Mme Dominique Voynet. Cet amendement n’a pas tout à fait le même objet que l’amendement que vient de présenter M. Caffet.
Certes, nous partageons le diagnostic, mais nous contenter de faire référence au principe du développement durable dans l’article 2 me semble un peu court.
M. Caffet propose de modifier le troisième alinéa du texte. Je suggère, pour ma part, d’insérer un nouvel alinéa après l’alinéa 8. Au demeurant, si le Sénat décidait de retenir l’amendement de M. Caffet, je proposerais de rectifier mon propre amendement pour n’en maintenir que la première phrase, qui me paraît nécessaire.
Le développement durable est trop souvent une tarte à la crème, un concept galvaudé et généralement réduit à sa seule dimension environnementale. Il faut donc en préciser les modalités d’application. C’est ce que fait excellemment l’article 17 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Je ne reviendrai pas sur l’argumentation qui vient d’être déployée : à vous de choisir, mes chers collègues, s’il vaut mieux inscrire cette référence à l’article 17 en optant pour la suggestion de M. Caffet ou pour la mienne.
Cela dit, l’actuelle rédaction de l’article 2 ne prévoit pas que le schéma doive mentionner la description des coûts d’investissement et de fonctionnement du futur réseau ainsi que de ses modes de financement.
Préciser les modalités techniques de mise en œuvre du futur réseau sans en fixer les modalités financières me semble insuffisant. Je propose donc de compléter l’article 2 du projet de loi en insérant un nouvel alinéa après l’alinéa 8 afin de pouvoir disposer d’éléments précis d’appréciation sur l’intérêt du réseau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Le projet de loi relatif au Grand Paris respectera-t-il les enjeux liés au développement durable ? L’article 17 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement prévoit un certain nombre de critères : le solde net d’émissions de gaz à effet de serre induites ou évitées par le projet rapporté à son coût, l’avancement d’autres projets et les perspectives de saturation des réseaux concernés, etc.
Il est clair que le projet, M. le secrétaire d'État nous le confirmera, tiendra compte de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et respectera les critères prévus à l’article 17. Je tiens à rassurer sur ce point les auteurs des deux amendements.
En outre, le fait d’inclure le projet du Grand Paris dans le futur schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, prévu par le Grenelle I, reviendrait à allonger des délais que nous essayons par ailleurs de réduire.
Mme Nicole Bricq. Il ne fallait pas le voter !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Ce schéma était prévu pour 2009. Il n’a toujours pas vu le jour et le Gouvernement n’est pas en mesure aujourd'hui de nous fournir une date d’élaboration crédible.
Enfin, ces deux amendements se veulent en cohérence avec l’économie générale du schéma directeur de la région d’Île-de-France. S’il s’agit de l’ancien schéma directeur, celui de 1994, il est clair qu’un certain nombre d’éléments sont dépassés. S’il s’agit du nouveau schéma directeur, je vous rappelle que le document n’a pas été transmis au Conseil d’État, qu’il a besoin d’être révisé.
Pour ces trois raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 119.
Mme Nicole Bricq. Je suis sidérée par les explications de M. le rapporteur.
M. Dominique Braye. Ce n’est pas grave ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Bricq. Selon lui, nous pouvons nous asseoir sur le Grenelle I, loi dont l’encre n’est pas encore sèche et qui a été votée par tout le monde, puisque le Gouvernement n’a toujours pas élaboré le nouveau schéma directeur !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !
Mme Nicole Bricq. Dans ce cas, avec l’autorisation de M. le président, dites-nous précisément ce que nous devons comprendre !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je m’explique. Le projet de loi relatif au Grand Paris présenté par Christian Blanc respectera, évidemment, la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et tous les critères prévus à l’article 17 en matière de développement durable.
Mme Nicole Bricq. Bon !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. C’est clair !
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Dominique Braye. C’est très clair !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Il n’est nul besoin de préciser dans ce texte que l’article 17 de la loi du 3 août 2009 sera respecté, car c’est une évidence.
M. Dominique Braye. Tout à fait ! On ne va pas répéter toutes les lois ! Vous proposez des lois bavardes !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je pourrais vous donner lecture des six critères fixés par l’article 17, car j’ai le texte sous les yeux !
Par ailleurs, il n’est pas possible d’inscrire le projet du Grand Paris dans le SNIT dans la mesure où ce schéma prévu par la loi n’est pas encore élaboré. Nous ne savons pas quand il le sera. Adopter une telle disposition entraînerait des retards dans des procédures que nous essayons par ailleurs d’accélérer.
Enfin, ces deux amendements font état de cohérence avec le schéma directeur de la région d’Île-de-France. La majorité de la commission spéciale ne le souhaite pas.
En effet, soit il faut se référer à l’ancien schéma directeur, qui ne prévoyait pas de mécanisme particulier en matière de développement durable, soit il faut se référer au nouveau schéma directeur, qui n’est pas accepté par le Gouvernement et doit faire l’objet, pour être publié, d’une révision : nous vous l’avons dit dix fois depuis le début de cette discussion !
Pour ces trois raisons, je le répète, nous sommes défavorables à ces deux amendements.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Pour ce qui est du schéma directeur de la région d’Île-de-France, nous avions compris, nous avons une divergence de fond et vous refusez les deux amendements à ce titre.
En revanche, je persiste dans mon incompréhension quand vous arguez du fait que le schéma national des infrastructures de transport n’est pas établi et que vous ne voulez pas perdre de temps. Mais ne prenez pas les parlementaires en otage ! Le Gouvernement est entièrement responsable de cet état de fait ! M. le secrétaire d'État pourra nous explique, d’ailleurs, les raisons d’un tel retard.
Le Gouvernement ne respecte pas les lois qu’il fait voter. Il y a là un vrai problème.
Je remarque que vous êtes obsédés par le problème du temps s’agissant de votre grande boucle alors que vous ne savez pas encore – je le prouverai lorsque nous examinerons les articles financiers et fiscaux – avec quelle monnaie vous allez payer vos travaux.
M. Dominique Braye. Avec des euros ! Nous n’allons pas payer en dollars !
Mme Nicole Bricq. L’incohérence n’est pas de notre côté, monsieur le rapporteur, mais du vôtre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. En présentant cet amendement, je me demandais s’il n’était pas satisfait, mais, en donnant l’avis de la commission, M. le rapporteur en a totalement justifié le dépôt.
Monsieur Fourcade, j’ai moi aussi l’article 17 sous les yeux. Cet article définit le SNIT. Il précise : « Le schéma national des infrastructures de transport sera élaboré en 2009, en concertation avec les parties prenantes du Grenelle ». Nous sommes en 2010, et M. Fourcade avoue que le SNIT n’existe pas et reconnaît qu’il n’existera probablement pas avant des années !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je n’ai pas dit ça !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous avez dit qu’il ne sera pas élaboré avant longtemps !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. J’ai parlé d’un certain temps !
M. Jean-Pierre Caffet. Or, aux termes de l’article 17, L’État doit évaluer l’opportunité des projets d’infrastructures à inscrire dans le schéma national des infrastructures de transport en se fondant sur un certain nombre de critères.
Comme l’article 17 n’a pas été respecté, que le SNIT n’existe pas et qu’il n’existera pas avant longtemps, inscrivons donc dans le projet de loi que, en l’absence de ce SNIT, les critères s’appliqueront. Nous n’avons, en effet, rigoureusement aucune garantie à ce sujet puisque l’article 17 du Grenelle I n’a pas été appliqué !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Il y a des lois que l’on applique de façon implacable et d’autres que l’on n’applique pas, notamment lorsqu’elles sont rédigées de manière imprécise et bavarde, et qu’elles n’emportent finalement aucune décision concrète.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que le projet du Grand Paris respectera la loi du 3 août 2009 et tous les critères du développement durable, notamment ceux qui sont précisés à l’article 17.
Fort bien, mais ce n’est pas ce qui figure dans le projet de loi ! Il y est écrit que le schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris est « respectueux des enjeux liés au développement durable ».
Quelle solidité juridique cette rédaction offre-t-elle ? Est-ce qu’elle emporte une obligation? Je ne suis absolument pas rassurée et je préférerais qu’il soit fait précisément référence à la loi du 3 août 2009, quitte à ne pas citer tous les critères prioritaires d’appréciation. Cela nous donnerait de meilleures garanties que la loi soit respectée.
Il est d’autres lois que vous négligez dans ce projet de loi ; je pense notamment à la loi d’orientation des transports intérieurs, qui prévoit une étude d’impact complète des projets de grandes infrastructures.
L’amendement n° 251 vise à compléter le contenu du schéma d’ensemble du réseau et l’énumération de ses principales caractéristiques par l’ajout de la description de ses coûts d’investissement et de fonctionnement ainsi que de ses modes de financement.
J’ai compris que vous n’étiez pas très à l’aise par rapport aux modes de financement, mais il n’est pas acceptable de nous proposer de décrire les principales caractéristiques d’un schéma de transport sans évoquer en aucune façon les questions financières.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 171 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 251.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 226 est présenté par Mme Morin-Desailly et MM. J.L. Dupont, Maurey et Pozzo di Borgo.
L'amendement n° 235 rectifié quinquies est présenté par MM. A. Dupont, Garrec, Le Grand et Lambert, Mme N. Goulet et MM. Godefroy et Revet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
à la Normandie
par les mots :
aux régions Haute Normandie et Basse Normandie
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour présenter l'amendement n° 226.
M. Yves Pozzo di Borgo. Ces deux amendements sont, en réalité, les amendements « Dupont-Dupont », puisque le premier d’entre eux, que je défendrai, a été cosigné par Jean-Léonce Dupont, tandis que le second, que défendra Nathalie Goulet, a pour premier signataire Ambroise Dupont. (Sourires.)
L’amendement n° 226 a une portée essentiellement rédactionnelle, puisqu’il vise à préciser que le réseau de transport à grande vitesse reliera l’agglomération parisienne aux régions Haute-Normandie et Basse-Normandie. Cette précision s’inscrit dans une approche de la façade maritime qui ne doit pas se réduire à la seule Haute-Normandie, c’est-à-dire Rouen et le Havre, mais qui doit englober des villes à fort potentiel de développement comme Caen et Cherbourg.
C’est pourquoi il convient de mentionner, au cinquième alinéa de l’article 5, les deux régions Haute-Normandie et Basse-Normandie… avant que celles-ci n’en fassent plus qu’une.
Mme Nathalie Goulet et M. Alain Gournac. Peut-être ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 235 rectifié quinquies.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement, identique à celui que vient de défendre notre collègue, transcende les frontières administratives et politiques, puisque ses signataires sont des élus à la fois de la Haute-Normandie et de la Basse-Normandie, et représentent différents courants politiques, Jean-Pierre Godefroy l’ayant également cosigné.
Comme vous le savez, le réseau ferroviaire de Basse-Normandie est totalement sinistré. Certes, dans le cadre du plan de relance, nous avons bien tenté d’améliorer la liaison Paris-Granville, mais la ligne Paris-Cherbourg est dans un état guère meilleur, le tronçon Caen-Cherbourg allant même clopin-clopant.
Malgré les efforts du président de région, nous ne disposons toujours pas d’un réseau ferroviaire digne de ce nom. D’ailleurs, j’encourage chacun de mes collègues, notamment Dominique Braye, à emprunter de temps en temps le Paris-Granville ; ils verront ce qu’il en est.
M. Dominique Braye. J’emprunte souvent le Caen-Cherbourg ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. C’est très bien, mais je vous invite à emprunter aussi le Paris-Granville ! (Nouveaux sourires.)
L’alinéa 5 de l’article 2 vise la Normandie, qui n’est pas une entité administrative. C’est pourquoi nous proposons de remplacer cette dénomination par les mots « aux régions Haute-Normandie et Basse-Normandie ».
Cela dit, monsieur le président, vous l’aurez compris, nous voulons souligner l’impérieuse nécessité de développer le réseau ferroviaire de Basse-Normandie.
M. le président. Je vous ai comprise, ma chère collègue ! (Sourires.)
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques. (Marques de satisfaction.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. En réalité, militant depuis près de trente ans pour la réunification des deux régions normandes, je pourrais me réjouir qu’un projet de loi fasse explicitement référence à la Normandie. Il n’en demeure pas moins que, pour l’instant, la Normandie n’est pas, malheureusement, une entité administrative ; c’est pourquoi il est plus prudent, en effet, de faire référence aux régions Basse-Normandie et Haute-Normandie.
Même si un comité, placé sous l’égide du président de la région Basse-Normandie, et en relation avec M. le secrétaire d’État aux transports, tente de promouvoir la construction de lignes à grande vitesse vers la Normandie, il n’en demeure pas moins que cet amendement, fort utilement, « sécurise » la Basse-Normandie, qui se demande parfois avec inquiétude si les lignes la desservant sont bien incluses dans le projet de réseau ferroviaire à grande vitesse.
Dans le passé, la région Basse-Normandie a consenti de très gros efforts financiers pour l’électrification de la ligne Paris-Cherbourg, la suppression des passages à niveau et la mise aux normes des voies. Malheureusement, les temps de parcours n’en ont guère été améliorés.
S’il arrive à M. Braye d’emprunter la ligne Caen-Cherbourg, pour ma part, j’emprunte régulièrement la ligne Paris-Cherbourg, comme vous, monsieur le président. Outre les retards significatifs que nous subissons souvent, il arrive parfois que, en gare Saint-Lazare, les wagons soient bien sûr les rails, n’attendant plus que la locomotive pour les tracter…
La connexion de la Basse-Normandie à une ligne à grande vitesse est indispensable, et c’est pourquoi je remercie M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État d’avoir émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Bien évidemment, je voterai moi aussi ces deux amendements, puisque tant la commission que le Gouvernement y sont favorables.
Simplement, je me demandais s’il n’aurait pas été plus approprié que les auteurs de ces amendements proposent, par exemple, la dénomination « Grande Normandie ». Auquel cas, il faudrait que le Gouvernement soumette au Parlement un projet de loi sur la Grande Normandie !
M. Jean Desessard. Ou Boucles de Seine !
M. Christian Cambon. Et c’est un Corse qui propose cela ! (Sourires.)
M. le président. Il s’agit là d’un autre débat.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 226 et 235 rectifié quinquies.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par M. Caffet, Mme Bricq, M. Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, MM. Badinter et Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- le phasage motivé prévisionnel des opérations.
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Cet amendement vise à ajouter au contenu du schéma le principe d'un phasage des opérations. Un tel principe, qui esquisserait ainsi la programmation des opérations mises en œuvre, pour les vingt ans à venir, en vue de l’amélioration des transports pour les Franciliens, a été acté dans le rapport Carrez.
Pour intégrer à leurs prévisions budgétaires les investissements nécessaires, les collectivités doivent pouvoir compter sur une programmation indicative des infrastructures.
Dans le cadre du plan de mobilisation pour les transports, les clés de répartition sont les suivantes : la région, les départements et le STIF sont prêts à financer 67 % des investissements, soit 12 milliards d’euros. Le plan prévoit une participation de l’État à hauteur de 5,8 milliards d’euros.
Ce plan de mobilisation se fera, car il comprend des travaux qui concernent directement les Franciliens. Comme nous l’avons déjà expliqué, nous souhaitons que s’instaure un véritable partenariat entre les collectivités et la région. Nous serions donc favorables à ce que l’État, via la Société du Grand Paris, précise le déroulement des opérations de construction du réseau du Grand Paris, ne serait-ce que pour que la région procède en complémentarité avec la SGP.
Un tel phasage sera en outre utile aux communes et aux intercommunalités, qui pourront ainsi se projeter dans un avenir proche ou lointain, selon les hypothèses. Vous conviendrez avec nous que faire miroiter des gares qui risquent d’ouvrir dans trente ans relève de la mystification.
Par quel bout allez-vous commencer ? Quelles tranches seront mises en service en premier lieu ? La réponse à ces questions est essentielle : pensez que certaines portions du réseau risquent fort de ne pas être mises en service avant 2040 ! Peut-on encore se fier au phasage qui prévalait en avril 2009, lequel prévoyait une première phase avec ouverture de certaines sections dès 2017 ? De quelles sections s’agira-t-il ?
Du phasage des réalisations dépendront fortement la physionomie et la nature du développement économique, ainsi que la forme de la ville que nous laisserons à nos enfants. Évoquer le phasage, c’est se donner une feuille de route partenariale, quitte à prévoir que le schéma évolue, au gré des obstacles rencontrés en cours de route.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission spéciale n’est pas favorable au phasage, bien qu’il ait été proposé par mon ami Gilles Carrez, qui m’a succédé à la présidence du Comité des finances locales.
Gilles Carrez, selon l’angle d’approche qu’il a adopté vis-à-vis de ce projet, estime qu’il convient de « phaser » les opérations et de renvoyer à une date ultérieure le bouclage complet de l’opération. Or nous discutons d’un projet dans lequel il est fondamental que la « boucle » soit bouclée. En effet, si l’on réalise deux systèmes d’arc au nord et au sud de la région d’Île-de-France, avec en complément des tangentielles nord-sud, sans que le système soit bouclé, d’une part, on perd un trafic considérable et, par conséquent, des recettes qui permettraient, madame Bricq, de financer l’amortissement du capital, d’autre part, on risque de retarder indéfiniment les opérations.
Par conséquent, étant opposé à cette notion de phasage, j’émets, au nom de la commission spéciale, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement, pour des raisons identiques à celles que M. le rapporteur a détaillées avec précision. Il s’agit d’une question de fond très importante.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur nous fait part de son désaccord avec la notion même de phasage, dont M. le secrétaire d'État a raison de signaler qu’il s’agit d’une question de fond. Ce serait bien la première fois qu’une infrastructure de transport d’une telle ampleur se ferait sans phasage !
Selon vos estimations, que vous considérez comme réalistes, le réseau de transport public du Grand Paris, qui aura une longueur totale de 130 kilomètres, coûtera 21 milliards d’euros. Or, lors de son audition, le président de la RATP a évoqué devant nous le chiffre de 25 milliards d’euros. Et d’autres techniciens des transports parlent, quant à eux, de 30 milliards d’euros.
Personnellement, je ne suis pas une spécialiste de ces questions, mais je me souviens que la construction des lignes de TGV avait, elle aussi, entraîné des surcoûts.
Lors de la construction d’EOLE, la ligne E du RER, en dépit des études géologiques qui avaient été réalisées, un effondrement se produisit rue Papillon, dans le IXe arrondissement, et le chantier fut bloqué pendant plusieurs mois.
Or, la double boucle sera en partie souterraine. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez expliqué tout à l’heure que les couloirs ne seraient pas creusés à une grande profondeur, ce qui rendrait la construction plus facile et plus rapide. Il s’agit là de données de nature technique sur lesquelles je suis prête à vous croire sans discuter.
Vous avez également déclaré que, dans treize ans, c’est-à-dire en 2023, les travaux seraient entièrement réalisés, ce dont il est permis de douter s’agissant d’infrastructures d’une telle ampleur.
M. Carrez a établi un phasage qui va jusqu’en 2025, en explorant toutes les voies de financement et en intégrant les priorités qui convenaient à la région d’Île-de-France
Monsieur le rapporteur, je conçois que vous n’acceptiez pas l’échéance de 2025 prévue par M. Carrez, mais je ne comprends pas que vous refusiez d’inscrire dans la loi un phasage motivé qui nous permettrait d’y voir plus clair. Ce blocage me paraît insensé.
Vous allez demander à votre majorité de voter un texte à l’aveugle : ce n’est pas sérieux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun s’exprime ici avec une grande sincérité, ce qui nous permet, progressivement, de bien cerner nos points de divergence.
Madame Bricq, je comprends la logique budgétaire ; je vous demande de comprendre la logique industrielle.
Mme Nicole Bricq. C’est ce que je fais !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Vous savez donc que les grands projets industriels sont élaborés à partir d’un planning, que les travaux sont organisés en continu.
Mme Nicole Bricq. Je le sais !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Merci ! Il n’est pas inutile de s’arrêter un instant sur une des difficultés du phasage.
Dans la logique du phasage, on détermine un objectif, on le réalise, puis l’on arrête les travaux. Ce qui coûte très cher, c’est de reprendre un chantier qui a été interrompu. Or, avec le phasage, on multiplie les interruptions et les reprises.
En ce qui concerne Arc Express, vous semblez considérer que, dans la mesure où l’on ne pourra pas réaliser toute la rocade, mieux vaut commencer par faire deux arcs. Ensuite, on finira lorsqu’on pourra. Si l’on devait procéder ainsi, cela coûterait beaucoup plus cher. Je vous demande donc de bien vouloir envisager une autre manière de raisonner.
Au début de notre discussion, et ce n’est pas un hasard, nous avons évoqué les villes-monde, le rayonnement international, ce qui se passe dans le monde et que nous pouvons tous observer.
La construction de 130 kilomètres de voies de métro automatique représente bien évidemment un chantier important. Mais un tel chantier est à la mesure d’un pays qui reste la cinquième puissance industrielle du monde, qui possède des sociétés de taille mondiale, ne serait-ce qu’en matière de tunnelier. Notre pays est donc capable de relever le défi qui est devant lui. D’ailleurs, des opérateurs industriels français conduisent déjà des chantiers de grande envergure au Moyen-Orient, en Chine ou en Inde.
La difficulté est de trouver les financements nécessaires à la réalisation d’une telle opération. Nous recherchons un mode de financement qui ne soit pas calé sur un dispositif budgétaire. Nous savons tous ce que, hélas, impliquent les impératifs budgétaires, surtout dans une période économique difficile.
Nous devons faire un effort de compréhension mutuelle. Le projet a été conçu globalement afin de pouvoir être réalisé rapidement. Dans ces conditions – je vais me répéter, mais je vous demande de prendre cette répétition comme une volonté d’explication, et non pas comme une agression –, il nous a semblé que seul l’État pouvait porter un projet de cette nature. Il doit en assumer la responsabilité financière en dépit des difficultés conjoncturelles.
Mme Nicole Bricq. Nous en reparlerons !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Ne soyez pas dubitative a priori. On pourrait certes concevoir que d’autres entités puissent porter ce projet, des fonds d’investissement par exemple, comme cela se fait dans certains pays. Toutefois, je ne souhaite pas qu’il en soit ainsi. Eu égard à la nature du projet, je préfère que l’État lui apporte une garantie de bonne fin. Je ne crois pas que nous aurons beaucoup de divergences sur ce point.
Enfin, pour conduire une opération de cette envergure dans des délais rapides, il convient d’avoir un maître d’ouvrage dédié suffisamment solide.
La loi va nous permettre de mettre en place des procédures qui raccourciront les délais administratifs. Les délais du débat public ou de l’enquête publique ne sont pas touchés et restent calés sur les réglementations française et européenne.
Madame Bricq, si vous considérez que l’on ne sait plus mener de telles opérations en France, il faut le dire. Mais à ce moment-là, il ne faut plus rêver de ville-monde, de compétition mondiale, il ne faut pas espérer conserver une identité française et européenne. Il faut accepter que tout cela n’ait été qu’un rêve qui ne se réalisera jamais. Mais je pense qu’il ne se trouve personne dans cette enceinte pour tenir un tel langage.
Vos propos se veulent réalistes, mais ils renvoient à une réalité ancienne. Nous devons être capables de nous hisser au niveau des exigences que nous nous sommes fixées. Ce point ne devrait pas donner lieu longtemps à discussion entre nous, madame Bricq, tout au moins, je ne le crois pas. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.