M. Jean-Pierre Michel. Comme je suis un bon élève en commission des lois, j’écoute notamment ce que disent Mme le rapporteur – même si je ne suis pas toujours d’accord avec elle – et les membres de la commission des lois, M. Gélard en particulier. C’est la raison pour laquelle je présente cet amendement rectifié.
Pour tous les enfants nés hors mariage – je vise le PACS, mais aussi le concubinage et l’union libre, cas dans lesquels il est très difficile de connaître le moment de la rupture –, il n’y a presque jamais de saisine du juge aux affaires familiales.
Les parents trouvent un accord – dans leur intérêt plus que dans celui de l’enfant, d’ailleurs – notamment sur la garde de l’enfant et le choix de l’école où il sera scolarisé.
Lorsqu’un conflit surgit, souvent à l’occasion d’un déménagement ou d’un changement d’établissement scolaire, les parents sont désemparés, notamment la mère, qui, le plus souvent, exerce la garde effective de l’enfant.
J’ai rencontré beaucoup de personnes dans cette situation à ma permanence, avant, en tant que député, et aujourd’hui, en tant que sénateur. Je leur conseille toujours de saisir le juge aux affaires familiales qui réglera, dans l’intérêt de l’enfant, toutes les questions relatives à l’exercice du droit de garde et du droit de visite, ainsi qu’à la pension compensatoire.
Cet amendement a donc pour objet de répondre à ce qui constitue une lacune de notre droit et ne concerne que les couples pacsés, pour lesquels on peut connaître exactement le moment de la rupture. Il tend à préciser que, sauf lorsque le PACS prend fin pour cause de mariage des pacsés – il y a alors dissolution automatique du PACS attestée par l’inscription en marge de l’acte par l’officier de l’état civil –, le juge aux affaires familiales sera obligatoirement saisi aux fins de statuer sur toutes ces questions relatives aux enfants, adoptés ou non, du couple pacsé.
Tel est l’objet de cet amendement, qui devrait être adopté par la totalité des membres du Sénat, dans l’intérêt de l’enfant, à moins que nous ne soyons dans une assemblée d’hypocrites !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Cet amendement constitue en fait à lui seul un autre texte. Il ne se situe plus sur le terrain de l’adoption proprement dite et semble sans lien avec l’article unique, puisqu’il concerne des enfants nés de couples pacsés. À ce titre, il aurait pu être considéré comme irrecevable, mon cher collègue.
Mais ce débat est utile et le présent amendement contribue à faire avancer notre réflexion.
Il s’agit donc d’obliger les partenaires pacsés qui se séparent alors qu’ils ont des enfants à saisir le juge aux affaires familiales afin qu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et la contribution à l’entretien des enfants.
Ce faisant, on tente de remédier à l’insécurité juridique plus grande dans laquelle peuvent être placés les enfants de concubins ou de pacsés par rapport aux enfants d’un couple marié, dans la mesure où rien ne garantit les premiers qu’un tiers impartial se prononcera au mieux de leur intérêt comme cela se passe pour les seconds.
Ce point constituait l’une des réserves importantes formulées dans le rapport de la commission sur cette proposition de loi.
Je salue cette avancée.
Cependant, je le répète, la réponse apportée est trop lacunaire. La modification proposée ne garantira pas aux enfants adoptés par un couple pacsé une protection équivalente à celle qui est accordée aux enfants adoptés par un couple marié.
En effet, comme je le montre dans mon rapport écrit, les enfants issus de couples non mariés restent exposés à un risque de plus grande instabilité, les ruptures intervenant plus souvent et plus tôt entre partenaires ou concubins. Or il convient de garantir aux enfants adoptés la situation la plus stable possible.
Chers collègues, dans vos interventions, vous parlez d’enfants nés de couples pacsés ou mariés, pas d’enfants adoptés ! J’en suis désolée, mais je crains que vous ne sachiez pas bien ce qu’est l’adoption.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais si, on le sait très bien !
M. Richard Yung. On le sait, madame Des Esgaulx !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Au risque d’insister, je me dois de préciser que les enfants adoptés ont vécu un drame. Pour reprendre l’exemple des enfants d’Haïti dont vous parliez, monsieur le secrétaire d’État, ces enfants-là ont, quant à eux, connu deux drames. Voilà pourquoi nous devons les « surprotéger », en quelque sorte, et leur éviter de vivre un drame supplémentaire.
Le dispositif ici proposé est très incomplet. Il ne définit pas la façon dont le caractère obligatoire de la saisine du juge sera assuré.
Actuellement, dans le cas du mariage, le juge aux affaires familiales est saisi pour prononcer le divorce et statuer en même temps sur l’autorité parentale.
Dans le cas du PACS, aucun juge n’ayant à prononcer la séparation, qui intervient sur simple déclaration – parfois même, comme je l’ai rappelé, de manière unilatérale –, rien ne garantit la saisine automatique du juge aux affaires familiales.
Par ailleurs, avec le dispositif envisagé, nous devons tout de même nous interroger sur le risque de dénaturation du PACS.
Le pacte civil de solidarité répond, dans son esprit, à une logique propre, empruntant à l’union libre la liberté d’engagement et de rupture et, au mariage, la protection patrimoniale, mais sans avoir aucune vocation familiale spécifique.
L’introduction d’un passage obligé devant le juge aux affaires familiales modifierait sensiblement l’équilibre sur lequel repose actuellement le PACS. Or je ne suis pas sûre que toutes les personnes pacsées aujourd’hui souhaitent une telle évolution.
Parlant de l’adoption, vous partez certes du constat, que nous partageons, d’une protection moindre des enfants issus de couples non mariés, mais pour proposer une disposition unique et globale qui, s’appliquant à l’ensemble des pacsés, risque de dénaturer totalement le contrat sans correspondre à ce que recherchent vraiment les intéressés.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement fait sienne l’argumentation développée par Mme le rapporteur, qui a été très complète, et émet également un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Je serai bref, car je vois bien que nos logiques sont parallèles.
Je remercie d’ailleurs Mme Des Esgaulx de la propagande qu’elle vient de faire en faveur du PACS, elle qui est si soucieuse d’éviter qu’il ne soit dénaturé… Mais, après tout, ceux qui ont enfanté le PACS sont peut-être libres de le dénaturer, bien sûr dans le bon sens, ma chère collègue ! (Sourires.)
Pour le reste, cet amendement n’est motivé que par l’intérêt des enfants. Certes, les couples pacsés ne souhaitent peut-être pas être obligés, en cas de séparation, de recourir à un juge pour statuer sur le sort des enfants qu’ils ont eus ou qu’ils ont adoptés, mais ce n’est pas notre problème ici !
Notre seul souci est l’intérêt des enfants de ces couples, des enfants qui doivent – au moment de la rupture, et pas après, pour éviter d’autres drames pires encore – savoir quel sera leur statut, qui les gardera, comment s’exercera le droit de visite et quel sera le montant de la pension. La volonté des couples pacsés, en l’occurrence, ne m’intéresse pas !
Nous n’avons jamais eu d’autre préoccupation, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, à l’occasion du dépôt de cette proposition de loi, que l’intérêt des enfants, mais il est vrai que nous n’en avons pas la même conception que les membres du groupe UMP !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mon cher collègue, il est vrai que cette question, en tant que telle, mériterait un débat ; certaines réflexions ont d'ailleurs déjà été menées sur ce thème, et je vous renvoie sur ce point au rapport Leonetti, notamment.
Toutefois, en cas de rupture, quelle est la différence entre un couple de pacsés et un couple de concubins ?
En effet, même si, comme on l’a souligné, les personnes qui vivent en union libre se marient parfois après la naissance du premier enfant, il existe aussi – nous en connaissons tous ! – des concubins qui n’ont pas conclu de PACS mais qui ont un ou plusieurs enfants. S’ils se séparent, la question se pose de la même manière pour eux. Ils peuvent avoir recours au juge, bien entendu, mais il s'agit dans ce cas d’une décision qu’ils prennent de leur propre initiative.
Or, comme l’a rappelé Mme le rapporteur, le PACS est un contrat que l’on peut rompre unilatéralement ; obliger ses signataires à régler devant le juge le problème des enfants semble donc difficile, car cela introduirait une distorsion. Telle est la seule réflexion complémentaire que je souhaitais apporter à ce débat.
Cet amendement traite non de l’adoption mais d’un autre sujet. Toutefois, monsieur Michel, puisque vous l’avez déposé en réaction à un élément du rapport, ce que je comprends fort bien, d'ailleurs, car le dialogue est nécessaire, il nous fallait l’examiner en même temps que la proposition de loi.
Je demeure convaincu que nous devons continuer à réfléchir sur cette question, mais pour la traiter de façon globale, et non pas parcellaire. Il s'agirait de prendre en compte la situation de tous les enfants nés du couple, car d’autres problèmes se posent par ailleurs que, en tout état de cause, nous n’aborderons pas ce soir, car il n'y a pas d’autre amendement en discussion.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié de M. Michel, tendant à insérer un article additionnel après l’article unique de la proposition de loi.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 167 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L’article unique de la proposition de loi ayant été rejeté, ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article unique, je constate qu’il n'y a pas lieu de voter sur l’ensemble.
La proposition de loi est rejetée.
13
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 30 mars 2010 :
À quatorze heures trente :
1. Scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République en remplacement de M. Hubert Haenel et de M. Bernard Saugey.
2. Débat sur la protection des jeunes sur les nouveaux médias.
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
3. Questions cribles thématiques sur l’éducation et l’ascension sociale.
À dix-huit heures :
4. Désignation des vingt-cinq membres de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.
5. Débat sur l’encadrement juridique de la vidéosurveillance.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART