M. le président. La parole est à M. André Trillard, rapporteur pour avis.
M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Action extérieure de l’État », qui regroupe les financements affectés au ministère des affaires étrangères et européennes, ne représente, avec 2,63 milliards d’euros, qu’une fraction minoritaire – 40 % – de l’ensemble des crédits de paiement consacrés par la France aux « Affaires étrangères », lesquels s’élèvent, au total, à 6,693 milliards d’euros pour 2010.
Néanmoins, le ministère revendique une part prépondérante dans la conduite des actions extérieures de la France, puisque l’ensemble de ses services extérieurs sont placés sous l’autorité de nos ambassadeurs.
Les principaux éléments de l’action diplomatique sont concentrés dans le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », englobant près du tiers des crédits et la moitié des emplois du ministère, avec 8 254 équivalents temps plein travaillé.
L’ensemble progresse de 2,1 % à périmètre constant. En intégrant les loyers budgétaires, les crédits passent de 1,609 milliard d’euros à 1,708 milliard d’euros. Cette légère progression bénéficie, pour l’essentiel, aux contributions internationales et aux opérations de maintien de la paix, ainsi qu’au renforcement de la sécurité du réseau diplomatique.
Ainsi 50 millions d’euros supplémentaires sont-ils attribués aux contributions internationales, dont 46,4 millions d’euros pour les opérations de maintien de la paix. Le nombre de ces dernières, décidées par l’ONU, a beaucoup augmenté en raison de l’instabilité internationale croissante qui a marqué la période récente. Ces opérations, dont vous trouverez la liste avec leur date de création et leurs effectifs respectifs dans mon rapport écrit, mobilisent de nombreux personnels et, partant, de lourds montants financiers.
Les résultats obtenus par les troupes affectées dans ce cadre sont pour le moins inégaux, comme l’illustre la situation toujours troublée dans la région des grands lacs africains. Toutefois, faute d’une solution de remplacement, les OMP représentent souvent le seul recours disponible pour la communauté internationale en vue d’apaiser les tensions les plus vives et de défendre les populations civiles contre les exactions des troupes, régulières ou non.
Les opérations de maintien de la paix représentent une part prépondérante dans le budget de l’ONU, avec 7,8 milliards de dollars prévus pour 2010, soit les trois quarts du budget de cette organisation. La part du programme 105 qui leur est dévolue passe ainsi de 370 millions d’euros en 2009 à 420 millions d’euros en 2010. Cet effort de sincérité budgétaire est louable. Mais, il faut le souligner, la part des engagements multilatéraux dans le budget du ministère augmente au détriment des financements bilatéraux. Ces derniers, vecteurs privilégiés de notre action diplomatique, constituent, dans les faits, la seule variable d’ajustement.
Aussi est-il regrettable que les crédits d’intervention attribués à notre coopération de sécurité et de défense plafonnent à 31,5 millions d’euros, comme en 2009, après avoir décru de 10 millions d’euros en 2008. La formation, en France ou en français, des élites militaires, alors même qu’elle fait l’objet de nombreuses demandes émanant de pays aussi divers que l’Éthiopie ou le Kazakhstan, pour n’en citer que quelques-uns, s’en trouve réduite, ce qui compromet notre présence dans le monde, aujourd’hui comme dans une vingtaine d’années.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’en viens maintenant au programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires ».
Il s’élève à 324,7 millions d’euros en crédits de paiement, soit 12,3 % de l’ensemble de la mission « Action extérieure de l’État », et regroupe 3 407 équivalents temps plein travaillé. Des trois actions qui le composent, seuls progressent les crédits affectés à l’accès des enfants français au réseau de l’AEFE, avec 20 millions d’euros attribués à la prise en charge du coût de la scolarité des élèves de seconde, achevant ainsi, pour les classes de lycée, la promesse du Président de la République d’instaurer la gratuité de l’enseignement français à l’étranger.
Rappelez-vous, en 2008, le Sénat et l’Assemblée nationale s’étaient émus du coût important de cette prise en charge. Ces avertissements ont été entendus, monsieur le ministre, puisque vous avez annoncé que son éventuelle poursuite serait subordonnée à un audit mené en juillet 2010, en concertation avec l’AEFE, sur son coût prévisionnel et les conditions de son encadrement.
Le niveau des autres financements attribués au programme 151 suscite des interrogations, notamment la diminution des crédits d’action sociale attribués à nos consulats, qui régressent de 19 à 17,5 millions d’euros.
Par ailleurs, les crédits consacrés à l’instruction des demandes de visas restent stables, à 38,5 millions d’euros. Mais cette dernière devra faire face aux coûts induits par l’extension des visas biométriques, dont la délivrance requiert des locaux, du matériel adapté et la venue, en personne, des demandeurs dans les consulats. Tout cela est loin d’être simple !
Je tiens à faire part de ma préoccupation face aux conséquences de l’application de la révision générale des politiques publiques au ministère, qui doit « rendre » 700 ETPT durant la période 2008-2011 et qui voit son budget régresser, mais pas l’étendue de ses missions !
En conclusion, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande d’adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » pour 2010, en formant le vœu que les années à venir soient plus équilibrées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cette intervention en qualité de rapporteur pour avis, je souhaiterais évoquer trois sujets.
Le premier concerne la réduction des crédits du programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique », et plus particulièrement la forte diminution des bourses destinées aux étudiants étrangers.
En 2009, les crédits consacrés à l’action culturelle extérieure et à la coopération éducative et scientifique ont baissé en moyenne de 13 % sur le programme 185, qui a notamment pour objet la coopération avec les pays développés, et de 19 % sur le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement ». Grâce à la rallonge budgétaire – merci, monsieur le ministre ! –, ils baisseront moins que prévu en 2010.
Les bourses universitaires, attribuées sur des critères d’excellence, constituent l’un des éléments de l’attractivité de nos établissements d’enseignement supérieur et du renforcement de la qualité des promotions formées. Plus nous avons d’étudiants étrangers de haut niveau, meilleures sont nos promotions.
Malheureusement, l’enveloppe des bourses destinées aux étudiants étrangers passe, cette année, de 17,5 à 14 millions d’euros, soit une baisse de 20 % pour le programme 185 et de 10 % pour le programme 209.
Au total, la France attire deux fois moins d’étudiants européens que l’Allemagne et trois fois moins que le Royaume-Uni.
La situation est aggravée par l’institution de la procédure d’inscription en ligne « Admission Post-Bac », qui doublonne la procédure « Centres pour les études en France » et complique l’accès des étudiants étrangers à nos universités, puisqu’ils ont deux inscriptions en ligne simultanées à réaliser pour s’inscrire dans une université en France !
En outre, la fiscalisation des bourses doctorales est une aberration. Dans certaines spécialités, 70 % des doctorants sont étrangers et leurs bourses sont très largement financées par leur pays d’origine. Accepteront-ils longtemps la pression fiscale que la France exerce ainsi sur eux ?
Monsieur le ministre, dans un contexte de concurrence accrue entre les grands pays pour attirer les meilleurs étudiants étrangers, comment pouvez-vous justifier cette forte diminution des bourses et comment comptez-vous obtenir une simplification des modalités d’inscription à l’université ?
Mon deuxième sujet porte sur la réduction des subventions versées aux Alliances françaises. Je n’évoquerai pas le réseau ; nous aurons l’occasion d’y revenir.
Tout le monde s’accorde à reconnaître le rôle majeur joué par les Alliances françaises. Or, en 2010, celles-ci verront leur subvention diminuer de 21 % sur le programme 185 et de 24 % sur le programme 209. Au moment où s’engage une réforme de notre diplomatie culturelle, n’est-il pas paradoxal de réduire ainsi leurs crédits ?
Enfin, mon dernier sujet porte sur le budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
Certes, la dotation de l’État à l’AEFE est en progression en 2010. Toutefois, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, cette augmentation ne sera pas suffisante pour permettre à l’Agence de faire face au transfert par l’État des cotisations patronales des personnels détachés et des programmes immobiliers pour lesquels elle a reçu compétence sans aucune contrepartie budgétaire.
L’AEFE se voit donc contrainte de transférer ces charges obligatoires sur les familles. Les droits de scolarité augmentent depuis quelques années de 10 % à 20 % par an, avec, bien évidemment, un effet multiplicateur entraînant mécaniquement une hausse de la demande de bourses sur critères sociaux et du coût de la prise en charge par l’État de la scolarité des lycéens.
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de répondre à la forte demande de scolarisation française au sein du réseau de l’AEFE si vous continuez à accepter que le ministère du budget prive l’Agence d’enseignants expatriés et de crédits d’investissement ? Je vous fais remarquer que nous n’avons pas pu adopter le plan d’orientation stratégique défini par l’Agence en raison de l’opposition du ministère du budget la semaine dernière. À mon avis, le budget en la matière devra être révisé dès le premier trimestre de 2010 et faire l’objet d’une nouvelle approbation. L’avenir de l’AEFE m’inquiète donc grandement.
Malgré tout, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a décidé d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », sous réserve que soit voté un amendement visant à augmenter les crédits destinés à l’aide sociale des Français de l’étranger. Toutefois, à titre personnel, je vous précise que je ne voterai pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Yves Dauge, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, globalement, les crédits du programme 185 consacrés, hors subvention à l’AEFE, à la diplomatie publique d’influence culturelle, linguistique et intellectuelle s’établiront, en 2010, à 88 millions d’euros, contre 92 millions d’euros en 2009.
M. Jean-Louis Carrère. Aïe, aïe, aïe !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Cette baisse des moyens de la coopération culturelle, linguistique et universitaire intervient alors même que, au titre des exercices budgétaires 2009 et 2010, une rallonge exceptionnelle de 40 millions d’euros, soit 20 millions d’euros par an, a été consentie au réseau culturel à l’étranger. En réalité, cette rallonge ne devrait permettre, au mieux, que de maintenir à leur niveau de 2009 les crédits destinés à l’action culturelle extérieure, compte tenu de la diminution sensible prévue dans la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
En outre, les subventions aux Alliances françaises seront réduites de 21 %. Les moyens consentis à notre politique de bourses universitaires et scientifiques affichent également une dégradation préoccupante de 19 % sur le programme 185.
Sur les 508 millions d’euros de ce programme, environ 420 millions d’euros sont destinés à l’AEFE. Pour autant, celle-ci devrait connaître, une nouvelle fois, une situation budgétaire très délicate en 2010, avec un manque de financement évalué à 10 millions d’euros par rapport à son projet de budget.
Cela tient notamment au poids des charges sociales patronales des personnels, mais aussi à la forte hausse des frais de scolarité des établissements à l’étranger et au coût de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français.
Si elle fait désormais l’objet d’un moratoire pour son extension au-delà de la classe de seconde, une telle prise en charge a toutefois encouragé les établissements à augmenter ces frais, ce qui a entraîné une hausse mécanique des demandes de bourses octroyées sur critères sociaux.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut réfléchir à un plafonnement de la prise en charge selon les conditions de ressources des familles et le pays de résidence.
M. Robert Hue. Très bien !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Les économies ainsi obtenues pourraient être réaffectées au programme immobilier de l’AEFE, qui ne dispose pas des ressources suffisantes pour assumer, seule, la charge liée au transfert de la totalité du patrimoine des établissements scolaires appartenant à l’État. Au total, 30 à 50 millions d’euros supplémentaires seraient nécessaires pour lui permettre de relever les défis découlant de sa politique immobilière.
Je ne vous le cache pas, l’analyse des crédits de notre action culturelle extérieure me laisse toujours perplexe quant à la capacité de notre pays à redynamiser sa diplomatie d’influence.
Le projet de loi du Gouvernement relatif à la création de deux établissements publics à caractère industriel et commercial chargés de la coopération culturelle et linguistique et de la promotion des échanges universitaires, scientifiques et techniques souffre ainsi d’un double déficit en termes d’ambition.
Monsieur le ministre, en évacuant la question du rattachement du réseau culturel à la future agence chargée de la coopération culturelle et linguistique, ce texte prend le risque d’apparaître comme une réforme cosmétique débouchant sur la création de deux « coquilles vides », ce que nous ne souhaitons pas.
L’ambition du projet de loi reste finalement proportionnelle à l’ampleur de l’effort financier, somme toute limité, que l’État est prêt à consentir pour la relance de son action culturelle à l’étranger. Il est naturel que les acteurs de notre réseau manifestent leur inquiétude quant à la réforme proposée, compte tenu du contexte budgétaire préoccupant qui est le leur depuis très longtemps déjà.
Dans ces conditions, nous estimons que la relance effective de notre dispositif d’influence culturelle et linguistique à l’étranger est subordonnée à la mise en œuvre des dix recommandations formulées dans le rapport d’information commun aux commissions de la culture et des affaires étrangères du Sénat, adopté à l’unanimité en juin dernier.
Monsieur le ministre, tels sont les termes de l’intervention qu’entendait faire M. Dauge.
J’ajouterai, en conclusion, que les membres de la commission de la culture ont souhaité, à l’unanimité, marquer leur inquiétude en s’en remettant à la sagesse de la Haute Assemblée sur les crédits du programme 185 de la mission « Action extérieure de l’État ».
Nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous précisiez vos intentions en ce qui concerne les relations culturelles extérieures. Nous voulons surtout vous aider à faire en sorte que la France, qui a tant à dire au monde, donne à son ministère des affaires étrangères les moyens dont il a besoin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que je profite de cette brève intervention pour vous faire part, d’abord, de quelques considérations générales sur notre politique étrangère, en souhaitant par ailleurs que notre assemblée puisse pleinement débattre de ces sujets en d’autres circonstances.
Ici même, l’année dernière, je déplorais une forme certaine d’hyperactivité diplomatique du Président de la République, agaçant alors plus d’un chef d’État et provoquant de fortes crispations. J’ai aujourd’hui le sentiment que la France, et avant tout son Président, à s’être trop agitée, s’est sensiblement affaiblie.
La crise financière a secoué la planète, la donne a changé, mais, malheureusement, nous n’en avons ni pris toute la mesure ni engagé les actions qui convenaient. Ainsi, la crise aurait pu et dû être l’occasion pour l’Union européenne de promouvoir un autre modèle économique, social et écologique, pour apparaître enfin aux yeux des peuples européens comme une protection contre les ravages d’un système capitaliste financiarisé à l’extrême. Mais la trop grande faiblesse de son budget ne lui permet pas de répondre aux enjeux actuels.
La politique extérieure des États-Unis, comme nous le craignions à l’époque, n’a pas gagné en clarté depuis l’élection de Barack Obama, et ce pour des raisons de politique intérieure que chacun peut comprendre.
Nous nous retrouvons embourbés dans le conflit afghan et nous n’arrivons pas à nous imposer en tant que partenaire des pays émergents. À ce propos, quid de l’Inde ? Quant à notre position de refus d’une entrée à terme de la Turquie dans l’Union européenne, elle n’est guère tenable. Nous avons réintégré le commandement de l’OTAN. Parallèlement, en Afrique, la poursuite d’une politique d’un autre âge est dangereuse.
Le 26 août dernier, à l’occasion de la traditionnelle Conférence des ambassadeurs, le Président de la République a fait quelques déclarations, l’une d’elles portant sur la limitation des bonus bancaires. À cet égard, il est à noter que toutes ces déclarations d’intention ne sont guère suivies d’effet, mais c’est un autre débat. Il a également menacé l’Iran d’un « renforcement très substantiel des sanctions », au cas où Téhéran ne répondrait pas favorablement aux propositions de reprise des négociations avec les Occidentaux sur son programme nucléaire, en ajoutant : « La France soutiendrait alors des sanctions économiques sévères, à la hauteur de l’enjeu, au Conseil de sécurité [de l’ONU] et au Conseil européen ».
Monsieur le ministre, voilà une position très dure, qui, jusqu’à ces derniers jours, ou plutôt ces dernières heures, détonnait avec vos propres propos tendant à prôner l’ouverture d’un dialogue et semblait nous mettre à la remorque des États-Unis de l’époque Bush. Quelle est, aujourd’hui, en temps réel, serais-je tenté de dire, notre position sur cette question du nucléaire iranien ?
Nous sommes frappés par l’absence de vision à long terme et l’indécision dont fait preuve le Gouvernement. Cette dernière est la conséquence de notre perte d’autonomie stratégique depuis notre réintégration pleine et entière du commandement militaire de l’OTAN, sans avoir exigé la moindre contrepartie. Vous semblez ainsi suspendu aux mesures que doit annoncer le président Obama, lequel a bien du mal, justement, à se soustraire à la doctrine guerrière privilégiée par l’ancienne administration de son pays.
Comme l’a souligné avec force ma collègue Michelle Demessine au cours du débat sur l’Afghanistan qui s’est tenu, ici même, le 16 novembre dernier, c’est en affirmant clairement des objectifs de paix, en équilibrant habilement actions militaires et actions humanitaires et de développement, que nous pourrons, dans le même temps, œuvrer à un processus de retrait de nos troupes.
C’est pourquoi, je vous le redemande, il est nécessaire de réintégrer pleinement l’ONU dans la résolution de ce conflit et proposer l’organisation d’une conférence régionale. Ne me répondez surtout pas qu’une telle décision revient aux Nations unies ! Une proposition reste une proposition : pour qu’elle soit refusée, encore faut-il avoir le courage et l’envie de la proposer. Nous devons sortir du « tout-militaire » en Afghanistan !
En ce qui concerne l’Afrique, je ne reviendrai pas sur les discours à forts relents colonialistes que nous avons souvent évoqués ici même. La France se doit d’être claire avec son passé et de traiter tous les pays de ce continent avec le respect auquel ils ont droit, tout en veillant à la préservation des libertés partout dans le monde.
À ce propos, j’évoquerai la Guinée. La réponse à la demande de l’instauration d’une cour pénale internationale formulée par la France se fait attendre. Il est urgent que cesse toute coopération avec le régime militaire de Moussa Dadis Camara. Quelle est votre position sur ce sujet, monsieur le ministre ?
Enfin, concernant le conflit au Proche-Orient, malgré le gel annoncé, la colonisation s’intensifie. Quant à l’Union pour la Méditerranée, pourtant si prometteuse, elle semble, à bien des égards, au point mort.
M. Didier Boulaud. Plouf !
M. Robert Hue. Je réserve toutefois à mon collègue Michel Billout le soin de revenir sur cette question.
J’en viens maintenant au projet de budget proprement dit.
En définitive, la même question revient chaque année : « Avons-nous les moyens de nos ambitions ? » La réponse est : « Non ! » Les crédits attribués pour 2010 sont insuffisants. Les lignes budgétaires ne sont pas plus claires que la politique extérieure de la France dans son ensemble. Tout cela manque, précisément, de ligne directrice.
L’une de mes grandes inquiétudes porte sur le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique », essentiel pour l’influence et le rayonnement de la France à l’étranger. Faisant l’objet d’un partage pour le moins opaque entre ce dernier et le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », les lignes budgétaires manquent de lisibilité.
Malgré une augmentation de 40 millions d’euros, répartie entre 2009 et 2010, la portée du programme 185 continue de diminuer. En effet, les crédits consacrés à notre diplomatie d’influence devraient passer de 92 millions d’euros en 2009 à 80 millions d’euros en 2010 et à 77 millions d’euros en 2011 !
La révision générale des politiques publiques est en route, le plan de rigueur étant d’une extrême sévérité. Conséquence immédiate : la fermeture, depuis 2002, de onze centres et instituts culturels et de deux alliances françaises, lesquels jouent pourtant un rôle essentiel aux côtés de nos ambassadeurs en rendant possible la promotion de notre culture et de notre langue.
Les crédits relatifs à ces réseaux, plus particulièrement les subventions accordées aux alliances françaises, enregistrent une baisse de 21 %, passant de 17,3 à 14,1 millions d’euros en 2010.
Par ailleurs, je regrette profondément la situation dramatique dans laquelle se trouve l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir tiré le signal d’alarme depuis plusieurs années !
Asphyxiée financièrement, l’AEFE ne peut répondre à la croissance des besoins. Chaque année, il faudrait scolariser 5 000 enfants supplémentaires dans notre réseau, mais celui-ci est saturé. Le fonds de roulement s’élève à moins de 15 millions d’euros en 2009, ce qui ne représente que quelques jours de fonctionnement.
Pour faire face à cette situation, une augmentation des frais de scolarité a été instaurée dès le mois de septembre dernier. Cette disposition, parfaitement discriminatoire pour de nombreuses familles et signant de fait le désengagement de l’État en la matière, a été fortement contestée.
La France poursuivra donc la rationalisation de son réseau en 2010 : deux nouvelles fermetures sont annoncées en Italie, ainsi que des suppressions d’effectifs en Espagne. En tout, 255 emplois disparaîtront, en vertu de la règle du non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite. Vous-même, monsieur le ministre, n’avez pas exclu des licenciements secs en « dernier recours ». Pouvez-vous rassurer les personnels du ministère et les agents consulaires, lesquels, confrontés à un flou incroyable depuis deux ans, n’entraperçoivent qu’un sombre avenir ? Croyez-vous que l’influence de la France dans le monde se trouve grandie par tant de reculs ?
Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour redire mon inquiétude quant au projet de classification des ambassades françaises en trois niveaux, qui fait toujours l’objet d’une réelle incompréhension dans les pays concernés. Certains pays seraient-ils donc moins importants que d’autres ? La diplomatie ou simplement la prise en compte des intérêts de nos ressortissants demeurant dans les pays les moins bien dotés ne revêtent-elles qu’une importance mineure ? Tout cela n’est pas vraiment compréhensible et, permettez-moi de le dire, fort peu diplomatique.
Ce type de réorganisation s’apparente à un vrai jeu de massacre ! En procédant ainsi, quel message la France veut-elle transmettre ?
En outre, la réforme aboutira au regroupement à Nantes d’une très grande partie des activités d’état civil, initialement dévolues aux consulats, plus particulièrement dans les pays du Maghreb. Les personnels de Nantes dénoncent une réforme à marche forcée, sans aucune concertation. Ils redoutent non seulement, je l’ai déjà rappelé, des suppressions de poste, mais aussi une dégradation de leurs conditions de travail. Contrairement à ce qu’affirment de nombreux parlementaires de la majorité, cette réforme affaiblira considérablement notre diplomatie d’influence à l’étranger.
Le temps me manque malheureusement pour évoquer des sujets aussi divers que l’audiovisuel extérieur, le train de vie du ministère (M. le ministre s’exclame), la nouvelle politique de flux migratoire ou encore le futur établissement à caractère industriel et commercial à vocation culturelle. Je le sais, des courriers circulent entre les administrations sur ce dernier sujet. Peut-être aurez-vous le temps, monsieur le ministre, de nous en dire quelques mots, avant que le texte final ne soit élaboré et n’arrive en discussion devant le Sénat.
Il est également indispensable que le Parlement soit informé directement, et en temps utile, des décisions de politique étrangère du Gouvernement, pour pouvoir en débattre et voter. Si tel était le cas, nous pourrions, lors du débat budgétaire, nous intéresser plus précisément aux modalités propres à la loi de finances. Il est pour le moins significatif que, aujourd’hui, nous soyons contraints de réserver une grande partie de notre temps de parole pour émettre notre avis sur la politique étrangère.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget manquant cruellement d’ambition pour la France, le groupe CRC-SPG votera contre.
Je souhaite cependant rendre hommage à tous les personnels de nos représentations diplomatiques en poste en France ou à l’étranger, qui, dans un contexte particulièrement difficile, font de leur mieux pour représenter notre pays, comme j’ai encore pu le constater moi-même, voilà quelques semaines, à l’occasion d’un déplacement d’une délégation de la commission des affaires étrangères à l’ONU. Sachez-les entendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)