Mme Nicole Bricq. Exact !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il y a des États de l’Union Européenne qui, dans cette période de post-crise, auraient certainement de sérieuses révisions à faire. De la même façon, s’agissant des États avec lesquels une convention d’assistance administrative a pu être signée, la question est de savoir s’ils ont l’intention de la ratifier.
Or, en ce qui concerne notre voisin estimable et sympathique qu’est la Suisse, des déclarations laissent entendre qu’il n’est plus question de ratifier la convention qui a été signée, sous prétexte de punir je ne sais quoi. À mon avis, lorsque les représentants d’un État signataire d’une convention expriment officiellement leur intention de ne pas ratifier celle-ci, il faut faire figurer cet État sur la liste. Il y aura un amendement de la commission des finances en ce sens, monsieur le ministre, et nous en débattrons. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Nous aurons donc à appliquer une fiscalité plus dissuasive aux échanges avec les territoires non coopératifs. Tout cela, bien entendu, devra être analysé avec soin, puisque la retenue à la source portée de 15 à 50 % vaudra aussi bien pour les dividendes que pour les intérêts des obligations.
Évidemment, il s’agit de frapper des opérations qui ont un caractère d’optimisation, et donc un certain caractère fictif, et non pas des opérations dont on pourrait apporter la preuve qu’elles sont de véritables opérations de financement. J’ai pu comprendre à ce sujet, monsieur le ministre, que les services du Gouvernement ont peut-être le sentiment de ne pas avoir rédigé la mesure de manière parfaite.
À cet égard, la commission attend de Mme Lagarde qu’elle veuille bien soumettre un amendement si elle estime que ses services n’ont pas rédigé correctement la mesure. Ce n’est pas la commission qui fera ce travail. Il appartient au Gouvernement, à cet égard, de maîtriser la rédaction de la mesure, dont les services de l’exécutif sont à l’origine.
Il y a ensuite une excellente mesure qui figure dans votre projet de loi : c’est une obligation de documentation renforcée pour les transactions intragroupes. C’est toute la question des prix de transfert. Je saisis cette occasion, monsieur le ministre, pour mentionner que notre commission des finances s’est inquiétée de l’impact du développement des nouvelles technologies sur les recettes fiscales. Une étude, que nous avons commandée à un prestataire extérieur à ce sujet, est très éclairante.
Nous nous posons sérieusement la question de savoir comment mieux aborder le sujet des assiettes fiscales qui risquent d’être rongées ou remises en cause par les nouvelles technologies de l’information. Nous aurons des questions sérieuses à poser à ce sujet, et le cas échéant des propositions à faire.
Dans la lutte contre l’économie souterraine, contre les activités occultes ou illicites, nous serons à vos côtés. Nous serons également à vos côtés dans la mise en place d’une procédure fiscale judiciaire, et dans le renforcement des moyens de l’administration électronique pour lutter contre la fraude et faciliter le contrôle par la voie de recoupements automatiques.
De même, il conviendra d’augmenter à tous les niveaux l’efficacité de l’action administrative, tout cela étant parfaitement compatible avec l’action que vous menez pour rationaliser l’organisation de l’État, pour mieux gérer les effectifs publics, pour améliorer la productivité dans les services publics et chez les opérateurs de l’État.
Enfin, j’évoquerai quelques motifs de satisfaction et d’inquiétude sur les dépenses.
Les dépenses sont plutôt bien tenues, vous l’avez dit, mais grâce à l’effet d’aubaine sur la dette et à un taux d’inflation extrêmement faible en 2009. Cela ne diminue pas la vertu des efforts réalisés. Elle est réelle, mais doit inciter à poursuivre inlassablement et avec rigueur les efforts et la démarche engagés par la révision générale des politiques publiques.
Sur les 5,1 milliards d’euros de crédits nouveaux ouverts par ce collectif, l’État restitue près de 2 milliards d’euros aux organismes de sécurité sociale. C’est une bonne nouvelle, monsieur le ministre. Cette réduction de la dette de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale réjouira notre commission des affaires sociales et mon excellent collègue rapporteur général, Alain Vasselle, qui ne cesse de plaider pour ce sujet avec constance, depuis de très nombreuses années. C’est un heureux rééquilibrage des comptes que nous saluons.
En conclusion, il faudra résister à la tentation de la douce insouciance comme de la fuite en avant. C’est à ce niveau que se gagneront les quelques marges de manœuvre que l’on peut envisager pour faire face à la montée, malheureusement inéluctable, des charges, qu’il s’agisse à moyen terme de celles issues du vieillissement, ou à plus court terme de la hausse inévitable des taux d’intérêt.
J’ai beaucoup insisté déjà sur l’épée de Damoclès que constitue la dette publique et sur le caractère artificiel de l’état d’apesanteur financière, que j’évoquais dans mon introduction. Il n’est pas normal que notre dette s’accroisse et que son poids se réduise.
M. François Marc. Ce sont les cadeaux fiscaux qui augmentent !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est contre nature. Tôt ou tard, les banques centrales cesseront d’alimenter le système bancaire en liquidités, parce qu’avec la reprise se feront jour de nouvelles poussées inflationnistes. Il faudra bien alors lutter contre de nouvelles bulles qui se constitueront, ici ou là, dans certaines catégories d’actifs financiers.
Monsieur le ministre, le Sénat, sur la base de l’examen effectué par la commission des finances, va donc entamer ce dernier exercice de l’année avec beaucoup de soins, car le collectif budgétaire de fin d’année est un moment difficile et essentiel de gestion des finances publiques. Aussitôt après, nous prendrons un peu de repos...
M. Aymeri de Montesquiou. Bien mérité !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. ... et nous serons frais et dispos pour le premier collectif de l’année 2010, qui ne saurait tarder. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, s’est saisie pour avis sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009, à la fois pour soutenir un certain nombre de dispositions adoptées par l’Assemblée nationale et pour défendre certains amendements concernant le secteur relevant de ses compétences.
Tout d’abord, je voudrais souligner avec satisfaction que, conformément à l’engagement pris lors de la discussion du budget de l’enseignement scolaire, l’enseignement technique agricole bénéficie de 7 300 000 euros, crédits qui avaient été annulés l’an dernier.
Nous pouvons aussi nous réjouir d’un certain nombre de dispositions, que je vais énumérer, adoptées par nos collègues députés sur ce collectif budgétaire pour 2009.
L’article 27 quater élargit notamment la possibilité pour les communes d’exonérer de cotisation locale d’entreprise les petites et moyennes exploitations cinématographiques. Je vous proposerai néanmoins un amendement sur ce point afin d’en améliorer le dispositif, car on sait combien ces petites et moyennes salles de cinéma sont importantes dans nombre de nos communes, cantons et quartiers de nos villes, pour assurer à la fois de l’animation culturelle et du lien social.
M. Adrien Gouteyron. Très important !
M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis. L’article 29 quater proroge d’un an le régime de la réduction d’impôt de 25 % en faveur des entreprises ayant souscrit au capital de certaines entreprises de presse. Là aussi, on sait combien ces entreprises sont aujourd’hui fragilisées.
L’article 29 quinquies allonge la période de prise en compte des coûts de développement éligibles au crédit d’impôt en faveur des entreprises de création de jeux vidéo en ligne. Ces derniers sont aussi une exception économique et culturelle française qu’il est besoin de protéger et de soutenir.
L’article 29 sexies abaisse le seuil d’éligibilité des coûts de développement au crédit d’impôt en faveur des entreprises de création de jeux vidéo, là aussi pour les mêmes raisons.
L’article 30 bis instaure un mécanisme de taxation d’office en cas d’opposition au contrôle du centre national du cinéma et de l’image animée, ou CNC, ce qui relève du bon sens.
L’article 30 septies prévoit une exonération de taxe à l’embauche pour certains organismes faisant appel à des chercheurs ou à des universitaires étrangers non européens. Il s’agit de contribuer au renforcement de l’attractivité de notre pays dans ces domaines-là, politique qui a souvent été soutenue et souhaitée et en faveur de laquelle il s’agit aujourd’hui de nous engager un peu plus à fond.
L’article 30 nonies vise à permettre aux fonctionnaires de recherche autorisés à apporter leur concours scientifique à une entreprise qui assure la valorisation de leurs travaux de demander que les rémunérations provenant de cette activité soient soumises à l’impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et de salaires, et non comme des bénéfices non commerciaux. Il tend également à aménager légèrement le régime de la sous-traitance à des établissements publics de recherche, au regard du crédit d’impôt recherche.
L’article 30 undecies prévoit une modulation de la taxe sur la publicité des chaînes de télévision privées. Nous avions annoncé en projet de loi de finances que l’effet report de la suppression de la publicité sur France Télévisions n’avait pas eu lieu, et que la taxe spécifique instituée sur les recettes des chaînes privées n’avait donc pas lieu d’être, ou devait à tout le moins être réduite.
L’Assemblée nationale a en grande partie repris le dispositif progressif que nous avions imaginé. Nous pouvons nous en féliciter, mais elle en a limité l’effet, ce qui nous paraît regrettable. C’est la raison pour laquelle nous proposons un nouvel amendement qui permettrait à la fois d’assurer l’équité entre les chaînes historiques et la télévision numérique terrestre, mais aussi dans le temps de mettre en place une règle du jeu comprise et connue de chacun.
Par ailleurs, notre commission a adopté neuf amendements concernant les secteurs culturels. Certains tendent à de simples aménagements techniques, de nature à garantir l’efficience de dispositifs déjà votés ; d’autres sont nécessaires pour soutenir des filières culturelles économiquement fragiles ; tous prennent en compte la situation concrète des acteurs concernés.
Je précise que l’incidence budgétaire des mesures proposées est très limitée. En revanche, ces dernières sont essentielles pour défendre nos industries culturelles et maintenir la diversité culturelle sur notre territoire. C’est pourquoi je vous invite, monsieur le ministre, mes chers collègues, à partager nos préoccupations et à examiner ces amendements avec bienveillance.
Sans entrer dans le détail, je voudrais brièvement en rappeler le contenu.
Je ne reviendrai pas sur l’amélioration du dispositif destiné à favoriser la petite et moyenne exploitation cinématographique, que j’ai déjà évoquée.
Deux autres amendements concernent, l’un, les entreprises de production cinématographique, l’autre, le crédit d’impôt en faveur de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles internationales. Nous déployons en effet des efforts constants pour ramener dans notre pays des productions cinématographiques délocalisées.
Un quatrième amendement a pour objectif de conforter les ressources du Centre national du livre. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à nous soucier de la réponse qu’il convient d’apporter à ces acteurs étrangers qui numérisent sans trop de scrupules les œuvres de notre production nationale.
Un cinquième amendement vise à prolonger la durée d’application du crédit d’impôt en faveur du secteur de la musique.
Un sixième amendement tend à améliorer le régime du mécénat des particuliers dans le domaine de l’art, lorsque les dons concernent des sociétés détenues par l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics nationaux. Il est en effet paradoxal que nos concitoyens ne puissent bénéficier du mécénat que lorsqu’ils s’adressent à des entreprises privées.
Je ne reviens pas sur l’amendement qui vise à pérenniser la modulation de la taxe sur la publicité des chaînes de télévision.
Un huitième amendement tend à relever légèrement le seuil anti-concentration applicable en matière de radio, afin d’améliorer la couverture du territoire des grandes radios généralistes. En effet, depuis la loi du 30 septembre 1986, qui a fixé ces seuils, notre pays a vu sa démographie se relever significativement.
Enfin, notre dernier amendement vise à élargir le champ des rémunérations versées aux auteurs éligibles au crédit d’impôt dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donné un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.
Pour conclure, je dirai que, au-delà des changements d’attitudes, de pratiques et d’usages de nos concitoyens dans ces différents domaines – je pense notamment à la crise, qui les frappe durablement, ou au piratage, qui les a beaucoup secoués ces dernières années –, nous prenons un certain nombre d’initiatives qui visent non seulement à renforcer les secteurs de la création, mais aussi à soutenir l’activité économique. En effet, mes chers collègues, 2,4 % de la population active de notre pays travaille dans ces différentes industries culturelles. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste – M. François Marc applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dernier exercice de l’année budgétaire avant le premier de l’année prochaine, le collectif ne dément pas l’habitude qui consiste, tant pour le Gouvernement que pour le Parlement, à y faire figurer nombre de dispositions financières très diverses. Deux points notables en font toutefois l’originalité : d’une part, l’absence de traduction gouvernementale de l’annonce du Président de la République sur la taxation des bonus ; d’autre part, le dispositif de lutte contre la fraude fiscale, inséré par nos collègues députés.
Ce projet de loi de finances rectificative donne une vision de nos finances publiques. Certes, l’année écoulée a été exceptionnelle, mais ce collectif met toutefois à nu nos handicaps structurels et relativise les satisfecit dont le Président de la République et le Gouvernement sont friands.
En effet, dans le cadre européen, nos finances sont marquées par un double handicap : un arriéré de dette et un déficit d’avant-crise très importants. Nous cumulons ainsi tous les inconvénients par rapport à nos voisins de la zone euro, surtout si l’on prend en compte le collectif à venir, qui sera consacré à l’emprunt, et qui donnera la véritable lecture du projet de loi de finances pour 2010.
Le présent collectif prend acte d’une récession certes trois fois moindre que celle de notre principal partenaire commercial, l’Allemagne. Toutefois, la France connaît une situation de l’emploi nettement plus dégradée que son voisin, et durablement compromise qui plus est. L’INSEE a très fortement révisé les prévisions qu’il avait faites voilà un mois, au vu des 93 000 destructions d’emplois constatées au troisième trimestre dans le secteur marchand. Pôle emploi estime de son côté que le pic des destructions d’emplois n’est pas encore atteint. La croissance molle attendue en 2010 ne suffira pas à créer des postes à un rythme équivalent à celui des destructions. Il faudra bien que le Gouvernement intègre cette donnée à ses priorités de dépenses.
Le nouveau record de déficit – 141 milliards d’euros, chiffre encore provisoire en attendant le résultat du versement de l’acompte de l’impôt sur les sociétés – s’explique certes par la chute des recettes fiscales due à la crise, mais aussi par les baisses d’impôt octroyées régulièrement avant et pendant la crise.
M. François Marc. Des cadeaux !
Mme Nicole Bricq. La norme de dépense que vous avez fixée n’est respectée que grâce à l’allégement de la charge de la dette, dû à des taux d’intérêt très bas, ce qui ne peut être que provisoire.
M. Christian Poncelet. Bien sûr !
Mme Nicole Bricq. Si l’on ajoute la charge de l’emprunt Sarkozy, on voit que le Gouvernement nous précipite dans la double peine : d’un côté, une hausse d’impôt – hors bouclier fiscal, évidemment, car il a été sanctuarisé par le Président de la République –, de l’autre, une baisse drastique de la dépense publique, qui sera supportée par le plus grand nombre, particulièrement par ceux qui ont le plus besoin de l’action publique.
Dans ce contexte, l’emprunt à venir, dont les modalités de gestion restent floues, n’est qu’un nouveau tour de passe-passe, dont la communication présidentielle fait son miel. Il faudra payer le tout avant que lesdites dépenses d’avenir n’aient produit leurs premiers effets, même si l’utilité de ces dernières n’est pas contestable.
Pour en revenir aux points notables de ce collectif, je salue le travail de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui a introduit une mesure essentielle en matière de pouvoirs de l’administration fiscale. La rédaction de cette disposition est bienvenue et, ce matin, la commission des finances du Sénat lui a donné son aval.
Je salue, au nom de mon groupe, les efforts que vous déployez pour lutter contre la fraude, monsieur le ministre,…
M. Christian Poncelet. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. … et ce d’autant plus que vous semblez contesté sur ce point dans votre propre camp.
Il ne doit toutefois pas s’agir d’un souffle médiatique éphémère, favorisé par une actualité quelque peu rocambolesque sur les données dont l’administration dispose – je précise au passage que leur source ne nous intéresse pas… –, mais d’une action volontaire, patiente et durable, que nous vous encourageons à engager et à maintenir.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme Nicole Bricq. C’est pourquoi l’un des amendements présentés par le groupe socialiste tend à donner une visibilité législative au fichier « EVAFISC », le bien-nommé, dont la base réglementaire, un simple arrêté, nous paraît fragile. À travers cet amendement, nous voulons permettre au Parlement d’exercer pleinement son contrôle sur les moyens et les résultats de vos services, monsieur le ministre. Ces derniers doivent pouvoir eux-mêmes vérifier l’application des conventions fiscales et étendre leurs investigations pour lutter contre la grande fraude.
À ce titre, nous présenterons un autre amendement tendant à lutter contre les paradis fiscaux. La définition inscrite dans le projet de loi de finances rectificative, qui s’en remet à la liste de l’OCDE, omet en effet les places internes à l’Union européenne. En ne voulant pas attaquer nos voisins, on fait peut-être de la diplomatie, monsieur le ministre, mais on ne mène pas une lutte déterminée contre les places douteuses non encore atteintes par l’esprit coopératif qui a soufflé, un temps, sur les G20 successifs.
En ce qui concerne la taxation des bonus, elle brille par son absence dans ce texte. Le Président de la République a brassé beaucoup de vent lors du récent sommet de Bruxelles, mais, une fois la séquence de publicité passée, nous constatons qu’il est toujours urgent d’attendre, au prétexte que l’on ne saurait faire mieux ou plus que les Anglais. C’est la politique du moins-disant. Pourtant, voilà plus d’un an que le groupe socialiste dépose propositions de loi, amendements et questions orales sur ce sujet, sans autre réponse que wait and see, si je puis me permettre cette expression, particulièrement bien adaptée au contexte…
Dans cet hémicycle, Mme Lagarde nous avait demandé d’attendre la mise en œuvre du code de bonne conduite du Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, et de l’Association française des entreprises privées, l’AFEP. Mais, si j’ai bien lu le rapport de l’Autorité des marchés financiers, son application n’est guère probante.
Après que le Gouvernement eut systématiquement rejeté tous les amendements que nous avions déposés sur le sujet, nous aurions pu penser que, à la suite de l’annonce présidentielle, nous débattrions de cette question dans ce dernier véhicule législatif de l’année. Il n’en est rien !
On nous avait également promis une grande loi de régulation bancaire et financière pour la fin de l’année. Le projet, adopté hier en conseil des ministres, ne sera finalement examiné par le Parlement qu’en avril.
On nous dit maintenant que la taxation des bonus figurera dans le collectif dit de « l’emprunt », en début d’année prochaine. Tant mieux si cela permet d’aller plus vite, mais ce que l’on nous annonce est décevant.
Alors que Londres a annoncé un produit global de 620 millions d’euros pour cette taxe, les banques françaises plaident pour un niveau six fois inférieur, et l’on parle d’un arbitrage du Gouvernement qui se situerait entre 200 et 250 millions d’euros. Le compte n’y est pas ! Il est vrai que si Mme la ministre poursuit toujours la chimère qui consiste à faire de la place financière de Paris la rivale de Londres, je comprends qu’il faille négocier cette taxe à la baisse.
J’ai rapidement pris connaissance de l’amendement que vous nous aviez annoncé, monsieur le rapporteur général, et que la commission des finances examinera lors de la suspension de séance. Il présente l’avantage de ne pas se limiter aux traders, mais d’élargir le champ de la taxe aux mandataires sociaux, voire, si j’ai bien compris, à la hiérarchie et à la gouvernance des organismes financiers. (M. le président de la commission des finances marque son approbation.) C’est plutôt positif. Cela rejoint les positions que nous avons régulièrement défendues, et qui ont essuyé un refus systématique.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela montre que des consensus peuvent se dégager.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est l’esprit de Noël !
Mme Nicole Bricq. Ne vous réjouissez pas trop vite : le produit de cette taxe me semble en effet très restreint… Vous tenez en effet compte de l’impôt sur les revenus et, vu le taux marginal d’imposition des intéressés, le bouclier fiscal va s’appliquer.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cela fait 50 % de prélèvements ! C’est déjà beaucoup !
Mme Nicole Bricq. Nous aurons l’occasion d’en débattre tout à l’heure, monsieur le rapporteur général.
Une fois encore, le groupe socialiste défendra un amendement visant à solder plus nettement les prêts consentis aux banques par la Nation, ainsi que l’accès aux liquidités mises sur le marché par la Banque centrale européenne. Il ne s’agit pas de morale, mais d’un juste retour vers l’action publique, surtout quand on sait que les banques ne respectent pas l’engagement qu’elles avaient pris en octobre 2008 quant à la progression de leur encours destiné à financer l’économie réelle, c’est-à-dire les prêts aux particuliers et aux entreprises. Cette promesse, qui figure dans la loi de finances rectificative pour 2008, n’est pas respectée. Il est temps d’en faire le bilan.
Cependant, l’arbre des bonus ne doit pas cacher la forêt des risques, et le levier le plus efficace pour éviter les dérives que nous avons connues autrefois, c’est que les entreprises financières et bancaires disposent de fonds propres solides et déploient leurs activités en assurant elles-mêmes leurs risques, sans se défausser sur l’État et les contribuables, qui ont été les assureurs de dernier ressort.
À cet égard, nous ne nous contentons pas de la mesure votée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010 visant à obtenir un rapport sur la mise en place d’une taxe assurantielle. C’est pourquoi nous avons de nouveau déposé notre amendement de principe visant à créer cette taxe.
Le projet de loi de régulation bancaire et financière, que j’ai parcouru rapidement, comporte peu d’éléments, en tout cas aucun qui concerne les fonds propres.
Nous agissons au nom de l’ordre public, car nous voulons une finance responsable. Peut-être les élites scientifiques mettront-elles enfin leurs talents au service de l’innovation dans l’économie réelle plutôt qu’au profit de l’économie financière. Du reste, cela nous paraît parfaitement cohérent avec les priorités retenues pour les dépenses d’avenir.
Les deux années qui viennent seront très délicates, entre la question des déficits et celle du chômage, tous très importants. Il n’y aura pas de rebond significatif sans demande ; or celle-ci risque bien de faire défaut et d’obérer ainsi toute sortie de crise viable.
C’est ici que vos fautes fiscales pèseront lourd eu égard à la nécessité de soutenir la demande. La baisse du plafond des dépenses fiscales validée par la commission mixte paritaire est encore insuffisante à nos yeux. Cela dit, le Gouvernement n’a pas dit son dernier mot, et nous ne saurons que demain, lors de l’examen des conclusions de la CMP, s’il accepte cette baisse.
Il n’en demeure pas moins que nous réitérons notre souhait de voir le plafond des dépenses fiscales encore abaissé. Par notre amendement, qui vise à mettre en place un dispositif plus contraignant que celui qui est proposé par M. le rapporteur général, nous souhaitons obtenir un véritable effet dissuasif sur ceux qui jonglent habilement avec le bouclier fiscal et les niches fiscales.
Nous aurons l’occasion d’y revenir encore et encore dès le début de l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce troisième et dernier projet de loi de finances rectificative de l’année vient clore l’annus horribilis budgétaire de 2009.
Ce texte tente de maîtriser les dépenses en tenant compte des aléas de la conjoncture et, outre diverses mesures additionnelles adoptées par l’Assemblée nationale, prévoit un certain nombre de dispositions fiscales.
Ainsi, la lutte contre les paradis fiscaux est absolument nécessaire pour la moralisation et le contrôle de la toute-puissance d’une finance anonyme et irresponsable et la fin de son impunité inacceptable lorsqu’elle est responsable de catastrophes.
De même, la lutte contre l’économie souterraine est une priorité, car elle est un élément de déstabilisation sociale. Gilles Carrez rappelle que « Al Capone est tombé grâce aux agents du fisc ».
M. Michel Charasse. Exact ! Les « droits de l’hommiste » n’avaient pas encore frappé !
M. Aymeri de Montesquiou. Enfin, le projet de loi de finances rectificative prévoit de moderniser les administrations fiscales et douanières et d’adapter le droit français aux exigences du droit et de la jurisprudence communautaires.
Concernant les aspects budgétaires proprement dits, les dépenses n’évoluent pas plus vite que l’inflation. Mais, pour retrouver l’équilibre budgétaire et compenser le coût de la dette, il faut absolument qu’elles évoluent moins vite que celle-ci.
Hors le plan de relance, de l’ordre de 24 millions d’euros, qu’il faut intégrer dans ce budget, la règle stricte du maintien en volume des dépenses par rapport à l’année précédente a été mieux respectée. De façon un peu paradoxale, nous avons fait, en 2009, une économie de plus de 5 milliards d’euros sur les intérêts de la dette, alors même que nous avons emprunté de façon frénétique, mais nécessaire, pour couvrir les pertes de recettes. Ce paradoxe, nous le devons bien sûr à la baisse des taux d’intérêt, baisse continue depuis le début de l’année financière.
Il s’agit non pas, aujourd’hui, de nous satisfaire d’avoir été moins frappés que l’ensemble de nos partenaires internationaux et européens, mais plutôt de rappeler l’impérieuse nécessité d’assainir les comptes de l’État par une réduction nécessaire, car vitale, de ses déficits et de ceux de la sécurité sociale, et d’atteindre à moyen terme un équilibre aujourd’hui utopique à court terme.
Un tel niveau d’endettement est insoutenable dans la durée ; il menace l’indépendance même de notre gouvernance économique. Se saisir de cette question n’est donc pas un droit pour le législateur, c’est un devoir absolu.
J’ajoute que la Commission européenne, le mois dernier, a fixé comme objectif à la France le retour sous la barre des 3 % de ses déficits publics à l’horizon 2013. Monsieur le ministre, présentez-nous votre plan pluriannuel pour remplir cette condition, qui répond certes aux exigences du traité de Maastricht, mais qui est également indispensable tant économiquement que politiquement.