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Questions cribles thématiques

hôpital

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’hôpital.

Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole.

La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Madame le ministre, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, sur laquelle le Sénat a beaucoup travaillé et qui a passé avec succès l’épreuve du Conseil constitutionnel, rénove, dans son titre Ier, la gouvernance hospitalière avec le directoire, le conseil de surveillance, les pôles issus de la loi de 2005, et met en place l’organisation territoriale du système de soins hospitaliers avec les communautés hospitalières de territoire et les groupements de coopération sanitaire de moyens et d’établissements.

Vous avez installé hier le comité d’évaluation de la mise en œuvre des dispositions relatives à la modernisation des établissements de santé, donc de suivi de l’application du titre Ier de la loi HPST, comité présidé par notre collègue Jean-Pierre Fourcade.

Madame la ministre, où en sont les décrets d’application concernant les dispositions du titre Ier et comment l’organisation hospitalière se met-elle en place sur le terrain ? L’exemple qui nous a été donné hier à Beauvais, certes idéal, me paraît quelque peu idyllique.

Le titre IV de cette même loi concerne les agences régionales de santé, les ARS. Les directeurs préfigurateurs sont actuellement au travail pour mettre en place ces « mastodontes ». Certaines mauvaises langues parlent de « super préfets de la santé ».

La création des ARS nécessite des regroupements de services tels que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS, la direction régionale des affaires sanitaires et sociales, la DRASS ou la caisse régionale d’assurance maladie, la CRAM, mais aussi, et pour la première fois depuis bien longtemps, le décloisonnement du secteur médico-social.

Madame la ministre, cette opération se passe-t-elle sans trop de difficultés ? Quand les ARS seront-elles opérationnelles ? Quid du devenir des ARH en place ?

L’un des principaux soucis de la population et des professionnels est le maintien de la permanence des soins. Ils s’inquiètent aussi du rééquilibrage de la démographie médicale et d’une meilleure répartition géographique médicale. Pensez-vous que les mesures prises en vertu de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, et les pouvoirs donnés aux ARS pour l’organisation territoriale régionale seront suffisants pour éviter de nouveaux déserts médicaux et supprimer ceux qui existent actuellement ?

Madame la ministre, vous vous êtes engagée à ce que l’intégralité des textes d’application soit publiée au plus tard un an après la promulgation de la loi. Cet engagement sera-t-il tenu ? Les textes d’application respectent-ils l’esprit de la loi ? Enfin, madame la ministre, sur quoi porte le travail réglementaire en cours ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. M. Alain Milon, qui a été le rapporteur pour le Sénat de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, me pardonnera, sa question étant très large, de ne pas refaire le débat sur les agences régionales de santé.

Celles-ci ont à la fois pour mission de décloisonner le système, qui en a besoin, entre la médecine de ville, l’hôpital et le secteur médico-social, de rapprocher l’organisation sanitaire de notre pays des citoyens, c’est-à-dire de déconcentrer le système, de mobiliser de nouveaux acteurs, en particulier les professionnels de santé et les élus locaux, et de regrouper les forces de l’État ainsi que celles de l’assurance maladie.

Cette entreprise a été rendue possible grâce au travail extrêmement approfondi du Parlement, en particulier de la Haute Assemblée.

Cependant, tout cela a un prix, si j’ose dire, monsieur Milon, puisque le texte est passé de trente-trois articles à cent trente-cinq articles ! (Sourires.) Il en résulte un travail réglementaire dont nous n’avions pas prévu l’ampleur !

Je souhaite néanmoins vous rassurer : l’échéance qui a été fixée par le Président de la République pour finaliser l’ensemble de ce travail réglementaire, à savoir le 21 juillet prochain, date anniversaire de la promulgation de la loi, sera respectée.

M. Guy Fischer. Tout va bien alors !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Huit ordonnances suivies de leurs projets de loi de ratification seront nécessaires, ainsi que cent trente décrets en Conseil d’État et soixante-dix décrets simples. Un travail considérable a donc été accompli.

D’ores et déjà, une vingtaine de décrets sont parus, ce qui ne rend qu’imparfaitement compte de l’avancée du travail. Nous sommes en pleine phase de concertation. Au mois de mars, une nouvelle salve très importante de décrets sera publiée.

Je vous confirme donc, monsieur le sénateur, que le Gouvernement tiendra sa promesse et que les agences régionales de santé seront opérationnelles au 1er avril prochain.

M. Guy Fischer. Il y a du souci à se faire !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.

M. Alain Milon. Il est vrai que le projet de loi est passé de trente-trois articles à cent trente-cinq articles, mais je souligne que l’Assemblée nationale en souhaitait cent cinquante et un ! (Sourires.) Le Sénat en a donc un peu baissé le nombre !

Au début de nos débats, les professionnels ont éprouvé de nombreuses angoisses sur la façon dont nous gérerions le texte. Aujourd'hui, l’application de cette loi suscite beaucoup d’attentes. Il ne faudrait pas qu’elles soient déçues par l’arrivée trop tardive des décrets d’application.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Madame la ministre, vous connaissez les réticences de mon groupe – c’est un euphémisme – sur la possibilité ouverte par la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, que votre majorité a adoptée, de déléguer des missions de service public à des opérateurs privés.

Avec mes amis, nous avions souligné, à l’époque où cette loi fut discutée au Parlement, les risques multiples que comportaient ces délégations : risque de « vente à la découpe » des missions de service public, risque de marchandisation de la santé publique, risque de fragilisation des hôpitaux publics, même s’ils sont regroupés en communautés hospitalières de territoire. Les Français pourraient en être les premières victimes.

Nous ne pouvions laisser croire à nos concitoyens que les cliniques commerciales allaient accepter de manière pérenne de prendre en charge « à perte », sur le plan financier, les situations les plus complexes et les plus coûteuses, qui sont le lot commun des hôpitaux publics.

Nous insistions sur le maintien d’une garantie fondamentale, qui fait l’honneur de l’hospitalisation publique française : l’égal accès aux soins pour tous, des plus pauvres comme des plus riches.

Or, depuis plusieurs mois, des campagnes de presse se développent dans les médias, orchestrées par l’hospitalisation privée à but lucratif. Elles obéissent à une logique de dénigrement caricatural des hôpitaux publics ou s’inscrivent dans une stratégie plus insidieuse, qui tend à banaliser le service public hospitalier en laissant entendre que tous les acteurs de santé exercent peu ou prou de la même manière, qu’il s’agisse ou non de missions de service public, mais que les cliniques à but lucratif le font à un moindre coût.

Ces campagnes répétitives aident, selon nous, le Gouvernement à justifier auprès de l’opinion publique le démantèlement des missions du service public de santé ainsi que sa politique sans précédent de suppressions massives d’emplois médicaux et non médicaux dans les hôpitaux publics. En ce qui concerne l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP, par exemple, 3 500 suppressions d’emplois sont prévues d’ici à 2012. Cette politique est totalement inacceptable pour les malades, pour le personnel et pour la grande majorité de la population.

Il n’est pas possible de laisser prospérer ce discours insidieux.

Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir nous apporter des explications précises sur ces plans de suppressions massives d’emplois dans les hôpitaux publics, et de nous confirmer que vous n’autoriserez la délégation des missions de service public à des opérateurs privés que dans les cas de carence dûment constatés de l’hospitalisation publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer sur les moyens qui sont consacrés à l’hôpital public.

Vous le savez, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, était encore en augmentation l’année dernière de 3 %, alors que la perte de la richesse nationale s’élevait à 2,25 %. Nous avons mis en place un plan d’investissement considérable de 10 milliards d’euros, principalement destiné à l’hôpital public.

Contrairement à ce que vous craignez, le Gouvernement a la volonté de sauvegarder les missions de service public.

J’ai eu l’occasion de dire à de nombreuses reprises, en particulier à Saint-Etienne, devant la réunion de la Fédération hospitalière de France, que je réprouvais les campagnes de communication qui avaient été tenues par l’hospitalisation privée. Je l’ai dit publiquement et je le redis ici, devant la Haute Assemblée.

Les missions de l’hôpital public sont des missions supérieures, qu’il convient de sauvegarder.

C’est ainsi qu’un certain nombre de financements – je pense en particulier aux dotations des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation – sont principalement réservés à l’hôpital public pour lui permettre d’assurer ses fonctions, qui sont considérables.

Si j’ai retardé la convergence de 2012 à 2018, c’est également pour tenir compte des spécificités de l’hôpital public.

Il est vrai que certains hôpitaux, notamment publics, sont en déficit, mais ce n’est pas le cas de la majorité d’entre eux, qui sont en situation d’équilibre. Je rappelle que deux tiers des hôpitaux publics français présentent même un excédent budgétaire. Le déficit n’est donc pas une fatalité.

Par ailleurs, il est important que l’hôpital public commence à s’adapter à ce que sera l’hôpital de demain.

Monsieur le sénateur, les deux minutes qui me sont accordées sont bien trop courtes pour me permettre de couvrir un sujet aussi vaste. Les questions qui me seront posées par les autres intervenants dans ce débat me donneront certainement l’occasion de développer plus avant les différents éléments de réponse que j’aurais souhaité vous communiquer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour la réplique.

M. Jacky Le Menn. Madame la ministre, je ne suis pas convaincu par vos réponses.

Vous souhaitez le développement des communautés hospitalières de territoire via le regroupement d’hôpitaux, comme le prévoit la loi HPST.

Si une telle politique se traduit systématiquement par des suppressions massives d’emplois, elle ne sera pas acceptée par nos concitoyens. Le cas de l’AP-HP, que j’ai évoqué à l’instant, est emblématique. L’opération qui rassemblera les trente-sept hôpitaux parisiens en douze groupes hospitaliers entraînera la suppression de 1 000 emplois cette année et la perte d’environ 3 000 postes d’ici à 2012. Ce plan aura des conséquences dramatiques sur les conditions de travail de personnels déjà épuisés, sans parler de la suppression de services et d’activités, qui risque de restreindre l’accès de la population aux soins, notamment pour les plus démunis.

La délégation des missions de service public aux cliniques commerciales, si elle se révélait absolument nécessaire, devra être mise en œuvre dans le seul intérêt médical de nos concitoyens malades. Nous demandons expressément qu’elle ne se fasse que sur la base de cahiers des charges rigoureusement établis et contrôlés. En outre, tout doit être mis en œuvre sur les sites concernés pour que lesdites missions soient de nouveau assurées le plus rapidement possible par l’hôpital public.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la présidente, M. Le Menn ayant bénéficié de treize secondes de temps supplémentaire, je compte obtenir un complément équivalent lors de ma prochaine intervention ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Madame la ministre, depuis plusieurs mois, nous assistons, de la part de la Fédération hospitalière privée, qui représente les établissements de santé commerciaux, à une véritable campagne de dénigrement de l’hôpital public, qui se trouve accusé d’être trop coûteux.

Cette campagne est inacceptable quand on sait que les hôpitaux publics, qui ne sélectionnent pas leurs patients et les pathologies rentables, sont victimes d’un mode de financement fondé sur l’activité, la tarification à l’activité, la T2A, qui doit être revu si l’on veut éviter que les hôpitaux, qui connaissent déjà d’importantes difficultés financières, ne soient tout bonnement en situation de faillite.

Pour les hôpitaux déficitaires, la sanction est connue : placement sous tutelle de l’État par le biais des ARS.

Vous réservez à l’hôpital public le même traitement qu’aux collectivités territoriales : plutôt que de leur donner les moyens financiers de remplir leurs missions, vous leur reprenez le contrôle pour mieux organiser leur affaiblissement. (Mme la ministre proteste.)

RGPP oblige – la fameuse révision générale des politiques publiques –, les annonces de suppressions de postes et les plans de retour à l’équilibre se multiplient. Ainsi, selon le conseil exécutif de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, 3 000 à 4 000 postes seront supprimés dans les deux années à venir, avec notamment, à Paris, la réorganisation de l’Hôtel-Dieu et de l’hôpital Armand-Trousseau. Aux Hospices civils de Lyon, 200 postes seront supprimés chaque année jusqu’en 2013, ce qui entraînera la fermeture de certains sites ou le regroupement de certaines activités. Dans l’Essonne, l’hôpital Georges-Clemenceau à Champcueil ou l’hôpital Joffre-Dupuytren à Draveil seront concernés. Il en résultera un recul important de la médecine hospitalière de proximité.

Cette politique comptable fragilisera les conditions d’accueil des patients les plus pauvres et les conditions de travail des personnels. Pourtant, tout le monde le reconnaît : l’hôpital manque de personnel !

Ma question est donc la suivante, madame la ministre…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Encore un dépassement de treize secondes !

M. Guy Fischer. Entendez-vous mettre fin à une gestion strictement comptable de l’hôpital public, dont le directeur est devenu, avec la loi HPST, le financier en chef ? Entendez-vous apporter enfin aux établissements publics de santé les financements nécessaires à l’accomplissement de leurs missions de service public ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Fischer, je vous rappelle que notre pays a les dépenses hospitalières les plus élevées du monde par habitant. (M. Alain Gournac acquiesce.) Chaque année, ces dépenses connaissent une augmentation extrêmement importante, bien supérieure à l’évolution de la richesse nationale.

J’ai veillé à ce que le mode de rémunération de l’hôpital public tienne compte de l’accueil de populations en grande précarité et du traitement de cas plus lourds, comme vous le signalez très justement, monsieur le sénateur. C’est la raison pour laquelle, dans la dernière campagne tarifaire, deux coefficients ont été introduits à ma demande, l’un correspondant à la précarité des publics soignés, et l’autre à la sévérité des affections traitées. Pour prendre l’exemple que vous avez cité, cette méthode a permis aux établissements de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris de bénéficier d’un financement complémentaire extrêmement important.

Je veux également rappeler que plus d’un million d’agents travaillent au sein des hôpitaux publics ; l’AP-HP représente environ 10 % de la « force de frappe » hospitalière de notre pays, soit 90 000 agents.

Nous devons aussi réfléchir à ce que sera l’hôpital de demain : la durée de séjour y sera en constante diminution, mais il devra accueillir davantage de patients en soins post-aigus, de malades atteints de la maladie d’Alzheimer ou relevant d’un traitement médico-social. Il faut donc assurer cette transition technique et démographique.

Pour vous rassurer, monsieur le sénateur, je peux vous dire que l’emploi total dans le secteur financé par l’assurance maladie ne diminue pas, bien au contraire : 25 000 emplois ont été créés l’an dernier ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour la réplique.

Mme Annie David. Madame la ministre, nous ne pouvons pas être d’accord avec vos chiffres ! D’ailleurs, vous nous parlez d’effectifs globaux alors que nous vous interrogeons sur les postes dans les hôpitaux publics. Selon vous, le nombre de postes augmente, mais dans quels secteurs ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans ceux qui répondent aux besoins des malades !

Mme Annie David. Vous nous dites aussi que l’AP-HP a bénéficié de financements supplémentaires, mais des suppressions de postes y sont annoncées, comme Guy Fischer vous l’a rappelé !

Il vous suffit, madame la ministre, de rendre visite à un patient hospitalisé dans un de nos hôpitaux publics pour constater les difficultés rencontrées aujourd’hui par les personnels de ces hôpitaux désireux d’assurer une qualité de soins à la hauteur des exigences de leur mission.

M. Jean-Luc Fichet. Très bien !

Mme Annie David. Il vous suffit de vous rendre dans nos territoires ruraux pour entendre leur population et leurs élus vous demander, madame la ministre, de ne pas fermer les établissements publics de proximité qui assurent les soins de qualité dont les habitants ont besoin.

Madame la ministre, votre réponse ne nous a absolument pas convaincus ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour rassurer Mme la sénatrice, je tiens à lui indiquer que je me rends, tous les lundis et les vendredis, dans des hôpitaux publics, au plus près du terrain. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous devez donc entendre les mêmes réclamations que nous !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il y a trois jours, j’étais à l’hôpital Henri-Mondor ; vendredi dernier, je visitais le service des urgences de l’hôpital de Lons-le-Saunier ; et hier, je me suis rendue à Beauvais. Je connais donc très précisément la situation des hôpitaux en général, et des hôpitaux publics en particulier ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que l’on ferme donc les hôpitaux des départements où sont élus les sénateurs qui vous applaudissent !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Ma première question répète, en quelque sorte, celle de M. Alain Milon, ce qui illustre bien son urgence, madame la ministre !

La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a remis à plat la gouvernance du système hospitalier. Cette réforme préfigure une refonte de la carte hospitalière. Pour ce faire, un « pilote » régional a été créé, l’Agence régionale de santé ou ARS, et un « patron » a été désigné au sein de l’hôpital, le directeur.

Ma question portera, en premier lieu, sur ces deux aspects de la gouvernance hospitalière.

Au niveau territorial, nous aimerions obtenir des précisions quant aux modalités concrètes de l’installation des ARS. En particulier, madame la ministre, quel calendrier avez-vous finalement arrêté, notamment pour la parution des décrets d’application ? Quelles étapes ont déjà été franchies à ce jour et quels objectifs sont assignés aux nouveaux directeurs généraux d’ARS pour 2010 ?

En ce qui concerne la gouvernance de l’hôpital, la même incertitude règne. Deux décrets importants sont attendus pour concrétiser la réforme : d’une part, le décret relatif au conseil de surveillance et, d’autre part, celui portant statut du « clinicien hospitalier ». Où en est-on, aujourd’hui, dans l’élaboration des textes réglementaires d’application ?

En second lieu, je me permets d’attirer votre attention, madame la ministre, sur la crainte actuellement exprimée dans les départements ruraux quant à la redistribution des moyens hospitaliers impliquée par la réforme de la gouvernance.

Dans cette perspective, comment comptez-vous faire respecter le principe d’égal accès à des équipements médicaux de pointe, en particulier dans les zones de montagne et, plus globalement, en marge des grands centres urbains ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens à rassurer M. Boyer …

M. Guy Fischer. Vous voulez rassurer tout le monde !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … sur le calendrier de parution des textes réglementaires concernant aussi bien la gouvernance des hôpitaux que les agences régionales de santé.

Vous connaissez déjà le calendrier de l’installation des agences régionales de santé : les directeurs préfigurateurs ont été nommés, ils préparent actuellement l’installation des agences régionales de santé, fixée au 1er avril prochain. Ils constituent leurs équipes et s’attachent à régler les questions relatives à la mise en place de leurs moyens, notamment immobiliers. En effet, les ARS regrouperont sept services différents, relevant tant de l’État que de l’assurance maladie. Les textes d’application paraissent actuellement, ils comprennent une dizaine de décrets, auxquels s’ajoutent deux ordonnances, et seront tous publiés d’ici au 1er avril 2010.

Bien entendu, ces publications seront précédées de la nomination, en conseil des ministres, des directeurs généraux d’ARS. Pour la majeure partie, pour ne pas dire la totalité, la liste de ces personnalités reprendra celle des directeurs préfigurateurs.

Les décrets relatifs à la gouvernance de l’hôpital sont soit déjà publiés, soit en cours de parution. Le décret relatif au statut du clinicien hospitalier sera publié en dernier, au mois d’avril. Le décret relatif au conseil de surveillance paraîtra vraisemblablement à la fin du mois de mars ou au début du mois d’avril. Dans ce domaine également, monsieur le sénateur, le calendrier est respecté.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer, pour la réplique.

M. René-Pierre Signé. Il n’a rien à dire !

M. Jean Boyer. Madame la ministre, comme tous ceux d’entre nous qui font preuve d’objectivité, j’apprécie que les délais observés pour la publication des textes d’application soient relativement brefs.

J’ai aussi tenté de faire passer un autre message : je connais votre volonté de garantir une sorte de parité aux départements ruraux, car, vous le savez mieux que personne, la santé est la priorité des priorités. Nous nous inquiétions que la compétitivité médicale des hôpitaux des départements ruraux situés à proximité des grandes métropoles soit la grande oubliée de cette réforme, mais vous m’avez rassuré sur ce point ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Le financement des hôpitaux publics fait toujours l’objet de débats. En 2008, le déficit cumulé des établissements hospitaliers publics a atteint 592 millions d’euros ; ce résultat reste légèrement inférieur à celui de 2007, mais il ne représente pas une très grande performance !

Il est choquant que beaucoup d’établissements aient pu revenir à l’équilibre, grâce à un plan de redressement, et connaissent aujourd’hui une situation financière satisfaisante, alors que d’autres, pour des raisons souvent politiques, se refusent à rééquilibrer leur budget.

On ne peut toutefois pas réduire le problème à la seule question des moyens financiers. Pour ma part, je ne crois pas que le déficit de l’hôpital soit une fatalité. J’en veux pour preuve que de nombreux établissements ont pu se réorganiser depuis 2003 et dans le cadre de la loi HPST. Ces établissements ont signé avec les ARH, des « contrats de retour à l’équilibre financier » en échange d’une aide nationale pour les aider à repartir du bon pied.

Au début de l’année 2008, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales s’était alarmée des « résultats préoccupants » de ce système : mesures limitées au regard des objectifs, absence de coordination avec la stratégie médicale, suivi insuffisant, etc. Très peu de plans de redressement proposaient d’abandonner ou de restructurer certaines activités, alors qu’il s’agit là, à mon sens, d’un point central du retour à l’équilibre financier.

S’agissant des restructurations en général, la Cour des comptes a souligné à plusieurs reprises le retard pris par les établissements publics de santé. Le patient recherche avant tout la possibilité d’accès à des soins de qualité : à l’évidence, ceux-ci ne peuvent pas être dispensés dans de bonnes conditions au sein de tous les établissements.

À Perpignan, présentant ses vœux aux personnels de santé, le Président de la République a fixé les objectifs de qualité, de sécurité et de retour à l’équilibre budgétaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ça ! Fermons ! Fermons !

M. Gilbert Barbier. Alors que les agences régionales de santé vont entrer en fonction cette année, pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions : combien d’établissements ont retrouvé l’équilibre financier ? Combien sont encore engagés dans le dispositif de retour à l’équilibre en 2010 ? Combien sont concernés par des opérations de restructuration ?

M. Guy Fischer. Et combien ont fermé ?

M. René-Pierre Signé. Et combien vont fermer ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.