M. Thierry Repentin. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. Le second coup de canif concerne l’article 24, qui ouvre le bénéfice des dispositifs d’encouragement fiscal en faveur de bénéficiaires situés en dehors du territoire national au titre du mécénat.
L’enjeu financier du dispositif global est tout de même de l’ordre de 1,3 milliard d’euros pour 2009. La réduction fiscale porte à la fois sur l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, et l’impôt de solidarité sur la fortune. En outre, nous ne connaissons pas les éléments qui entrent dans la procédure d’agrément prévue à cet article, ce qui laisse un doute sur le respect du principe d’égalité entre contribuables ; c’est regrettable.
Pour clore ce chapitre, je veux rappeler le soutien du groupe socialiste à l’action du ministre du budget en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
Cependant, monsieur le ministre, pour le groupe socialiste, cette lutte relève davantage d’une action patiente et durable que d’une action médiatique, laquelle peut être contre-productive par rapport à l’objectif visé. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Je pense que ce n’est pas sur les plateaux de télévision que de tels sujets trouvent leur solution.
Mme Nicole Bricq. Nous parviendrons à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales en signant des conventions fiscales et en contrôlant leur application sous l’œil vigilant du Parlement ; celui-ci doit pouvoir en évaluer la portée et suivre l’évolution de la liste des paradis fiscaux dont la France disposera.
J’ai demandé, monsieur le président de la commission, non pas que nous invitions le ministre – il viendra s’il le souhaite –, mais que nous prenions vraiment en charge cette évaluation des conventions fiscales.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous y travaillons !
Mme Nicole Bricq. C’est de cette façon que nous apporterons notre soutien à l’action volontaire que pourra engager le Gouvernement.
Le troisième point que je souhaitais évoquer – et je note que l’année fiscale et budgétaire ne pouvait pas se terminer sans que nous y revenions – concerne le bouclier fiscal.
À cet égard, il est regrettable que la commission mixte paritaire ait avalisé – à une courte majorité, mais c’est la loi du genre –, même en le lissant sur trois ans, le dispositif voté par le Sénat, sur l’initiative de la commission des finances, consistant à revenir sur une mesure actée dans la loi de finances et qui prenait en compte pour le calcul du bouclier fiscal un revenu fiscal de référence incluant les dividendes réellement perçus avant l’abattement de 40 %.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui.
Mme Nicole Bricq. En intégrant au numérateur du bouclier une fraction de l’impôt sur les sociétés au motif que les dividendes subissaient déjà cet impôt, la commission mixte paritaire avalise une mesure très contestable, même si le dispositif est lissé jusqu’en 2012.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est pourquoi il faut supprimer le bouclier fiscal !
Mme Nicole Bricq. L’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu ne sont pas de même nature ! On ne peut invoquer la double peine.
Je regrette que la majorité parlementaire, et notamment sénatoriale, persiste à faire le choix d’une fiscalité non seulement injuste, mais aussi privant de recettes le budget de l’État. Avec une telle attitude, celle-ci limite d’autant sa légitimité à pousser régulièrement des cris d’orfraie au sujet des déficits budgétaires. Une telle situation relève de la tartufferie.
Nous en reparlerons en 2010. Je l’ai déjà dit, cette affaire n’est jamais close, et nous reviendrons encore sur l’iniquité que constitue le bouclier fiscal.
Dans cette attente, je souhaite dire à tous mes collègues de la commission des finances, et particulièrement au secrétariat de notre commission, qu’un travail de réécriture phénoménal a été accompli – même si je le conteste, je reconnais toujours le travail qui est fait – sous la férule du rapporteur général et avec le rapporteur de la commission des finances à l’Assemblée nationale, notamment sur la taxe professionnelle. Le secrétariat a été mis à rude épreuve, mais je ne doutais pas qu’il sortirait la tête haute de cet exercice budgétaire particulièrement compliqué.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé que ce n’était qu’un au revoir, et que dès le début de l’année nous reprendrions cette discussion. Bonne fin d’année, donc ; et reposez-vous, parce que l’opposition, vous le savez, sera elle aussi au rendez-vous dès le mois de janvier 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous concluons aujourd’hui les travaux budgétaires herculéens de l’année 2009 ; peut-être la métaphore du tonneau des Danaïdes conviendrait-elle mieux à nos finances. Quoi qu’il en soit, « enfin », diront les facétieux avec ironie, « enfin », diront les plus désabusés avec lassitude.
Quelle sera l’année à venir ? Dans un contexte incertain, avec une croissance mondiale très hésitante, des recettes fiscales qui se sont effondrées de 56 milliards d’euros et des déficits qui étranglent toutes les marges de manœuvre budgétaires, tous nos vœux et surtout nos décisions pour 2010 devront d’abord concourir au prompt rétablissement de notre économie.
Certes, le Gouvernement et le Parlement ne peuvent pas agir sur tous les paramètres de l’économie ; il restera toujours une part d’aléa. La reconnaissance des facteurs déclencheurs de la crise hélas uniquement après le déclenchement de celle-ci en est la meilleure démonstration.
Aujourd’hui, les intérêts de la dette apparaissent supportables en raison de la faiblesse des taux, mais la dette elle-même est colossale, et aurait été inimaginable il y a quelques années seulement.
Pour la seule année 2009, entre les prévisions de la loi de finances initiale et l’exécution de la troisième loi de finances rectificative, les déficits alimentant la dette ont été multipliés par deux !
Monsieur le ministre, nous ne pourrons faire plus longtemps l’économie d’un véritable débat national sur les conséquences désastreuses de cette dette pour notre futur. Nous n’avons pas le droit de nous y habituer, de faire comme si elle était définitivement installée, tout en sachant qu’elle stérilisera toute capacité d’action de l’État. Telle quelle, elle va véritablement ôter à notre pays sa liberté de choisir et d’agir.
Le danger se situe bien au-delà des conséquences désastreuses pour les générations à venir. L’auteur québécois Albert Laberge assène froidement, avec lucidité et bon sens : « les dettes, c’est souvent le commencement de la ruine ». Mettons ce bon sens en pratique.
Il n’y a pas d’autre issue que de rembourser cette dette. Aujourd’hui, nous ne pouvons sans doute plus recourir à la solution de la dévaluation, car il est très difficile d’imaginer que celle-ci soit acceptée par nos quinze partenaires de l’Euroland.
Il est curieux que dans une société où il n’y a plus – ou presque – de tabous, le mot « rigueur » en soit devenu un. Trouvons alors un mot mieux accepté par le politiquement correct ; il sera en tout cas synonyme d’effort, de sacrifice, de courage.
S’il n’y a pas d’alternative au remboursement de la dette, il n’y en a pas non plus au devoir absolu pour l’exécutif et le législatif de nous le donner pour premier objectif.
Un tel niveau d’endettement est insoutenable dans la durée. Il menace, je le répète, l’indépendance même de notre gouvernance économique et politique. Se saisir de cette question n’est donc pas un droit pour le législateur ; c’est, je le répète à nouveau, un devoir absolu. Nous devons envisager ensemble les solutions raisonnables mais déterminantes qui nous permettront de sortir de l’étreinte mortelle de cette dette.
Malgré l’austérité de mes propos, essayons d’être optimistes en cette période de Noël et soulignons la qualité du travail effectué, notamment au sein de la commission des finances du Sénat.
Grâce à ce travail, la Haute Assemblée a permis la mise en place de mesures phares propres à faire face aux problèmes d’actualité et nécessaires au redressement de nos finances. Beaucoup de ces mesures ont été définitivement adoptées par la commission mixte paritaire.
Comme l’a souligné le président Arthuis, concernant la lutte contre l’économie souterraine et la modernisation des administrations fiscale et douanière, la commission mixte paritaire a adopté, et je m’en réjouis, la quasi-intégralité des dispositions proposées par notre assemblée. Agir contre l’économie souterraine est indispensable car celle-ci constitue un élément de déstabilisation sociale.
S’agissant de la lutte contre l’évasion fiscale, il était impératif d’agir et de rendre compte à une opinion publique qui ne comprend pas l’existence et la justification des paradis fiscaux. Le texte de la commission mixte paritaire tend à rendre plus pragmatiques les dispositions proposées sans remettre en cause leur efficacité.
Plus précisément, le dispositif renforce la clause de sauvegarde applicable aux prestations de services payées à des personnes ou à des entités domiciliées ou établies dans des territoires non coopératifs, c’est-à-dire la liste noire, et introduit dans le champ de la retenue à la source majorée les prestations artistiques et sportives, à l’exception des salaires.
Quoi qu’il en soit, la liste noire des États et territoires non coopératifs est un sujet sur lequel nous devrons revenir, en fonction de la manière dont ces pays tiendront leurs engagements. Nos relations diplomatiques avec la Suisse, particulièrement fragilisées par l’affaire des listings de HSBC, sont un des éléments de l’actualité bancaire internationale auxquels notre assemblée sera très attentive.
Comme l’a rappelé M. le président de la commission des finances, pour ce qui est du traitement des produits ou des intérêts des emprunts à destination des États de cette liste, la commission mixte paritaire est parvenue à une solution raisonnable, qui maintient le caractère dissuasif de la procédure tout en évitant les délocalisations d’activités. Pour ma part, je pense qu’elle a trouvé un équilibre judicieux entre ces deux considérations.
En outre, la commission mixte paritaire a réglé de façon rationnelle la question, très sensible, de la taxe sur la publicité audiovisuelle, et celle de l’aide locale au cinéma.
J’ajouterai que c’est en tenant compte des modifications apportées par le Sénat qu’elle est parvenue à proposer un texte équilibré dans le domaine du logement social.
Avec une minorité du groupe RDSE, la majorité de celui-ci confirmant son vote négatif sur la loi de finances initiale, je voterai donc le texte réaliste et sincère de la commission mixte paritaire et conclurai, pour la dernière fois cette année, avec Winston Churchill : monsieur le ministre, « agissez comme s’il était impossible d’échouer ! » (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous avons presque épuisé l’ordre du jour de cette année 2009, nous voici face au texte issu des travaux de la commission mixte paritaire sur le troisième collectif budgétaire de l’année.
Au préalable, je tiens à remercier notre collègue Michel Charasse, suppléant « de luxe », qui m’a remplacé au sein de cette commission mixte paritaire, à laquelle je n’ai pu prendre part en raison d’un empêchement. Son vote a été identique à ce qu’aurait été le mien.
Ce texte, qui ne comprenait à l’origine qu’une trentaine d’articles, en comptait déjà quatre-vingts à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale et a en encore gagné lors de son examen par le Sénat.
Monsieur le président de la commission, en concluant votre intervention par quelques considérations sur le bon usage des projets de loi de finances rectificative, vous avez dit que c’était assez juste. Ce collectif de fin d’année ne déroge pas à cette règle qui tend à s’imposer depuis plusieurs sessions : il donne l’impression assez fâcheuse d’être un texte « fourre-tout » dont l’objet est de valider toutes sortes de dispositions qui, faute de temps, n’ont pu être adoptées au cours de l’année.
De fait, aucune ligne directrice ne se dégage de ce texte, qui, par conséquent, manque d’une cohérence d’ensemble.
Au cours de son examen par le Sénat, nous nous sommes largement exprimés sur les dispositions relatives aux collectivités territoriales, sur le bouclier fiscal, sur la fraude, etc., autant de sujets sur lesquels aucun progrès n’a été enregistré. Pour autant, je m’efforcerai de mettre au jour plusieurs aspects du texte issu de la commission mixte paritaire.
Premier aspect : les recettes fiscales de l’État ont été très largement rognées à la fois par l’application des mesures votées au cours de l’année 2009 et par les effets de la crise économique.
Cette réduction des recettes fiscales trouve essentiellement son origine dans la chute des recettes de l’impôt sur les sociétés et dans celle, plus faible, mais réelle, des recettes de TVA. L’impôt sur le revenu, quant à lui, n’a pas été trop affecté, malgré la progression du chômage.
Tout cela, monsieur le ministre, concourt une fois encore à faire de la fiscalité indirecte la source principale de revenus pour l’État.
Deuxième aspect : pour réduire autant que possible le déficit, le Gouvernement a procédé, une fois encore, à d’amples réductions de dépenses publiques.
Le non-remplacement, dogmatique, d’un départ sur deux à la retraite dans le secteur public, qui en constitue l’une des manifestations les plus éclairantes, est désormais remis en cause, y compris par la Cour des comptes, qui vous interroge sur cette obstination à démanteler les services publics.
La Cour vient de rappeler au Gouvernement que, pour fonctionner, un État a besoin de fonctionnaires et que cette façon d’avancer ne procède pas d’une bonne gestion.
Monsieur le ministre, il vous est arrivé de comparer les situations de l’Allemagne et de la France, qui ont connu des taux de croissance négatifs respectivement de l’ordre de 4 % et de 2 %. Pour ma part, je persiste à penser que nous devons ce meilleur résultat à notre service public, qui joue un rôle de véritable amortisseur social.
Troisième aspect : un long débat s’est instauré dans le cadre de ce collectif budgétaire sur la lutte contre la fraude et les paradis fiscaux. Avec la crise de l’été 2008, le Gouvernement et sa majorité ne pouvaient faire autrement que de tenir compte de l’état et du sentiment de l’opinion publique.
La révélation de l’ampleur de la spéculation financière, de la course effrénée au profit maximal, du caractère exorbitant de la rémunération de certains dirigeants, de salariés d’établissements de crédit ou d’entreprises d’investissements a profondément choqué, surtout ceux qui, en 2008 comme en 2009, auront goûté aux délices du chômage technique, des plans sociaux, des fermetures d’entreprise et des licenciements.
Cependant, avec les timides « mesurettes » présentées dans ce collectif, le compte n’y est pas, tant s’en faut ; elles ne permettront pas de modifier profondément les choses. Tout laisse à penser que l’on fait comme si une petite remontrance cette année suffirait à changer les pratiques et les méthodes de management de banques, toujours à la recherche du profit dans les salles de marché !
Nous n’avons pas manqué de nous étonner du récent épisode suisse, qui n’est pas terminé. En dépit de toutes vos déclarations, monsieur le ministre, nous ne voyons toujours rien venir, sinon, comme le rappelait fort justement Nicole Bricq, des déclarations télévisées.
M. Michel Charasse. Point d’argent, point de Suisse ! (Sourires.)
M. Thierry Foucaud. Mes chers collègues de la majorité, pour la moralisation du capitalisme, on repassera !
Quatrième aspect : vouloir lutter contre la fraude fiscale ne dispense pas de continuer à offrir – est-ce la période qui le veut ? – de nouveaux cadeaux fiscaux à celles et ceux qui en ont déjà reçu beaucoup. Encore une fois, les Français sont choqués par cette façon de faire face aux problèmes qu’ils rencontrent.
Pour notre part, nous avons l’étrange impression que, après les discours condamnant sans la moindre ambiguïté la fraude fiscale, vient, très vite, la petite musique des nouvelles dispositions dérogatoires, nouveaux crédits d’impôt, nouvelles sources d’évasions fiscales autorisées car tout simplement légalisées.
C’est ainsi qu’est apparu un nouveau crédit d’impôt destiné aux défenseurs un peu « fortunés » de la nature, sans compter les nouvelles « adaptations » du régime des groupes, qui vont permettre aux vedettes du CAC 40 de pratiquer avec bonheur une optimisation fiscale renforcée.
De même, pour complaire aux Lagardère, Bouygues, Bolloré et consorts, amis, paraît-il, du Président de la République (M. Michel Charasse s’exclame) et, accessoirement, propriétaires de réseaux audiovisuels, on a décidé de réduire le rendement de la taxe sur la publicité télévisée destinée à compenser, pour le secteur public, la suppression des messages publicitaires aux heures de grande écoute.
Pour conclure provisoirement sur la question, n’oublions jamais que, si la fraude fiscale et sociale est estimée à 50 milliards d’euros dans notre pays, l’évasion fiscale et sociale, quant à elle, grâce à toutes sortes de dispositifs, atteint plus de 130 milliards d’euros.
M. Michel Charasse. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas s’opposer à la création de fichiers permettant de détecter les fraudes !
M. Thierry Foucaud. La seule optimisation fiscale du régime des groupes coûterait au budget de l’État plus de 8,5 milliards d’euros !
Tant que nous n’aurons pas décidé de remettre en question ces exemptions fiscales et sociales, tant que nous ne nous serons pas interrogés sur leur utilité économique et sociale, nous ne pourrons pas réduire les déficits et nous ne pourrons qu’imposer aux familles les plus modestes la création, chaque année, de taxes nouvelles et la réduction continue de la dépense publique.
Mes chers collègues, plus le temps passe et plus le risque est grand que l’opinion ait l’impression qu’elle ne bénéficiera plus des services publics qu’elle est en droit d’attendre d’un État moderne au XXIe siècle en contrepartie du paiement de l’impôt.
Pour toutes ces raisons, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC-SPG ne pourront que confirmer leur vote négatif sur ce projet de loi de finances rectificative.
Enfin, puisque nous sommes à quelques heures des fêtes de Noël et de fin d’année, permettez-moi de conclure sur une note toute particulière en remerciant, comme d’autres l’ont fait avant moi, les agents de l’administration du Sénat pour le dévouement et la compétence dont ils ont fait preuve tout au long de nos travaux.
S’il fallait formuler un vœu pour l’année qui vient, que ce soit pour espérer que le peuple de notre pays puisse donner sens à ses colères, à ses attentes et donner corps à ses aspirations et à ses légitimes revendications. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. le président de la commission des finances applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2009 clôt une année marquée par la crise économique et par la dérive budgétaire, puisque le déficit atteindra 141 milliards d’euros. Bien évidemment, nous formons tous le vœu de ne plus revoir avant très longtemps un déficit d’une telle ampleur.
Mais, première avancée, nous avons pu aussi, en 2009, réaliser certaines économies – 5 milliards d’euros – grâce à la faiblesse des taux d’intérêt et de l’inflation. Monsieur le ministre, l’affectation d’une partie de ces économies au remboursement des dettes de l’État à l’égard des organismes sociaux est une très bonne mesure politique. Celles-ci sont désormais très faibles.
L’année 2009 a également vu la confirmation de la très bonne tenue de nos dépenses. À cet égard, je tiens à féliciter le Gouvernement, car c’est en contenant les dépenses ordinaires des administrations que nous ramènerons notre déficit en deçà des 3 % du produit intérieur brut ; ce fut le cas en 2007, année où le déficit budgétaire n’était constitué que par la charge de la dette. Grâce aux techniques de maîtrise auxquelles vous avez recouru, monsieur le ministre, nous pourrons sans doute en revenir à des déficits plus raisonnables.
La lutte contre l’économie souterraine et les paradis fiscaux est une autre avancée importante de ce projet de loi de finances rectificative. Le grand débat que nous avons eu sur la Suisse a clairement montré que l’ensemble du Parlement appuie cette action résolue du Gouvernement, qui va dans le sens d’une plus grande égalité entre les contribuables et concourra à renflouer les caisses de l’État.
Ces deux avancées majeures ont été largement enrichies par les travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat. Par ailleurs, comme l’a rappelé Mme Bricq, les travaux des commissions mixtes paritaires sur les textes de nature financière se sont déroulés dans un climat de coopération très constructif.
Il me paraît important de souligner que 2009 est aussi l’année de la prise de conscience de l’urgence écologique et de la nécessité d’une révolution fiscale verte ; elle commencera à se concrétiser notamment, à partir de 2010, avec la contribution carbone. En matière de fiscalité verte, la commission mixte paritaire a confirmé certaines des positions du Sénat, telle la compensation intégrale de la contribution carbone pour les biocarburants.
La commission mixte s’est longuement intéressée à la modulation de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision privées.
Après la suppression de la publicité à partir de 20 heures sur France Télévisions, la répartition des dépenses de publicité entre les chaînes n’a pas évolué comme nous l’avions supposé. L’Assemblée nationale proposait une taxe réduite à 0,5 % ou 1 % en 2009, suivant le niveau de la baisse de l’assiette ; le Sénat souhaitait pour sa part limiter la diminution de la taxation et fixer cette dernière à 1 %. Après une longue discussion, un compromis a été trouvé à 0,75 %. Quant à la taxe sur les chaînes de la TNT, dont les recettes publicitaires commencent à augmenter assez fortement – nous ne l’avions pas prévu –, elle demeure à 0,5 % en 2009.
La CMP a su tenir compte de la position des sénateurs représentant les départements de montagne, qui craignaient que, pour assurer le financement des chambres régionales d’agriculture, on ne mette en cause les plans pluriannuels de développement forestier. La suppression par la CMP de la possibilité d’affecter les crédits concernés aux chambres régionales a permis de leur donner satisfaction.
Bien d’autres dispositifs ont fait l’objet d’un accord unanime des deux assemblées. Je citerai pour seul exemple celui de l’étalement sur trois ans de la suppression de l’abattement sur les dividendes pris en considération dans le cadre du calcul du bouclier fiscal, car il montre bien que ce dernier devient de plus en plus complexe. La solution que défendent certains d’entre nous, qui consiste à supprimer dans un même mouvement l’ISF et le bouclier fiscal pour les remplacer par la création d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu, finira par s’imposer d’elle-même, sauf à accepter de complexifier à l’infini les dispositions relatives à l’ISF et aux niches fiscales.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je tiens, avant de conclure, à saluer le président de la commission des finances et le rapporteur général, qui, comme chaque année, ont dû étudier ce collectif dans la foulée du projet de loi de finances. Cet exercice difficile nécessite une grande endurance intellectuelle et physique !
Mes remerciements s’adressent également à tous les collaborateurs de la commission des finances, qui ont fourni cette année un travail encore plus considérable que les années précédentes, et à tous les services du Sénat.
M. Michel Charasse. Heureusement, nous ne sommes ni la SNCF ni la RATP !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je remercie enfin tous les présidents de séance, qui ont veillé au bon déroulement de nos débats, et, bien évidemment, Mme la ministre de l’économie et M. le ministre du budget, qui ont travaillé à cet exercice particulièrement long et difficile que fut la réforme de la taxe professionnelle, réforme dont nous allons maintenant mesurer les conditions d’application sur le terrain.
Eu égard à la qualité des travaux de la commission mixte paritaire et du texte qui a été élaboré, eu égard aussi à la détermination du Gouvernement pour lutter contre la fraude et contre les paradis fiscaux, le groupe UMP, sans aucune réserve, votera ce projet de loi de finances rectificative pour 2009. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens, sous le contrôle de Mme Christine Lagarde, qui nous a rejoints, à répondre aux questions des orateurs.
La première interrogation portait sur le montant de la dette. Il s’élève à 188 milliards d’euros : 175 milliards d’euros sont prévus dans la loi de finances pour 2010, auxquels il faut ajouter 22 milliards d’euros au titre du grand emprunt et dont il faut déduire 9 d’euros correspondant aux remboursements anticipés en 2009 sur 2010.
J’en ai conscience, il peut paraître étonnant que nous tenions compte du grand emprunt avant même qu’il ne soit voté.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous pourrions ne pas le voter !
M. Éric Woerth, ministre. Je constate néanmoins que l’Allemagne a fait le même choix, puisqu’elle a annoncé qu’en 2010 son programme d’émission serait de l’ordre de 220 milliards d’euros.
Madame Bricq, vous considérez que ce n’est pas sur les plateaux de télévision que doit être menée la lutte contre les paradis fiscaux. Il faut la mener partout, par tous les moyens disponibles ! Ce n’est pas que j’aie un goût immodéré pour la communication, mais nous devons faire un effort d’explication, nous devons faire connaître nos intentions. Sans cela, nous continuerons de ne pas agir, comme c’est le cas depuis des années. Car, cacher son action, c’est ne pas agir : on se met d’accord entre amis et on échappe ainsi à toute polémique, on ne fait aucune vague, on n’est accusé de rien par personne. Mais en réalité, il ne se passe rien non plus !
L’action doit se dérouler en deux temps. D’abord, l’État affirme son opinion, affiche ses intentions ; ensuite, il affronte les difficultés – et elles sont nombreuses : on vous accuse des pires turpitudes lorsque vous luttez contre la turpitude ! Mais ce n’est pas grave, car la seule chose qui importe est de se fixer une ligne d’action et de s’y tenir. Cette ligne a été dessinée par le Président de la République, le Gouvernement l’a approuvée, je la mets en œuvre.
Dans un tel domaine, il ne faut pas couper les cheveux en quatre. Il faut y aller franchement, sans zèle excessif, mais avec beaucoup d’opiniâtreté. Surtout, il faut, pour des raisons culturelles, inscrire son action dans le temps.
J’écoutais tout à l’heure une émission de radio diffusée sur RTL, pour ne pas la citer. La personne à qui l’on avait donné la parole déclarait en substance : « Puisque j’ai négocié un forfait fiscal, il est scandaleux que l’on essaie de me rechercher, de me fliquer ! » Mais la question n’est pas là ! On confond tout. Il faut bien distinguer les Français qui décident de s’installer à l’étranger de ceux qui expatrient leurs capitaux de façon illégale.
Certains Français décident de s’installer dans un pays qui offre des conditions fiscales avantageuses et a conclu avec la France une convention en vue d’éviter les doubles impositions. C’est leur choix, et personne ne prétend qu’il n’est pas légal !
D’autres en revanche, ayant leur résidence fiscale en France, décident d’expatrier des capitaux de façon illégale.