M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement, dont nous comprenons la finalité, soulève deux objections.
Tout d’abord, comme l’a précisé M. Darcos lors de la discussion générale, la mesure évoquée n’entrera en application qu’à compter du 1er janvier 2010. Nous n’avons donc pas le recul nécessaire pour apprécier si elle est bien mise en œuvre et s’il conviendra d’appliquer ou non des pénalités. Il serait donc prématuré, monsieur Cazeau, d’introduire dans la loi la disposition que vous proposez. Encore une fois, nous n’avons pas assez de recul !
En outre, nous ne souhaitons pas, pour notre part, porter un jugement a priori sur la manière dont le Gouvernement veillera à l’application du dispositif pour l’emploi des seniors dans les entreprises. Si nous constatons, à la fin de 2010, qu’elle ne correspond pas aux souhaits du législateur, il sera alors temps de forcer la main au Gouvernement en lui demandant de produire des rapports d’évaluation.
Au bénéfice de ces explications, je vous demande, monsieur Cazeau, de bien vouloir retirer cet amendement. Je ne vous oppose pas une fin de non-recevoir : nous souhaitons simplement disposer du recul nécessaire pour apprécier l’opportunité de prendre des mesures plus contraignantes.
J’émettrai un avis semblable sur votre amendement suivant, qui vise à plus que doubler le montant des pénalités prévues pour les entreprises qui ne joueraient pas le jeu en matière d’emploi des seniors. Il importe que la mise en œuvre de ce dispositif réussisse, sinon c’est notre régime de retraite par répartition qui en pâtira très lourdement. Nous sommes tous dans la même barque ; il est de notre intérêt qu’elle ne coule pas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les auteurs de cet amendement souhaitent durcir un dispositif contre lequel ils avaient voté l’an dernier : je le prends comme un hommage tardif mais bienvenu !
Je suis néanmoins défavorable à cette proposition, car elle tend à substituer à la libre négociation un contrôle tatillon, et surtout extérieur aux partenaires sociaux. Une telle mesure serait inefficace et contreproductive.
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote.
M. Dominique Leclerc. Il est vrai que nous n’avons pas de recul sur l’application des mesures en question, inscrites l’an dernier dans le PLFSS. Je tiens cependant à signaler que les diverses publications émanant des caisses reflètent un certain engouement pour ces nouvelles dispositions, notamment la surcote et le cumul emploi-retraite, qui favorisent actuellement le maintien dans l’entreprise des seniors.
Je pense que, dans quelques années, nous aurons le recul suffisant pour constater qu’il s’agit d’avancées, non seulement pour les salariés, mais aussi pour les entreprises, qui continuent ainsi à disposer du savoir-faire d’un personnel expérimenté.
M. le président. L’amendement n° 77, présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article L. 138-24 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, le taux : « 1% » est remplacé par le taux : « 2,5% ».
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. J’indiquerai d’abord à Mme la ministre que nous ne sommes pas en contradiction avec nous-mêmes ! Si nous n’avons pas voté ce dispositif l’an dernier, c’est parce que nous trouvions qu’il n’allait pas assez loin, tant s’en faut.
Le présent amendement a d’ailleurs pour objet de renforcer les pénalités instituées par l’article 87 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 pour les entreprises ou établissements d’au moins cinquante salariés qui ne sont pas couverts par un accord ou un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés. Nous prenons quelques garanties, monsieur Leclerc !
Nous proposons ainsi de porter de 1 % à 2,5 % des rémunérations des salariés de l’entreprise ou de l’établissement concerné le montant de cette pénalité, qui sera versé à la CNAV.
Pour convaincre nos concitoyens d’arrêter de fumer, vous augmentez les prix du tabac ; nous faisons de même pour convaincre les entreprises d’employer des seniors, en doublant le montant des pénalités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous ne souhaitons pas faire passer la pénalité visée de 1 % à 2,5 % de la masse salariale, la contribution prévue par la loi étant déjà très lourde et dissuasive. De plus, les sanctions devant entrer en application au 1er janvier 2010, nous ne pouvons pour l’heure évaluer le dispositif. Votre proposition est donc prématurée. Je propose que nous en reparlions l’année prochaine : nous saurons alors si les sanctions sont suffisamment efficaces et dissuasives pour les entreprises qui ne conservent pas de salariés seniors et s’il convient éventuellement de les renforcer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 78, présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Après le mot : « affecté », la fin de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 138-24 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 est ainsi rédigé : « au fonds de réserve pour les retraites visés à l'article L. 356 du présent code ».
II - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Nous souhaitons revenir sur la question du financement du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR.
L’article 32 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoyait d’affecter 1,7 milliard d’euros à ce fonds. Avec l’article 5 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous nous demandez encore une fois de réduire ce montant, pour le fixer à 1,5 milliard d’euros seulement.
L’an dernier, nous avions déjà critiqué la sous-dotation de ce fonds. En 1999, lors de sa création, les besoins étaient estimés à 150 milliards d’euros, ce qui devait permettre de passer le cap des années 2020-2030. On nous dit à présent que cette estimation était fondée sur le modèle économique de l’époque et que les besoins seraient plutôt estimés désormais à 100 milliards d’euros. Tant mieux !
Néanmoins, j’aimerais que vous nous expliquiez à nouveau, madame la ministre, comment vous passez de 150 milliards à 100 milliards d’euros ! Nous voyons bien qu’il y a un décalage avec les 83 milliards d’euros que vous prévoyez à l’horizon 2020.
Regardons les faits en face : sous l’effet du choc démographique, le nombre de retraités devrait augmenter de plus de 60 % entre 2005 et 2050 et la part des pensions dans le PIB progresser vivement, pour atteindre 13,5 % en 2020, puis 14,6 % en 2050.
En regard, le nombre des actifs cotisant aux différents régimes augmenterait à peine de 10 % et la part des cotisations serait quant à elle quasiment stable. Les besoins de financement du régime vieillesse, dont les comptes sont aujourd’hui fortement déséquilibrés – son déficit s’élèvera à 8,2 milliards d’euros en 2009 –, s’accroîtraient de plusieurs dizaines de milliards d’euros d’ici à 2020. À cette échéance, la sous-dotation du Fonds de réserve pour les retraites rendra impossible toute contribution, quelle qu’elle soit, de ce dernier au financement de la branche vieillesse.
Cet amendement a pour objet de préciser que le produit de la pénalité due en cas d’absence d’accord ou de plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés sera affecté au Fonds de réserve pour les retraites.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je comprends que M. Cazeau veuille alimenter le Fonds de réserve pour les retraites, dont la création remonte à l’époque où M. Jospin était Premier ministre. Il est en effet si peu doté qu’il ne permettra probablement pas d’atteindre les objectifs assignés à l’origine.
Toutefois, à l’heure actuelle, l’exclusion des seniors de l’emploi entraînant des pertes de recettes pour la branche retraite, il a été prévu d’affecter, en compensation, le produit de la pénalité due en cas d’absence d’accord ou de plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés à la CNAV, ce qui ne nous paraît pas être une mauvaise solution. Le transférer au FRR permettrait certes de préparer le financement des retraites futures, mais la CNAV est dans une situation telle que le mieux, dans l’immédiat, est d’alimenter son budget.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Avis défavorable. Il ne convient évidemment pas d’affecter au FRR des ressources qui n’en sont pas.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 82 rectifié, présenté par Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les trois derniers alinéas de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale sont supprimés.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 277, présenté par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'antépénultième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est supprimé.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement a pour objet de supprimer la disposition de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale exonérant de cotisations sociales les attributions gratuites d’actions effectuées conformément aux dispositions des articles L. 225-197-1 à L. 225-197-3 du code de commerce, c’est-à-dire celles qui sont décidées par les assemblées générales extraordinaires.
Ce mécanisme d’attribution gratuite est selon nous contestable, car il tend à accroître le décalage entre les salariés et les dirigeants des entreprises. Pis, certains salariés ont l’impression, à juste titre, que certains dirigeants cumulent les actions en pratiquant une politique de management et d’organisation du travail qui leur est néfaste.
À titre d’exemple, en avril 2007, la direction du groupe France Télécom a décidé, pour faire accepter à son personnel le plan « Next », qui intégrait des mutations à marche forcée tous les trois ans – technique de management, le tristement célèbre « Time to move », dont nous mesurons aujourd'hui les effets –, de lui accorder des actions gratuites. Naturellement, ce volet était exclusivement réservé, selon les déclarations mêmes de la direction de France Télécom, « aux cadres supérieurs ayant un niveau de responsabilité ou d’expertise clé pour le groupe ».
En d’autres termes, il avait été décidé d’accorder une gratification financière aux dirigeants qui ont imposé aux salariés les conditions de travail insoutenables ayant conduit vingt-deux d’entre eux…
M. Guy Fischer. … à mettre fin à leurs jours.
Au-delà de notre opposition de principe à l’attribution d’actions gratuites, nous considérons qu’il n’est pas acceptable que ces éléments de rémunération, dont bénéficient principalement les dirigeants, soient exonérés de cotisations sociales. Ces actions gratuites peuvent représenter des sommes très importantes. Elles constituent des compléments de salaire qui pèsent lourd dans la rémunération globale des dirigeants, et il nous semble donc urgent, compte tenu des besoins de financement de notre système de protection sociale, de supprimer les exonérations dont elles sont assorties.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable, ce qui n’étonnera pas leurs auteurs.
Permettez-moi tout de même de souligner, monsieur Fischer, que vous essayez maintenant de supprimer une niche alors que vous avez soutenu tout à l’heure deux amendements présentés par le groupe socialiste visant à créer des niches dans les niches !
Mme Isabelle Debré. Et voilà ! Quelle cohérence !
M. Guy Fischer. Je reviens à mes sources !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. D’ailleurs, il ne s’agit pas tout à fait d’une niche en l’occurrence. Certes, les actions gratuites ne sont pas soumises à cotisations sociales, mais elles sont taxées au même titre que les stock-options, grâce à l’adoption, l’année dernière, d’une disposition ad hoc que j’avais présentée. Je ne me souviens plus si vous m’aviez alors soutenu…
Ne dites donc pas que nous ne faisons rien. Peut-être n’en faisons-nous pas suffisamment à votre goût,…
M. François Autain. En effet !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … mais nous agissons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me suis déjà longuement et abondamment expliquée sur cette question. J’émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l’amendement n° 82 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je prends acte des propos que vient de tenir M. le rapporteur général sur les stock-options.
Nous avions été très heureux de constater que, dans son rapport préalable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il envisageait, comme nous le proposons depuis plusieurs années, de taxer davantage les stock-options.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Malheureusement, cette disposition a disparu du rapport final.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. En la matière, pour notre part, nous restons fidèles à nos idées : nous estimons que les stock-options devraient être taxées bien plus lourdement qu’elles ne le sont aujourd'hui.
Si je me réjouis que le Sénat ait instauré la taxation des stock-options, il reste donc encore beaucoup à faire. Vous aviez ouvert la porte, monsieur le rapporteur général, mais vous l’avez bien vite refermée !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À chaque jour suffit sa peine !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela fait plusieurs années que vous nous dites cela ! Pendant ce temps, les bénéficiaires de stock-options continuent de profiter de la situation !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous avançons, même si c’est lentement !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je serai brève, car nous reviendrons sur cette question lors de l’examen de nos amendements portant sur l’article 15.
Monsieur le rapporteur général, les stock-options sont effectivement taxées, mais convenez avec nous qu’il s’agit bien d’éléments de rémunération.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Oui.
Mme Annie David. Elles devraient donc être taxées en tant que tels, ce qui n’est pas le cas. Pour l’heure, elles ne le sont vraiment pas assez.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mais elles le sont !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 277.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 15
I. – À l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale, le taux : « 2 % » est remplacé par le taux : « 4 % ».
II. – Le I est applicable aux sommes versées à compter du 1er janvier 2010.
III (nouveau). – L’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sont également soumises à cette contribution, les sommes entrant dans l’assiette définie au premier alinéa du présent article versées aux personnes mentionnées à l’article L. 3312-3 du code du travail.
« Sont également soumises à cette contribution, les rémunérations visées aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce perçues par les administrateurs et membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes et des sociétés d’exercice libéral à forme anonyme. »
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L’article 15 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale donne l’impression que le Gouvernement a toujours un temps de retard. (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales rit.)
En effet, nous avions déjà proposé le doublement du forfait social à l’occasion de l’examen par le Sénat du PLFSS pour 2009. Il s’agissait d’un amendement de repli, puisque nous ne cessons de présenter des amendements tendant à assujettir l’ensemble des éléments de rémunération, y compris indirects, à toutes les cotisations sociales auxquelles sont soumis les salaires.
Depuis plusieurs années, le Gouvernement a fait le choix de favoriser l’épargne salariale. Il est vrai que le salaire direct connaît une baisse notable, évaluée par certains à deux points. Mais l’épargne salariale, qui se substitue en partie à ce dernier, constitue en fait une confiscation. En cette période d’écrasement du pouvoir d’achat – les salaires des fonctionnaires vont ainsi croître de 0,5 % seulement l’année prochaine, tandis que les retraités ont subi une perte de pouvoir d’achat cumulée de 13 % à 15 % sur cinq à dix ans, même si leur pension augmentera cette fois de 1,2 % –, les intéressés préféreraient certainement voir leur salaire augmenter de manière notable.
Nous ne voterons pas, bien entendu, contre le doublement du forfait social sur les éléments de rémunération issus de l’intéressement et de l’épargne salariale, mais nous trouvons que faire passer ce taux à 4 % est très insuffisant dans la mesure où les cotisations sociales pesant sur les salaires dépassent 30 % !
Nous avons donc déposé quatre amendements à l’article 15, dont l’un vise à porter à 23 % le taux du forfait social, afin de permettre le financement d’une protection sociale conforme aux ambitions des membres du Conseil national de la Résistance, qui, dans les pires moments de notre histoire, avaient osé imaginer un dispositif exemplaire. Madame la ministre, si vous êtes attachée, comme je le crois, à l’héritage du Conseil national de la Résistance, il faut le défendre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. On a bien progressé depuis ! À l’époque, seuls les salariés étaient couverts et le taux de remboursement était de 50 %. Aujourd'hui, tout le monde est couvert et le taux de remboursement est de 77 % !
M. François Autain. C’est un taux moyen !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. L’objectif annoncé du doublement du forfait social est de faire en sorte que les éléments de rémunération accessoires aux salaires – intéressement, participation – contribuent au financement de la sécurité sociale.
Le doublement de cette taxe nous est présenté comme une démarche éthique. Cependant, il est facile de doubler un taux quand celui-ci est si indolore et dérisoire au regard des charges salariales que les éléments complémentaires de salaire conservent tout leur intérêt, surtout pour l’employeur.
Par ailleurs, parler d’une mesure de justice sociale nous paraît presque choquant. Il est en effet profondément injuste que le taux de cotisation pour les niches sociales, dont l’existence même est contestable, soit de 4 %, contre 23 % pour les salaires.
En matière de rémunérations, une seule règle devrait s’appliquer : toutes doivent être soumises au même niveau de prélèvements et participer dans la même mesure au financement de notre système de protection sociale. C’est dans l’intérêt des salariés. En effet, l’attractivité de ces dispositifs pour les employeurs est telle que, ces dernières années, la masse salariale concernée a évolué trois fois plus vite que la masse salariale prise dans son ensemble.
À l’augmentation des salaires, les employeurs préfèrent des dispositifs les exonérant d’une partie très importante de leur participation au financement de la protection sociale.
En outre, un tel déplacement de la répartition de la rémunération des salariés affaiblit leurs droits et leurs protections, puisqu’une part de rémunération aléatoire n’ouvrant aucun droit se substitue au salaire.
Le relèvement du forfait social n’est donc pas la réponse au problème que posent les modes de rémunération auxquels il s’applique. Surtout, il n’est pas à la hauteur des besoins de notre système social. Le forfait social au taux de 2 % n’a rapporté que 400 millions d’euros, quand la taxation des seules stock-options et actions gratuites à la même hauteur que les salaires pourrait rapporter plus de 30 milliards d’euros.
Mettre en avant le relèvement de ce forfait ne vise-t-il pas plutôt à faire oublier qu’il existe en France 470 niches fiscales, dont le coût budgétaire est évalué à 110 milliards d’euros par le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur la révision des exonérations de cotisations sociales ? Mettre en avant l’augmentation de ce forfait ne permet-il pas d’occulter le fait que la perte de cotisations sociales due aux niches sociales atteint 30 milliards d’euros pour les exonérations liées à la politique de l’emploi et 46 milliards d’euros pour les exonérations d’assiette ?
Face à la crise, malheureusement devenue structurelle, que subit notre système de protection sociale, il est temps de travailler à la remise à plat des niches fiscales et sociales.
Quelle sera donc l’incidence de ce forfait social ? On relève un taux anecdotique, mais on se garde bien de toucher aux avantages des plus privilégiés. Les décisions prises aujourd'hui l’ont encore montré.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Le doublement du forfait social nous semble aller dans le bon sens. Cela permettra d’alimenter les recettes de l’assurance maladie, dont les besoins financiers sont importants et voués à croître encore dans les prochaines années : je pense notamment à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS.
Cela étant, une telle mesure manque d’ambition. D’une part, elle ne concerne pas, tant s’en faut, toutes les niches sociales. Les stock-options, les actions gratuites ou encore les retraites « chapeau » en sont exclues. D’autre part, vous reconnaissez vous-même qu’un taux de contribution de 4 % est « modéré ».
Selon les estimations retenues dans le rapport de M. Vasselle, le montant des exemptions d’assiette atteindra 46,1 milliards d’euros cette année, tandis que le forfait social rapportera environ 760 millions l’année prochaine. La portée de la mesure proposée est donc quelque peu dérisoire…
Voilà pourquoi nous avons déposé deux amendements sur l’article 15, tendant l’un à porter le taux de contribution à 23 %, l’autre à ne pas exempter du forfait social les sommes versées par les employeurs sous forme de stock-options.
Sommes-nous les seuls à défendre ces idées ? Bien sûr que non ! Vous jugez notre discours démagogique, mais, sur ce sujet, les rapports de la Cour des comptes sont éclairants et les propos de son Premier président bien plus radicaux que les nôtres : si les stock-options et les actions gratuites étaient taxées comme les salaires, cela permettrait de dégager 3 milliards d’euros de cotisations supplémentaires, selon une estimation fondée sur la valeur actuelle des stock-options distribuées en 2005. Ce montant a peut-être augmenté depuis.
Puisque vous jugez, à tort, notre discours démagogique, écoutez donc celui de M. Séguin, qui est issu de votre propre camp !
Mme Nathalie Goulet. Il y a si longtemps !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 429 rectifié bis, présenté par Mme Debré, M. Fourcade, Mme Procaccia, MM. Gournac et J. Gautier, Mme Bruguière, M. Laménie, Mmes Hermange, Kammermann et Desmarescaux et M. Gilles, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. - L'article L.137-16 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 137-16. - Le taux de la contribution mentionnée à l'article L.137-15 est fixé à 4 %. Toutefois, ce taux est fixé à 2 % pour les contributions des employeurs mentionnées aux 1° des articles L. 242-1 du présent code et L. 741-10 du code rural. »
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Cet amendement a été déposé sur l’initiative de notre collègue Isabelle Debré.
Le doublement du forfait social sur les sommes versées par l’employeur au titre des abondements à un plan d’épargne pour la retraite collectif et des contributions au financement des régimes de retraite supplémentaire pourrait compromettre la réalisation d’un des objectifs majeurs visés par les pouvoirs publics, notamment dans la perspective du rendez-vous de 2010 sur les retraites : inciter les salariés à épargner en vue de leur retraite.
En effet, sauf exceptions strictement prévues par la loi, les sommes visées par l’amendement sont indisponibles jusqu’à la retraite. Le présent amendement a pour objet de maintenir un taux de contribution de 2 % pour ces versements.