M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Robert del Picchia. Monsieur le ministre, « la critique est aisée, mais l’art est difficile ». L’adage est d’actualité et se vérifie tous les jours... (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Ça commence bien !
M. Robert del Picchia. Il est très facile d’énoncer des points de vue critiques sur telle ou telle politique et telle action ou, peut-être, manque d’action. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
On sait que la réalité est tout autre.
Pour avoir suivi la politique étrangère en France, mais aussi dans d’autres pays, et ce pendant de longues années, sous tous les régimes, je sais combien les critiques peuvent être injustes lorsqu’elles ne tiennent pas compte de la réalité. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
La mondialisation complique jour après jour les relations entre États, entre l’Europe et le reste du monde. Aucun conflit, aucune tension dans le monde ne peut et ne doit nous laisser indifférents, non seulement parce que la France est membre du Conseil de sécurité de l’ONU, mais parce que ses intérêts, sa sécurité, ses engagements européens et internationaux l’y obligent.
C’est vrai, certains critiquent telle ou telle prise de position de la politique française, telle ou telle action.
Mes chers collègues, il est trop facile de trouver une faille, si petite soit-elle. À ceux qui critiquent, je suis tenté de dire que les conseilleurs ne sont pas les payeurs.
M. Robert Hue. Le problème, c’est que nous sommes des payeurs !
M. Didier Boulaud. Il n’y a aucune ligne politique !
M. Robert del Picchia. Permettez-moi de poursuivre, mes chers collègues, je n’ai interrompu personne, moi !
M. Jean-Louis Carrère. Si vous voulez, nous pouvons aussi nous taire !
M. Robert del Picchia. Monsieur le ministre, à titre personnel, je reconnais vos mérites pour naviguer, avec élégance, dans les difficultés auxquelles vous êtes confronté et assumer cette politique étrangère. (M. Didier Boulaud s’esclaffe.)
Et je vous félicite de votre action, tout en sachant que mes propos soulèveront quelques objections !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute !
M. Robert del Picchia. En toute logique, monsieur le ministre, je devrais donc accepter avec enthousiasme votre projet de budget. Mais non, l’enthousiasme n’est pas là !
M. Jean-Louis Carrère. Quel courage !
M. Robert del Picchia. Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne peux pas l’accepter tel qu’il est présenté après son passage à l’Assemblée nationale.
En effet, contre votre volonté, contre notre volonté, l’Assemblée nationale a cru bon de toucher à la partie du budget relative à l’aide à la scolarité,…
M. Didier Boulaud. Ah !
M. Robert del Picchia. … confiée à la gestion de votre Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, en retirant 10 millions d’euros du programme 151 pour les inscrire au compte de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
M. Jean-Louis Carrère. C’est grave !
M. Robert del Picchia. Soyons clairs : ces 10 millions d’euros sont pris sur « l’aide à la scolarité », d’un montant global de 106 millions d’euros. Cela, monsieur le ministre, en tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je ne peux ni l’accepter ni le valider : ce serait trahir les familles françaises à l’étranger qui nous ont fait confiance et qui ont fait confiance au Président de la République.
Je sais, bien sûr, que l’argent manque au budget de l’Agence. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Eh bien, soit ! Si redéploiement il doit y avoir, il faudra le faire au sein du budget attribué à l’Agence. Le budget relatif à l’aide à la scolarité n’appartient pas à l’Agence.
En revanche, j’approuverais une augmentation du budget de l’Agence pour subvenir à ses besoins, de plus en plus grands. L’importance de l’AEFE dans le rayonnement de la France est certaine et indiscutable.
On nous dit que ces 10 millions d’euros seraient enlevés de la prise en charge. Mais, mes chers collègues, c’est une erreur grossière.
Les années précédentes, ces deux types d’aide à la scolarité que sont la prise en charge de la scolarité dans les classes de lycée et les bourses scolaires dans les autres classes, faisaient l’objet de deux sous-actions distinctes.
A contrario, dans le projet de loi de finances pour 2010, il n’est plus fait de distinction entre les bourses et la prise en charge. C’est une somme globale qui est attribuée au programme 151 géré par la DFAE.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C’est le miroir aux alouettes !
M. Robert del Picchia. Ce seraient donc les bourses scolaires qui seraient les plus affectées par la suppression des 10 millions d’euros au titre de la prise en charge si les amendements visant à modifier cette disposition ne sont pas adoptés et, en particulier, celui que j’ai déposé avec mes collègues sénateurs des Français de l’étranger,…
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pas tous !
M. Robert del Picchia. … en tout cas, la majorité d’entre eux.
La décision de l’Assemblée nationale a donc des effets malheureux. Vouloir ôter 10 millions d’euros à la prise en charge, au motif que certaines familles aisées n’en n’auraient pas besoin, c’est, de fait, ôter 10 millions d’euros aux bourses pour les familles nécessiteuses, CQFD !
Il manquerait déjà, selon l’AEFE, près de 10 millions d’euros pour cette campagne de bourses et les attributions actuelles ont déjà été réduites à cette rentrée. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Il faut donc trouver une solution. Voilà pourquoi j’ai déposé un amendement visant à rectifier le montant dans le budget.
Je précise, après certains de mes collègues, qu’il s’agit de prise en charge jusqu’à la classe de seconde comprise, et non au-delà ; la décision a été prise par le Président de la République.
Certains évoquent bien des arguments contre la prise en charge de la scolarité. Je n’ai malheureusement pas le temps de les passer tous en revue maintenant, mais je pourrai y revenir à un autre moment.
Aucune preuve pour l’instant, je dis bien aucune, n’est avancée pour justifier ces affirmations, qui peuvent troubler nos collègues de l’Assemblée nationale. Cette dernière sera certainement mieux informée lorsque onze de ses membres seront des députés des Français de l’étranger.
M. Michel Billout. Ah, ça !
M. Jean-Louis Carrère. Quelle magouille !
M. Robert Hue. Charcutage ! Manœuvre !
M. Robert del Picchia. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai que, par rapport à un enfant étranger, la prise en charge de la scolarité constitue une différence de traitement, et nous devons le reconnaître. Mais si les enfants étrangers sont dans nos écoles, au demeurant moins chères que les autres écoles internationales - et nous savons que le réseau ne fonctionnerait pas vraiment sans cet apport d’enfants étrangers, que nous soutenons -, il n’en reste pas moins que ces enfants étrangers ont le choix, contrairement aux enfants français, qui sont obligés, eux, d’aller dans nos écoles.
La politique de formation des élites des pays d’accueil, que nous approuvons sans réserve, ne doit cependant pas nous faire oublier nos compatriotes. Ils peuvent, eux aussi, prétendre suivre des études supérieures en France, notamment dans les grandes écoles, si nous parvenons à les maintenir dans le cursus scolaire jusqu’après le baccalauréat.
Alors, doit-on en rester là et laisser les choses en l’état ? Certes non !
Nous devrons, dès la fin de la mise en place de la prise en charge pour les classes de seconde, comme nous l’évoquions l’an dernier – rappelez-vous, monsieur le ministre –, faire procéder à un audit - je préconise un audit indépendant -, qui devra constater le nombre réel d’enfants concernés et le coût réel de la prise en charge, réaliser une véritable étude d’impact et définir un plan d’encadrement.
Il s’agira aussi de rendre pérenne cette mesure en instaurant un système visant à la limiter et à la maintenir dans des cadres contraignants. Je pense, par exemple, à un remboursement fixe par école, et non pas par pays,…
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Oh ! Quelle évolution !
M. Robert del Picchia. … car les tarifs de la scolarité varient selon les lycées. Au-delà de ce remboursement fixe, les familles contribueront en payant l’augmentation du prix. En clair, si les écoles augmentent leurs tarifs, il appartiendra aux familles de supporter la différence. Les parents d’élèves s’arrangeront avec la direction du lycée en question.
Un autre sujet important que mes collègues vont développer concerne les crédits d’action sociale. Nous l’avons entendu, ces derniers sont en baisse, ce qui suscite l’incompréhension générale des Français établis hors de France, car ce sont les plus malheureux d’entre eux qui sont touchés. Des amendements ont été déposés sur ce point, notamment par Christian Cointat et Jean-Pierre Cantegrit, que nous soutiendrons, naturellement.
Monsieur le ministre, le traité de Lisbonne va entrer en vigueur très bientôt. Comme on le sait, deux sièges supplémentaires au Parlement européen vont revenir à la France. Nous l’avions anticipé en déposant, dès mars 2008, la proposition de loi n° 225 qui tend à attribuer deux sièges supplémentaires aux Français établis hors de France, par la création d’une section « Français de l’étranger », la circonscription Outre-mer se voyant ainsi dotée d’une quatrième section : « Français établis hors de France ».
M. Jean-Louis Carrère. Vous trouvez que cela ne suffit pas ?
M. Robert del Picchia. Au-delà de l’équité, car, pour l’heure, deux millions de Français ne sont pas représentés au Parlement européen, et de l’utilité d’une telle représentation des Français de l’étranger, deux arguments s’imposent.
D’abord, il n’est pas nécessaire de retoucher aux circonscriptions existantes, ce qui soulèverait des difficultés. Ensuite, il n’y a aucune remise en cause des résultats des élections européennes du 7 juin 2009.
Si cette proposition de loi était adoptée, une élection partielle pourrait avoir lieu dès l’an prochain et la France serait représentée en plus grand nombre à Strasbourg.
Permettez-moi d’aborder, à présent, le calendrier électoral de 2012 pour l’Assemblée des Français de l’étranger. On risque, si je peux utiliser ce terme, un « bug » électoral : il y aura, tenez-vous bien, cinq tours de scrutin. Certes, c’est la même chose en France, mais, à l’étranger, il n’est pas aussi facile d’organiser des élections, et la DFAE en a bien conscience.
Interviendront également les deux tours du scrutin relatif à l’élection des députés des Français de l’étranger, ce qui est un progrès remarquable. Encore faut-il pouvoir l’organiser !
Au final, mettre en place cinq tours de scrutin à l’étranger en près de deux mois et demi, autant que je le sache, la DFAE n’en a pas vraiment la capacité matérielle.
Que faire, alors ? Mes chers collègues, il faut allonger d’une année la durée des mandats des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, et voter l’année suivante.
Certains y sont opposés, soucieux du qu’en-dira-t-on démocratique devant une prorogation de mandat. Permettez-moi de vous rappeler, à toutes et à tous, mes chers collègues, que nos mandats ont été prorogés d’un an, il n’y a pas si longtemps, pour les mêmes motifs.
On peut tout critiquer, mais ici, il convient d’y regarder à deux fois, car cela a déjà été fait. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Quant aux élections des députés des Français de l’étranger, il nous semble urgent d’anticiper en commençant l’organisation du scrutin de 2012 dès l’année prochaine, peut-être même dès le printemps, de façon à mettre en place tout le système.
Monsieur le ministre, j’aurais encore beaucoup de points à évoquer, mais ceux-là me paraissaient importants pour mes mandants.
Je ne veux pas terminer sans vous renouveler nos félicitations pour la revue Mondes et applaudir à l’idée de la création d’un centre de conférences internationales sous l’esplanade des Invalides, en espérant, monsieur le ministre, que ce centre, s’il voit le jour, n’abritera jamais un autre Congrès de Vienne : Napoléon, spectateur obligé, s’en retournerait dans son tombeau ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année dernière, à l’occasion de l’examen des crédits concernant les actions extérieures de l’État, je concluais ainsi mon intervention sur la situation au Proche-Orient : « L’objectif de création d’un véritable État palestinien garde toute sa pertinence. Pour lui donner ses chances, notre gouvernement doit donc prendre ses responsabilités au sein de l’Union européenne en exigeant une prise de position claire sur la levée du blocus imposé à Gaza, sur l’arrêt de la colonisation comme conditions préalables à l’existence de quelconque partenariat. »
Depuis, la situation s’est, hélas !, considérablement dégradée. En décembre 2008, l’armée israélienne déclenchait l’opération « Plomb durci » qui allait se solder, côté palestinien, par 1 434 morts, dont 82 % de victimes civiles, et, côté israélien, par 13 morts, dont 3 civils.
Nos collègues Jean François-Poncet et Monique Cerisier-ben Guiga, missionnés par notre commission des affaires étrangères, se sont rendus à Gaza quelques jours après la fin des hostilités. Ils ont rédigé un excellent rapport, dont je recommande la lecture, dans lequel ils ont longuement développé leur analyse de la situation.
Je les citerai concernant les conséquences de l’opération « Plomb durci » : « L’impact sur l’opinion internationale, choquée par l’extrême brutalité de l’armée israélienne, fut profondément négatif. Plusieurs ONG, notamment israéliennes, ont recensé les violations du droit international humanitaire commises par l’armée israélienne. »
Les deux rapporteurs ont été frappés par « la sélectivité et la précision des frappes israéliennes qui ont systématiquement visé les infrastructures : écoles, hôpitaux, bâtiments administratifs, occasionnant un nombre élevé de victimes civiles […]. Dans deux cas au moins, des bombes au phosphore ont été utilisées, l’une sur l’hôpital du Croissant rouge, l’autre sur le dépôt des Nations unies. »
Ces conclusions de nos deux collègues sont à mettre en parallèle avec le rapport de la mission mandatée par l’ONU sous la responsabilité du juge Richard Goldstone.
En effet, ce rapport établit que les attaques de l’armée israélienne contre Gaza avaient été « délibérément disproportionnées afin de punir, terroriser et humilier la population civile ».
Il ajoute : « Les opérations militaires de Gaza ont été, selon le Gouvernement israélien, minutieusement et longuement planifiées. Alors que le Gouvernement israélien s’est efforcé de faire passer ces opérations comme une réponse aux attaques de roquettes dans l’exercice de son droit à la légitime défense, la mission considère que ce plan a été dirigé, au moins en partie, contre une cible différente : le peuple de Gaza en tant que tel. »
Nous aurions pu légitimement attendre des États-Unis, de la France et de l’Union européenne des prises de position courageuses incitant fortement l’État d’Israël et les Palestiniens désormais encore plus divisés à reprendre le chemin de la paix.
Si les premières déclarations du président Obama ont donné des signes extrêmement positifs en ce sens, le peu de fermeté de son administration, face à la poursuite de la colonisation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie, ainsi que les déclarations contradictoires d’Hillary Clinton ont renforcé au contraire le Gouvernement israélien dans sa politique de violence et de mépris à l’égard des Palestiniens.
L’attitude de la France, quant à elle, à l’égard du rapport Goldstone est consternante ! Ses représentants à l’Assemblée générale de l’ONU ont tout simplement refusé de prendre part au vote qui devait conduire à son adoption. L’Union européenne est d’ailleurs apparue très divisée, faisant voler en éclats toute illusion d’une position commune sur le dossier.
Sur le plan économique, c’est encore pire. Alors que l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël est subordonné à l’application d’une clause prévoyant que les relations entre les parties doivent être fondées sur le respect des droits de l’homme, le respect de la démocratie et sur l’engagement d’Israël à réaliser des progrès dans le processus de paix, un nouvel accord commercial agricole vient d’être conclu pour exempter de taxes certains produits alimentaires israéliens exportés vers l’Europe.
L’impunité dont jouit l’État d’Israël éloigne chaque jour un peu plus les perspectives de paix et renforce les tensions dans la région. Je pense évidemment au Liban et à l’Iran.
C’est pourquoi, pour le groupe CRC-SPG, le Gouvernement français doit refuser tout rehaussement des relations entre l’Union européenne et Israël et contribuer à des pressions économiques jusqu’à ce que cet État montre des « signes sérieux de bonne volonté traduits par des résultats tangibles sur le terrain ».
Avec des échanges supérieurs à 25 milliards d’euros en 2007, Israël est l’un des plus grands partenaires commerciaux de l’Union européenne. L’Union est le premier marché d’exportation d’Israël et sa deuxième source d’importation.
Les exportations européennes vers Israël s’élèvent à 14 milliards d’euros. L’Union importe d’Israël un plus peu de 11 milliards d’euros de marchandises. Les pressions économiques seraient donc aisées à mettre en place.
Les autorités françaises, en lien avec l’Union européenne et les États-Unis, doivent contribuer à une solution rapide dans les négociations en cours sur une possible libération de Marwan Barghouti, qui pourrait contribuer efficacement à la nécessaire réconciliation palestinienne.
Dans un rapport remis récemment à Barack Obama, d’anciens hauts responsables américains, républicains et démocrates, déclarent : « Ne pas agir se révélera extrêmement coûteux [...]. Cela risquera de déboucher sur la disparition définitive de la solution à deux États si les colonies se développent, se retranchent et si les extrémistes consolident leur influence des deux côtés. Bref, les six ou douze prochains mois représenteront sans doute la dernière chance pour une solution équitable, viable et durable ».
Il y a donc urgence à agir, c’est pourquoi le Gouvernement français doit jouer un véritable rôle moteur en s’engageant plus résolument en faveur d’une résolution politique de ce conflit.
Le groupe CRC-SPG demande à la présidence du Sénat d’organiser sans tarder un débat sur cet important sujet pour la paix au Moyen-Orient et dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je remercie mon collègue Michel Billout des positions qu’il vient de prendre sur la situation au Moyen-Orient. Nous aurons au mois de janvier un débat qui nous permettra d’approfondir notre réflexion sur l’évolution de la situation.
Avant d’aborder mon propos personnel, je souhaite me faire l’écho, si vous le permettez, d’une déclaration sur la francophonie rédigée par le sénateur Jean Besson, au nom du groupe socialiste.
« La francophonie, dit-il, est un engagement constitutionnel qui malheureusement ne connaît pas de traduction dans le projet de loi de finances. Les actions ainsi que les crédits affectés à l’influence culturelle et linguistique de la France sont éparpillés, ce qui dénote une absence de stratégie cohérente, que nous ne pouvons que regretter. »
Notre collègue Jean Besson dénonce la baisse des crédits accordés au réseau culturel et aux Alliances françaises ainsi que la baisse des crédits de bourses universitaires. Il déplore la fermeture de centres culturels et la réduction des crédits destinés à la promotion du français.
Enfin, il insiste sur l’importance de l’Internet. Il déclare ainsi : « Je suis convaincu que l’avenir de la francophonie passe par Internet. Je rappelle que l’insertion de la francophonie dans la société de l’information était inscrite comme objectif prioritaire au sommet de Cotonou en 1995. Mais force est de constater que, malgré une progression récente, la place du français sur la Toile reste désespérément faible : il représente seulement 5 % des langues utilisées par les internautes, loin derrière l’anglais. Une réflexion sur les contenus doit être approfondie afin de donner du sens et une réelle valeur ajoutée aux actions menées ».
Seulement 340 000 euros seront affectés cette année au portail numérique francophone. Pouvez-vous nous informer, monsieur le ministre, sur son ambition et son contenu ?
C’est maintenant la sénatrice représentant les Français établis hors de France qui s’exprime.
Monsieur le ministre, pour la première fois depuis trente ans, le budget d’aide sociale de votre ministère remet en cause le principe que nous avions fait triompher dans les années quatre-vingt : « La solidarité nationale fait fi des frontières. » Cela doit vous rappeler quelque chose, monsieur le ministre ! « Elle s’exerce en faveur des Français à l’étranger, citoyens à part entière de la Nation. »
Le budget d’aide sociale que nous examinons aujourd’hui est l’un des pires de tous ceux que j’ai eu à connaître en dix-sept ans de mandat parlementaire.
En une seule année, de 2009 à 2010, les crédits d’aide sociale destinés aux Français de l’étranger s’effondrent de 11,3 %, selon le chiffre indiqué dans le tableau de la note Achille.
Mais si l’on étudie ces crédits sur la moyenne période, c’est bien pire ! En 2001, 900 000 Français étaient inscrits dans nos consulats, qui disposaient de 17,4 millions d’euros pour l’action sociale. En 2009, 1,4 million de Français sont inscrits dans les consulats, qui ne disposeront plus, en 2010, que de 14,8 millions d’euros pour faire face aux situations de détresse.
Résumons : plus le nombre de Français émigrés augmente moins la solidarité nationale s’exerce en leur faveur !
Plus grave, si l’on fait le calcul de l’évolution de ces crédits en tenant compte de l’érosion monétaire, on constate que les 17,4 millions d’euros de 2001 correspondraient en 2009 à 19,7 millions d’euros.
Ainsi, en huit ans, les Français de l’étranger ont perdu en réalité 5 millions d’euros d’aide sociale !
Les personnes les plus démunies, les handicapés, les éclopés de l’émigration – il y en a, car il n’existe pas de filet, pour l’émigration ! –, les femmes divorcées bloquées avec leurs enfants sans pension alimentaire dans le comté de New York ou en Turquie et les vieillards dépourvus de retraite, ont vu fondre de 25 % les crédits d’aide sociale mis à la disposition des consulats. En seulement huit ans, 25 % de diminution !
Autrement dit, en huit ans, 56 % d’expatriés en plus et 25 % de crédits d’aide sociale en moins !
Transposez cela pour n’importe quelle catégorie sociale de l’Hexagone et vous meublerez les étranges lucarnes de magnifiques émeutes pour plusieurs semaines, à longueur de journaux télévisés.
Avec les Français de l’étranger, vous êtes tranquille : ils sont dispersés et ne peuvent pas se plaindre de leur sort !
Depuis le retour de la droite aux affaires, les consulats ont dû renoncer – cela n’a pas été de gaieté de cœur ! – aux actions sociales de réinsertion dont j’avais établi la liste et décrit les modalités lors de l’enquête effectuée à la demande du Premier ministre Lionel Jospin, en 1999.
Depuis 2002, à coup de suppressions de postes d’assistants sociaux et de raréfaction de crédits, la charité publique du XIXe siècle a repris le pas sur la solidarité nationale que nous avions mise en œuvre.
On va beaucoup plus vite pour reculer que pour avancer ! Il n’aura fallu que huit ans pour reculer d’un siècle en matière d’aide sociale pour les Français à l’étranger !
On a supprimé les allocations à durée déterminée, qui permettaient de faire face à un brutal accident de la vie. On a tenu bon en revanche sur l’âge fatidique de soixante-cinq ans, qui donne droit à l’allocation vieillesse, surtout dans des pays où l’espérance de vie atteint difficilement soixante ans... On a réduit les secours occasionnels, pourtant si utiles pour subvenir aux soins de malades sans ressources.
Au total, au moment où le nombre des Français à l’étranger augmentait de 56 %, l’administration a dû réduire le nombre de bénéficiaires d’un secours de près de 10 %, soit un passage de 5 500 à 5 000 personnes, alors que la crise économique mondiale sévit, et il n’y a pourtant pas beaucoup de raisons pour que les Français établis à l’étranger en souffrent moins que les Français de France...
On nous annonce donc cette année une suppression modulée des 242 aides actuellement accordées à des Français en détresse en Union européenne et, surtout, la baisse de 10 % des allocations dans le reste du monde.
À Brazzaville, l’une des trois villes les plus chères du monde – fait peu connu –, les personnes âgées et les handicapés devront s’arranger pour vivre avec 370,8 euros par mois, au lieu de 412 euros l’année dernière. À Los Angeles, ce sera 589,5 euros, au lieu de 655 euros ! Et à Vilnius, 207 euros pourront bien faire l’affaire quand on savait déjà se débrouiller l’année précédente avec 230 euros !
Quand il s’agit de se serrer la ceinture, les pauvres sont particulièrement efficaces !
M. Robert Hue. Très bien !
M. Ivan Renar. Il faudrait demander au PDG de Véolia de les aider !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour tous ceux d’entre nous, à droite comme à gauche de l’hémicycle, qui connaissent la pauvreté de plusieurs dizaines de milliers de Français de l’étranger, cette situation est inacceptable.
Plusieurs amendements, dont celui qui est proposé par M. Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, identique à celui qui a été voté à mon initiative par la commission des affaires étrangères, tendent à maintenir au moins l’aide aux personnes à son niveau de 2009.
Quel est l’avenir de la catégorie solidaire de la Caisse des Français de l’étranger, la CFE ?
Pour la seconde année consécutive, l’État ne participe au financement de la catégorie solidaire de la Caisse des Français de l’étranger qu’à hauteur de 500 000 euros.
Créée par la loi du 17 janvier 2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin, cette modalité d’adhésion à l’assurance maladie a bénéficié à 8 000 personnes, les assurés et leurs ayants droit.
Ainsi, sans avoir abrogé la loi, sans avoir réécrit le décret d’application, le Gouvernement cesse d’appliquer, en pratique, la loi votée et promulguée. En somme, sans le dire, le Gouvernement rouvre le dossier.
Eh bien, chiche ! Oui, il est temps d’évaluer le dispositif.
Combien coûte-t-il à la Caisse des Français de l’étranger ? Combien coûte-t-il à l’État ? Combien coûte-t-il en salaires d’agents consulaires ?
Il est temps que le ministère des affaires étrangères, qui n’est qu’un guichet dans un système dont il n’a pas la tutelle, demande à la direction de la sécurité sociale d’effectuer l’audit qui nous éclairera tous. S’il faut modifier le dispositif, le rendre moins coûteux en gestion administrative, pourquoi pas ? L’essentiel est la protection contre le risque maladie du plus grand nombre possible de nos compatriotes.
Et si une quatrième catégorie d’adhésion, dont les cotisations seraient assises sur le tiers ou le quart du plafond de la sécurité sociale, pouvait être enfin étudiée, pourquoi pas ?
Cela dit, monsieur le ministre, il faut vous reconnaître, à vous, beaucoup plus de cohérence politique qu’à tout le reste du Gouvernement (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.).
Sans jouer au courtisan – vous me permettrez d’éviter le féminin - force m’est de reconnaître que, en votre qualité de ministre des affaires sociales des Français de l’étranger, vous avez eu le courage de faire payer aux pauvres les cadeaux que vous faites aux riches ! Alors que vos collègues, franchement, c’est gribouille et compagnie !
D’un côté, le bouclier fiscal, avec, à la clé, des chèques de centaines de milliers d’euros pour quelques milliardaires pressurés par le fisc et, simultanément, une augmentation du RMI de 1,2 % ; pis encore, une allocation adultes handicapés qui gagne 2,2 %, et enfin, pour vraiment dilapider le budget de l’État, un minimum vieillesse qui bondit... de 4,7 % !
Vos collègues n’ont pas le courage de leurs opinions, contrairement à vous, monsieur le ministre. En effet, d’un côté, vous faites le cadeau de la prise en charge des frais de scolarité à 8 690 lycéens pour un montant moyen de 4 207 euros par bénéficiaire ; de l’autre, vous instituez une diminution de 10 % de 5 000 allocations de vieillesse et de handicap, dont les montants s’échelonnent de 230 à 655 euros. Petite économie, certes, comparée à une grande dépense, mais dit en novlang d’aujourd'hui, c’est « vertueux » !
En cela, monsieur le ministre, votre budget est exemplaire et, puisque l’on doit noter les ministres, vous méritez bien un prix d’excellence, mention RGPP !
Et voilà pourquoi, docteur, monsieur le ministre, l’opposition socialiste, qui n’est pas plus muette que la patiente de Sganarelle, votera bruyamment contre votre budget ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)