Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, vous en avez vous-même fait le constat : la crise agricole que nous traversons est la plus grave depuis trente ans et a atteint une ampleur rarement observée jusqu’alors. Nous devrions d’ailleurs dire « les crises », au regard de la diversité des filières touchées. Que ce soient le lait, le porc, les céréales, les fruits et légumes, la viticulture, toutes ces productions sont aujourd’hui durement malmenées.
De son côté, la filière avicole, après plusieurs années très difficiles, et malgré une légère amélioration de sa situation, est toujours en panne d’investissement ; le non-renouvellement du parc de bâtiments sera fatalement pénalisant dans l’avenir.
Personne n’est donc épargné.
Chaque situation de crise, nous le savons, bouleverse le paysage et se traduit par des disparitions d’exploitations et de nouvelles concentrations. L’exemple des producteurs de lait illustre parfaitement l’inquiétude qui frappe les agriculteurs. D’après une évaluation des centres de gestion bretons, 20 % d’entre eux sont aujourd’hui au bord du gouffre. Les difficultés, aggravées localement par l’incertitude qui plane sur l’avenir des producteurs d’Entremont Alliance, engendrent des tensions au sein de la filière dont nul ne souhaite qu’elles conduisent à des dérapages.
L’inquiétude est partagée par les salariés, trop souvent oubliés, de l’industrie agroalimentaire : la restructuration en cours aboutira à la suppression de nombreux emplois. Déjà, entre 2007 et 2008, 1 200 suppressions ont été constatées dans les entreprises Gastronome, Doux et Unicopa ; dans le secteur de la salaison, Aoste a fermé son site de Saint-Étienne. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi bien d’autres.
Il y a également lieu d’évoquer les menaces de licenciements dans les entreprises de services liées à l’agriculture, telles que les entreprises artisanales de construction, les centres de gestion, les coopératives. À l’inquiétude des exploitants répond celle des salariés. En conséquence, la crise change de nature : d’économique, elle devient sociale.
Dans le secteur du lait, la réorganisation de la filière pourrait aboutir à la concentration en quatre ou cinq grands groupes de transformation et en autant de bassins de production. Elle ne sera d’ailleurs pas sans incidence sur les territoires et sur leur aménagement, entraînant la désertification agricole de vastes régions où la masse critique de la production ne serait plus atteinte pour maintenir la collecte. Aucun élu du monde rural, quel qu’il soit, ne peut envisager une telle perspective d’abandon.
Les conséquences environnementales devront aussi être prises en compte. La concentration des activités impliquera localement leur intensification et une plus grande pression sur les milieux naturels. On exigera d’autres rendements des parcelles agricoles, ce qui poussera les agriculteurs à redimensionner leurs exploitations. Cette évolution de l’agriculture ira-t-elle dans le sens des dispositions du Grenelle de l’environnement, prônant, notamment, la réduction des produits phytosanitaires, le respect de la qualité de l’eau ou la mise en place d’une agriculture plus responsable avec la certification environnementale des exploitations ?
En cette période de crise, toutes les productions sont touchées.
C’est ainsi que les producteurs légumiers, eux aussi, nous interpellent. La profession s’est fortement structurée et organisée, au moins dans certaines régions, afin de s’adapter au marché et à ses fluctuations. Ses responsables, néanmoins, s’interrogent sur d’éventuelles distorsions de concurrence liées à une moindre application de la réglementation phytosanitaire concernant des importations en provenance de pays tiers. À cet égard, ils sont expressément demandeurs d’une réglementation européenne s’appliquant de façon homogène à tous les pays producteurs, sans exception, ce que ne sauraient démentir les consommateurs.
Monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de budget en trompe-l’œil, malgré les modifications apportées par l’Assemblée nationale, qui nous paraît en deçà des attentes suscitées par les circonstances graves que nous connaissons. Le contexte actuel aurait justifié un engagement et une anticipation plus déterminés de l’État dans divers champs de son action. Or les crédits de l’action 13 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » régressent, tout comme ceux de l’action 14 « Gestion équilibrée et durable des territoires ».
Quant à ceux qui auraient pu agir sur le long terme, cela a déjà été souligné, ils sont réduits de façon drastique. Ainsi enregistre-t-on une diminution de 43 % des crédits affectés au plan de modernisation des bâtiments d’élevage, de 12 % des crédits alloués aux programmes de maîtrise des pollutions d’origine agricole, les PMPOA, et de 13,8 % des crédits consacrés aux investissements stratégiques des industries agroalimentaires.
Comment alors envisager la sortie de crise et préparer l’avenir si l’on n’aide pas les producteurs, laitiers en particulier depuis la fin annoncée des quotas, à faire face aux conditions du marché international ?
Quant au traitement de la crise elle-même, le plan de soutien de 650 millions d’euros d’intervention d’urgence, décidé au mois d’octobre dernier, peine à être opérationnel. Or une meilleure réactivité avait pu être constatée en d’autres circonstances.
Ce projet de budget apporte des palliatifs à des producteurs et à des productions en grandes difficultés. Si les agriculteurs doivent recevoir des réponses ponctuelles aux problèmes du moment, il leur faut aussi des réponses de long terme. Quand viendront les solutions pérennes ? Quelles mesures dignes de constituer un vrai plan de relance pour l’agriculture comportera le projet de loi de modernisation en préparation ?
Au plus fort de la crise financière, le Gouvernement s’est mis en capacité de réagir afin de soutenir le secteur bancaire, en allant, ce faisant, à l’encontre de la doctrine libérale, au motif que ce dernier est un vecteur de l’économie.
L’agriculture est une activité économique essentielle à la sécurité alimentaire, à l’aménagement du territoire national, ainsi qu’à l’emploi. Cela nous ramène à une question : quel modèle d’agriculture voulons-nous réellement promouvoir demain ? Monsieur le ministre, il est urgent d’y apporter une réponse, tant le malaise est aujourd’hui profond. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, nous abordons le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » dans un environnement pour le moins complexe, en pleine crise agricole, alors que tous nos agriculteurs ont vu leurs revenus baisser de 20 % à 60 % selon les filières.
Après la crise financière, voici venue la crise agricole !
Votre tâche est difficile, monsieur le ministre, car le budget pour 2010 doit à la fois tenir compte des décisions prises à partir du bilan de santé de la PAC, poursuivre les efforts entrepris en faveur d’une agriculture durable, répondre aux situations d’urgence et dégager un certain nombre d’économies.
L’ensemble des filières étant affecté, les professionnels sont extrêmement attentifs aux réponses qui leur sont proposées.
En tant qu’élus, nous sentons la détresse de nombreux agriculteurs et entendons leurs préoccupations quant à leur présent et, surtout, leur avenir. Je centrerai plus précisément mon propos sur l’installation de nos jeunes agriculteurs et l’aide susceptible de leur être apportée.
À cet égard, je m’inquiète de la diminution des crédits alloués aux associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA, alors même que d’importants efforts leur sont demandés depuis plusieurs années.
En effet, en cette période de crise et alors que les besoins alimentaires mondiaux croissent, il nous faut soutenir les jeunes agriculteurs désireux de s’installer : aidons-les à franchir le pas !
Dans mon département de l’Aisne, fortement agricole, où sont touchés non seulement les éleveurs laitiers de Thiérache, les producteurs de fruits, mais aussi les céréaliers,…
M. Alain Vasselle. Ah !
M. Antoine Lefèvre. …nous avons néanmoins enregistré une cinquantaine d’installations nouvelles au cours de l’année 2009, contre 43 en 2008.
Le nouveau parcours à l’installation, plus attractif, semble avoir eu un effet accélérateur au second semestre, favorisant l’accès d’un nouveau public au métier d’agriculteur.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je présenterai tout à l’heure un amendement, largement cosigné par mes collègues, visant à transférer 700 000 euros afin d’aider les ADASEA à accomplir ce service public d’accompagnement des porteurs de projets à l’installation. J’espère que cette proposition, nécessaire, mais raisonnable, recueillera votre soutien.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Oui !
M. Antoine Lefèvre. Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, que vous êtes en train d’élaborer, revêt, cette année, un caractère d’urgence. Nous souhaitons qu’il soit axé sur la régulation, ainsi que l’a évoqué le Président de la République dans son discours de Poligny.
Par ailleurs, je tiens à vous remercier de votre action inlassable pour tenir les parlementaires informés des progrès,…
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est vrai !
M. Antoine Lefèvre. … mais aussi des difficultés que vous rencontrez dans le cadre des sommets agricoles européens. Je forme des vœux pour le succès de la réunion que vous avez convoquée à Paris à la mi-décembre avec vos homologues européens, en vue de préparer la politique agricole commune de l’après-2013.
À cet égard, je salue votre volonté d’introduire plus de transparence dans la fixation des prix agricoles. Il faut, en effet, instaurer une juste répartition des marges entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes nombreux à l’avoir souligné, le Président de la République l’a également dit avec force à Poligny, l’agriculture française traverse la crise la plus grave qu’elle ait eu à connaître depuis plus de trente ans.
Nous en avons tous conscience, le monde agricole est en plein désarroi. Cette crise se traduit par une perte de revenus et, au-delà, par des souffrances personnelles ou familiales. Une vraie inquiétude s’empare de nombreux d’exploitants, qui ne savent pas comment ils pourront boucler leur fin de mois ou poursuivre leur activité économique au début de l’année prochaine.
Face à cette situation, nous avons tous ici un double devoir de responsabilité et de vigilance. Quant au Gouvernement, il a, en outre, un devoir d’action.
À cet égard, je partage les analyses de M. le rapporteur spécial, Joël Bourdin, de M. Guillaume, parlant d’une crise structurelle, et de M. Botrel, rappelant que celle-ci touche toutes les filières. Le monde agricole souffre et les exploitants attendent de notre part des mesures concrètes, rapides et claires. Pour ma part, je suis déterminé à répondre à leurs attentes dans tous les cas.
Je prendrai l’exemple de la crise du lait, évoquée tout à l’heure par M. Le Cam.
Tout au long des derniers mois, les exploitants laitiers que j’ai rencontrés sur le terrain m’ont demandé d’intervenir sur les marchés internationaux, par l’intermédiaire de la Commission européenne, pour faire remonter les prix. Ils ont également émis le souhait que s’instaurent des relations plus structurées, sous l’autorité de l’État, entre les producteurs et les industriels, ainsi qu’une régulation européenne du marché du lait en prévision de la fin des quotas laitiers prévue en 2015.
Aujourd’hui, nous constatons une remontée des prix du lait. Les prix du beurre et du lait écrémé en poudre sont supérieurs de 30 % aux prix d’intervention sur les marchés internationaux. Une régulation européenne est concrètement engagée, avec la mise sur pied, par décision du Parlement européen et de la Commission européenne, d’un groupe à haut niveau. Lundi dernier, avec mon homologue espagnol, nous avons demandé que les premières conclusions soient rendues non pas en juin 2010, mais dès le mois de janvier,…
M. Charles Revet. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. …afin de pouvoir juger sur pièces les conclusions des travaux menés par ce groupe.
M. Charles Revet. Quelle efficacité !
M. Bruno Le Maire, ministre. Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, sur lequel je reviendrai ultérieurement, prévoit la signature de contrats écrits, établis sous l’autorité de la puissance publique, entre industriels et producteurs. Afin de répondre à la demande d’un certain nombre d’organisations syndicales, une commission de conciliation, publique, sera chargée de veiller à leur organisation et à leur mise en place.
Par conséquent, j’estime que nous avons rempli la mission qui nous avait été assignée à la fois par les autorités de l’État et les exploitants agricoles, ce qui ne m’interdit pas de rester vigilant sur ce dossier et de surveiller, jour après jour, l’évolution de la situation.
Au regard de l’augmentation des prix que nous avons obtenue, il serait juste que les prix payés aux producteurs en 2010 soient supérieurs à ceux de 2009. Cependant, je le dis très clairement, il revient à chacun de prendre ses responsabilités, car il n’appartient pas à l’État de fixer le prix du lait en France !
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Cette question mérite d’être discutée le plus rapidement possible par les organisations syndicales représentatives, que la Fédération nationale des producteurs de lait a d’ailleurs invitées à se réunir.
En état de cause, l’État a rempli sa part du contrat en obtenant une régulation européenne du marché du lait – il continuera à se battre dans ce domaine ! –, l’augmentation des prix du lait et la mise en place de contrats justes et équitables entre les industriels et les producteurs, contrats, qui, je le répète, trouveront leur concrétisation législative dans le projet de loi de modernisation en préparation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour en revenir au budget qui vous est soumis, je tiens à dire que celui-ci marque précisément la volonté du Gouvernement de prendre en considération la crise particulière traversée par le monde agricole.
Pour la première fois, le budget du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche franchit le seuil des 5 milliards d’euros, avec 3,4 milliards d’euros pour l’agriculture, la pêche, l’alimentation et la forêt et 1,6 milliard d’euros pour l’enseignement et la recherche. Par rapport aux crédits inscrits au titre de 2010 dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, les autorisations d’engagement augmentent de plus de 10 %, et même de 13,3 % en tenant compte de l’effet financier du plan d’urgence mis en place en faveur des agriculteurs. Je tenais à apporter cette précision pour répondre à la critique formulée tout à l’heure par M. Guillaume.
Quatre événements majeurs expliquent cette forte hausse et, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, rendent la prévisibilité budgétaire en matière agricole aléatoire.
Premièrement, comme je l’ai déjà indiqué, les crises spécifiques apparues dans de nombreuses filières ont justifié des décrets d’avance.
Deuxièmement, l’accord conclu en novembre 2008 entre les membres de l’Union européenne, à l’occasion du bilan de santé de la PAC, a nécessité une compensation de l’État à hauteur de 234 millions d’euros en crédits de paiement.
Troisièmement, l’instauration, l’année prochaine, de la taxe carbone coûtera 172 millions d’euros, dont 43 millions d’euros seront prélevés sur le budget du ministère de l’agriculture.
Quatrièmement, enfin, le passage de la tempête Klaus dans les départements du sud-ouest de la France en janvier dernier a également entraîné un besoin de crédits supplémentaires.
Le manque de prévisibilité budgétaire est un phénomène récurrent depuis plusieurs années. Nous devons poursuivre les efforts engagés pour remédier à ce défaut.
Par ailleurs, la comparaison entre les crédits de paiement prévus pour 2010 et ceux qui ont été inscrits en loi de finances initiale pour 2009 fait apparaître une augmentation plus faible. Cela tient à deux éléments importants que je tiens à souligner.
D’une part, la réforme en cours du service public de l’équarrissage et l’élimination progressive, année après année, des stocks de farines animales permettent de dégager une économie de 41,6 millions d’euros.
À cet égard, pour répondre de façon précise à l’interrogation de M. le rapporteur spécial, je tiens à dire que nous faisons notre maximum pour rembourser le plus rapidement possible la dette de l’État, qui s’élève à 37 millions d’euros. Ainsi, il est prévu de rembourser 20 millions d’euros en 2010 et 11 millions d’euros en 2011, 9 millions d’euros ayant été remboursés par anticipation en 2009.
D’autre part, l’adoption d’un amendement déposé par votre collègue Françoise Férat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009 a permis d’augmenter les crédits en faveur de l’enseignement technique agricole…
Mme Nathalie Goulet. On s’en souvient !
M. Bruno Le Maire, ministre. …à hauteur de 38 millions d’euros et de compenser ainsi un certain retard dans ce domaine.
La partie de ces crédits correspondant à la résorption des dettes de 2009 n’a naturellement pas été reconduite en 2010. Cela explique que l’augmentation des crédits de paiement pour 2010 par rapport à la loi de finances pour 2009 soit moindre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai eu l’occasion de présenter ici même, mardi dernier, avec mon collègue Luc Chatel, le budget de l’enseignement agricole. Sachez que ma détermination à soutenir cet enseignement est totale. Et ce ne sont pas simplement des mots ; nous traduisons notre volonté en actes !
M. Charles Revet. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est ainsi que nous avons rétabli 60 équivalents temps plein travaillé à la rentrée 2009, ce qui a permis d’accueillir 400 élèves supplémentaires.
J’ai personnellement gelé toutes les évolutions de postes dans les établissements de façon à ne pas gêner les travaux des Assises nationales de l’enseignement agricole public. Je me félicite donc de l’adoption par le Sénat, lors de la discussion budgétaire il y a deux jours, d’un amendement déposé sur l’initiative du président du groupe UMP, qui a permis de rétablir 50 équivalents temps plein travaillé pour la rentrée 2010. Cela correspond, très concrètement, à 150 emplois supplémentaires.
L’effort en faveur de l’enseignement agricole est donc réel, chiffré et conforme à ma volonté politique d’offrir à l’agriculture dans son ensemble le meilleur avenir possible.
Mme Nathalie Goulet et M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Au-delà de ces questions budgétaires, vous avez sans doute tous examiné avec attention le plan annoncé par le Président de la République, le 27 octobre dernier, destiné à permettre à tous les agriculteurs de France de passer dans les meilleures conditions possible cette année 2009, qui restera comme une année noire pour le secteur.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Président de la République et le Premier ministre ont donc le souci de faire en sorte que chaque agriculteur trouve une solution adaptée à sa situation. L’État a ainsi dégagé un milliard d’euros pour proposer aux agriculteurs des prêts à taux bonifié sur cinq ans, lesquels sont disponibles depuis le 9 novembre dernier. Il a par ailleurs engagé un plan de soutien exceptionnel de 650 millions d’euros.
Contrairement à ce que d’aucuns peuvent dire, il ne s’agit en aucun cas par ces mesures d’ajouter de l’endettement à l’endettement. Le plan de soutien exceptionnel prévoit au contraire l’effacement d’un certain nombre de dettes pour 2009.
Ainsi, sur les 650 millions d’euros annoncés, 210 millions d’euros sont prévus pour prendre à notre charge les intérêts d’emprunt et les cotisations sociales dus par les agriculteurs les plus en difficulté. En l’espèce, nous ne créons donc ni dettes nouvelles ni charges supplémentaires.
Pour répondre à la question de M. Vall, nous avons accepté de supprimer, au cas par cas, en fonction des difficultés des agriculteurs, la taxe sur le foncier non bâti, pour un montant de 50 millions d’euros. Voilà aussi un effort important et, comme vous pouvez l’imaginer, l’arbitrage pour obtenir un chiffrage précis de cette mesure n’a pas été évident.
Je précise que l’intégralité de la taxe sur le foncier non bâti constitue aujourd’hui une recette pour l’État de 850 millions d’euros. Par conséquent, il aurait été difficile de l’effacer totalement.
Dans le cadre des mesures budgétaires prises dans le cadre du plan de relance, nous avons débloqué 100 millions d’euros pour accompagner les agriculteurs les plus en difficulté ; c’est le dispositif AGRIDIFF. J’indique à M. Le Cam que celui-ci fera l’objet d’une dotation supplémentaire, car il permet d’aider les exploitants les plus en difficulté, ceux dont le niveau d’endettement est tel qu’aucune autre mesure ne pourrait leur convenir.
Enfin, 170 millions d’euros ont été débloqués pour prendre en charge la taxe carbone et une partie des autres taxes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des montants engagés, je voudrais m’attarder un instant sur la méthode employée. À mes yeux, elle est tout à fait essentielle et apporte une réponse à l’une des principales interrogations que vous avez exprimées dans vos interventions.
Je l’ai dit à plusieurs reprises, ici, comme à la tribune de l’Assemblée nationale, cette méthode constitue un changement majeur dans la conduite de ce ministère. Sachez que je ne ferai jamais rien qui soit contraire aux règles européennes ! (M. Robert del Picchia applaudit.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. À la suite des critiques que j’ai entendues ici ou là, selon lesquelles le plan que nous avons engagé ne serait pas conforme à la réglementation européenne, je précise que, moins de dix jours après le dépôt de ce plan – c’est une première pour un plan de soutien à l’agriculture ! –, la Commission européenne a répondu qu’il était intégralement conforme à la réglementation européenne !
MM. Charles Revet et Alain Vasselle. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour la première fois, aucun de mes successeurs ne se verra obligé de récupérer l’argent que nous allons verser aux agriculteurs au prétexte la Commission aura jugé cette aide financière contraire aux règles européennes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Claude Merceron applaudit également.)
MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial, et Jean Bizet. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’en viens à un sujet majeur pour des milliers d’exploitants agricoles en France, la prime herbagère agroenvironnementale,…
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est vrai !
M. Bruno Le Maire, ministre. …pour laquelle, suivant toujours la même méthode, nous nous conformons aux règles européennes. En effet, si celles-ci ne conviennent pas, mieux vaut s’efforcer de les changer. C’est ce que j’ai fait pour la régulation européenne, pour le règlement technique de la pêche, et je suis prêt à le faire aussi sur d’autres sujets.
M. Charles Revet. Bravo !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ma volonté est simple et claire : chaque exploitant agricole qui touche cette prime aujourd’hui doit continuer à percevoir rigoureusement le même montant jusqu’en 2014.
Pour y parvenir, il convient de surmonter un problème juridique important et un problème budgétaire qui, disons-le, l’est beaucoup moins.
Sur le plan juridique, le renouvellement des contrats contrevient aux règles européennes. Par conséquent, en l’absence de solution, il ne sert à rien d’inscrire à ce titre des crédits dans le projet de loi de finances pour 2010. Ma priorité est donc de trouver une réponse adaptée.
Pour vous raconter toute l’histoire de cette prime ô combien importante pour les agriculteurs, j’ai adressé, voilà une quinzaine de jours, à la Commission européenne, au nom du Gouvernement français, une première proposition qui a été repoussée. La Commission a jugé que cette solution n’était pas la bonne, mais, après avoir noté nos efforts pour parvenir à un accord acceptable, a fait une contre-proposition, que mes services sont en train d’examiner.
Elle consiste à remettre les compteurs à zéro pour les contrats qui doivent être renouvelés en 2010 comme pour ceux qui prennent fin en 2012, et à tous les reconduire jusqu’en 2014. Accorder un délai, remettre tous les exploitants agricoles au même niveau et leur donner une visibilité jusqu’en 2014, tout cela me semble être une solution satisfaisante.
Une fois que j’aurai obtenu l’accord définitif de la Commission et que ce sujet aura été arbitré par le Premier ministre, il sera possible de prévoir dans le projet de loi de finances rectificative pour 2010 un financement de l’ordre de 30 millions d’euros pour ce dispositif juridique.
En attendant, je m’engage, avec beaucoup de détermination, à ce que chaque agriculteur touche la prime herbagère agroenvironnementale dont le montant restera inchangé dans les années à venir. Cela s’avère indispensable à l’équilibre économique des exploitations et à l’aménagement d’un certain nombre de territoires en difficulté, en particulier à ceux de montagne.
M. Jacques Blanc. C’est une bonne nouvelle !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ce faisant, je réponds aux propos, auxquels j’ai été sensible, de M. Muller sur l’agriculture dans les Vosges, ainsi qu’à ceux de MM. Bailly et Fortassin,...
M. Charles Revet. Et de Jacques Blanc !
M. Bruno Le Maire, ministre. ... et de M. Blanc, vous avez raison. Tous ont souligné, à juste titre, l’importance de ce sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, n’oublions pas les mesures complémentaires à ce plan de soutien exceptionnel décidé par le Président de la République. Elles ont été prises cet automne et entraînent de lourdes conséquences sur le plan budgétaire.
Ainsi, 30 millions d’euros de prise en charge d’intérêts d’emprunt ont été annoncés au sommet de l’élevage. De plus, plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, 98 millions d’euros sont prévus pour le financement de la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine, ou FCO.
Pour répondre aux remarques de M. César, le ministre de l’agriculture que je suis a fait le choix d’une vaccination effectuée par les services vétérinaires, la seule à même de garantir la crédibilité totale de la vaccination et surtout le prix de tous les produits exportés,…