M. Jacques Blanc. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je demande à chacun de respecter son temps de parole, car notre ordre du jour est très chargé.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me félicite au nom du groupe du RDSE que, sur l’initiative de notre collègue Xavier Pintat, nous puissions débattre de ce sujet extrêmement important.
Je l’aborderai avec le regard du modeste élu rural que je suis. J’avais préparé un discours, mais le lire après l’intervention si brillante de spécialistes me paraît difficile. Aussi irai-je droit au but.
Je pense moi aussi que le numérique est un défi pour l’avenir, un rendez-vous immanquable et qu’il s’agit de la dernière chance pour certains territoires.
Les études de l’ARCEP révèlent que le nombre d’abonnés au haut débit en France, qu’il s’agisse de l’ADSL, du câble ou de la fibre optique, n’est que dix-sept millions, ce qui nous place en neuvième position sur le plan européen. Nous partons donc avec un sérieux handicap. Ce n’est bien entendu pas uniquement la faute de ceux qui sont au Gouvernement aujourd’hui. Ce retard date depuis très longtemps.
Ce qui m’inquiète dans ce texte, Bruno Retailleau l’a expliqué, c’est son manque de pragmatisme.
On peut dire tout ce que l’on veut. Si des mesures concrètes ne sont pas prises pour que les collectivités territoriales puissent assurer une partie des investissements nécessaires à l’accès au très haut débit, les zones rurales seront particulièrement touchées. Alors qu’elles n’ont déjà ni autoroutes, ni voies ferrées, ni transports en commun, on ne peut pas leur demander un effort de cette importance.
Cette fracture numérique serait catastrophique, car elle augmenterait la désertification de ces territoires qui connaissent déjà des difficultés lorsque leur activité principale est l’agriculture.
Nous devons donc définir de façon très pragmatique la manière dont nous pouvons intervenir. Un câble de soixante-douze fibres coûte environ 8 euros le mètre. La difficulté dans les territoires ruraux, c’est d’obtenir de la part des délégataires les informations sur les structures existantes en ce qui concerne la position des répartiteurs.
Je rappelle que les fibres à haut débit – nous ne sommes pas obligés de passer immédiatement au très haut débit, nous pouvons utiliser ce qui existe – ont été passées il y a dix ans. Il est donc inadmissible que les territoires ruraux n’aient pas d’informations sur les travaux réalisés, car cela revient à leur refuser la possibilité de se raccorder au réseau à haut débit. Or ces infrastructures ont été payées par de l’argent public avant la privatisation de l’opérateur historique.
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
M. Raymond Vall. Il est essentiel que le texte qui nous est soumis aujourd’hui intègre des dispositions pragmatiques afin que les territoires ruraux, qui sont déjà très défavorisés, puissent disposer de toutes les informations leur permettant d’accéder aux infrastructures existantes.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Raymond Vall. Madame la secrétaire d’État, sans ces nécessaires décisions, il n’y aura pas un véritable service universel. C’est la dernière chance pour les territoires ruraux, déjà victimes de la désertification.
Les moyens ne sont pas suffisants, mais je ne vous en ferai pas la critique. En revanche, je vous demande de prendre en compte les aspects pragmatiques de la question, afin que le monde rural ne soit pas une fois de plus délaissé et abandonné. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer le travail considérable effectué au Sénat par le rapporteur, M. Bruno Retailleau, qui maîtrise parfaitement ce domaine, par le vice-président de la commission, M. Pierre Hérisson, qui a conduit nos travaux, et par Mme Catherine Morin-Desailly sur la TNT, au nom de M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission de la culture. L’Assemblée nationale a aussi apporté une importante contribution.
Nos travaux se sont déroulés en liaison constante avec les services du secrétariat d’État chargé de la prospective et du développement de l’économie numérique. Vous avez appuyé notre démarche, madame la secrétaire d’État, dans un domaine que vous maîtrisez parfaitement.
Je tiens également à remercier M. Michel Mercier, qui, en tant ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, a soutenu notre initiative, comme il a eu plusieurs fois l’occasion de le dire.
Le processus législatif, mes chers collègues, a permis d’enrichir et d’améliorer la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique que j’ai eu l’honneur de déposer. Ce travail de coproduction législative nous permet aujourd'hui de disposer d’un texte plus complet, puisqu’il traite notamment l’importante question de la couverture territoriale par la télévision numérique. Sur ce sujet, nous sommes parvenus, me semble-t-il, à un dispositif équilibré.
En effet, entre l’augmentation de la puissance des émetteurs, l’amélioration de l’information sur les cartes de couverture, la mise en œuvre du « fonds bis » sans condition de ressources et le financement par l’État des émetteurs des collectivités, la menace de l’écran noir apparaît aujourd'hui définitivement circonscrite.
La qualité du travail se retrouve également sur la question du déploiement du très haut débit, ce qui devrait faciliter l’adoption de ce texte, pour rapidement passer à la phase opérationnelle, en particulier celle qui concerne l’élaboration des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique.
Madame la secrétaire d’État, il y a urgence. Nous assistons depuis quelques mois à une multiplication d’annonces avec le plan fibre optique, les appels à projets pour les zones non traitées et, bien sûr, le grand emprunt, dont l’ambition est de provoquer un nouveau cycle d’investissements notamment en direction des infrastructures du très haut débit. Cette dynamique, pour être optimale et équitable pour le territoire, doit s’appuyer sur les règles de bonnes pratiques contenues dans ce texte.
Dans ces conditions, je ne présenterai pas de nouveaux amendements, mais je souhaite évoquer rapidement les quelques points pour lesquels le chantier que nous avons ouvert nécessitera d’être poursuivi.
En ce qui concerne le Fonds d’aménagement numérique des territoires, notre texte prévoit qu’il soit constitué dans un délai de douze mois après la promulgation de la loi. Cela devrait permettre à ce nouvel outil de fonctionner rapidement et d’engager les opérations de desserte non seulement des zones 2, mais également des zones 3, celles pour lesquelles aucune offre spontanée d’opérateur ne se manifestera, de façon à éviter un phénomène d’écrémage limitant la couverture numérique en très haut débit aux seules zones rentables.
Je ne doute pas que le Gouvernement ait à cœur de respecter ce délai et donc de doter le nouveau fonds des moyens financiers d’exercer rapidement ses missions – le rapporteur, M. Bruno Retailleau a évoqué les 2 milliards d’euros annoncés –, car il serait regrettable que le volontarisme du Gouvernement pâtisse d’un manque de visibilité financière.
Je rappelle par ailleurs que la facilitation du déploiement du très haut débit doit reposer non seulement sur un dispositif d’aides financières, ce qui est important, mais également, et c’est tout aussi important, sur une coordination efficace des travaux de génie civil …
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
M. Xavier Pintat. … qui permette tout à la fois d’en réduire le coût et d’en accélérer le rythme en profitant de l’opportunité des opérations lancées sur les territoires par d’autres maîtres d’ouvrages.
La nouvelle rédaction de l’article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales va dans ce sens, de même que la nouvelle procédure de déclaration des travaux. Sur ce dernier point, madame la secrétaire d’État, nous comptons bien entendu sur la sagesse du Gouvernement pour que le décret d’application annoncé limite ces nouvelles obligations déclaratives aux chantiers situés sur les tracés des schémas directeurs ou aux grandes opérations afin de ne pas créer de contraintes administratives supplémentaires et inutiles, qui conduiraient à l’engorgement des services de l’État et des collectivités territoriales, que, par ailleurs, on cherche à réduire.
Je conclurai en disant que la plus-value de cette proposition de loi est de stimuler les initiatives et de les coordonner afin de déployer une nouvelle boucle locale en fibre optique, quand cela est possible, et d’offrir au plus grand nombre un accès au numérique, voire le moyen d’améliorer son usage.
Cet enjeu pragmatique doit nous réunir aujourd’hui pour faciliter l’engagement rapide des initiatives sur le terrain, car, nous le savons tous, un étalement excessif de ces chantiers dans le temps serait difficilement accepté par la population, tant les attentes dans ce domaine sont grandes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question de l’accès de tous au numérique, sur laquelle l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique nous conduit à revenir aujourd'hui, est fondamentale.
L’histoire de cette proposition de loi a été marquée par de nombreux rebondissements. Sur les six articles que comprenait le texte initial, quatre ont été supprimés et deux ont été vidés de leur sens. Un titre entier a été inséré à la demande du Gouvernement, visant à « faciliter la transition vers la télévision numérique ». En effet, le passage à la télévision numérique doit être achevé au 30 novembre 2011, ce qui suscite de nombreuses inquiétudes de la part des élus sur la qualité de réception, notamment dans les territoires ruraux ou de montagne.
Le passage au numérique en libérant un certain nombre de fréquences hertziennes aurait dû se faire avec le souci de garantir l’accès pour tous à cette technologie. Or, force est de constater que l’objectif de 100 % n’est pas de mise. La loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a fixé le seuil de couverture nationale par la TNT à 95 % de la population, alors que l’analogique permet aujourd’hui de couvrir plus de 98 % de la population.
Le 12 juillet 2007, le CSA a précisé cette règle en ajoutant un critère territorial : la TNT doit couvrir 91 % de la population de chaque département. Aujourd’hui, il est proposé que le CSA fixe simplement un taux de couverture minimale de la population. Cela constitue selon nous un recul considérable.
Parallèlement, madame la secrétaire d’État, vous mettez en place pour ceux qui sont situés dans les zones d’ombre de la réception hertzienne une aide de 96 millions d’euros destinée à financer l’achat de paraboles afin de leur permettre d’accéder à la télévision numérique.
Vous avez également indiqué qu’il sera demandé aux chaînes de télévision de participer à cet effort, or rien n’est prévu pour l’instant. De plus, s’il ne s’agit que d’une aide à l’acquisition, rien n’est dit sur la maintenance, qui restera à la charge des usagers. C’est donc une double peine qui est infligée aux oubliés du numérique !
Il est pourtant reconnu aujourd’hui que le passage au numérique conduira, malgré le doublement de la puissance des émetteurs, à une moins bonne couverture. Selon les auteurs des estimations, le nombre de personnes qui n’auront pas accès à la télévision numérique se situera dans une fourchette comprise entre un demi-million et un peu plus d’un million de personnes.
Parallèlement, le passage au numérique va constituer pour les chaînes de télévision un effet d’aubaine, car il leur permettra de faire des économies considérables. Ainsi la diffusion en numérique coûtera-t-elle dix fois moins cher à TF1 que la diffusion en analogique, notamment du fait de la suppression de 2 074 pylônes sur les 3 400 existants.
En outre, les collectivités locales pourront intervenir pour installer des émetteurs supplémentaires. Cependant, là encore, aucune aide n’est prévue pour la maintenance.
Alors que la couverture totale du territoire par la télévision numérique aurait dû faire l’objet d’un consensus, vous avez préféré faire prévaloir les intérêts des chaînes privées. Cette proposition de loi entérine donc un recul en matière de réception de la télévision sur l’ensemble du territoire alors que les évolutions technologiques – elles permettent de consommer six fois moins de fréquences – auraient pu permettre, à l’inverse, d’élargir le taux de couverture. On continue donc à nous répondre rentabilité quand nous parlons intérêt général.
J’en viens au second volet de cette proposition de loi : l’accès au très haut débit. Là encore, les solutions préconisées sont plus que contestables.
Pour répondre de manière adaptée au défi de l’accès au très haut débit pour tous, vous préconisez le découpage du territoire national en trois espaces distincts : un espace prétendument rentable, où la concurrence libre et non faussée pourra s’intensifier, un espace entre deux, où une mutualisation serait instaurée entre le public et le privé, enfin, un espace clairement non rentable, où seule l’intervention publique pourra permettre de financer l’accès au très haut débit.
Nous ne souscrivons pas à cette vision qui, de fait, crée une rupture d’égalité. Un mécanisme de privatisation des profits et de socialisation des pertes est instauré.
Dans les territoires les plus fragiles, les collectivités locales seront une fois encore lourdement sollicitées. Le texte initial créait deux nouvelles structures.
En premier lieu, des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique devaient permettre de répertorier les réseaux existants et de définir des objectifs clairs en termes de couverture, adossés à un échéancier de travaux. Vous avez fait le choix de réduire au minimum cet outil, qui n’aura plus qu’une simple valeur indicative.
En second lieu, un Fonds d’aménagement numérique des territoires, abondé par les opérateurs, est institué pour financer les travaux définis par les schémas directeurs. Alors qu’un tel dispositif de péréquation nationale par la création d’un fonds de compensation existe dans tous les secteurs du service public ouverts à la concurrence, vous avez privé ce fonds des financements adéquats, estimant qu’il ne fallait pas dissuader les opérateurs privés d’investir.
Le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale a même qualifié de « dangereuse » la possibilité de taxer les opérateurs privés. Les seuls financements alloués aux infrastructures numériques dans les zones 2 et 3 sont aujourd’hui les 2 milliards d’euros que vous venez d’évoquer, madame la secrétaire d’État, alors que le coût des investissements nécessaires à l’installation d’un réseau en fibre optique sur l’ensemble du territoire est estimé à plus de 40 milliards d’euros.
Pour notre part, nous estimons qu’il est urgent de plébisciter un service universel de haut débit, appuyé sur un pôle public des télécommunications capable de réaliser les investissements nécessaires, afin de permettre le fibrage de l’ensemble du territoire.
L’accès au numérique pour l’ensemble de nos concitoyens est une révolution – M. le rapporteur l’a à juste titre souligné - tant elle bouleverse nos usages dans l’acquisition des savoirs, dans le droit à l’information et à la communication, mais également parce que les nouvelles pratiques liées à cette technologie posent clairement la question de la gratuité.
Vous nous dites que vous préférez la notion de « montée en débit » à celle de « service universel ». Vous êtes, selon nous, une nouvelle fois à côté des enjeux.
Le processus de libéralisation des télécommunications a été enclenché en 1993 par l’Union européenne. Celui-ci a conduit, comme le montre l’expérience aujourd’hui, à une baisse de qualité des services, à la mise en place d’ententes entre les opérateurs privés pour le partage des bénéfices et, surtout, à l’abandon sur le bord du chemin de territoires jugés non rentables économiquement parlant.
La crise que nous traversons aujourd’hui est un aveu de l’obsolescence de ce modèle, qui a conduit aux multiples fractures dont souffre notre pays, fractures sociales, scolaires, postales, énergétiques, ou encore numériques.
Parce que la loi n’opère que de simples bricolages en refusant toute notion de service public, parce qu’elle accentue le désengagement de l’État quant à ses responsabilités en termes de cohésion sociale et territoriale, nous ne pourrons vraisemblablement pas l’adopter.
M. Paul Blanc. Vous n’arriverez jamais à être positifs !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est très différente de celle qui avait été déposée par Xavier Pintat au mois de mai 2009.
En effet, lors de son examen au Sénat les 20 et 21 juillet dernier, et à l’Assemblée nationale le 30 novembre dernier, de nombreuses modifications y ont été apportées.
Le titre Ier, qui a été inséré sur l’initiative du rapporteur au Sénat et où il est question de « faciliter la transition vers la télévision numérique », a été fortement remanié par les députés.
Quant au titre II, dont l’objet est de « prévenir l’apparition d’une fracture numérique dans le très haut débit », il n’a été modifié qu’à la marge par les députés.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Absolument !
M. Michel Teston. Que penser du texte dans sa forme actuelle ?
Qu’en est-il, d’abord, de la couverture du territoire national en télévision numérique ?
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, se voit reconnaître la compétence pour assurer une couverture minimale de la population de chaque département par voie hertzienne terrestre en mode numérique.
Cette rédaction laisse à penser que les intérêts des sociétés de programmes ont été préférés à l’intérêt général, qui exige, à l’inverse, une couverture maximale de la population.
Notre groupe considère nécessaire d’inscrire dans la loi une couverture minimale de 95 % de la population de chaque département. Nous avions déposé un amendement en ce sens, mais il a été déclaré irrecevable par la commission des finances car il constituait, selon elle, une aggravation des charges publiques.
Reconnaissant que 1 626 sites d’émission diffusant en numérique ne permettront pas d’apporter le même taux de desserte que 3 500 sites diffusant en analogique, le Gouvernement demande au CSA d’autoriser une augmentation de la puissance des émetteurs. Si un gain de quelques pour cent peut être envisagé sur certains territoires, il n’en sera pas de même sur bon nombre de secteurs géographiques, pour des raisons liées au relief.
Notre groupe constate par ailleurs que les députés ont maintenu le dispositif que nous avions fait adopter au mois de juillet dernier et qui permet d’informer les maires des communes non desservies. Ils y ont ajouté l’obligation faite au CSA de fournir des éléments chiffrés et cartographiés aux conseils généraux et régionaux qui en feront la demande.
Les députés ont également décidé d’instituer, dans chaque département, une commission de transition vers la télévision numérique, chargée de compléter l’action du groupement d’intérêt public France Télé numérique.
Le GIP se voit confier une nouvelle compétence d’assistance technique spécifique pour les téléspectateurs les moins préparés aux changements techniques. Il est chargé d’accompagner le basculement vers le numérique et de gérer le fonds d’équipement destiné aux foyers exonérés de redevance en zones non couvertes par la télévision numérique terrestre, la TNT.
L’article 1er DC prévoit le versement par l’État d’une compensation financière aux collectivités territoriales et à leurs groupements qui mettront en œuvre toute solution permettant d’assurer la réception de la TNT gratuite, en clair, dans les zones non couvertes.
Nous avions déposé des amendements pour nous assurer que cette compensation serait intégrale ; la commission des finances les a déclarés irrecevables, en application de l’article 40 de la Constitution.
Qu’il me soit permis de rappeler qu’un certain nombre de collectivités qui ont participé, il y a quelques années, au financement de réémetteurs fonctionnant en analogique, vont devoir à nouveau participer financièrement mais, cette fois-ci, pour l’allumage en numérique de ces mêmes réémetteurs. Elles vont donc devoir payer une seconde fois, ce qui est choquant. C’est la raison pour laquelle la compensation apportée par l’État devrait être totale.
À côté du fonds d’aide à l’équipement en TNT des foyers exonérés de redevance audiovisuelle, le Gouvernement a souhaité, sans attendre l’étude demandée par le Sénat, la mise en place d’un second fonds, celui-ci sans considération de ressources, destiné aux foyers recevant précédemment la télévision hertzienne terrestre en clair, en mode analogique, et dont la réception ne sera plus assurée en hertzien à l’extinction de l’analogique.
La compensation apportée par l’État aux bénéficiaires de ces deux fonds nous paraît devoir se situer à un niveau suffisant, d’où les deux amendements demandant une compensation intégrale. Là encore, la commission des finances a invoqué l’article 40 de la Constitution pour déclarer nos amendements irrecevables.
J’en viens au titre II, dont l’objet est de prévenir l’apparition de la fracture numérique.
J’aimerais d’abord rappeler l’existence d’une fracture numérique pour le haut et le très haut débit, notamment dans les zones rurales. La question est donc non pas d’éviter l’apparition de cette fracture, mais bien de mettre en place des dispositifs et des moyens financiers pour la réduire progressivement puis la faire disparaître. Nous sommes donc favorables à la mise en place d’un fonds d’aménagement numérique des territoires.
En revanche, les dispositions proposées ne nous semblent pas assez précises. Nous vous proposerons donc d’écrire clairement dans la loi qu’il s’agit d’un fonds de péréquation. Ce fonds doit certes contribuer au financement de certains travaux, mais lesquels ? Quid du financement de ce fonds ?
Encore une fois, c’est le financement qui risque de manquer. Un fonds dont les ressources ne sont ni précises ni pérennes perd de son intérêt. Compte tenu des lourds investissements à venir, il est nécessaire d’avoir une visibilité à moyen terme et à long terme, afin de pouvoir mettre en place des stratégies de développement du numérique sur tout le territoire.
Contrairement à l’objectif recherché, ce texte ne risque-t-il pas, madame la secrétaire d’État, d’aggraver la fracture numérique, en validant le partage du territoire en trois zones, avec un mode de déploiement différent pour chaque zone ? (Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur font des signes de dénégation.) Cette organisation n’apporte aucune garantie d’un déploiement au même rythme dans les trois zones, bien au contraire !
Ce texte fait surtout l’impasse sur un élément essentiel de la lutte contre la fracture numérique : la mise en place d’un véritable service universel.
Avec le progrès technologique et les évolutions des modes de vie, la définition du service universel doit évoluer. En effet, les dispositions de l’article L. 35-1 du code des postes et des télécommunications électroniques qui le définissent, si nécessaires soient-elles, ne sont plus suffisantes, puisqu’elles s’appliquent uniquement à la téléphonie fixe.
Il importe désormais que chacun puisse disposer d’un accès à la téléphonie mobile ainsi que d’un accès à Internet à haut et très haut débit.
Pour conclure, ce texte comporte des avancées,…
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Très bien !
M. Michel Teston. … notamment en ce qu’il complète les dispositions de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et fixe des objectifs partagés.
Toutefois, dans sa forme actuelle, le texte ne prévoit d’intégrer au service universel ni la téléphonie mobile ni le haut et le très haut débit, ce qui nous paraît être une occasion manquée.
La proposition de loi est également imprécise concernant le fonds d’aménagement numérique des territoires, tant du point de vue des travaux que celui-ci pourra financer que des ressources dont il disposera.
Enfin, ce texte ne fixe pas un objectif assez ambitieux en matière de couverture numérique terrestre.
Nous verrons au cours des débats quel sort sera réservé à nos amendements. Pour certains d’entre eux, nous en avons déjà une petite idée ! (Sourires.)
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cela va être difficile !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Le suspens est insoutenable !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes amenés ce matin à examiner en deuxième lecture la proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique.
En première lecture, nous avions eu l’occasion de saluer ce texte ainsi que les apports de notre commission et de son rapporteur.
Il n’est pas besoin d’évoquer de nouveau l’importance du haut débit en termes économiques et culturels comme en termes de développement durable et, bien entendu, d’aménagement et d’attractivité de nos territoires.
Le numérique peut inverser le déclin d’un territoire ; son absence peut au contraire l’accélérer.
Le très haut débit pour tous est un objectif qui ne sera pas atteint avant dix ans. Or certains territoires ne bénéficient même pas encore du haut débit sur la base de 512 kilobits par seconde, débit dont chacun reconnaît qu’il n’est pas suffisant. C’est d’ailleurs pourquoi le Gouvernement doit favoriser la montée en débit des réseaux.
J’aimerais à ce propos savoir où en est le Gouvernement des engagements du plan France Numérique 2012, qui prévoyait le haut débit pour tous au 1er janvier 2010. Cet engagement sera-t-il tenu ? Peut-être pourrez-vous nous le dire tout à l’heure, madame la secrétaire d’État. La puissance sera-t-elle de 512 kilobits ou proche des 2 mégabits, qui correspondent au seuil minimum généralement admis ? Le Gouvernement britannique s’est engagé à fournir un service universel sur cette base.
En première lecture, j’avais déposé un amendement visant à étendre le service universel haut débit à la téléphonie mobile. Il avait été jugé irrecevable par la commission des finances, car de nature à aggraver les charges de l’État.
J’avais d’ailleurs suggéré que le Gouvernement reprenne cette bonne idée, mais je n’ai pas reçu de réponse de sa part. Peut-être en aurai-je enfin une aujourd’hui...
C’est que des problèmes se posent également en matière de téléphonie mobile. Le chiffre de 3 000 communes qui ne bénéficieraient pas de la téléphonie mobile me semble très inférieur à la réalité. Madame la secrétaire d’État, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, vous a indiqué qu’elle n’hésiterait pas à prendre des sanctions à l’encontre des opérateurs ne respectant pas les objectifs assignés. Il était question, à l’époque, d’une échéance à l’été 2009 ; je ne sais pas non plus où nous en sommes sur ce point.
Toujours à propos de la téléphonie mobile, je me réjouis qu’un de nos amendements ait été intégré. Celui-ci prévoit que cette problématique sera incluse dans les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. En effet, il ne faut pas l’oublier, la fracture numérique concerne également la couverture en téléphonie mobile, qui est loin d’être chose faite sur l’ensemble du territoire.
En matière de télévision numérique terrestre, il faut bien reconnaître que l’Assemblée nationale a amélioré le dispositif proposé par le Sénat.
Elle a prévu un accompagnement financier des collectivités locales qui s’engageraient dans l’acquisition d’un équipement, ainsi qu’un fonds d’aide - sans condition de ressources - pour les ménages qui achèteraient une parabole. Nous pouvons donc raisonnablement penser que l’extinction de l’analogique ne provoquera pas une nouvelle fracture.