M. Thierry Foucaud. Les sondages, ça coûte cher !
M. Denis Badré. Si l’on demande aux Français s’il faut faire une mauvaise manière aux victimes d’accidents du travail, 99 % d’entre eux répondront « non » ; mais si on leur demande s’ils veulent plus de justice fiscale, ils seront tout aussi nombreux à dire « oui » !
La question est complexe. Il convient donc de faire le départ entre ce qui relève de la fiscalité, ce qui relève d’un traitement social ou ce qui, le cas échéant, relève du pénal.
Monsieur Foucaud, vous avez évoqué les accidents de type Seveso. Si la faute incombe à l’employeur, la voie pénale existe ! Il n’est pas question de modifier le statut fiscal de l’employeur pour autant. De la même façon, si la perte de cotisations sociales entraîne une injustice manifeste, la voie sociale est là aussi. À utiliser la voie fiscale à tout bout de champ, nous prenons le risque d’une législation qui n’aura plus ni queue ni tête et qui ira à l’encontre de toute justice. (Mme Lucienne Malovry et M. Christian Cambon applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Au nom du groupe socialiste, je rappellerai une dernière fois les principaux arguments de notre opposition, dont chacun pourrait justifier à lui seul cet amendement de suppression de l’article 45 bis.
Tout d’abord, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je persiste et je signe : vous entendez taxer les indemnités des accidents du travail comme tous les revenus de remplacement, alors qu’il s’agit non pas d’un revenu de remplacement mais d’un revenu de réparation. Je ne reviens pas plus longuement sur ce point.
Ensuite, avec une prévision de recettes de 150 millions d’euros, ce nouvel impôt n’a peu ou pas d’intérêt budgétaire.
Lorsqu’il s’agit d’argent public, chaque euro devrait compter ; je parle au conditionnel, car, depuis un certain temps, on n’a guère l’impression que c’est le cas. Il n’en reste pas moins qu’aller chercher 150 millions d'euros sur le dos des victimes d’accidents du travail quand plus de 73 milliards d'euros partent dans les niches fiscales,...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’en est une !
Mme Raymonde Le Texier. ... c’est non seulement dérisoire, mais surtout indécent ! À quand une refonte de la fiscalité à la hauteur des enjeux et des déficits abyssaux que vous avez creusés à force de cadeaux fiscaux aux plus riches ?
Enfin, comme le souligne le rapport de la commission des finances, cette proposition sera profondément injuste, car elle taxera trois fois plus les petits et moyens salaires que les hauts revenus.
En ce sens, cet article n’est qu’une nouvelle étape dans votre politique d’inégalité fiscale qui veut que, chaque année, que vous protestiez ou non, 70 % des déductions d’impôts profitent aux 20 % des foyers les plus aisés.
De plus, contrairement à ce que prévoit la loi sur le dialogue social – feu la loi, devrais-je dire –, aucune concertation, aucune négociation n’a eu lieu avec les partenaires sociaux avant que soit imposée cette mesure qui a pourtant de lourdes incidences sur notre droit social. De même, vous n’avez pas voulu prendre le temps de réaliser une étude d’impact préalable, comme l’exige pourtant la révision constitutionnelle de 2008. Afin de pouvoir ignorer ces deux contraintes, d’éviter de vous soumettre aux règles de fonctionnement démocratique de notre pays, vous avez choisi de faire passer cette mesure par le biais d’un simple amendement.
Résultat, votre mesure rencontre l’opposition de tous les syndicats, y compris le MEDEF,...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ah bon, vous êtes à la remorque du MEDEF ? C’est curieux !
Mme Raymonde Le Texier. ... de toutes les associations spécialisées, de nombre de partis politiques, de certains élus de la majorité, ainsi que du Conseil économique, social et environnemental, qui a été on ne peut plus explicite en appelant purement et simplement à l’« abandon » de cette mesure.
Pourquoi une telle réaction ? Parce qu’il est clair pour tous, même pour ceux qui prétendent et continueront de prétendre le contraire, que votre mesure est tout sauf équitable.
Dans ce contexte, comment expliquer cet acharnement à vouloir imposer une mesure si critiquable et si impopulaire ? Comment ne pas s’interroger sur les véritables motifs qui sont ici à l’œuvre ?
Nous voyons bien que cette mesure, qui va prétendument de soi et qui est présentée comme évidente, est une première étape dans la remise en cause de la responsabilité a priori de l’entreprise dans les accidents du travail. Ce travail de sape commence par une réforme fiscale faussement anodine. Même si vous vous drapez dans un impétueux souci d’équité, nous savons bien que vous continuez, lentement mais sûrement, de déconstruire notre droit du travail en général et la protection des salariés en particulier, au nom de la flexibilité et d’un libéralisme sans garde-fou. Nous savons bien tout cela, qui est hélas ! habituel.
La seule petite nouveauté, c’est l’acharnement de M. Copé à défendre cette mesure, lui qui, en 2005, alors qu’il était ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, affirmait que « personne ne comprendrait que l’on engage la fiscalisation des victimes d’accidents du travail ». En réalité, après les turbulences qu’a connues votre majorité récemment, il a eu besoin d’une démonstration d’autorité en direction du président Sarkozy pour montrer qu’il tenait ses troupes. Il est allé pour cela jusqu’à soutenir mordicus – littéralement, en mordant avec les dents et sans rien lâcher – une mesure qu’il sait inepte, injuste, inacceptable. Notre démocratie en est là !
Mes chers collègues, nous savons que vous êtes nombreux dans les rangs de la majorité à rejeter cette mesure qui accroît davantage encore une fiscalité de classe. Nous vous appelons donc à voter cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Vous nous dites que c’est horrible, que nous allons taxer les plus faibles. Or, les plus faibles ne payant pas l’impôt sur le revenu, – je tiens à le rappeler encore une fois – ils ne sont donc pas concernés.
Par ailleurs, avec votre amendement, c’est-à-dire si cette disposition était supprimée, vous permettez, par exemple, à un trader arrêté trois semaines pour la fracture d’un orteil survenue au cours d’un accident de trajet au volant de sa Porsche d’échapper à l’assujettissement de ses indemnités journalières à l’impôt sur le revenu !
Mme Nicole Bricq. On va vous en parler, des traders !
M. Éric Woerth, ministre. Telle serait bien la conséquence de votre amendement s’il était adopté ! (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste. – M. Gérard Longuet applaudit.)
Mme Raymonde Le Texier. Vous protégez les traders !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. C’est un débat que nous avons depuis plusieurs années, et la commission des affaires sociales s’est toujours prononcée contre la fiscalisation des indemnités journalières d’accidents du travail.
Mme Raymonde Le Texier. La majorité, oui !
Mme Catherine Procaccia. L’an passé, j’ai voté contre la fiscalisation.
M. Bernard Vera. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. J’ai été battue, mais j’ai constaté avec plaisir que la commission mixte paritaire était revenue sur cette disposition.
Cette année, quand j’ai appris, notamment par la presse, que l’Assemblée nationale allait l’introduire dans le projet de loi de finances pour 2010, je comptais maintenir la position que j’avais adoptée l’année dernière, qui était celle de la majorité de la commission des affaires sociales depuis plusieurs années.
Or, depuis le début de cette discussion, après avoir écouté les différents intervenants, les propos de M. le ministre, et pris connaissance des amendements afférents à cet article, je crois que nous ne pouvons pas nous prononcer aussi simplement sur la suppression de cette disposition.
En outre, il a été clairement expliqué que, contrairement à ce qui est écrit dans la presse ou à ce que veulent nous faire croire nos collègues de gauche, il ne s’agit pas d’une imposition totale de l’ensemble des indemnités versées au titre des accidents du travail.
Aussi, pour avoir un débat complet, nous devons étudier les propositions qui sont faites, lesquelles tendent à présenter des solutions pour rendre le système plus juste. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Lorsqu’il s’agit d’une maladie contractée dans l’entreprise, par exemple un rhume ou une grippe, les indemnités sont fiscalisées. En cas d’accident du travail – j’ai été victime d’un lumbago au bureau, qui peut vous immobiliser pendant près d’un mois –, pourquoi ne le seraient-elles pas ?
Telles sont les raisons pour lesquelles, alors que je m’apprêtais à me prononcer en faveur de ces amendements de suppression, je ne les voterai pas.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. François Autain. Quel dommage !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Si le débat est aussi passionné, c’est parce qu’il est très important. Il touche à des victimes, des personnes qui, dans leur chair, ont subi ou subissent des accidents du travail.
Un tel débat n’est jamais simple : s’en prendre à des victimes, c’est très grave. En fait, il n’y a rien de pire !
Monsieur le ministre, dans le grand bassin d’emploi de ma région, siège du constructeur automobile PSA Peugeot Citroën, sur les 15 000 ouvriers travaillant sur le site de Sochaux, nombreux sont ceux qui paient l’impôt sur le revenu.
Revêtir la fiscalisation des accidents du travail du sceau de la justice fiscale, c’est un subterfuge extraordinaire ! Il est inconcevable de présenter une injustice, qui ajoute de la souffrance à la souffrance, comme une mesure de justice fiscale !
L’ensemble du monde du travail, de tous côtés et quelles que soient les opinions, y compris le patronat, se demande pourquoi aller jusque-là. C’est une levée générale de boucliers dans le pays !
M. Martial Bourquin. En tant que parlementaire, j’ai été contacté par des associations, des syndicats, qui me disent : « Vous n’allez tout de même pas voter cela ! Vous n’allez pas ajouter de la souffrance à la souffrance ! ».
Pourtant, on s’apprête à le faire et à adopter la mesure proposée.
Monsieur le ministre, si nous défendons une position contraire, ce n’est pas par démagogie. Nous avons de la compassion pour la souffrance, tandis que d’autres se livrent à un raisonnement froid,…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Oh là là !
M. Martial Bourquin. … invoquant la justice fiscale.
Je préfère notre position et, d’ailleurs, je considère – quitte à choquer M. le rapporteur général – qu’il faut avoir un certain cynisme pour aller jusque-là afin de trouver des produits fiscaux, alors que, dans le même temps, comme l’ont souligné précédemment plusieurs intervenants, notamment Nicole Bricq, on ne va pas chercher les niches fiscales là où elles sont, on ne s’attaque toujours pas au paquet fiscal ! Dans mon bassin d’emploi, le chômage a augmenté de 30 %,…
M. Martial Bourquin. … on licencie d’un côté, on paye des heures supplémentaires de l’autre, et malgré tout cela, on dit que c’est la normalité.
M. Martial Bourquin. Aujourd’hui, il nous est proposé de frapper des victimes d’accidents du travail. C’est une position moralement inacceptable et insoutenable. Vous la soutenez, prenez-en la responsabilité, mais je vous souhaite bien du plaisir pour l’expliquer dans vos circonscriptions ! (Mme Raymonde Le Texier et M. Marc Massion applaudissent.)
M. François Autain. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, jusqu’à présent, le Gouvernement s’était toujours opposé, dans cette enceinte, à la fiscalisation des indemnités journalières d’accidents du travail. Or il a fallu que, à l’Assemblée nationale, le président du groupe UMP, principale formation de soutien au Gouvernement, introduise cet amendement pour que vous l’acceptiez.
À vrai dire, et sans faire un point d’histoire, M. Copé est passé maître dans l’art d’ajouter quelques milliards d’euros – 25 milliards d’euros depuis 2002 – en matière de dépenses fiscales.
En effet, c’est lui qui a fait voter par l’Assemblée nationale cet amendement qui est indigne, et, à cet égard, la commission des affaires sociales a présenté une excellente démonstration juridique sur le fond. C’est également lui qui avait introduit, dans le collectif budgétaire pour 2004, une dépense fiscale, que j’ai évoquée lors de l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances, visant à exonérer les plus-values de cession de titres de participations, dépense s’élevant, si ma mémoire est bonne, à 12 milliards d’euros une année et à 8 milliards d’euros en 2008 – vous connaissez les chiffres, monsieur le ministre du budget –, soit un total de 20 milliards d’euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces chiffres sont faux ! On vous l’a bien expliqué en première partie : ils ne veulent rien dire !
Mme Nicole Bricq. Nous avons défendu des amendements, en première partie, tendant à imposer les revenus liés aux bonus, aux retraites « chapeau » et tutti quanti, ainsi que d’autres amendements, aujourd'hui, visant des dépenses fiscales onéreuses, improductives et injustes.
Or vous nous dites qu’il faudrait voter la mesure proposée. Si elle résulte de la coproduction législative, bravo !
Faire preuve de courage, ce n’est jamais s’attaquer aux faibles, c’est s’attaquer aux forts. Prenez-vous-en aux traders dont vous avez cité l’exemple et qui bénéficient de tous les conseils fiscaux pour échapper à l’impôt et éviter de contribuer aux finances publiques. Ce faisant, vous serez courageux. Mais vous ne pouvez pas nous dire que vous l’êtes aujourd’hui !
Soyons clairs : il y a un marqueur social, un marqueur politique ; assumez votre choix ! C’est la raison pour laquelle nous demandons un scrutin public sur ces trois amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Je veux rappeler que, en 2008, selon les chiffres officiels, ont été dénombrés plus de 700 000 accidentés du travail. Parmi ceux-ci, 569 n’ont pas survécu et, comme l’a souligné tout à l’heure Thierry Foucaud, deux salariés meurent chaque jour au travail.
En outre, plus de 44 000 salariés ont subi une mutilation en 2008, ayant entraîné une incapacité permanente.
L’ensemble de ces accidents du travail ont représenté, en moyenne, 35 millions de journées d’indemnisations.
À ces chiffres, il faudrait ajouter les suicides causés par la souffrance, l’épuisement et la non-reconnaissance au travail, ainsi que, bien entendu, les maladies professionnelles, tant physiques que mentales.
Tels sont les chiffres concernant les mutilés du travail jugés par la majorité comme des « privilégiés ».
Mais, pour nous, à l’évidence, il s’agit non pas de chiffres, mais de vies, qui se brisent en raison d’une organisation dégradée et déshumanisée du travail.
Or ce sont les maigres indemnisations de ces victimes que vous entendez aujourd’hui taxer.
Plutôt que de faire les fonds de poche de ces victimes, pour obtenir, comme cela a été dit, 150 millions d’euros, savez-vous qu’il existerait un meilleur moyen d’obtenir de nouvelles recettes ?
Cette solution serait de réduire le nombre d’accidents du travail par une politique volontariste. Si nous parvenions, par exemple, à en faire baisser le nombre ne serait-ce que de 3,5 %, les 150 millions d’euros que rapportera la fiscalisation envisagée seraient largement économisés.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Bernard Vera. Pour réduire le nombre d’accidents du travail, il faudrait agir sur plusieurs axes : adopter des mesures strictes de protection de tous les travailleurs, améliorer les conditions de sécurité dans les métiers à risques et permettre plus de contrôles dans les entreprises.
Il faudrait également interdire ou, du moins, encadrer strictement les nouvelles formes de management, qui aggravent la dangerosité tant physique que mentale au travail.
Mais, au contraire, vous vous félicitez de la mise en place de nouvelles méthodes de travail, comme le « lean management », méthode grâce à laquelle une chaîne automobile sortira une voiture toutes les quarante-huit secondes, au lieu d’une par minute auparavant. Douze secondes gagnées sur une minute, c’est énorme ; et je vous laisse en imaginer la traduction en termes d’aggravation des conditions de travail pour tous les salariés maillons de cette chaîne.
Savez-vous que certaines entreprises respectent l’obligation légale de salarier 6 % de personnes atteintes d’un handicap d’une étrange manière : on maintient dans l’entreprise des salariés handicapés qui ont été victimes d’une mutilation au sein même de cette entreprise !
La mesure que vous envisagez rapporterait donc 150 millions d’euros. La simple défiscalisation des heures supplémentaires coûte 4 milliards d’euros et les niches fiscales représentent plus de 120 milliards d’euros.
Nous voudrions évoquer un dernier chiffre : celui du recul du capital des entreprises participant au financement de notre protection sociale.
Aujourd’hui, plus de 40 % du revenu total des grandes entreprises échappent aux prélèvements sociaux et, donc, au financement de la sécurité sociale. L’entreprise qui dégage des bénéfices en bourse, grâce au jeu de la financiarisation de l’économie, ne participe en rien à la solidarité nationale.
Si toutes les ressources financières des entreprises, y compris celles qui sont issues des plus-values boursières, étaient réinjectées dans notre système de protection sociale, cela rapporterait aux alentours de 70 milliards d’euros.
Voilà une belle niche à laquelle il faudrait s’attaquer, plutôt que de fiscaliser les indemnités journalières des accidentés du travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Raymonde Le Texier ainsi que MM. Jean-Pierre Godefroy et Martial Bourquin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais resituer le débat. Vous vous apprêtez à fiscaliser les indemnités de personnes qui, à la suite d’un accident du travail, voient leurs ressources amputées de 40 % : telle est bien votre proposition. (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)
Certes, monsieur le ministre, certaines de ces personnes ne sont pas imposables, mais, pour autant, elles ne peuvent considérer avec plaisir la diminution de leurs revenus, de 40 % pendant les vingt-huit premiers jours de leur arrêt de travail, puis de 20 %. Chacun peut le comprendre.
Un accord était intervenu en 1898 prévoyant, en contrepartie de l’absence d’indemnisation intégrale, un dispositif de non-fiscalisation. Si vous voulez le remettre en cause, il faudrait mener une étude approfondie.
Mais, aujourd'hui, à l’inverse, vous voulez fiscaliser pour faire entrer de l’argent dans le budget, sans engager aucune négociation entre les salariés et le patronat, sans instaurer aucune discussion, sans prendre aucune mesure pour lutter contre les accidents du travail. Autrement dit, vous décidez de fiscaliser sans aucune concertation. Cela, c’est totalement injuste !
L’exemple que vous avez cité du trader qui se fracture un doigt de pied pourrait prêter à rire si l’on ne savait ce que représente un accident du travail. J’ai tenté de vous le faire comprendre tout à l'heure : quand une personne rentre chez elle accidentée du travail, c’est bien souvent une catastrophe pour sa famille ! Malgré cela, vous allez fiscaliser ! Et il n’est même pas sûr que cela rapportera 150 millions d’euros. Si l’amendement de M. le rapporteur général devait être adopté, ce serait vraisemblablement beaucoup moins.
Y a-t-il une estimation du nombre de personnes qui ne seraient pas fiscalement touchées par cette mesure ? Disposez-vous de chiffres que vous pourriez nous communiquer ? Non ! Vous avez simplement décidé de fiscaliser ! Pourquoi ? On ne sait pas trop !
Comme l’ont précédemment précisé certains de nos collègues, une décision politique a été prise au sein du groupe UMP à l’Assemblée nationale. Mais c’est votre problème, mes chers collègues de la majorité ! Je rappelle que les membres de la commission des affaires sociales du Sénat – ma collègue Catherine Procaccia l’a rappelé – se sont toujours opposés à cette disposition. Chaque fois que M. Jean-Jacques Jégou a déposé un amendement, nous avons eu un débat.
Ce qui est tout à fait dommage d’ailleurs, c’est que parmi les amendements qui ont été déposés, et qui ne me satisfont pas, beaucoup ne seront sans doute pas défendus.
Or le rapporteur de la mission commune d’information « amiante » par ailleurs rapporteur de la branche AT-MP dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, notre collègue Gérard Dériot, n’a pas déposé sans raison un amendement tendant à ne soumettre à fiscalisation que les indemnités journalières qui excèdent 86 % du revenu journalier antérieur. L’ancien président de la commission des affaires sociales, notre collègue Nicolas About, n’a pas lui non plus proposé sans raison d’ajouter le seuil de 1,6 SMIC.
Cela répond à un souci de justice sociale, qui n’est pas pris en compte dans la position que l’on veut nous faire adopter, car je ne crois pas que l’amendement de M. Marini, que nous examinerons ultérieurement, réglera ce problème.
Si MM. Dériot et About ont pris la décision de déposer de tels amendements, c’est qu’ils savent bien que des gens modestes vont être pénalisés. Évidemment, tout dépend de la définition que l’on donne au terme « modeste »… Quoi qu’il en soit, des gens seront pénalisés ! Je voudrais insister sur le fait que ces personnes dont vous voulez fiscaliser les indemnités journalières verront d’un coup leur revenu chuter.
Par ailleurs, notre collègue Denis Badré a évoqué la voie pénale. Certes, elle est tout à fait envisageable. Toutefois, permettez-moi de vous le dire, mes chers collègues, faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur dans le cas de l’amiante nous a demandé plus d’une dizaine d’années. La démarche sera encore plus complexe pour un salarié isolé dans une entreprise. C’est d’ailleurs pour cette raison, nous le savons très bien, qu’un nombre considérable d’accidents du travail ne sont pas déclarés.
Je voudrais donc vous convaincre de ne pas toucher à ce qui constituait un équilibre entre les partenaires sociaux. Si vous souhaitez vraiment une évolution, dans ce cas, demandez-leur de se réunir et de mettre sur la table le montant de l’indemnité. Demandez aux représentants du MEDEF s’ils sont d’accord pour le faire ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Bernard Vera applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Avec ces amendements, nous abordons un sujet particulièrement sensible.
Monsieur Godefroy, on ne peut pas prétendre que le niveau des indemnités est fixé en fonction du barème de l’impôt sur le revenu.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je n’ai pas dit cela !
M. Jean Arthuis, président de la commission. Cette situation serait trop profitable à ceux qui ont des revenus très élevés, alors que les plus modestes échappent à l’impôt progressif ou ont une contribution très faible.
Mme Nicole Bricq. Ils contribuent, eux, au moins !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On ne peut donc pas mettre un tel argument en avant.
En taxant, à 50 % de son montant, l’indemnité qui vient compenser le revenu, il me semble que nous sommes bien dans la reconnaissance d’une situation délicate pour ceux qui sont victimes d’un accident du travail.
Je voudrais par ailleurs livrer au dossier une pratique dans le sport de haut niveau.
M. Albéric de Montgolfier. Le football !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Un président de club professionnel m’a un jour expliqué qu’il était de pratique courante qu’au lendemain du dernier match de la saison nombre de footballeurs professionnels se retrouvent en arrêt pour accident de travail. Avez-vous conscience, mes chers collègues, des sommes que cela peut représenter ? Sous la dénomination « accidents du travail », on peut donc trouver des coutumes parfois étranges.
En conscience, la commission des finances vous propose un amendement qui est un aménagement très sensible de la disposition que nous votions, chaque année depuis trois ans, et qui consistait purement et simplement à imposer l’intégralité de l’indemnité. En prévoyant un taux forfaitaire d’imposition de 50 %, nous rendons plus opérant le dispositif adopté par nos collègues députés, qui pouvait effectivement être préjudiciable à ceux dont la rémunération est relativement modeste.
Par conséquent, c’est également en conscience que je voterai l’amendement de la commission des finances.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-105, II-172 rectifié quater et II-261.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe socialiste et, l’autre, du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 97 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-385, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° À l'article 80 quinquies, les mots : « des indemnités qui, mentionnées au 8° de l'article 81, sont allouées aux victimes d'accidents du travail et de celles » sont remplacés par les mots : « de la fraction des indemnités allouées aux victimes d'accidents du travail exonérée en application du 8° de l'article 81 et des indemnités » ;
2° Au 8° de l'article 81, les mots : « les indemnités temporaires, prestations et rentes viagères » sont remplacés par les mots : « les indemnités temporaires, à hauteur de 50 % de leur montant, ainsi que les prestations et rentes viagères, ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, je voudrais tout d’abord relever plusieurs points.
Le revenu de remplacement et le revenu de réparation sont deux éléments différents. D’ailleurs, pour qu’il y ait revenu de réparation, il faut que l’état physique de la personne se soit stabilisé. Le revenu de réparation ne peut intervenir qu’à partir de ce moment-là et sur la base des expertises qui seront, hélas ! pratiquées. J’ai entendu tout à l’heure des propos tendant à créer une ambiguïté entre ces deux notions, à en faire un amalgame. (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.) C’est un point qui m’a paru tout à fait inacceptable dans certaines interventions !
Par ailleurs, j’ai entendu évoquer une opération « à la sauvette ». Je crois que nous avons montré, par les références à nos débats antérieurs, que ce n’est pas le cas.
J’ai également entendu dénoncer une décision prise « par le biais d’un simple amendement ». Pourquoi siège-t-on au Parlement, si les amendements doivent être récusés au motif qu’ils sont des amendements ? Il s’agit là de l’exercice du droit d’initiative des députés, comme des sénateurs. Je ne comprends pas qu’un parlementaire dénigre le droit d’amendement !