Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Eh bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Une autre idée serait la création d’une loterie dont les bénéfices financeraient les œuvres françaises à l’étranger, idée qui figure déjà dans des documents de l’Organisation des Nations unies datant des années soixante-dix et qu’Alain Joyandet a récemment remise sur le devant de la scène.
Au Royaume-Uni, une loterie de ce type a permis de collecter deux milliards de livres sterling dès sa création en 1996, et vingt-deux milliards de livres sterling en 2008 pour les œuvres caritatives du pays.
La création d’une fondation de la présence française à l’étranger pourrait également être utile à cette collecte de fonds.
M. André Trillard, rapporteur pour avis. Un téléthon ?
M. Jean-Louis Carrère. Oui, le Téléthon !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je voudrais enfin vous exhorter, monsieur le ministre, à la vigilance en matière de préservation de notre patrimoine immobilier et culturel à l’étranger. Nous ne pouvons laisser celui-ci se détériorer, comme je l’ai vu encore tout récemment à Tunis, où les bâtiments de nos services culturels – l’ancien lycée Carnot – sont réduits à un délabrement honteux. Nous ne pouvons pas non plus brader ce patrimoine dans une vision à court et à moyen terme, au détriment de notre rayonnement et des générations futures.
Certes, il faut faire des choix, mais peut-être devrions-nous réfléchir à nos engagements multilatéraux et veiller à leur bonne application, puisque notre visibilité y est insuffisante. Les Français de l’étranger sont des citoyens à part entière, ils sont notre premier devoir. (Jean-Louis Carrère applaudit.)
Je conclurai en reprenant une phrase de Claudel citée par Daniel Rondeau dans le premier numéro de cette excellente revue Mondes éditée par le Quai d’Orsay : « Il n’y a qu’une chose mortelle pour les nations : c’est la stagnation, c’est la satisfaction dans le médiocre, c’est la séparation d’avec les pauvres et les faibles, c’est le renoncement au devoir, c’est l’hésitation devant le sacrifice ». Il faut ouvrir « aux nations comme aux individus un autre horizon, un autre idéal que celui des avantages matériels », ajoutait-il en parlant de Victor Hugo, notre prédécesseur dans cet hémicycle.
Alors, chers collègues, bien sûr, je voterai ce budget (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), parce que, en ces temps de crise internationale, je crois qu’il nous faut être réalistes, il nous faut être responsables. Mais nous avons aussi besoin d’un nouveau souffle, et je forme le vœu, monsieur le ministre, que, l’an prochain, vous nous présentiez un budget, responsable, certes, mais aussi plus audacieux, plus conforme à la fois à notre vocation d’universalité et à notre mission d’aide aux plus démunis d’entre nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Vous auriez voté contre, j’aurais applaudi !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que faisant partie de l’opposition, je ne pense pas que je serai aussi critique que l’oratrice précédente. (Sourires.)
Je voudrais néanmoins dire un mot sur l’un des derniers thèmes qu’a abordés notre collègue : la politique foncière du ministère. Et là, je tiens vraiment à sonner l’alarme devant ce que je n’hésite pas à qualifier de dérive épouvantable. Nous sommes comme ces fils de famille du XIXe siècle qui vendaient les châteaux pour se payer des danseuses. Mais eux pouvaient être mis sous tutelle...
M. André Trillard, rapporteur pour avis. Il n’y a plus de danseuses !
M. Jean-Louis Carrère. Si encore elles étaient belles !
M. Richard Yung. Ils dilapidaient le patrimoine familial ? Nous dilapidons notre patrimoine immobilier à l’étranger : les ambassades, les consulats, les centres culturels, et j’en passe.
Tout a commencé avec ce funeste contrat dit « de modernisation » – en réalité d’étranglement ! –signé en avril 2006 entre le ministère des affaires étrangères et le ministère du budget. À l’époque, l’idée était de réduire les crédits immobiliers du ministère des affaires étrangères, mais d’autoriser en contrepartie le ministère à mettre le produit des ventes immobilières à l’étranger – la vente des bijoux de famille - sur un compte d’affectation spéciale dont il pourrait utiliser les ressources pour ses propres projets. Au passage, quelle générosité !
Le principe est déjà discutable en lui-même – je vous renvoie au débat précédent –, mais la réalité dépasse la fiction.
Monsieur le ministre, vous avez vendu en 2007 pour 53 millions d’euros d’ambassades et de consulats à l’étranger, et en 2008 pour 19 millions d’euros. Je n’ai pas les chiffres pour 2009, mais le total pour les deux années précédentes revient à 72 millions d’euros. Chose extraordinaire, sur ces 72 millions d’euros qui devaient vous revenir et grâce auxquels vous deviez pouvoir financer un certain nombre d’actions, entre autres de rénovation, vous avez touché 7 millions d’euros, soit 10 % du montant de départ.
Autrement dit, Bercy vous a complètement étranglé, en instaurant un tas de règles supplémentaires pour l’utilisation des crédits.
Notre devoir est donc de tirer la sonnette d’alarme.
Par ailleurs, les loyers budgétaires étant sur le point d’augmenter – ils ont même déjà commencé, et de façon exponentielle – nous allons être d’autant plus asphyxiés.
Monsieur le ministre, je vous en conjure, prenez votre kalachnikov et allez en commando à Bercy remettre les choses en place, parce qu’il est inadmissible que l’on soit ainsi pris à la gorge ! Nous, Français de l’étranger, nous sommes les premières victimes, mais pas les seules ! (Jean-Louis Carrère et Monique Cerisier-ben Guiga applaudissent.)
Voilà qui m’amène à dire un mot du réseau. J’ai une vision un peu moins optimiste que la vôtre. C’est que nous avons tout de même perdu vingt consulats et consulats généraux depuis huit ans. Nous avons perdu six ambassades, aussi. Je me réjouis de voir que nous allons ouvrir une nouvelle ambassade à Dili, qui, comme chacun sait, est la capitale...
M. André Trillard, rapporteur pour avis. Du Timor oriental !
M. Richard Yung. En effet !
Pourquoi ouvrons-nous une ambassade au Timor oriental, franchement ? Le volume des affaires et des relations diplomatiques entre la France et le Timor nécessite-t-il la mobilisation d’une équipe de dix ou quinze personnes au moins ?
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. C’est une ambassade européenne !
M. Richard Yung. Notre ambassadeur en Papouasie-Nouvelle-Guinée ne pourrait-il pas prendre l’avion une fois par mois pour se rendre sur place ?
Je crois que l’universalité du réseau, qui vous obsède, n’est pas une bonne idée. Il faut avoir un peu de bon sens ! Je n’ai rien contre Dili, bien sûr, j’aime beaucoup les Papous, mais bon…
Et je voudrais vous dire aussi, au nom de l’ensemble des élus de l’étranger, à quel point je regrette que mes collègues et moi-même ne soyons jamais ni consultés ni informés de l’évolution de ces implantations.
Loin de nous l’idée de vous dicter votre conduite, mais il ne serait tout de même pas inconcevable de réunir, une fois par an, les élus, les conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger ainsi que les sénateurs, pour les informer de vos intentions ! Les préfets le font bien en France ; pourquoi ne pourrait-on le faire à l’étranger ?
Je dirai un mot de l’évolution des effectifs, sujet qui a déjà été abordé. Nous allons perdre 560 équivalents temps plein dans les deux ou trois prochaines années. Comme certains l’ont dit avant moi, monsieur le ministre, nous atteignons les limites de la logique !
Je visite régulièrement, comme d’autres, les consulats et les ambassades, et je connais le dévouement des personnels, en particulier ceux qui occupent les « petits » postes et les fonctionnaires de catégorie B, qui travaillent le soir, le samedi et le dimanche, car c’est le seul moyen pour eux de maintenir le système.
Mais ce n’est pas une politique, et cela va finir par craquer ! S’il est nécessaire de rendre hommage à ces personnels, il faudrait surtout les aider dans leur travail. Ce ne serait pas du luxe !
Je conclurai mon intervention en vous posant trois questions, monsieur le ministre.
Premièrement – c’est pour moi une question rituelle ! –, faut-il maintenir ces usines à gaz que sont les services de délivrance des visas dans certains de nos consulats ? Celui de Moscou, par exemple, reçoit 350 000 demandes de visas, ce qui occupe au moins vingt agents, exclusivement dédiés à cette tâche. Cela ne sert absolument à rien !
M. Yves Pozzo di Borgo. Bravo ! Supprimons ces visas !
M. Richard Yung. Deuxièmement, qu’en est-il de la coopération consulaire communautaire ? Je remets en permanence ce thème dans le débat, mais, comme sœur Anne, je ne vois jamais rien venir … Il semble qu’il soit impossible de travailler ensemble ! Pourquoi n’installe-t-on pas des bureaux communs de délivrance des visas Schengen avec les autres pays ? Mais nous avons beau en parler, rien ne vient !
Troisièmement, et ce sera ma dernière question, qu’en sera-t-il de la mise en place du nouveau service d’action extérieure dirigé par Lady Catherine Ashton ? Faut-il y voir une bonne nouvelle, c’est-à-dire un moyen de mutualiser et de travailler ensemble, ou une mauvaise nouvelle, c’est-à-dire un prétexte supplémentaire pour « ratiboiser » encore un peu plus le budget ?
M. Jean-Pierre Chevènement. Évidemment !
M. Richard Yung. Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que je ne vote pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ces crédits est l’occasion pour le Parlement de débattre des moyens que se donne la France pour peser en dehors de nos frontières, en valorisant sa vision du monde, sa langue, ainsi que les principes et les intérêts qu’elle entend défendre au sein de la communauté internationale. Les Français de l’étranger sont un élément fondamental de cette politique, parmi bien d’autres dans le domaine des affaires étrangères.
D’un point de vue financier, nous examinons aujourd’hui des crédits très limités. Pour 2010, les crédits de paiement s’élèveront à environ 2 630 millions d’euros, soit moins de 1 % du budget de l’État. Sont affectés à cette mission 12 897 équivalents temps plein, ce qui représente environ 0,60 % des effectifs totaux de l’État.
Malgré l’étroitesse des moyens financiers qu’il nous est demandé de voter, l’examen de cette mission revêt, cette année, une importance particulière.
Sous l’effet conjugué du Livre blanc, de la RGPP et de la volonté du ministre de réformer ce ministère, une action de grande envergure commence à produire de vrais résultats. Même si l’initiative a été critiquée, il se passe indéniablement quelque chose… Il ne s’agit pas d’économies aveugles ou dispersées. Des progrès réels ont été accomplis, comme l’a relevé Adrien Gouteyron, notamment en matière de coordination.
Le comité interministériel des réseaux internationaux de l’État, le CORINTE, fonctionne ; nous savons que ce n’était pas le cas de son prédécesseur, qui s’était réuni une seule fois. Des décisions sont prises et, sous l’autorité de l’ambassadeur, la coordination progresse de plus en plus à l’étranger. Je souhaite saluer cette évolution.
En matière d’organisation budgétaire, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, à quelle date sera mis un terme à la séparation, au sein de notre action culturelle extérieure, entre les pays de l’OCDE, qui relèvent de la mission « Action extérieure de l’État », et les pays relevant de la mission « Aide publique au développement » ? Qu’il s’agisse de l’organisation du Quai d’Orsay selon une logique thématique, et non plus géographique, ou bien, plus largement, de l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, tout devrait conduire à ce que le directeur général de la mondialisation puisse piloter les crédits d’action culturelle en les redéployant d’un pays à l’autre en fonction des priorités, des besoins et des urgences. Or les deux enveloppes sont complètement séparées ; une évolution dans ce domaine me semblerait tout à fait opportune.
Comme l’a souligné Richard Yung, le Quai d’Orsay a été le premier ministère à signer un contrat triennal de modernisation pour la période 2006-2008 avec le ministère du budget. Il s’est engagé à conduire seize chantiers de réforme. De la montée en puissance de son outil informatique à la rénovation de la gestion des ressources humaines ou à la maîtrise de la fonction « achats », ces chantiers amélioreront considérablement l’efficacité de l’action du ministère. Dans le même temps, les effectifs ont diminué de 740 postes équivalents temps plein, ce qui n’est pas négligeable.
Le ministère des affaires étrangères et européennes participe donc largement à l’effort de rationalisation entrepris par l’État, dans un contexte budgétaire difficile. Je tiens à saluer cet effort ; je souligne, par exemple, que nos ambassadeurs, pour les vols moyens courriers, voyagent non en classe affaires, mais en classe économique.
Je saisis cette occasion pour rendre hommage à l’action de tous les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères, qui travaillent avec abnégation et grâce auxquels notre pays est si puissant à l’étranger.
Malgré cet effort de rationalisation, l’universalité de notre réseau est préservée : 160 ambassades, 21 représentations multilatérales, 98 postes consulaires et 154 postes de services de coopération et d’action culturelle composent notre réseau, qui demeure le deuxième au monde, alors même que la France n’est plus la deuxième puissance mondiale. Il faut savoir s’en féliciter, même si nombre d’actions pourraient évoluer dans le sens d’un redéploiement.
Effort de réduction des effectifs et des dépenses, d’une part, universalité préservée, de l’autre : cet équilibre est difficile à tenir, et nous devons prendre garde à ne pas priver le ministère des moyens nécessaires pour mener sa mission, si importante pour notre pays.
L’insuffisance des crédits n’est pas loin, mes chers collègues, et certains sujets de préoccupation méritent toute notre attention.
Je note, ainsi, une nouvelle baisse des crédits consacrés à la coopération décentralisée, qui concerne de près le Sénat et qui joue un rôle d’appui important pour l’action internationale de la France.
Je constate également la nouvelle baisse des crédits des Alliances françaises, qui ont un rôle essentiel sur le terrain, en cohérence avec l’action de nos ambassadeurs et de nos services culturels.
Au sein du programme « Action de la France en Europe et dans le monde », les contributions aux organisations internationales mobilisent plus des deux tiers des crédits, hors dépenses de personnel. Les gestionnaires disposent de moins d’un tiers de cette enveloppe pour faire fonctionner un réseau mondial et mettre en œuvre notre coopération de sécurité et de défense. C’est bien peu, monsieur le ministre, même si des efforts sont faits…
Au sein du programme « Rayonnement culturel et scientifique », qui est doté de 600 millions d’euros, hors dépenses de personnel, seuls restent 88 millions d’euros pour concrétiser notre diplomatie d’influence dans le monde. Je le répète : ce n’est pas beaucoup !
Dans le programme « Français à l’étranger et affaires consulaires », évoqué par plusieurs de mes collègues, une fois déduites les dépenses de personnel, il reste 12 millions d’euros pour faire fonctionner le réseau consulaire, et à peine plus de 17 millions d’euros au titre des dépenses d’intervention. Je pense, comme Richard Yung, que la suppression du réseau russe et la libéralisation des visas avec la Russie nous permettraient de faire des économies et serait un gain de temps.
Un autre problème, désormais largement connu, mérite notre attention : la politique immobilière du Quai d’Orsay. Il manque, à Paris, un vrai centre de rencontres internationales.
Cette situation est coûteuse, car, comme l’a dit M. le Premier président de la Cour des comptes, « au bout de quelques sommets, on aura dépensé ce qu’a rapporté la vente de l’immeuble de l’avenue Kléber ».
Le Président Mitterrand, dans le cadre de ses grands travaux, avait déjà prévu la réalisation d’un palais des congrès, sur l’emplacement de l’actuel musée du quai Branly. Or ce projet n’avait pu voir le jour, le plan d’occupation des sols étant à l’époque trop restrictif. J’étais déjà élu de Paris ; je regrette aujourd’hui d’autant plus cet échec qu’il s’agissait d’un très beau projet. Pourquoi ne pas le construire sous les Invalides, comme nous avons pu le lire dans la presse ? Tout est possible ! Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si cette idée est toujours d’actualité ?
Qu’en est-il, ensuite, de la politique immobilière de l’État ? Je sais que le ministère de la défense doit s’installer dans le « Pentagone » du XVe arrondissement.
M. Didier Boulaud. À Balard !
M. Yves Pozzo di Borgo. Ne pourrait-on, dans ces conditions, récupérer une partie de ses locaux actuels ?
En tant qu’élu du VIIe arrondissement, je m’interroge en effet : un centre de congrès ne serait-il pas davantage à sa place dans ce quartier, plus valorisant pour le ministère des affaires étrangères ?
On peut craindre, à maints égards, que les marges de manœuvre et les moyens alloués à cette mission ne soient insuffisants au regard de son importance stratégique. Des ajustements ont été apportés malgré tout, et je me réjouis de constater qu’en matière de ressources ce budget comporte des éléments rassurants. Pour ces raisons, le groupe centriste votera en faveur de son adoption par le Sénat.
Beaucoup a été fait, monsieur le ministre, ces deux dernières années, mais une importante réforme doit encore être menée à bien, celle de notre réseau culturel.
À l’heure de la diplomatie d’influence, l’efficacité de ce réseau est essentielle pour que la France compte au sein de la communauté internationale. Comme je l’ai dit tout à l’heure, il est nécessaire de repenser l’ensemble du dispositif existant. Il faudrait remettre en cause beaucoup de choses, avoir le courage de s’interroger sur les missions de certains établissements et, surtout, oser dire que ce réseau, dont les actions sont nécessaires, doit faire preuve de davantage de pertinence. C’est un point important, car le réseau culturel français est l’un des moyens, au sein de la compétition mondiale, de sauvegarder la force d’attraction de notre pays.
Nous saluons les initiatives déjà engagées en la matière et nous participerons activement à la discussion du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la richesse et de la qualité de vos interventions. Je constate que nous avons tous préparé avec soin la discussion d’aujourd’hui.
J’ai également noté que plusieurs d’entre vous, en particulier MM. Billout, Hue et Chevènement, brûlaient du désir de transformer cette séance en débat sur l’actualité internationale. Je les comprends ! Je suis d’ailleurs à leur disposition pour en parler plus longuement, mais ce n’est pas l’objet de la présente séance. Réservons cela pour un autre jour, si vous le voulez bien : dans le contexte actuel, l’examen du budget de l’action extérieure de l’État mérite notre légitime attention.
Un budget, ce sont des moyens au service d’une ambition. Dans le projet qui vous est soumis, ces moyens s’élèvent à 2,6 milliards d’euros pour la mission « Action extérieure de l’État ». Cela représente une progression de 4,7 % par rapport à l’année dernière. L’ensemble du budget du ministère passera, quant à lui, de 4,6 à 4,9 milliards d’euros, soit une progression de 11 % des engagements et de 7 % des paiements.
Notre ambition se décline selon quatre priorités : tenir notre rang dans les institutions multilatérales et les opérations de maintien de la paix ; donner à notre réseau diplomatique les moyens d’assurer sa mission ; soutenir l’enseignement du français à l’étranger ; renforcer le rayonnement culturel et l’influence de notre pays.
Avant d’entrer dans le détail des chiffres, des satisfactions légitimes et des préoccupations inévitables, permettez-moi de formuler quelques remarques d’ensemble.
Monsieur Yung, je comprends votre impatience, mais il existe un compte d’affectation spéciale et toutes les sommes provenant de la vente des immeubles seront récupérées ; nous y tenons !
L’intervention au Timor oriental, cette ancienne colonie portugaise qui a fait la « une » de l’actualité en raison des crimes qui y ont été commis et des interventions qui ont été nécessaires, est très importante parmi les actions internationales. Tout le monde s’est préoccupé de cette situation. L’ambassade située à Dili, monsieur le sénateur, est une ambassade européenne, de celles que vous appelez de vos vœux. Les nations se relayeront. Un seul ambassadeur sera désigné et il sera assisté par un autre représentant des pays européens.
M. Jean-Louis Carrère. Bien !
M. Bernard Kouchner, ministre. Cette ambassade est organisée « à l’économie », si je puis dire, mais, symboliquement, elle est très importante.
Le projet de budget qui vous est présenté est un projet de budget de sincérité. M. Gouteyron a parlé de « vérité budgétaire ». C’est une fort belle expression.
Au-delà des 50 millions d'euros additionnels obtenus pour les opérations de maintien de la paix, les crédits de masse salariale sont réajustés en fonction des besoins réels et bénéficient de 10 millions d'euros supplémentaires.
Pour accompagner la nouvelle politique immobilière de l’État, 65 millions d'euros de loyers budgétaires sont inscrits au projet de loi de finances pour 2010.
La lisibilité peut évidemment encore être améliorée, monsieur Pozzo di Borgo, si l’on modifie la maquette. Mais ce projet de budget s’inscrit dans un effort de solidarité gouvernementale : il fait le choix de la cohérence et de la réforme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous sais soucieux de la « soutenabilité » de notre endettement public, préoccupation que je partage. Monsieur Carrère, j’ai apprécié votre vigueur et vos nuances sur ce sujet …
M. Jean-Louis Carrère. J’essaie de vous imiter !
M. Bernard Kouchner, ministre. Vous m’avez comblé ! (Sourires.)
Le budget que je vous présente concourt à la progression à « zéro volume » – c'est-à-dire au rythme de l’inflation – des dépenses courantes de l’État et, je le souligne, participe à la baisse des effectifs et des dépenses de fonctionnement du ministère, qui se contracteront de 2 % en 2010, soit une baisse de 20 % des moyens de fonctionnement de mon cabinet ministériel depuis 2007.
Ne vous fiez pas aux chiffres que vous avez lus : ils sont totalement erronés. Mon cabinet compte dix-huit membres, sans aucune addition supplémentaire mystérieuse. D’où viendrait-elle ?
La gestion de mon ministère bénéficie d’une image de sérieux, saluée par M. le rapporteur spécial. Il participe, depuis maintenant près de quinze ans, à la déflation des effectifs publics, sans pour autant que la diplomatie française ait vu son rôle s’éroder, donc au prix d’un renforcement significatif du travail de tous nos agents et de leur productivité, ce que vous avez souligné. Une fois de plus, je veux saluer leur dévouement, car ils travaillent dans des conditions extrêmement difficiles dans certains pays du monde.
Sans jamais nous écarter de cette ligne, nous avons obtenu le « redressement » de la pente de certaines dotations. C’est le cas pour l’action culturelle extérieure. L’effort de 20 millions d'euros additionnels, obtenus au cours de l’année 2009, sera inscrit en base budgétaire du projet de loi de finances pour 2010, si toutefois vous l’approuvez, mesdames, messieurs les sénateurs.
Nous n’avons pas pu redresser la barre partout. Ainsi, je déplore la réduction que nous sommes contraints d’opérer sur les crédits d’action sociale. Mme Cerisier-ben Guiga et nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, s’en sont émus, et je vous comprends. Nous discuterons tout à l’heure de la proposition d’abondement du budget de l’action sociale. Ce poste budgétaire souffre d’un manque de 1,5 million d'euros. Mais 500 000 euros, évalués par les Français de l’étranger, pourront être pris en charge par les quinze pays les plus dotés de l’Union européenne. Je m’engage solennellement à trouver la somme manquante de 1 million d'euros. Il n’y aura pas de trou dans l’action sociale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Le Président de la République l’a souligné : l’effort de solidarité nationale doit s’étendre aux ressortissants français résidant à l’étranger. Cependant, nous en sommes conscients, l’action sociale du ministère des affaires étrangères en faveur des Français en difficulté est sans équivalent dans le monde. Hormis l’Italie, aucun autre pays de l’Union européenne ne fournit un tel effort. Les ressortissants étrangers de chacun des autres pays dotés comme le nôtre, et pas assez dotés, sont laissés à eux-mêmes dans les pays où ils résident.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Exactement !
M. Bernard Kouchner, ministre. Quoi qu’il en soit, c’est insuffisant. Je vous promets d’honorer cet engagement. La référence aux « Sans frontières » était bienvenue.
En 2009, 5 404 allocataires ont reçu une aide de nos consulats. Dans le cadre du projet de loi de finances triennal, les crédits d’action sociale passeront de 19 millions d'euros en 2009 à 17 millions d'euros en 2010. Je vous assure que je compenserai cette baisse.
Contrairement à ce qu’a dit M. le rapporteur spécial, ces crédits ne sont pas une variable d’ajustement et sacrifiés en tant que tels sur l’autel de la gratuité. Le surcoût lié à la gratuité a été compensé intégralement par le Gouvernement par une hausse de 60 millions d'euros en deux ans.
Certes, ces crédits sont en diminution, mais, face à cette réduction, je trouverai les marges de manœuvre nécessaires. À chaque fois que nous avons été obligés de faire face à des dépenses supplémentaires résultant d’une situation d’urgence que nous n’avions pas prévue – ce fut le cas dernièrement en Guinée –, nous avons trouvé les fonds indispensables. Je vous garantis qu’il en sera toujours ainsi.
Rien ne va changer pour les publics les plus fragiles, tels les adultes handicapés et les enfants en détresse.