1 à 70 entre les différentes collectivités !
Mme Nicole Bricq. Il n’y a pas de quoi être fiers !
M. Jean-Jacques Jégou. Il faut marquer notre volonté de rééquilibrage non pas au détour de ce texte mais véritablement en son cœur. (Mme Bariza Khiari applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur, vous en avez très peu dit en annonçant sèchement un avis défavorable, et vous en avez trop dit en faisant référence à l’article 19 bis. Le problème porte à la fois sur la forme et sur la procédure.
Concernant la procédure, vous nous affirmez à chaque fois soit que le sujet discuté en séance a déjà été examiné auparavant, soit qu’il n’est pas nécessaire de l’aborder parce qu’il sera traité par la suite. On a l’impression que la séance vous agace et que le texte de la commission est celui qui doit sortir de nos débats.
Il me semble cependant que, si nous sommes ici en séance, c’est aussi pour faire la loi ; le texte de la commission ne saurait donc se suffire à lui-même. C’est le principe du débat démocratique. Si vous voulez procéder autrement, il faut de nouveau modifier la Constitution ; mais il n’est peut-être pas dans votre intention d’aller jusque-là !
Sur le fond, vous avez bien fait de parler de l’article 19 bis, parce que c’est précisément l’amendement n° 179 rectifié de notre collègue Philippe Dallier qui est à mettre en rapport avec cet article, lequel, je le rappelle, vise à confier au préfet la charge de la territorialisation des logements visés à l’article 1er, sans distinguer le problème de mixité.
Toute la nuit, vous avez mis en avant le respect des communes et des intercommunalités, des collectivités locales, et vous allez accepter que ce soit l’État qui territorialise ces logements ! Nous savons comment ça se passe ; nous savons où sont construits les logements sociaux ! Je ne veux pas faire référence à la loi SRU, mais on sait où il y a plus de 20 % de logements sociaux et où ce seuil n’est pas atteint !
Concernant l’amendement n° 180, il est évident que nous avons un problème d’inégalités criantes en Île-de-France : c’est une particularité de cette région. On répète sans cesse que c’est la région la plus riche ; mais c’est aussi celle où il y a les inégalités territoriales et sociales les plus fortes. Nous sommes donc ici au cœur du sujet, et on ne peut pas occulter le problème en prétendant qu’il a été réglé auparavant ou qu’il sera réglé ensuite, car c’est maintenant qu’il faut s’y attaquer.
Voilà pourquoi nous voterons les deux amendements présentés par M. Dallier.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je m’interroge réellement sur la volonté d’un certain nombre d’entre vous dans cet hémicycle de mener à bien la discussion sur ce projet de loi.
Mme Nicole Bricq. Nous avons le temps !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Moi aussi ! Mais je parle de la volonté. Nous examinons à présent un article relatif aux documents à mettre à la disposition du public…
M. Jean Desessard. Justement !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … dans le cadre de l’évaluation environnementale, laquelle a été prévue – je le dis incidemment – pour le début de l’automne. Si l’on ne veut pas que ce processus soit mis en œuvre, il faut présenter des amendements de ce type !
Monsieur Dallier, je vous le redis une nouvelle fois, j’ai toujours été d’accord avec vous sur les intentions que vous avez affichées depuis le début du débat, mais rarement sur les modalités de leur mise en œuvre.
Vous proposez que le dossier présenté au public contienne une préfiguration par communes et par typologie, au sens du mode de financement, des 70 000 logements prévus dans le projet du Grand Paris. Or c’est tout simplement impossible, et vous le savez parfaitement !
J’affirme d’ailleurs que vous ne trouverez aucune trace de telles informations dans les nombreux documents émanant de la région, qui dispose pourtant de tous les instruments en la matière.
Mme Nicole Bricq. La région n’a pas la compétence « logement », monsieur le secrétaire d'État !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. À ma connaissance, la question du logement n’est tout de même pas absente du schéma directeur auquel vous avez travaillé pendant cinq ans !
Monsieur Dallier, si un tel amendement était adopté, nous irions tout droit vers l’infaisabilité ou le contentieux. Je vous l’annonce tout net, il n’est techniquement pas possible de réaliser un tel travail dans les prochains mois.
En outre, voter ces amendements, ce serait faire fi de l'article 18, de l'ensemble des dispositions relatives aux contrats de développement territorial figurant dans le projet de loi et, partant, de la capacité des communes et des groupements de communes, entre autres, à traiter des problèmes de logement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut nous mettre d’accord sur la règle du jeu : ou bien on veut empêcher la discussion pour éviter qu’elle n’aboutisse au vote d’un texte, et on agit comme vous le faites ; ou bien on souhaite, malgré nos divergences, avancer de façon constructive, et on s’y prend autrement, c'est-à-dire en respectant l’ordre de discussion qui a été arrêté par la commission spéciale.
Vous avez travaillé au sein de la commission spéciale, vous avez participé aux votes. Je ne comprends donc pas du tout la tournure que prend actuellement le débat, à moins, en effet, que certains d’entre vous souhaitent que ce texte n’aboutisse pas. En tout cas, cela mérite des éclaircissements !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Force est de constater que, depuis déjà hier soir, les amendements de M. Dallier suscitent le débat !
Monsieur le secrétaire d'État, lorsque vous avez dit à l’instant que certaines personnes, dans cet hémicycle, ne souhaitaient pas voir la discussion aboutir, vous vous êtes tourné vers M. Dallier. On pourrait donc en conclure que vous pensiez à lui. Or vous avez affirmé, dans le même temps, partager les intentions qu’il affiche. Il faudrait savoir : soit vous êtes d’accord sur le fait qu’il présente des amendements, soit vous estimez qu’il fait de l’obstruction !
En fait, pour vous, le phasage semble avoir déjà commencé avec ce débat ; vous faites comme si vous étiez le premier tunnelier à l’œuvre, et vous vous dites : « J’ai 130 kilomètres à faire, allez hop, je fonce ! » (Sourires.) Vous n’écoutez personne, ni les partenaires de la majorité, ni les représentants de l’opposition, ni les responsables de la région : vous creusez ! (Murmures sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Monsieur le secrétaire d'État, la consultation à venir ne peut se réduire à un exposé général ; pour intéresser le public, il faut faire connaître les pistes envisagées et les modalités prévues. Ou alors on la considère comme un passage obligé, on assure le service minimum, on continue de creuser, et peu importe ce qui se dira !
M. Nicolas About. Mais non ! Vous savez bien que ce n’est pas encore le moment d’aborder cette question !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le secrétaire d'État, au regard de la mauvaise tournure que ce débat, je le crains, pourrait prendre et des griefs qui nous ont été adressés, selon lesquels nous voudrions prétendument bloquer le projet de loi, je tiens à rappeler un certain nombre de vérités élémentaires.
Premièrement, la loi se fait non pas en commission, mais en séance publique.
Mme Isabelle Debré. Personne n’a dit le contraire !
M. Jean-Pierre Caffet. On peut avoir toutes les discussions possibles en commission, cela n’épuise en rien le débat sur un texte, et heureusement d’ailleurs ! Nous disposons encore du droit d’amendement, et nous comptons bien l’utiliser !
Deuxièmement, nous ne pouvons accepter que vous nous dictiez les délais que vous vous êtes vous-même fixés et que vous voulez imposer à tout le monde. Puisque vous avez décidé que le débat public commencerait en septembre – nous l’avons lu dans la presse et vous l’avez confirmé ici même –, il vous faut boucler le dossier. Mais permettez-nous de ne pas nous soumettre à cette injonction ! (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
Troisièmement, nous ne sommes pas en train d’empêcher la discussion de ce projet de loi ; nous voulons enrichir le texte, et nous considérons que les amendements de M. Dallier sont tout simplement de bon sens. Nous en avons déposé nous aussi un certain nombre en commission sur la question du logement, mais la plupart d’entre eux ont été « retoqués ». Qu’il nous soit donc permis d’y revenir en séance !
Quant à l’article 19 bis, que prévoit-il ? Que le préfet fixera, « pour une période de trois ans, les objectifs annuels de production de nouveaux logements » dans les périmètres concernés.
Pourquoi ne pourrions-nous pas discuter de la manière dont le projet de loi peut être enrichi sur ces deux sujets fondamentaux que sont le logement et les inégalités territoriales ? En effet – et, pour l’instant, le déroulement du débat nous donne raison –, tout ce que vous avez fait figurer à l’article 1er ne constitue que des vœux pieux.
Si, d’un côté, vous inscrivez dans la loi « l’objectif de construire chaque année 70 000 logements géographiquement et socialement adaptés en Île-de-France » et de « réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux », et, d’un autre côté, vous refusez l’amendement n° 179 rectifié, c'est que vous n’y croyez pas vous-même !
De même, alors que l’article 1er dispose que le Grand Paris « vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux », M. Dallier, dans l’amendement n° 180, propose non pas une péréquation, mais simplement « une estimation, à cinq, dix et quinze ans, de la progression du potentiel fiscal des collectivités locales et de leurs groupements dont tout ou partie du territoire est situé dans le périmètre des 1 500 mètres autour des gares du futur métro automatique. » En quoi est-ce déraisonnable ? Ou alors, dites-nous que l’article 1er n’est en fait qu’un leurre et que vous vous êtes moqué de nous !
Vous avez affirmé que cette ligne de métro devait être construite dans les treize ans. Cela reste à voir, d’autant que, comme vous l’avez vous-même avoué, aucun tronçon ne sera ouvert d’ici là. Vous avez même été jusqu’à décréter la nation en danger. Permettez-nous d’être quelque peu circonspects !
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.
M. Jean-François Voguet. Il est tout de même à mon sens très exagéré de refuser aussi sèchement ces deux amendements, ne serait-ce qu’au regard de leur importance.
Reconnaissez qu’il n’y a rien d’extraordinaire à vouloir informer le public de la nature des logements qui seront construits autour des gares et des retombées fiscales attendues pour les années à venir, sauf à considérer que le fait de soulever la question de la mixité sociale dans le logement constitue un véritable problème. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin acquiesce.)
On avance le chiffre de 70 000 nouveaux logements par an ; mais de quel type de logements s’agit-il et où seront-ils construits exactement ? Chacun sait ici, surtout les maires, combien le coût du foncier et le prix des loyers en Île-de-France, notamment dans la petite couronne, sont élevés. L’accession à la propriété y est devenue très difficile, voire quasiment impossible, pour les familles moyennes, en particulier pour les jeunes couples, et je ne parle même pas des personnes confrontées à une extrême pauvreté et en très grande souffrance.
Par conséquent, il faut le dire, il sera nécessaire de construire des logements sociaux publics pour les familles moyennes et modestes, tant sont grandes les inégalités territoriales en la matière. Cela pose donc de nombreuses questions, y compris celle de l’application de la loi SRU.
Par ailleurs, l’estimation des recettes fiscales que la densification autour des gares entraînera permettra notamment d’avoir une idée plus précise des modalités de financement du logement social.
Chacun ici sait, en particulier les maires, que la construction de logements sociaux implique une participation des collectivités territoriales, notamment des communes, par l’intermédiaire de la surcharge foncière ; c’est d’ailleurs un problème compte tenu des ressources des collectivités territoriales.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons ces deux amendements importants.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, je vous le dis en toute franchise : nous ne nous jouons pas à faire de l’obstruction !
M. Nicolas About. Au contraire, vous accélérez le débat ! (Sourires ironiques sur plusieurs travées de l’UMP et au banc de la commission. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jacques Mahéas. Monsieur About, si vous voulez bâcler l'examen du texte, dites-le nous ! La mixité sociale est un sujet majeur, que je sache ! D’ailleurs, je vous ai entendu l’évoquer tout à l’heure, en aparté.
M. Nicolas About. On va en parler, mais plus tard ! Quand ce sera le moment ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jacques Mahéas. Si vous le dites…
Mme Nicole Bricq. On en parle quand on veut !
M. Nicolas About. Vous savez très bien que ce n’est pas à cet article, mais plus loin, que doit être posée la question de la mixité sociale. Mais parlons-en, puisque vous y tenez, car vous êtes bien mal placés pour nous donner des leçons ! Il n’est qu’à voir l’état catastrophique dans lequel vos amis communistes ont laissé les grandes communes qu’ils ont gérées pendant trente ou quarante ans ! Là, c’est sûr, il faudra encourager la mixité sociale ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, j’aimerais tout de même profiter de mon temps de parole…
M. Nicolas About. Ne faites pas de provocation, alors !
M. Jacques Mahéas. C’est vous qui m’avez interrompu !
M. le président. Monsieur About, je vous en prie !
M. Jacques Mahéas. Je poursuis.
S’agissant d’un projet dont le coût est estimé entre 20 milliards et 30 milliards d'euros, il est tout de même logique que nous soyons très pointilleux : oui, il faut donner à nos concitoyens toute l’information nécessaire pour qu’ils puissent juger de l’opportunité de ce projet et de sa réalisation sur place !
Il n’est tout de même pas anodin que de tels amendements soient présentés par un élu du 93, comme moi, qui plus est – excusez du peu ! – rattaché au groupe UMP. La Seine-Saint-Denis est l’un des départements les plus pauvres d’Île-de-France, et certainement celui qui rencontre le plus de difficultés. Or les expériences qui sont en train d’y être menées ne sont pas toutes concluantes.
Ainsi, dans des quartiers déjà difficiles, sous couvert de restructuration urbaine, on reloge des familles en provenance de zones connaissant des problèmes similaires. On ajoute donc de la difficulté à la difficulté !
Nous pourrions parfaitement utiliser ce périmètre de 1 500 mètres défini autour des gares comme un ballon d’oxygène pour favoriser la mixité sociale. Mais dans la mesure où un certain nombre de maires ne manqueront pas de bloquer ce genre d’initiatives et de refuser des logements sociaux, il serait bon que nos concitoyens en soient informés. Après tout, c’est une information comme une autre, qui doit logiquement figurer dans le dossier destiné au public.
Aménager 28 000 hectares, ce n’est tout de même pas rien. Chacun est en droit de savoir en quoi ces 70 000 nouveaux logements annuels permettront de restructurer la région parisienne, d’apporter plus d’harmonie et de favoriser la mixité sociale.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous le redis, nous n’avons nullement l’intention d’arrêter le débat. Bien au contraire, nous entendons l’approfondir, et c’est même dans votre intérêt. Plus nos concitoyens, notamment franciliens, seront informés, plus il sera facile ensuite d’accélérer la mise en œuvre du processus. Si jamais les Franciliens ont l’impression de ne pas être informés, de ne pas savoir ce qui va se passer autour des gares, vous allez nourrir leur suspicion, et ils n’adhéreront pas à votre projet.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Monsieur le rapporteur, les choses se sont bien passées en commission : nous avons débattu, des désaccords se sont fait jour sur un certain nombre de points et nous vous avons fait part de notre intention d’y revenir en séance publique.
Monsieur le secrétaire d’État, si nous insistons, c’est parce que nous savons que la loi sera adoptée et qu’en définitive nous souhaitons qu’elle atteigne les objectifs que vous vous êtes vous-même fixés.
Puisque vous nous dites accepter un rééquilibrage à l’est de la région, nous vous proposons d’examiner attentivement la situation et de nous employer à travailler ensemble sur le sujet.
Il faut tout de même réfléchir aux incidences de la réforme fiscale. La commission Carrez a mis en évidence la difficulté de faire le point de la situation en ce qui concerne le foncier, les recettes, etc. Cette difficulté sera encore aggravée avec une réforme fiscale qui n’ira pas forcément dans le sens que tout le monde souhaiterait, car elle consiste en fait à prendre ici pour mettre là. Ce n’est pas toujours facile à faire accepter ! Or il faudra bien que vous défendiez votre projet et que vous nous aidiez à procéder à ce rééquilibrage.
Interrogez les maires, demandez-leur ce qu’il faudrait faire pour redresser la situation : tous, en tout cas tous ceux de l’est et du nord de l’Île-de-France, vous réclameront plus de moyens, vous demanderont de les aider à trouver des entreprises. La construction de logements, ils n’en sont pas forcément fanatiques ! Ils voudraient aussi voir se créer des emplois sur leur commune, précisément dans cette perspective de rééquilibrage.
À l’heure actuelle, en dehors des opérations menées par l’ANRU, on voit bien que l’État tarde à remplir ses obligations, ce qui compromet nos prévisions et diffère la réalisation de nos plans.
Si nous voulons que le texte soit plus encadré, ce n’est pas contre vous, monsieur le secrétaire d'État : il s’agit simplement de bien inscrire dans la loi la nécessité de rester vigilant sur ce rééquilibrage, qui est l’un des éléments de votre double boucle.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.