Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage, pour la réplique.
M. Daniel Soulage. Une nouvelle fois, monsieur le ministre, je vous remercie de votre engagement. Je partage votre point de vue sur la Bretagne, mais je voudrais que l’organisation qui a cours dans cette région soit celle de l’ensemble du pays. Il faut absolument encourager la reconstitution de ces organisations territoriales, notamment pour les besoins de financement professionnel.
Nous devons pouvoir mener des actions au niveau régional, notamment en faveur de la recherche et de la promotion.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la filière des fruits et légumes. En 2008, cette filière a subi la plus forte baisse de revenus du secteur agricole, avec une diminution de 37 %.
En dehors des crises sanitaires ou climatiques, les prix payés aux producteurs sont scandaleusement bas, souvent inférieurs à leurs prix de revient. Ce n’est pas acceptable !
Vous pointez, à juste titre, le coût du travail saisonnier comme un facteur de distorsion de concurrence avec les autres pays européens. Vous avez proposé des mesures pour y remédier ; je m’en réjouis, car c’est un vrai pas en avant. Mais la solution à cette crise ne passe pas uniquement par la réduction du coût du travail.
Lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, en septembre dernier, je vous avais déjà interrogé sur ce sujet. Il y a quelques semaines, lors du déplacement que vous avez effectué avec le Président de la République dans la Drôme, notamment dans le canton où je suis élu, vous vous êtes adressé à la filière des fruits et légumes.
Nous constatons qu’en France les agriculteurs ne fixent pas leurs prix – c’est sans doute la seule profession à connaître une telle situation. L’écart est beaucoup trop important entre le prix payé au producteur et, en bout de chaîne, le prix payé par le consommateur.
C’est la raison pour laquelle, en concertation avec les représentants de cette filière, j’ai souhaité, avec mon groupe politique, déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix agricoles.
Nous ne pouvons nous résigner à la fin de la filière des fruits et légumes : elle a encore beaucoup d’avenir et, comme les autres filières, elle nourrit les Français.
Les arboriculteurs veulent vivre non pas de subventions ou de subsides, mais de prix rémunérateurs, capables de faire vivre une famille.
Monsieur le ministre, pensez-vous que l’enveloppe d’urgence de 15 millions d’euros, avec un taux de spécialisation réduit de 50 % à 30 %, sera suffisante pour permettre aux producteurs de fruits et légumes de sortir de cette crise ?
Pouvez-vous nous donner votre position sur la mise en place d’une assurance récolte obligatoire dans ce secteur des fruits et légumes ?
Pouvez-vous, enfin, faire un point d’étape précis sur le plan « sharka », et nous dire comment le Gouvernement compte, aux côtés des collectivités locales, le prolonger en 2010 ?
En tout état de cause, ne faut-il pas repenser de fond en comble la formation des prix agricoles ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Dans le prolongement de ce que disait Daniel Soulage tout à l’heure, je voudrais apporter quelques précisions complémentaires sur la filière des fruits et légumes.
Il n’existe pas de solution miracle, quelle que soit la filière ! En revanche, il y a une accumulation de bonnes décisions et de bons choix politiques qui, je l’espère, apporteront, dans les meilleurs délais possibles, des réponses à des filières qui sont effectivement en crise.
La filière fruits et légumes connaît un problème d’organisation, et je suis convaincu que les associations d’organisations de producteurs dites « nationales », ou AOPn, sont la bonne solution.
Il y a également un problème de compétitivité, sur lequel nous travaillons, en nous attaquant d’abord au coût du travail occasionnel ; toutes les propositions relatives au coût du travail permanent seront les bienvenues.
Se pose ensuite la question de la commercialisation. Il est évident que des progrès sont à réaliser dans ce domaine, d’abord pour valoriser le produit « fruits et légumes ». Dans les grands magasins, ceux-ci sont traités comme les derniers des produits. Ils sont présentés en vrac, mal valorisés, mal étiquetés, et leur origine n’est généralement pas suffisamment indiquée. Nous devons travailler sur ce dossier de l’étiquetage, de la valorisation et de la meilleure commercialisation du produit avec la grande distribution.
Il faut ensuite s’attaquer au problème des marges, qui subsiste, en particulier pour cette filière, comme chacun le sait. Pour prendre un exemple très précis, on a vu des taux de marge tout à fait inacceptables sur la carotte. Pour y répondre, il faut renforcer le statut et les capacités d’intervention de l’Observatoire des prix et des marges, ce que nous proposons de faire dans le projet de loi de modernisation.
Il faut, enfin, remédier à un certain nombre de pratiques. Les remises, rabais et autres ristournes sont inacceptables en période de crise. Lorsque les producteurs trinquent, je ne vois pas pourquoi l’effort ne serait pas plus équitablement réparti. Je suggère donc, dans le cadre de la loi, d’interdire ces pratiques en période de crise.
De la même façon, les contrats verbaux en matière de commercialisation sont trop nombreux dans la filière des fruits et légumes. Je pense qu’il faut mettre un terme à ces accords, pour leur substituer des contrats écrits. Je note d’ailleurs que tout le monde dans la filière y est favorable, aussi bien les producteurs que les distributeurs. Cela permettra en effet de clarifier un certain nombre de pratiques.
La publicité sur les lieux de vente mérite également d’être encadrée.
En prenant simultanément toutes ces décisions, tant structurelles que conjoncturelles, nous arriverons à mieux valoriser le produit « fruits et légumes », à le vendre dans de meilleures conditions, et à garantir un revenu plus stable et plus juste pour les producteurs.
J’en viens aux autres questions que vous m’avez posées.
En ce qui concerne la sharka, je me suis en effet rendu dans la Drôme avec le Président de la République, et je vous annonce que nous maintiendrons le dispositif en 2010, ce qui permettra de rembourser les producteurs.
S’agissant de l’assurance récolte, nous l’encouragerons fortement, toujours dans le cadre du dispositif de garantie d’État que je vous ai indiqué précédemment.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour la réplique.
M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses, qui vont dans la bonne direction, me semble-t-il.
Il faut que l’ensemble du monde agricole, toutes filières confondues, puisse se développer. La filière qui me tient particulièrement à cœur, parce qu’elle est très majoritaire dans mon département, est sûrement la plus touchée en termes de revenus et de situations. Les jeunes ne peuvent plus s’installer, et ceux qui sont aujourd’hui en place sont tellement endettés qu’ils ne peuvent pas s’en sortir.
Aussi, je me permets d’insister à nouveau sur l’Observatoire des prix et des marges, qui est indispensable à la survie de cette filière. Aujourd’hui, la loi ne devrait pas rendre possible la vente à perte. Les agriculteurs et les arboriculteurs sont les seuls à ne pas établir leurs prix. Il n’est pas acceptable de voir des pommes vendues sur un marché cinq à huit fois le prix de départ.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, lors du débat sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous serons très attentifs à ces questions.
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Depuis quelques années, on observe des épisodes climatiques extrêmes : gel, sécheresse, inondations, tempêtes. Est-ce là une conséquence du réchauffement climatique ? Quoi qu’il en soit, nous en constatons les effets dévastateurs sur les récoltes et, in fine, sur les revenus des exploitants.
À ces caprices du ciel s’ajoutent d’autres aléas, sanitaires et économiques. La production agricole doit faire face à de multiples agents pathogènes émergents. Elle est aussi, depuis les réformes successives de la politique agricole commune, plus exposée aux fluctuations des marchés et à la spéculation.
Ces deux dernières années, les agriculteurs ont été mis à rude épreuve : influenza aviaire, fièvre catarrhale, esca pour la vigne, tempête Klaus, sécheresse, effondrement des prix, etc. Pour beaucoup d’entre eux se joue la survie de leur outil de travail. On assiste à de plus en plus de faillites agricoles.
Comment se fait-il que nos entreprises agricoles soient les plus exposées, les plus vulnérables et les moins bien protégées de nos entreprises ?
Nous avons mis en place, à côté de l’indemnisation publique au travers du fonds national de garantie des calamités agricoles, ou FNGCA, l’assurance récolte et l’épargne de précaution défiscalisée. À l’évidence, ces mécanismes sont encore trop limités.
Certes, l’assurance récolte s’est développée, mais elle est restée concentrée sur les productions les moins risquées. Vous avez obtenu, lors du bilan de santé de la PAC, un cofinancement communautaire qui permettra une prise en charge publique des primes jusqu’à 65 % ; je m’en félicite. Il aurait été plus équitable, géographiquement et socialement, que cette assurance soit obligatoire et mutualisée.
Quant à la dotation pour aléas, ou DPA, elle n’a pas vraiment fonctionné jusqu’à présent. Après l’avoir rénovée cette année, vous misez sur sa montée en puissance. Je doute de la capacité des exploitants à épargner en ces temps de crise. Je suis convaincu, monsieur le ministre, que nous devons saisir l’occasion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche pour améliorer ces outils et réfléchir à un système ambitieux et juste de garantie des revenus des agriculteurs. Quelles propositions entendez-vous faire en ce sens ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, vous venez d’un département qui est cher à mon cœur, le Gers.
M. Aymeri de Montesquiou. Ligardes…
M. Bruno Le Maire, ministre. Ligardes, Condom… J’écoute donc avec beaucoup d’attention ce que vous dites, et je partage totalement votre analyse. Je parlerai d’ailleurs d’un autre sujet que la récolte, à savoir celui de l’élevage, quitte à vous surprendre.
Tout à l’heure, dans son intervention, Jacques Blanc faisait allusion aux éleveurs de la Lozère : pas un seul n’est assuré, parce qu’il n’existe pas de dispositif assurantiel aujourd’hui. Par conséquent, en cas de calamité agricole, seul le FNGCA permet d’y faire face. Si, dans le département de Jacques Blanc, des centaines d’exploitants agricoles et d’éleveurs sont touchés, il faut abonder le FNGCA pour subvenir à leurs besoins, ce qui pose des problèmes budgétaires importants et, finalement, cela ne satisfait personne. Nous nous retrouvons donc systématiquement en situation de crise, et le ministre de l’agriculture est obligé de gérer la crise au lieu de tracer des perspectives pour l’avenir.
La première solution réside dans la mise en place d’un dispositif assurantiel universel pour l’ensemble des agriculteurs, que ce soit pour les grandes cultures du Gers, pour les éleveurs de la Lozère chers à Jacques Blanc,…
Mme Nathalie Goulet. Et l’Orne ?
M. Bruno Le Maire, ministre. … ou d’ailleurs pour toutes les autres filières concernées. Comment pouvons-nous y parvenir ? Nous venons de mettre sur pied un dispositif qui va porter à 65 % le taux de subvention par la Communauté européenne en 2011, ce qui va alléger considérablement la charge financière pour l’exploitant agricole.
La deuxième solution, c’est l’extension de la dotation pour aléas, qui, fiscalement, présente beaucoup d’avantages, aux aléas économiques. Mais cette DPA, j’en ai parfaitement conscience, ne concerne que les exploitants agricoles en mesure d’épargner une somme annuelle suffisamment importante. Dans la situation actuelle, malheureusement, je ne connais pas beaucoup d’agriculteurs, en particulier dans le Gers, qui soient capables d’épargner 23 000 euros dans l’année, ce qui correspond au plafond annuel ; le plafond global s’élève à 150 000 euros.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. Il n’y en a pas beaucoup !
M. Bruno Le Maire, ministre. Il nous faut donc trouver une troisième solution. Et, là, je me permets d’insister sur le caractère tout à fait novateur, voire révolutionnaire, du dispositif qui sera introduit dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Il faut une réassurance publique ; je vous donne entièrement raison, monsieur de Montesquiou : c’est la clé de tout !
Si nous arrivons à réfléchir à la mise en place d’une réassurance publique dans le cadre de ce qui sera proposé dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous débloquerons un système assurantiel universel pour toutes les filières en France. Nous apporterons ainsi une réponse essentielle à la question des revenus agricoles en France, et nous prendrons une décision qui sera probablement aussi importante que celle qui a été prise le jour où nous avons mis en place la mutualité sociale agricole dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour la réplique.
M. Aymeri de Montesquiou. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre ; vous avez conscience de la difficulté à laquelle se heurtent certains agriculteurs. Dans mon département, les volumes et les prix ont baissé de 30 % à 40 %. Cela signifie que certains agriculteurs seraient en faillite s’il n’y avait pas une solidarité familiale.
Il nous faut instaurer une véritable péréquation au niveau national, parce que des écarts gigantesques existent entre les régions, entre les productions et entre les revenus. Je suis convaincu que cette assurance doit être mutualisée.
À travail égal, on peut facilement produire cent quintaux dans certaines zones, et seulement la moitié dans d’autres ; ce n’est pas une injustice, mais il faut essayer de corriger de telles différences. Celles-ci tiennent à la qualité des sols, à laquelle nous ne pouvons rien changer. Mais nous avons la possibilité d’introduire un élément pondérateur, et l’assurance en est un.
Nous ne pouvons pas prendre le risque de voir des campagnes dévastées en raison de mauvaises récoltes une année. Les disettes du temps de Louis XV et de Louis XVI doivent appartenir au passé !
Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le ministre, je voudrais vous parler brièvement de la forêt, qui, elle aussi, fait partie de vos attributions.
Le programme 149 « Forêt » marque dans le projet de loi de finances pour 2010 - une fois n’est pas coutume ! - une hausse par rapport à l’année précédente : les crédits progressent de 26,8 % en autorisations d’engagement, puisqu’ils atteignent 368,7 millions d’euros, contre 290,9 millions d’euros dans la loi de finances initiale de 2009.
Mais si l’on déduit du total du programme les sommes exceptionnelles qui ont permis de venir au secours des sinistrés landais de la tempête Klaus du 24 janvier 2009, on s’aperçoit que le financement des actions forestières de fond, c’est-à-dire de la politique forestière elle-même, est en baisse de 6 %, puisque le programme est alors doté de 273,4 millions d’euros.
Notre forêt est la troisième forêt d’Europe en surface et peut-être la première - du moins nous en flattons-nous - en qualité et en diversité des peuplements. Elle mérite donc l’attention des pouvoirs publics, lesquels lui demandent beaucoup.
Dans le prolongement du Grenelle de l’environnement, des assises de la forêt, du rapport Puech, de la déclaration historique du Président de la République à Urmatt le 19 mai dernier, les promesses n’ont pas manqué.
Cependant, la forêt et le bois appellent un soutien pécuniaire davantage en phase avec les objectifs annoncés. Et ces objectifs sont nombreux : récolter plus de bois – plus 21 millions de mètres cubes par an, soit une augmentation de 40 % de la récolte actuelle en 2020 ; mieux préserver la biodiversité ; mieux valoriser nos bois dans l’énergie et la construction ; lutter contre le réchauffement climatique ; enfin, redresser le bilan de la balance commerciale « bois », qui, scandaleusement, est l’une des plus mauvaises.
L’ambition est forte ; les forestiers la saluent et sont prêts à s’y associer. Mais pour relever le défi, pour gravir toutes ces marches, il faut des moyens supplémentaires, et non pas la baisse des soutiens permanents de l’État, ce que traduit le programme 149.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, nous avions prévu à l’origine une baisse du budget « forêt » en loi de finances initiale à hauteur de 37,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 23,9 millions d’euros en crédits de paiement.
Cela s’expliquait par un certain nombre d’éléments : la fin des aides aux chablis, les efforts de productivité qui avaient été demandés à l’Office national des forêts, la montée en puissance de nouvelles mesures fiscales, et les amendements au projet de loi de finances qui avaient été adoptés par l’Assemblée nationale et le Sénat en 2009 : un million d’euros supplémentaires en crédits de paiement pour le financement de la desserte forestière.
Toutefois, afin de tenir compte du caractère stratégique de la forêt - souligné par le Président de la République dans son discours d’Urmatt - et pour faire face aux conséquences de la tempête Klaus, 108 millions d’euros en autorisations d’engagement et 70 millions d’euros en crédits de paiement ont été ouverts par la loi de finances rectificative de 2009.
J’ai veillé très attentivement, tout au long de l’année 2009, à ce que, dans les départements concernés - je pense en particulier à votre département, monsieur Gaillard -, tous ces crédits arrivent directement aux exploitants forestiers qui en avaient besoin.
Ces efforts seront poursuivis en 2010 avec une enveloppe de 105 millions d’euros – un peu plus ! – en autorisations d’engagement et 50 millions d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajoutent des fonds en provenance du Fonds de solidarité de l’Union européenne, des mesures de nettoyage et de reconstitution des forêts, de bonification des prêts, de renforcement du personnel technique, qui sont indispensables pour mieux gérer la forêt : tout cela doit nous permettre de nous engager dans la politique que vous défendez, monsieur Gaillard, et que nous soutenons pleinement, celle d’une meilleure valorisation des forêts en France.
Je rappelle que les forêts représentent aujourd’hui un tiers du territoire français, ce qui constitue, en termes de puissance économique, un atout considérable pour le pays. C’est également, en matière de développement durable - je recevais hier à ce propos les représentants des différentes institutions et entreprises qui travaillent sur le lien entre le bois et le développement durable -, une filière qui peut être très valorisante pour l’ensemble de l’économie française.
Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard, pour la réplique.
M. Yann Gaillard. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J’ajouterai simplement un petit détail : il s’agit du produit de la taxe additionnelle collectée par les chambres d’agriculture sur les terrains classés « bois ». Les forestiers souhaiteraient récupérer un peu plus que ce qu’ils paient à cet égard. C’est une négociation qui dure depuis des années, et que mènent notamment les communes forestières. Je sais que les chambres d’agriculture sont des puissances tout à fait respectables, mais si vous pouviez nous aider à progresser dans cette voie, monsieur le ministre, nous en serions très satisfaits.
Mme Nathalie Goulet. Très bonne initiative !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Monsieur le ministre, face au développement de l’aquaculture industrielle intensive, on assiste en Europe à la mainmise de certains pays sur la quasi-totalité des quotas de pêche pour une même espèce de poissons.
En ce qui concerne le cabillaud, la Norvège détient 90 % des taux admissibles de captures, contre 1,22 % pour la France. Cette situation de net déséquilibre met en péril la pêche artisanale.
Par manque de quotas de soles et de cabillauds, les bateaux des pêcheurs dunkerquois et d’Étaples - pour ne citer que ces exemples sur le Nord-Pas-de-Calais - se retrouvent régulièrement à quai, et ce depuis plusieurs mois, laissant sans couverture sociale et sans ressources les professionnels du secteur, et remettant en cause plusieurs centaines d’emplois induits.
Le Président de la République avait déclaré que la présidence européenne serait une opportunité pour instaurer « un dialogue très fort avec la Commission européenne », et qu’il faudrait « une réponse plus souple sur les quotas ».
Aujourd’hui, Bruxelles préconise des quotas individuels transférables à l’échelle européenne. Cela risque de conduire à une concentration des quotas au détriment des entreprises les plus fragiles.
Il est urgent, si l’on veut sauver la pêche artisanale côtière, de mettre en place une protection particulière. Les représentants des professionnels du secteur, en s’appuyant sur des documents émanant de la Commission européenne, proposent trois mesures phares : la mise en place d’un régime côtier, la réservation de la bande des douze miles nautiques aux navires de pêche artisanale, une gestion plus fondée sur l’effort de pêche.
La réponse gouvernementale à la crise a été de proposer un plan « casse » qui consiste à adapter la flottille aux quotas en cassant des bateaux. Cela n’est acceptable ni économiquement ni socialement !
Monsieur le ministre, quelle action allez-vous engager et quelles positions défendrez-vous, notamment auprès des instances européennes, pour sauver la pêche artisanale et permettre aux professionnels concernés de vivre de leur métier ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Danglot, soyez assuré que j’accorde une importance équivalente à la pêche et à l’agriculture ; ce propos s’adresse aussi à Charles Revet, qui est très sensible à cette question. Je me bats avec la même détermination pour les intérêts de la pêche française et pour les intérêts de l’agriculture française.
Je serai à Bruxelles dans quelques jours pour participer à la négociation annuelle sur les totaux autorisés de capture, les TAC, et sur les quotas. Je suis en contact avec les organisations professionnelles depuis plusieurs jours, afin d’envisager les moyens de défendre au mieux les quotas qui seront attribués à la France, que ce soit pour la pêche de la sole, du cabillaud, de la lingue ou de toutes autres espèces.
Par ailleurs, lors des assises de la mer, qui se sont tenues à Brest, nous avons clairement défini la manière dont la France voit l’avenir de la politique commune de la pêche. Nous sommes le seul État d’Europe à avoir engagé une concertation de cette ampleur depuis le mois de septembre.
Les assises de la pêche ont été organisées sur mon initiative. Elles ont réuni tous les acteurs concernés : scientifiques, ONG, professionnels de la pêche, afin de déterminer quels axes notre pays allait défendre en matière de réforme de la politique commune de la pêche. Quatre axes essentiels se sont dégagés.
Le premier axe est notre attachement au maintien de quotas de capture. J’ai indiqué très clairement à Brest, lundi, que j’étais défavorable à des quotas individuels transférables. Ce système permettrait le transfert de quotas aux organisations de pêche industrielle au détriment de la pêche artisanale. Or la pêche artisanale fait partie de l’identité de nos ports de pêche. Il est hors de question de la fragiliser par la mise en place de quotas individuels transférables.
Je suis également défavorable à des quotas d’effort de pêche. Cela reviendrait à concentrer la pêche sur les espèces les plus valorisées et pourrait mettre en difficulté la pêcherie française.
Le deuxième axe concerne la réforme de la gouvernance. Il faut se fonder sur l’avis des pêcheurs et des professionnels plutôt que sur celui de la Commission ou des ministres qui sont, par définition, moins bien informés.
Le troisième axe est lié au développement durable, avec le lancement de certaines expérimentations telles que les aires marines protégées. Je suis très favorable à cette démarche, qui va dans le bon sens.
Le quatrième et dernier axe – et je sais que vous-même et votre groupe y serez sensibles, monsieur Danglot – tient à la prise en considération, dans la pêche européenne, de données de nature sociale qui font aujourd’hui cruellement défaut.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour la réplique.
M. Jean-Claude Danglot. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je prends acte de vos intentions et de vos prises de position.
Le monde de la pêche souffre beaucoup. Dans mon département, le Pas-de-Calais, les pêcheurs d’Étaples-sur-mer se trouvent dans une situation catastrophique. Il est grand temps de ramener Bruxelles à la raison, au respect de la France et de sa pêche artisanale traditionnelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame la présidente, permettez-moi d’associer à mon propos Jean-Paul Amoudry, sénateur de la Haute-Savoie, qui ne peut malheureusement être parmi nous cet après-midi.
Le budget relatif à la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » permet de garantir l’exécution des contrats relatifs à la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, en cours, mais pas de financer de nouveaux engagements ni de renouveler les anciens contrats. Ces derniers, dont le nombre est compris entre 7 000 et 10 000, représentent 10 à 15% des contrats souscrits à ce jour. J’ajoute que des agriculteurs récemment installés pourraient être intéressés par cette forme de soutien.
Le présent projet de loi de finances crée donc une fracture importante entre les agriculteurs concernant leur éligibilité à cette aide essentielle.
Une nouvelle prime à l’herbe, octroyée sur la base du premier pilier de la PAC, pourrait permettre d’assurer le relais jusqu’à la mise en œuvre d’une mesure unique pour l’ensemble des agriculteurs. Ce soutien ne sera pas du même ordre que la PHAE, ni dans son principe ni dans son montant. Le montant de cette prime devrait être compris entre 20 et 80 euros par hectare, en fonction du taux de chargement et de la surface en herbe. Pour en bénéficier, il faudra un chargement minimal de 0,5 à 0,8 unité de gros bétail, ou UGB, à l’hectare.
Ces nouveaux critères d’éligibilité écarteront d’emblée les agriculteurs de zones typiques d’élevage dans des départements de montagne fragiles présentant des taux de chargement très faibles ; c’est le cas dans les Alpes-du-Sud, avec un taux de chargement de 0,43 UGB par hectare, en Corse, en Lozère et sans doute dans le Cantal et en Haute-Loire.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il de procéder pour financer le maintien de ce soutien à tous les agriculteurs qui bénéficiaient de la prime herbagère agro-environnementale, notamment dans les zones de montagne ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Boyer, vous soulevez une question majeure, que j’ai évoquée dans mon propos liminaire, et qui correspond aux préoccupations exprimées, entre autres, par MM. César et Jarlier. Je comprends l’inquiétude qui se fait jour dans tous les départements, ceux de montagne en particulier, quant à la reconduction de la prime herbagère agro-environnementale.
À ce stade, je peux vous donner deux garanties.
En premier lieu, les critères que nous avons retenus en ce qui concerne les taux d’unité de gros bovins par hectare resteront intéressants pour tous les agriculteurs, y compris pour ceux des zones de montagne dans lesquelles les taux de chargement sont de 0,5 UGB par hectare.
En second lieu, comme je l’ai indiqué dans mon intervention à la tribune, le versement sera maintenu pour chaque exploitant. Cette prime représente 3 000, 4 000 ou 5 000 euros par exploitation. Il s’agit d’une somme considérable ! Nous devons donc impérativement trouver les moyens de sécuriser le dispositif juridique de la PHAE.
J’ai présenté une proposition à la Commission. Dans l’échange oral qui s’est ensuivi, cette dernière nous a fait savoir que cette proposition n’était pas satisfaisante. Toutefois, la Commission a apprécié qu’on la saisisse et que l’on présente une proposition. Elle nous a alors suggéré à son tour de remettre les compteurs à zéro et de reconduire les contrats jusqu’en 2014. Je suis en train d’étudier la faisabilité de ce dispositif, qui me semble a priori constituer une très bonne option ; c’est une véritable ouverture.
J’examinerai avec la Commission les moyens de sécuriser le dispositif. Je le soumettrai ensuite à l’arbitrage du Premier ministre avant d’inscrire, dans le projet de loi de finances rectificative, les 30 millions d’euros qui sont nécessaires à son financement.
Je comprends les inquiétudes des exploitants agricoles des zones de montagne et des zones défavorisées, qui craignent la suppression de la prime. Je redis donc avec force que les versements seront maintenus.