M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, votre prédécesseur, Mme Michèle Alliot-Marie, d’ailleurs présente ici il y a quelques instants, a été – malgré elle, serais-je tenté d’ajouter – la cheville ouvrière de cette loi. Vous en avez hérité et je ne suis pas sûr que vous ayez fait une bonne affaire ! Vous nous donnerez votre sentiment à ce propos dans quelques instants.
La finalité de cette loi était de rapprocher - c’est là un euphémisme - la gendarmerie de la police nationale, sous couvert de rationalisation, d’efficacité et de complémentarité, tout cela dans le cadre de la fameuse révision générale des politiques publiques.
Nous avions eu à l’époque l’occasion de nous exprimer également sur ce sujet inévitablement lié au fonctionnement de la gendarmerie et à sa vocation.
Il y a six mois de cela, nous avons voté contre ce texte. Il est temps à présent de tirer un premier bilan de son application. Même si certains orateurs ont expliqué que la période de six mois était un peu courte pour tirer un premier bilan, j’ai cru comprendre que l’application de cette loi avait été engagée dès le 1er janvier 2009.
C’est l’objet de la question qui vous est aujourd’hui posée par le groupe socialiste du Sénat.
Cette réforme entre, à notre sens, dans le cadre plus vaste d’une fragilisation des services publics, qui se traduit pêle-mêle, singulièrement dans le milieu rural, par une litanie de suppressions touchant tant les tribunaux que la présence postale et aujourd’hui la gendarmerie, tout cela au nom de la rigueur et des économies budgétaires dont on est en droit de se demander si elles peuvent être compatibles avec le principe de sécurité, comme on peut du reste se demander si elles le sont avec les exigences de santé publique.
Cette réforme met en danger un équilibre qui reposait auparavant sur deux forces, la police nationale et la gendarmerie, et porte atteinte à l’identité du corps militaire qu’est la gendarmerie.
Comme l’a fort bien expliqué ma collègue Virginie Klès, le parti-pris idéologique qui a guidé la RGPP fragilise au jour le jour une institution qui a mis plusieurs siècles à aboutir et qui, au moment où je m’exprime, est appréciée par l’ensemble des Françaises et des Français parce qu’elle remplit des fonctions qui inspirent non seulement le respect mais également la confiance.
Déjà, lors de la discussion du projet de loi, le groupe socialiste avait émis de sérieux doutes quant aux véritables motivations du Gouvernement. C’est ainsi qu’en juillet 2009 il dénonçait l’absence d’une analyse sérieuse des spécificités et complémentarités de nos forces de sécurité qui aurait été à même d’éclairer de manière pertinente la rédaction de ce projet de loi.
Il eût été nécessaire de prévoir la consultation au moins des élus locaux, interlocuteurs privilégiés dans ce domaine puisqu’ils se situent à l’interface des services de l’État, de la gendarmerie et bien entendu des citoyens de ce pays.
Tout cela n’a pas été fait et la conclusion à laquelle nous aboutissions alors, avant même l’adoption de cette loi, et qui se vérifie chaque jour davantage, est que le Gouvernement a pour volonté de constituer au plus vite une force unique de sécurité qui sera à terme placée sous l’autorité civile de l’exécutif.
À l’époque, nous nous interrogions en ces termes : pourquoi engager cette réforme, alors que personne ne met en doute la pertinence de la gendarmerie, même si, il est vrai, après plus de deux siècles d’existence, son fonctionnement méritait d’être toiletté et ses moyens renforcés pour plus de performance.
Par conséquent, une telle réforme procède, de notre point de vue, d’un mouvement dangereux tendant à faire sauter la protection que représentaient, pour les institutions de la République et les Français, la chaîne de commandement, la hiérarchie militaire et le système des réquisitions.
Nous sommes plus de six mois après les débats, et les craintes qui avaient été exprimées à l’époque par le groupe socialiste nous semblent malheureusement en voie de confirmation.
La mutualisation des forces de sécurité, qui tend à être banalisée et accrue, aboutirait à un rapprochement fusionnel de la police et de la gendarmerie et elle conduirait mécaniquement à une disparition progressive du statut militaire de cette dernière, qui se trouve déjà en difficulté.
M. Jean Faure. C’est faux !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je pourrais ainsi mentionner la stagnation, voire la diminution des effectifs.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Cela n’a rien à voir avec le statut militaire !
M. Jean-Jacques Mirassou. Non, mais cela participe du même affaiblissement, mon cher collègue !
Dans le même temps, – tout le monde, y compris M. le ministre, en conviendra – la démographie de notre pays augmente et on note depuis 2000 une hausse des actes de délinquance, notamment dans les zones rurales.
Aujourd’hui, alors qu’on déplore – c’est vrai – l’insuffisance des moyens matériels mis à disposition de la gendarmerie, on s’attaque en même temps à son identité et à son rôle éminemment spécifique au service de la République.
Ainsi, au-delà de l’intérêt de la population en termes de sécurité, on prendrait donc le risque de se priver d’une institution, ce qui, dans des conditions spécifiques, ferait cruellement défaut. Cela a été évoqué tout à l’heure. Je pense notamment au fait que la gendarmerie, en raison de son statut militaire, est la seule force susceptible de préserver l’autorité du Gouvernement et de défendre les institutions en période de crise grave. Certes, à l’époque actuelle, de tels événements sont rares, voire rarissimes. Mais le risque existe tout de même.
À cet égard, la suppression de la procédure de réquisition, qui fait partie des mesures adoptées dans le cadre de la loi du 3 août 2009, aboutit à dénaturer et à affaiblir l’institution (M. le président de la commission des affaires étrangères s’exclame.), notamment dans le contexte que j’évoquais précédemment.
En effet, et n’en déplaise à ceux qui ne partagent pas cette analyse, une telle suppression est en opposition avec les principes républicains relatifs à l’emploi de la force publique dans des conditions précises et aux fondements du statut général des militaires.
Le cumul de tels bouleversements organisationnels et institutionnels s’accompagne d’une mise à disposition des moyens matériels et humains de la gendarmerie, qui, pour les raisons évoquées précédemment, ne sont pas à la hauteur des attentes des citoyens.
Sans doute allez-vous me répondre, monsieur le ministre, que les dotations de ce corps ont connu une hausse entre 2009 et 2010. Mais peut-on considérer une évolution de 0,6 % comme une véritable hausse ?
De surcroît, vous connaissez aussi bien et peut-être mieux que moi l’insuffisance des moyens matériels. Je pense notamment – cela a été souligné tout à l’heure par Virginie Klès – aux moyens héliportés, qui sont à bout de souffle, au parc automobile, à l’état alarmant de certaines casernes et à l’absence de remplacement des matériaux lourds au service des moyens humains.
Autant d’insuffisances qui transparaissent sur le terrain et dont nos concitoyennes et concitoyens ressentent durement les conséquences.
J’en viens à la question des effectifs.
Les chiffres publiés au mois de novembre 2009 font état d’une perte de 1 354 emplois équivalents temps plein travaillé, qui s’ajoute à la suppression de 1 625 emplois en 2009. Au total, la gendarmerie aura perdu 2 979 équivalents temps plein travaillé, alors que les statistiques de la délinquance mettent en évidence – je l’ai déjà souligné – le besoin d’une force de sécurité de proximité, notamment en milieu rural.
Jusqu’à il y a très peu de temps, un tel rôle était rempli de manière plus qu’honorable et appréciée par des gendarmes, qui sont maintenant rattrapés par une évolution inquiétante des actes de délinquance sur le territoire. Chacun comprendra facilement qu’une telle évolution préoccupe au plus haut point l’ensemble des élus locaux ; il y en a d’ailleurs beaucoup dans cet hémicycle. J’imagine que vous partagez cette préoccupation, monsieur le ministre.
En effet, la crise sociale et économique qui nous frappe n’épargne plus les territoires ruraux. Au lieu de diluer le rôle de la gendarmerie, il aurait été, me semble-t-il, indispensable de renforcer son maillage territorial en assurant une présence la plus efficiente possible des brigades territoriales de proximité. Dans son rôle, la présence de la gendarmerie dépasse largement le seul enjeu sécuritaire, parce que sa spécificité et son intégration séculaire au sein de la population lui permettent d’appréhender également une dimension sociale. Malheureusement, je pense très sincèrement que, dans son application, la loi votée en juillet tourne le dos à cet aspect de la question.
On me permettra d’apporter à cette discussion un éclairage particulier, en évoquant le département que je représente, c'est-à-dire la Haute-Garonne. Ce n’est pas un cas d’espèce par rapport à la situation que j’évoquais, mais j’ai la prétention de connaître un peu mieux la situation de ce territoire que l’ensemble de nos collègues.
Depuis le début des années deux mille, notre département a subi une réorganisation de la gendarmerie. Une telle évolution s’inscrit dans le cadre de la mutualisation décidée en 2002, ce qui a notamment abouti à la création des communautés de brigades, évoquées précédemment.
Parallèlement, notons que les effectifs ont très légèrement « augmenté », puisqu’ils sont passés de 1 119 en 2003 à 1 121 en 2009. (Exclamations ironiques.)
M. Didier Boulaud. Il y en a qui ont de la chance ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. La chance a ses limites, mon cher collègue.
En effet, dans le même temps, la démographie du département a explosé. Vous le savez, la Haute-Garonne accueille chaque année près de 20 000 nouveaux habitants. Un tel ratio permet de relativiser – le mot est faible – l’augmentation très légère de l’effectif, d’autant que, là comme ailleurs, les faits de délinquance ont progressé de manière inquiétante. Je pense notamment aux violences physiques.
En outre, la création des communautés de brigades à moyens humains constants n’a que maladroitement camouflé l’insuffisance des effectifs sur le terrain au plus près des citoyens et la faiblesse des moyens alloués au corps de la gendarmerie, en pénalisant les brigades territoriales de proximité.
À cet égard, monsieur le ministre, j’aimerais vous faire part d’un exemple précis, même si je pense que vous disposez dans votre bureau de tous les vœux et résolutions adoptés par le conseil général de mon département. Je voudrais évoquer le canton de Montastruc-La-Conseillère, dont la force de gendarmerie est rattachée à la communauté de brigades de Fronton.
Cette brigade de proximité, qui est chargée d’un canton de plus de 30 000 habitants répartis sur 12 communes, dispose d’un effectif de 9 gendarmes. Et encore : comme l’un d’entre eux est affecté à des tâches spécifiques, il y a seulement 8 gendarmes sur le terrain. Vous le voyez, avec 9 gendarmes pour 30 000 habitants, le ratio n’est guère favorable…
C’est pourquoi, en 2008, le conseil général a transmis à M. le préfet une proposition de résolution adoptée à l’unanimité tendant à la suppression des communautés de brigades de gendarmerie et au rétablissement d’une brigade cantonale autonome, avec un renforcement du personnel.
Permettez-moi un trait d’humour, monsieur le ministre. À une époque, certains pelotons de gendarmerie de haute montagne – c’était par exemple le cas à Cierp-Gaud – avaient besoin de compter les chiens d’avalanche pour gonfler un peu artificiellement les effectifs… (Sourires.) Mais la situation s’est améliorée, et la brigade concernée n’use plus du même stratagème.
Par ailleurs, les relations entre les élus, la population et la gendarmerie, qui constituaient une composante forte d’une action concertée de terrain deviennent, par la force des choses, de plus en plus épisodiques, compte tenu des charges de travail et de la mobilité importante à laquelle les forces de gendarmerie sont assujetties. L’efficacité de ces dernières était unanimement reconnue, parce qu’elle était notamment liée à leur excellente connaissance des populations et des territoires.
Aujourd’hui, leur terrain d’opération est tellement vaste que l’efficacité de leur action est sévèrement compromise, et ce malgré – cela a été souligné – le dévouement sans faille des gendarmes.
Monsieur le ministre, pour toutes ces raisons, et parce que la mise en application pratique de cette loi, même sur une durée relativement courte, met en évidence des inquiétudes, je conclurai en vous posant une question très simple : pouvez-vous nous apporter des éléments susceptibles de nous faire croire à un avenir pérenne de la gendarmerie nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis d’emblée, ce débat me semble quelque peu prématuré. Cela a déjà été souligné, mais je crois qu’il faut le répéter.
En effet, la loi relative à la gendarmerie nationale ne date que du mois d’août dernier. Or, évaluation et contrôle s’accordent mal avec précipitation.
En outre, et je le dis avec un brin de malice, j’ai entendu le terme singulier de « militarité » du gendarme.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un néologisme ! (Sourires.)
Mme Gisèle Gautier. Je doute qu’un tel néologisme apporte une clarification à notre débat et à la « bravitude » de nos gendarmes ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Le texte prévoit une évaluation, ce qui est positif. Tous les deux ans, le Gouvernement devra rendre un rapport au Parlement. Par conséquent, et bien que l’encre de ce texte ne soit pas encore sèche et que le terme des deux années ne soit pas arrivé, nous nous soumettons évidemment à cet exercice.
Avant tout, je tiens à saluer le remarquable travail de notre collègue Jean Faure et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le sujet.
S’il est prématuré de dresser aujourd'hui un premier bilan d’un tel dispositif, notre débat nous offre toutefois l’occasion de mettre un frein à la désinformation perpétuelle – j’allais dire « quotidienne » – selon laquelle forces de police et gendarmerie fusionneraient.
Ce rattachement est administratif ; ce n’est pas une OPA de la police sur la gendarmerie ! Il s’agit avant tout de créer les meilleures conditions de collaboration entre forces de police et unités de gendarmerie.
Que je sache, la loi du 3 août a confirmé le statut militaire des gendarmes ! Pour avoir, comme vous tous, rencontré les officiers et les sous-officiers sur le terrain, je sais qu’ils sont aujourd'hui rassurés sur leur devenir comme militaires exerçant des fonctions de police. Pour autant, ils sont également très attentifs au respect de l’équilibre entre les deux forces de sécurité issues du ministère de l’intérieur, notamment d’un point de vue budgétaire.
Monsieur le ministre, j’aimerais attirer votre attention sur un élément. De grâce, ne refaisons plus ce qui s’est pratiqué, c'est-à-dire le transfert des crédits du titre 2 des personnels de la gendarmerie au titre 2 de la police ! Vous savez à quoi je fais allusion. Il ne faut pas que cela se reproduise.
La loi du 3 août 2009 consacre les missions de la gendarmerie et les enrichit. Elle n’altère pas le modèle français de dualité des forces de sécurité intérieure, qui n’est en aucun cas – je le répète – remis en cause. De même, le statut militaire de la gendarmerie a été et sera préservé, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République.
En tant que sénateur et membre de la commission des affaires étrangères et de la défense, et sous l’autorité de son président, M. Josselin de Rohan, je souhaite souligner le rôle primordial de la gendarmerie nationale, tant dans les domaines de police judiciaire qu’au regard de son nécessaire ancrage territorial, en particulier dans les zones rurales. Les militaires sont attachés à leur « culture d’entreprise » et à leur proximité avec la population, la réciproque étant vraie.
Cette loi, dont nous ne pouvons pas encore observer tous les effets concrets, puisque – je l’ai souligné précédemment – nous ne disposons que de peu de recul, a permis de réaffirmer les compétences de la gendarmerie pour assurer la sécurité et l’ordre publics.
Désormais, les missions de la gendarmerie sont réunies dans un seul texte. Elles sont constituées par l’exécution des lois, les missions judiciaires, dont, au premier chef, la police judiciaire – c’est un point important –, le renseignement et l’information des autorités publiques.
La mission de défense est réaffirmée, et ce à un moment où notre pays doit faire face à de plus en plus de menaces. Ne l’oublions pas, les gendarmes ont un rôle majeur dans la lutte contre le terrorisme et la sécurité des armements nucléaires.
En rattachant administrativement la gendarmerie au ministère de l’intérieur, cette loi a fixé des conditions très précises quant au rôle et l’autorité du préfet vis-à-vis des gendarmes.
Contrairement à ce que l’on a pu entendre dire, le principe hiérarchique n’a pas été remis en cause. Le préfet n’exerce et n’exercera pas le commandement des unités. Non seulement le principe hiérarchique est respecté, mais en outre il a été modernisé.
Concernant la réquisition pour l’emploi des unités de gendarmerie au maintien de l’ordre et le recours aux moyens militaires spécifiques, la loi prévoit une procédure d’autorisation dont les conditions sont définies par décret en Conseil d’État.
Enfin, je souhaite rendre hommage aux gendarmes. Au quotidien, que ce soit sur le territoire national ou en OPEX – je pense à la mission « Harpie » en Guyane ou aux hommes qui participent en Afghanistan à formation des unités afghanes –, ils font preuve de courage et d’excellence.
Au prétexte d’éviter des « doublons », le terme a été employé ici ou là, ne les cantonnons surtout pas dans des missions moins gratifiantes. Cela aurait pour effet de les transformer en troupes « supplétives », pardonnez-moi l’expression, de la police nationale. Ce ne serait pas une bonne chose, car cela priverait l’État de leurs très grandes capacités de police aptes à être engagées en tout temps, sans préavis, sur toutes les crises majeures.
Je conclurai, monsieur le ministre, mes chers collègues, en affirmant que la cohérence « lolfienne » du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur doit se traduire par une capacité opérationnelle accrue.
De ce point de vue, une attention particulière doit être portée à quatre dossiers sensibles : le positionnement du corps des officiers de gendarmerie par rapport aux commissaires de police ; la parité des sous-officiers et gardiens de la paix gradés ; les conclusions que l’on attend de l’audit sur la mission de renseignement ; l’exercice de la mission de police judiciaire, exercice auquel il faut rester particulièrement attentif.
Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’essentiel de ce qui peut aujourd'hui être souligné sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les interventions de mes amis Jean Faure et Gisèle Gautier, je souhaite apporter quelques compléments d’information.
J’approuve, naturellement, pleinement Jean Faure dont l’autorité est reconnue comme rapporteur des crédits de la gendarmerie et comme rapporteur du projet de loi. J’adhère également pleinement à ce que vient de dire Gisèle Gautier sur le caractère militaire de la gendarmerie.
Sur ce point, une fois encore, je rappelle que la loi est explicite : les gendarmes sont des militaires, et tout a été mis en œuvre dans le texte pour veiller à ce qu’ils le restent.
Madame Klès, il est vrai que des gendarmes sont employés dans des OMLT – Operational Mentoring Liaison Team – en Afghanistan, ce qui prouve de toute évidence qu’il s’agit bien de militaires, car les policiers ne sont jamais requis pour ce type d’opération en Afghanistan et sont chargés d’autres tâches.
À ce propos, je tiens à souligner que les gendarmes se sont parfaitement comportés récemment dans une OMLT qui a fait l’objet d’une attaque armée. Ils ont riposté avec beaucoup de courage et en faisant preuve de toutes les vertus militaires que l’on peut attendre d’un soldat.
Par ailleurs, il n’a jamais été question, madame Klès, je ne sais pas où vous êtes allée prendre une telle information, d’envoyer en Afghanistan des gendarmes pour effectuer des tâches qui sont normalement confiées aux militaires. Il n’a jamais été question d’envoyer des gendarmes mobiles dans des bataillons français d’intervention, par exemple. Pourquoi racontez-vous de pareilles histoires ? (Mme Virginie Klès proteste.)
De plus, mes chers collègues socialistes et communistes, puisque vous êtes si attachés au caractère militaire de la gendarmerie, pourquoi M. Boulaud nous présente-t-il assez régulièrement des amendements tendant à autoriser les gendarmes à être syndiqués : s’il y a un moyen de rapprocher la condition des policiers de celle des gendarmes, c’est bien de syndicaliser la gendarmerie ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Monsieur Boulaud, le gouvernement socialiste a eu un ministre extrêmement éminent en la personne de Charles Hernu. Or, j’ai entendu celui-ci en 1983 affirmer, lors d’un congrès d’anciens de la gendarmerie, que, s’ils voulaient définitivement couper les liens entre lui-même et leurs associations, ils n’avaient qu’à continuer à demander que les gendarmes se syndiquent.
Voilà un républicain qui a été extrêmement ferme. Les gendarmes, parce qu’ils sont militaires, ne peuvent justement pas se syndiquer.
Mes chers collègues, mettez de la cohérence dans vos déclarations !
M. Didier Boulaud. Charles Hernu est mort !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. De surcroît, monsieur Mirassou, si vous pensez vraiment que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur contrevient à tous les principes de la République, pourquoi n’avez-vous pas saisi le Conseil constitutionnel sur la loi ? S’il y avait eu la moindre atteinte aux principes républicains, le Conseil constitutionnel aurait censuré le texte, car on ne peut, vous le savez bien, l’accuser d’être systématiquement à l’écoute du Gouvernement.
M. Didier Boulaud. On a même cru comprendre le contraire !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Une fois de plus rappelons que tout ce qui est exagéré ne compte pas !
Dans les remarques de Mme Demessine, j’ai été très étonné d’entendre que le fait de vouloir mutualiser un certain nombre de ressources était contraire à l’esprit républicain.
Je ne vois pas en quoi chercher à réaliser des économies en mutualisant, par exemple, l’achat ou l’entretien d’hélicoptères entre la gendarmerie et la police alors qu’elles effectuent les mêmes missions, mais dans des zones différentes, contreviendrait aux principes républicains ? Pourquoi ne pourrions-nous pas acheter en commun des armes qui peuvent être utilisées par les uns et par les autres ? Il ne faut tout de même pas pousser le trait trop loin !
Enfin, en ce qui concerne la RGPP, il est parfaitement normal que l’on recherche à adapter le service public à ses nouvelles fonctions, par exemple, en diminuant le nombre de gardes des gendarmes dans les palais nationaux. Il est tout à fait légitime également, et notre ami Jean Faure l’a réclamé à plusieurs reprises, de chercher à réduire le rôle de la gendarmerie dans les transfèrements, cela permettrait de réaliser une bonne économie.
Par ailleurs, en quoi le fait de diminuer un certain nombre d’emplois administratifs constituerait une révolution et empêcherait la gendarmerie de fonctionner ?
Bien entendu, nous avons toujours souhaité le maintien des effectifs opérationnels de la gendarmerie. Il n’est pas question, à ma connaissance, de supprimer des brigades. Affirmer une telle chose relève tout simplement du procès d’intention.
Nous serons d’ailleurs très vigilants sur ce point lorsque le bilan nous sera présenté par le ministre de l’intérieur. Connaissant ce dernier, je ne doute pas qu’il souscrira aux engagements qui ont été pris par son prédécesseur.
Je terminerai mon propos sur les écoles de formation de la gendarmerie. Après la chute du mur de Berlin, en 1990 ou en 1991, un certain nombre de régiments ont été supprimés, ce qui était déjà une adaptation, et on a repris à la gendarmerie les bâtiments libérés. Des écoles y ont été installées, ce qui n’était pas indispensable. Je rappelle que l’actuelle majorité n’était pas au gouvernement dans les années quatre-vingt-dix.
Aujourd'hui, les écoles qui n’étaient pas nécessaires ont été supprimées. Il vaut beaucoup mieux, mes chers collègues, avoir un nombre réduit d’écoles fournissant toute la gamme des formations dont les gendarmes ont besoin pour leur instruction que de multiplier des écoles à faibles effectifs et ne pouvant dispenser les enseignements nécessaires.
Mes chers collègues, nous comprenons très bien qu’il faille être vigilant sur l’application de la loi. Nous comprenons en revanche moins bien les psychodrames.
En tout état de cause, je puis vous fournir l’assurance que la commission des affaires étrangères, comme toujours, veillera pleinement à ce que les engagements souscrits par le ministre qui a défendu à l’époque la loi sur la réforme de la gendarmerie soient appliqués. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Boulaud. Elle a tellement été vigilante qu’elle n’a pas voté le budget de la gendarmerie !
M. le président. La parole est à M. le ministre.