M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Effectivement, M. Barbier aborde, par son amendement, un sujet tout à fait fondamental.
Monsieur Jégou, le pacte de 1945 n’est pas une clause de style : il a un contenu. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, en réponse aux orateurs – j’avais ainsi déjà réagi sur cette proposition de M. Barbier –, le concept du pacte de 1945 est le suivant : chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.
M. François Autain. Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le réglage en fonction des moyens s’opère au niveau des cotisations, et non au niveau des prestations.
M. François Autain. Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Or, dans votre proposition, monsieur Barbier, vous introduisez un double réglage : vous maintenez l’ajustement au niveau des cotisations, mais vous intégrez également un ajustement au niveau du versement des prestations. C’est effectivement un débat tout à fait important et central !
Toutefois, selon moi, le décor d’un tel débat ne peut être qu’une élection présidentielle : seul un candidat à l’élection présidentielle peut en effet poser ce débat et le soumettre à l’opinion. Ce sera peut-être d’ailleurs le thème principal de l’élection présidentielle de 2012 : quelle sécurité sociale voulons-nous ? Comment la bâtissons-nous ? Allons-nous rénover ce pacte social qui nous mène depuis cinquante ans ? Ce n’est pas un débat médiocre, et bien malins sont ceux qui peuvent dire où sont les bons et les méchants dans cette discussion !
Cela étant dit, mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre de problèmes demeurent.
Dans cette affaire, je ne suis pas restée inerte ! J’ai confié une mission de réflexion à MM. Briet et Fragonard, dont je tiens le rapport à votre disposition. Ces militants du bouclier sanitaire, que vous connaissez sans doute,…
M. François Autain. Nous les avons auditionnés !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … ont conclu qu’un tel dispositif présentait une très grande difficulté en termes de faisabilité. Voici quelques-uns des problèmes rencontrés.
Premièrement, l’échelle prévue pour ce bouclier sanitaire – de 1 à 10 – me paraît insuffisante. Par exemple, le bouclier sanitaire mis en place en Allemagne est fixé à 2 % des revenus. Ici, le montant de la franchise va de 50 euros à 500 euros, ce qui ne couvre pas l’éventail des revenus. En particulier, monsieur Barbier, permettez-moi de vous dire que la limite supérieure que vous fixez pour ce bouclier est bien modeste, même pour M. Jégou ! (M. le rapporteur pour avis acquiesce.)
Deuxièmement, les difficultés en matière informatique ne proviennent pas tant du croisement des fichiers que du concept qui sous-tend leur architecture. Le fichier des impôts est basé sur la notion de foyer fiscal ; un fichier d’assurance maladie l’est sur la notion d’ayant droit et d’assuré. Ces deux concepts n’ont rien à voir, ce qui rend le rapprochement des fichiers très complexe.
Troisièmement, il n’y a aucun accord des partenaires sociaux sur cette affaire. À la suite du rapport de MM. Briet et Fragonard, j’ai eu de longs entretiens avec ces partenaires sociaux : à la fois du côté des syndicats de salariés et du côté des acteurs du secteur des organismes complémentaires, c’est un rejet total !
Vous comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’orientation dont nous débattons conduirait plus ou moins à faire disparaître les organismes complémentaires du paysage de l’assurance maladie. Cela peut être un but recherché, mais nous ne pouvons pas avancer masqués sur cette question. Les citoyens, qui auront à en débattre, doivent avoir toutes les cartes en main pour pouvoir se prononcer.
C’est pourquoi, monsieur Barbier, tout en vous remerciant d’avoir suscité cet échange sur le bouclier sanitaire et sur le mode de financement de l’assurance maladie, j’estime que c’est un débat que nous aurons sans doute en 2012.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Madame la ministre, je vous rassure, je ne serai pas candidat aux prochaines élections présidentielles ! (Sourires.)
Je suis assez peu convaincu par vos arguments quant à l’informatique : nous disposons maintenant de systèmes assez sophistiqués qui nous permettent de recouper les foyers fiscaux et les ayants droit.
La prise en charge du petit risque est un problème que nous repoussons d’année en année. Or, madame la ministre, vous savez très bien qu’il existe, plus ou moins formellement, une différence d’accès aux soins, point dont nous reparlerons certainement au cours de ce débat : les personnes qui disposent de moyens financiers suffisants ont accès à des soins différents de ceux dont peuvent bénéficier les personnes sans moyens.
Nous sommes dans une situation difficile : nous n’avons pas trouvé de solution concernant les recettes, et je ne sais pas quel sera le résultat des économies que nous allons voter en termes de dépenses. De nombreux pays ont déjà adopté cette voie d’une participation des patients à la non-prise en charge du petit risque. S’agissant de la France et du pacte de 1945, peut-être, un demi-siècle plus tard, pouvons-nous sans trop choquer revenir sur une décision qui s’imposait au lendemain de la guerre pour offrir à chacun la possibilité d’être soigné ?
Je retire cet amendement n°114 rectifié, que je savais un peu provocateur, mais j’espère que nous pourrons revenir très prochainement sur ce sujet.
M. le président. L'amendement n° 114 rectifié est retiré.
M. François Autain. Quel dommage !
Article 28
I. – En 2010, le surcoût induit par les dépenses exceptionnelles liées à la pandémie grippale n’est pas pris en compte par le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie pour l’évaluation, en application de l’article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale, d’un risque de dépassement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.
II (nouveau). – L’indemnisation des personnels médicaux et paramédicaux libéraux et de ceux ayant cessé leur activité professionnelle requis, en application de l’article L. 3131-8 du code de la santé publique, pour procéder à la vaccination de la population contre la pandémie grippale H1N1, est financée en 2009 et 2010 par le fonds national d’assurance maladie de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. Ce fonds finance également l’indemnisation des personnels médicaux et paramédicaux salariés, des étudiants et internes requis dans les mêmes conditions et pour la même mission en dehors de leurs obligations de service, de stage ou de scolarité. Les employeurs ou les organismes de formation versent l’indemnité pour le compte de l’assurance maladie, qui les rembourse du montant de l’indemnité majoré des cotisations et contributions sociales auxquelles cette indemnité est soumise.
Le fonds national d’assurance maladie de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés rembourse également à l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, défini à l’article L. 3135-1 du code de la santé publique, l’indemnisation versée aux réservistes sanitaires au titre de leur participation à la campagne de vaccination de la population contre la pandémie grippale A/H1N1.
Le financement est réparti entre les régimes obligatoires d’assurance maladie dans les conditions prévues à l’article L. 162-37 du code de la sécurité sociale.
Le montant des indemnités est fixé par arrêté des ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Cet article tend à préciser que le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie ne pourra pas être activé si les dépassements sont liés aux frais liés à la pandémie grippale.
Nous comprenons l’esprit de cet article. L’épidémie de grippe va en effet entraîner des dépenses exceptionnelles. La Caisse nationale d’assurance maladie et les professionnels de santé engagés dans une demande d’efficience et de contenance des dépenses de soins ne peuvent être rendus responsables des charges supplémentaires liées à la pandémie. Il serait difficile de leur demander des efforts qui ne sont pas justifiables.
Toutefois, cet article appelle deux réserves de notre part.
Tout d’abord, nous ne savons pas – mais vous allez certainement nous l’expliquer, madame la ministre – comment ces dépenses spécifiques liées au virus de la grippe A/H1N1 seront prises en compte.
Depuis quelques mois, des médecins généralistes et des pédiatres sont amenés à voir, en consultation ou lors de visites, des patients victimes du virus. Le recensement n’est toutefois pas systématiquement effectué. Dès lors, comment imputer à la pandémie ces consultations, ces visites, les examens biologiques et les traitements ? Nous nous interrogeons donc sur la faisabilité de cette affaire.
Par ailleurs, ce que vous entendez inscrire dans la loi peut constituer un précédent ambigu. En effet, ne faudra-t-il pas, à chaque crise sanitaire, extraire les dépenses correspondantes des éléments pris en compte par le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie ? On ouvre là, peut-être, la boîte de Pandore.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 56 est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 139 est présenté par M. Le Menn, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 295 est présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 10.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement de suppression, que nous présentons pour les motifs suivants.
L’article 28 a deux objets : il prévoit d’exclure les dépenses liées au virus de la grippe A/H1N1 du calcul du seuil à partir duquel le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie se réunit en cas de risque de dépassement de l’ONDAM ; il met à la charge de l’assurance maladie l’indemnisation des praticiens chargés de procéder à la vaccination contre cette grippe.
La commission des affaires sociales considèrent ces deux dispositions comme contestables.
L’exclusion des dépenses liées au virus de la grippe A/H1N1 du seuil d’alerte de l’ONDAM pose un problème d’application pratique.
Les dépenses identifiables liées à la grippe sont déjà exclues de l’ONDAM. C’est notamment le cas de l’achat des vaccins, qui a été financé par l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, ou de la rémunération des personnels chargés de la vaccination.
Les autres dépenses, notamment celles qui correspondent aux consultations des médecins et aux indemnités journalières, ne pourront pas être identifiées avec précision, ce qui obligera à calculer ces sommes selon des règles statistiques peu satisfaisantes.
En outre, il ne paraît pas justifié de neutraliser ces dépenses dans le seuil de déclenchement de l’alerte, sauf à procéder de même à chaque fois que surviendra un événement inhabituel ayant des conséquences sur les comptes de l’assurance maladie. Compte tenu du montant proposé pour l’ONDAM en 2010, le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie se réunira en cas de dépassement prévisible supérieur à 1,2 milliard d’euros. Il n’est pas souhaitable de retirer certaines dépenses du calcul de ce montant au motif qu’elles ne surviendront pas chaque année.
Par ailleurs, l’imputation à l’assurance maladie de l’ensemble des indemnisations des personnes chargées de la vaccination est contraire à tous les principes prévus dans un tel cas. L’article du code de la santé publique relatif aux réquisitions de personnes dans le cadre d’une menace sanitaire prévoit l’indemnisation de ces personnes par l’État, selon des règles qui figurent dans le code de la défense.
C’est d’ailleurs sur la base de cet argument, mes chers collègues, que vous avez accepté de suivre certaines des propositions que j’ai formulées au sujet de la grippe A/H1N1. Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue, et Mme Roselyne Bachelot-Narquin a déjà eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises devant la Haute Assemblée sur ce sujet.
L’article 28 nous offre l’occasion d’aborder cette question portant sur l’intégration de ces dépenses dans l’ONDAM, sachant que le Gouvernement souhaite éviter que la pandémie ne déclenche le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie et n’entraîne des mesures tendant à diminuer l’ensemble des dépenses. Sur le premier point, donc, le débat est ouvert.
Je ne m’attarde pas plus longtemps sur l’exposé des motifs. J’y reviendrai, si nécessaire, au cours du débat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 56.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. À l’instar de la commission des affaires sociales, la commission des finances propose de supprimer cet article 28, et je vais développer à peu près les mêmes points que M. le rapporteur général, certes avec quelques variantes.
Dans un premier temps, j’insisterai sur le fait que l’exclusion des dépenses liées à la grippe A/H1N1 de la procédure d’alerte crée un précédent préjudiciable pour la régulation des dépenses. Vous l’avez dit, madame la ministre, et nous en sommes pratiquement convaincus, d’autres risques pandémiques, d’une nature différente, à caractère peut-être annuel, pourraient apparaître dans les années à venir. Faudra-t-il à chaque fois exclure ces dépenses qui seront théoriquement exceptionnelles, mais en réalité annuelles ?
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, casser le thermomètre quand la température monte n’est pas une bonne solution !
Ensuite, bien qu’exceptionnelles, ces dépenses nécessiteront de toute façon des mesures de redressement à un moment ou à un autre. Comme pour les déficits, structurel ou conjoncturel, une fois la crise passée, la question n’est plus de connaître l’origine de ces dépenses ou de ces déficits ; l’important est de savoir comment les financer.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est juste !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Surtout, il m’a été confirmé – aucun dépistage systématique n’ayant été effectué, je ne vois d'ailleurs pas comment on pourra isoler les dépenses effectivement liées à la grippe A – que des dépenses non liées à la grippe A pourraient ainsi ne pas être prises en compte dans l’évaluation du risque du dépassement de l’ONDAM – je n’ose le croire ! – pour éviter le dépassement.
Les dépenses relatives à l’indemnisation des professionnels de santé réquisitionnés, comme vient de le dire excellemment le rapporteur général, relèvent du domaine régalien de l’État, qui doit en assurer la prise en charge. Le droit en vigueur repose d’ailleurs clairement sur ce principe, comme l’a souligné Alain Vasselle.
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l'amendement n° 139.
M. Jacky Le Menn. La pédagogie étant l’art de se répéter, je vais reprendre ce qui a été dit par mon collègue Bernard Cazeau, mais aussi par le rapporteur général de la commission des affaires sociales et par le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Cet amendement vise donc à supprimer la disposition selon laquelle le surcoût induit par les dépenses exceptionnelles liées à la pandémie grippale ne serait pas pris en compte par le comité d’alerte dans la perspective de l’évaluation d’un risque de dépassement de l’ONDAM.
Si nous comprenons effectivement – et mon collègue Bernard Cazeau y a insisté – les motivations de cet article, nous sommes un peu étonnés.
Nous sommes là au cœur de la contradiction de la politique gouvernementale en ce qui concerne la grippe et la manière de la prendre en charge : d’un côté, en demandant que le comité d’alerte n’en tienne pas compte pour l’appréciation de l’évolution des dépenses, on reconnaît pleinement la place de cette pandémie dans la part du budget de l’État consacrée aux politiques de santé publique ; d’un autre côté, on demande de regarder ce qui se passe en termes de conséquences pour la sécurité sociale.
Par ailleurs, il nous semble du rôle du comité d’alerte de déterminer lui-même ce qu’il doit prendre en compte pour l’appréciation d’éventuels dérapages financiers du côté de la sécurité sociale.
Le caractère très directif de l’article 28 ne peut que nous amener à nous interroger. On pourrait imaginer que cette prescription soit étendue et que, chaque fois qu’interviendraient des dépenses potentiellement problématiques pour la sécurité sociale ou pour le Gouvernement, la loi fasse injonction au comité d’alerte de ne pas en tenir compte.
Enfin, une fois le principe posé et quelles que soient les réserves qu’il suscite, comment fera-t-on la différence entre les dépenses qui relèvent de la pandémie et celles qui n’en relèvent pas ?
Il s’agit là d’éléments très pragmatiques : quand on consulte un médecin et qu’on a la grippe, la consultation doit-elle être intégrée ou non dans les dépenses de l’ONDAM ? Lorsque l’on consulte un médecin parce que l’on pense avoir la grippe et qu’on ne l’a pas, comment cela sera-t-il pris en compte ? Les dépenses devant être écartées sont-elles uniquement celles qui concernent des personnes qui vont passer par le circuit de la vaccination ?
Je ne suis même pas certain que l’on ait les moyens de faire la différence dans les consultations médicales elles-mêmes : les médecins ne vont en effet pas envoyer un rapport après chaque consultation pour expliquer qu’elle était liée à la grippe ou qu’elle ne l’était pas !
De plus, cette décision risque de constituer un précédent regrettable, et va remettre en cause la vocation du comité d’alerte, qui apporte un éclairage utile sur le respect des objectifs de dépenses de santé votés par le Parlement.
Tels sont les arguments qui nous conduisent à demander la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 295
M. Guy Fischer. À l’instar du rapporteur général de la commission des affaires sociales, notre groupe propose la suppression de cet article 28, dont j’aimerais faire remarquer qu’il concentre l’opposition de la quasi-totalité des groupes de notre assemblée.
L’article 28 prévoit de ne pas prendre en compte le surcoût engendré par la pandémie grippale dans le déclenchement du seuil d’alerte à partir duquel les caisses d’assurance maladie doivent prendre des mesures de redressement.
Cette proposition est étonnante tant elle nous semble peu facile à réaliser. En effet, compte tenu de l’achat des vaccins par l’EPRUS, en partie financé par les mutuelles, et des dispositions particulières proposées dans ce PLFSS s’agissant de la rémunération des professionnels qui seront appelés à procéder à la vaccination, nous avions l’impression que les dépenses liées à la pandémie de grippe n’étaient pas intégrées dans l’ONDAM.
Pour ce qui est des soins de ville, il me semble bien difficile d’opérer une distinction entre les visites effectuées en raison de la grippe A/H1N1 et celles qui n’en relèvent pas.
Tout cela nous donne l’impression que le Gouvernement veut tout faire pour éviter le déclenchement des mesures prévues par le comité d’alerte. Si ce dernier venait à s’apercevoir qu’il existe un risque sérieux que les dépenses d’assurance maladie dépassent l’ONDAM, avec une ampleur supérieure à un seuil qui ne peut excéder 1 % et qui est fixé par décret à 0,75 %, il serait fondé, devant une telle situation, à demander au Gouvernement de prendre les mesures adéquates.
Et comme cette situation résulte avant tout d’un manque de financement et non d’une explosion des dépenses de santé, vous seriez obligés soit de réduire l’offre de soins, ce qui n’est pas acceptable aux yeux de nos concitoyens, soit de refinancer la sécurité sociale en procédant à une augmentation de l’ONDAM. Cette augmentation pourrait être financée, par exemple, par le remboursement de la dette sociale de l’État à l’égard de la sécurité sociale.
En réalité – et c’est sans doute là le cœur du problème –, l’ONDAM est peut-être tout simplement très en dessous des besoins réels de la population. Votre refus de l’augmenter doit donc être accompagné de dispositifs de contournement, dont celui-ci, que nous ne pouvons accepter.
Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités. C’est pourquoi se dégage dans cet hémicycle, à travers les amendements présentés, une certaine unanimité à supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous savez tous ici mieux que moi – vous suivez en effet des PLFSS et des fixations d’ONDAM depuis de nombreuses années – que l’ONDAM est construit à partir des perspectives des dépenses de santé telles qu’on les connaît.
Nous n’étions pas en situation de pandémie l’an dernier. La pandémie s’est annoncée le 25 avril dernier, et nous avons pris la mesure de ses conséquences au fur et à mesure des semaines et des mois qui se sont écoulés.
Certes, l’ONDAM est ambitieux – il est fixé à 3 % dans le cadre de la progression de notre produit intérieur brut –, car nous avons décidé d’investir sur la santé de nos concitoyens. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Les dépenses liées à la pandémie seront bien entendu prises en compte dans l’ONDAM. Mais nous vous demandons de ne pas en tenir compte dans le déclenchement de la procédure d’alerte, car ce serait d’une grande injustice vis-à-vis des assurés et des professionnels de santé.
Le déclenchement de la procédure d’alerte, ce n’est pas un coup de pistolet en l’air ! Il ne s’agit pas simplement de constater que l’on a dépassé de 0,75 % l’ONDAM tel qu’il avait été fixé. C’est l’obligation pour les différents administrateurs du système – État, assurance maladie – de prendre des décisions lourdes pour les professionnels de santé, pour les assurés, afin de revenir dans la ligne de l’épure, par des diminutions de tarifs, des déremboursements.
Il serait donc totalement injuste de punir les différents acteurs du système de soins par le déclenchement du système d’alerte à cause de dépenses qui sont évidemment exceptionnelles et dont il a été tout à fait impossible de tenir compte dans l’ONDAM. Nous connaîtrons évidemment, au fur et à mesure des semaines à venir, le montant exact des dépenses liées à la pandémie. Mais déclencher l’alerte alors que les acteurs du système de soins n’y sont pour rien serait d’une totale injustice.
Il faut donc véritablement en revenir au rôle du comité d’alerte, c'est-à-dire à la vigilance continue qu’il exerce sur le respect de l’ONDAM, fixé à partir des dépenses de santé prévues, dès lors que les dérapages laissent les acteurs sans réaction.
Quant aux dépenses d’assurance maladie qui seront liées à l’épidémie de grippe, nous aurons les moyens de les évaluer au fur et à mesure des semaines qui vont s’écouler.
Pour les consultations, il sera possible de s’appuyer sur les données de plusieurs réseaux, en particulier du réseau Sentinelles qui regroupe 1 260 médecins généralistes libéraux, bénévoles et volontaires, répartis sur le territoire métropolitain français pour la veille et l’observation épidémiologiques. Ce réseau comptabilise chaque semaine le nombre des consultations pour syndrome de grippe clinique, c'est-à-dire caractérisé par une fièvre supérieure à 38 degrés, accompagnée de douleurs musculaires et de signes respiratoires. Nous disposons également du réseau des groupes régionaux d’observation de la grippe, les GROG, qui recensent toutes les infections respiratoires aiguës. Un certain nombre de techniques permettent de déceler la grippe A/H1N1. En plus des consultations ainsi enregistrées, nous disposons de bons outils de mesure.
Les dépenses de médicaments liées à la pandémie grippale – hors le Tamiflu, bien entendu, qui est pris en charge par l’EPRUS – devraient être modérées. Elles concerneraient essentiellement la prescription d’antibiotiques et de paracétamol, pour un coût relativement négligeable par rapport aux autres postes concernés.
Les indemnités journalières induites par la grippe A/H1N1 pourront, quant à elles, être évaluées, par extrapolation, à partir des données transmises par les médecins, ce qui permettra de déterminer la proportion d’assurés arrêtés et la durée moyenne de l’arrêt.
Nous disposons donc d’un certain nombre d’outils qui sont parfaitement fiables et qui nous permettront de quantifier, au moment de l’évaluation du respect de l’ONDAM – vous connaissez aussi bien que moi, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, les dates exactes de vérification –, les dépenses qui seront liées à la pandémie grippale. Mais, bien sûr, nous le ferons a posteriori. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est tout à fait impossible de fixer aujourd'hui un ONDAM tenant compte des dépenses liées à la pandémie.
Peut-être, mesdames, messieurs les sénateurs, savez-vous lire dans une boule de cristal ? Pour ma part, je ne sais pas le faire ! Je me prépare à cette pandémie, mais je ne peux pas apporter de réponses maintenant. C’est pourquoi nous nous fondons sur un ONDAM classique et proposons de sortir du comité d’alerte. Je ne souhaite pas sanctionner dans ce cadre les médecins et les assurés, et je trouve que votre proposition est vraiment injuste.
Ensuite, vous avez évoqué l’indemnisation des professionnels de santé requis pour la vaccination.
La campagne qui a débuté dans les 1 060 centres de vaccination mobilise un grand nombre de professionnels de santé, notamment libéraux, des salariés, des étudiants, des retraités. Ces professionnels, dès lors qu’ils interviennent en dehors de leurs heures de service, de stage ou de scolarité, doivent être indemnisés. Volontariat ne veut pas dire bénévolat, et il serait très préjudiciable au bon déroulement de la campagne que plane une incertitude sur l’indemnisation des professionnels de santé requis.
J’ai bien indiqué que c’était la présentation galénique des vaccins qui nous avait amenés à proposer une vaccination collective, afin d’assurer une traçabilité et une sécurité parfaites de l’administration de ces vaccins. Si nous avions pu bénéficier d’une forme galénique individuelle, la vaccination aurait eu lieu chez les professionnels de santé libéraux classiques, et l’assurance maladie aurait alors été convoquée sans même qu’il soit nécessaire d’organiser un débat devant le Parlement.
C'est la raison pour laquelle il me paraît tout à fait légitime que l’assurance maladie prenne en charge les dépenses liées à la campagne de vaccination contre la grippe A, comme elle le fait pour la grippe saisonnière, et qu’elle indemnise à ce titre les professionnels de santé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à ces amendements. Il serait injuste de ne pas garantir l’indemnisation des professionnels de santé, qui est tout à fait légitime. Supprimer l’article 28 reviendrait à introduire pour ces derniers un facteur d’incertitude et de démobilisation, alors que nous avons tant besoin d’eux pour la campagne de vaccination.
Cet après-midi, nous avons encore eu un cas de grippe fulminante : une femme de vingt-sept ans en parfaite santé, emportée en deux heures, est morte dans l’ambulance sans avoir pu atteindre le service de réanimation. Avec ces cas dramatiques, nous voyons bien que la grippe A sort des modèles habituels.