M. François Autain. Non, ce n’est pas la première fois !
M. Éric Woerth, ministre. Le problème n’est donc pas un problème de dépenses, il n’est pas lié l’ONDAM : c’est un problème de recettes. Or la crise pèse de tout son poids sur les recettes de la sécurité sociale, si bien que, très logiquement, la dette croît.
Je rappelle d’ailleurs que la dette de 60 milliards d’euros qui est prévue pour la fin de l’année 2010 tient compte des deux années 2009 et 2010. Nous avons soldé la dette pour 2008, et ce n’était pas par un jeu de bonneteau : les circonstances économiques étaient favorables.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Le FSV !
M. Éric Woerth, ministre. Oui, mais le problème du FSV, c’est avant tout le chômage : ce n’est pas un problème structurel, c’est, là aussi, une conséquence directe de la crise, l’augmentation du chômage pesant évidemment sur le FSV, qui dispose moins de recettes et doit assumer plus de dépenses. Dans un monde sans crise, le FSV était structurellement appelé à l’équilibre ; mais il s’est produit dans le domaine économique quelque chose d’imprévisible, d’inouï et de tout à fait énorme. Mais je referme la parenthèse.
Nous avions trouvé des solutions pour la dette de la sécurité sociale, il nous faut maintenant en trouver pour 2009 et 2010.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis ici très solennellement, l’augmentation de la CRDS à laquelle tendent les amendements nos 1 et 47 n’est pas une bonne mesure aux yeux du Gouvernement.
Nous estimons qu’aujourd’hui, alors que nous tentons de sortir de la crise, augmenter la CRDS reviendrait à adresser un signal contraire à l’ensemble de l’économie française, celui d’une augmentation des impôts. Car ce n’est pas autre chose ! Il ne s’agit pas de faire valoir que cela ne représente que 1 euro, ou 2 euros, ou 3 euros : cela représente bel et bien 1,8 milliard d’euros de prélèvements obligatoires supplémentaires touchant directement les Français, au moment même où l’on cherche à sortir de la crise !
Même les Allemands, qui sont souvent considérés comme un modèle de vertu,…
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ils ont fait la réforme !
M. Eric Woerth, ministre. … pour accompagner leur économie dans la sortie de crise, vont être amenés à diminuer les impôts.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Pas les finances sociales !
M. Éric Woerth, ministre. Or, si le déficit allemand est effectivement un peu inférieur au déficit français, de 3 points à la fin de l’année 2010, la dette allemande est comparable à la dette française, voire légèrement supérieure. Il faut savoir que, aujourd’hui, le gouvernement allemand emprunte, chaque jour, plus que le gouvernement français et, malgré cela, il a décidé de continuer à diminuer les impôts. Et nous, nous donnerions le signal tout à fait inverse à l’ensemble de notre opinion publique et au monde entier ? Nous augmenterions les impôts, au risque de retarder la sortie de crise, donc de retarder également les solutions aux problèmes de la dette de la sécurité sociale ? Plus nous tardons, plus les choses se compliquent, car c’est bien la crise qui nous a placés dans la situation actuelle et a conduit à une dette de la sécurité sociale de 23 milliards ou de 30 milliards d’euros l’année prochaine. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vivement que vous considériez les choses sous cet angle-là !
Je comprends très bien votre initiative, monsieur Vasselle, monsieur Jégou, et vous connaissez suffisamment ces sujets pour que je ne doute pas du sérieux des solutions que vous tentez d’apporter. Je ne veux pas avoir l’air de dire que ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder, mais je pense qu’aujourd’hui, dans les circonstances où nous sommes, augmenter la CRDS serait vraiment une erreur. De plus, cela ne réglerait qu’une partie du problème puisque cela ne permettrait de résorber qu’un tiers de la dette. Que faisons-nous des deux autres tiers ?
Je pense qu’il faut plutôt chercher une solution globale qui ne repose pas toujours et encore sur les revenus du travail. Or la CRDS provient pour 65 % des revenus du travail ! C’est difficile, je le reconnais, mais nous devons nous orienter vers d’autres types de solutions.
Par ailleurs, 2010 comme 2011 seront des années d’incertitude totale. Augmenter la CRDS, même de 0,15 point, comme vous le proposez, dans un monde totalement incertain, ce serait ajouter encore à l’incertitude. Qui peut prédire ce que seront les recettes tant de l’État que de la sécurité sociale ? Nous les approchons, bien sûr, parce qu’il faut bien préparer les budgets, mais nous ne connaissons pas l’ampleur de la reprise que nous pouvons espérer ni, surtout, les élasticités que nous constaterons. Or elles ont été terriblement négatives au moment de la récession : quand nous perdions 2 points, les recettes fiscales baissaient de beaucoup plus ! Est-ce que ce sera le contraire ? Verrons-nous se créer un cercle vertueux ? Peut-être ! Nous pouvons l’espérer, mais, parce que nous sommes prudents, nous ne l’avons pas inscrit dans le projet de budget pour 2010. Nous verrons, surtout en 2011, comment se fera la sortie de crise sur le plan mondial, sur le plan européen, sur le plan français. Faudra-t-il procéder à des réajustements ?
La seule question que nous devons nous poser, je l’ai souligné avant-hier, à la tribune, est de savoir si la décision que nous nous apprêtons à prendre est bonne ou non pour la sortie de crise. Facilite-t-elle la sortie de crise ou la complique-t-elle ? La solution, c’est la sortie de crise. La solution, pour les recettes de l’État et pour la sécurité sociale, c’est le retour de la croissance et la baisse du chômage. Il n’y a pas d’autre solution ! Sans cela, notre modèle social ne fonctionne pas.
J’irai plus loin, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis. J’ai bien entendu ce que vous dites, et je vous fais une proposition qui, me semble-t-il, pourrait vous convenir – en tout cas je l’espère.
M. François Autain. Ah !
M. Éric Woerth, ministre. Je fais cette proposition solennellement, avec beaucoup de sérieux, et le Gouvernement, bien évidemment, la respectera.
Je veux apporter une solution globale au problème de la dette sociale, je ne veux pas en régler un bout par ci, un bout par là, dans un univers économique totalement incertain, un château de cartes. Il nous faut donc observer attentivement ce que sera l’économie nationale et internationale au début de l’année 2010.
Aussi, je vous propose de constituer une commission de la dette sociale. Je vous propose que cette commission soit composée de cinq sénateurs et cinq députés, pas plus, des parlementaires qui connaissent bien le sujet et qui aient envie d’en découdre avec le problème – il est vrai que vous êtes nombreux ici dans ce cas !
M. François Autain. C’est la CADES !
M. Éric Woerth, ministre. Je vous propose que cette commission se réunisse au printemps 2010. Elle disposerait d’un rapport du Gouvernement qui présenterait, compte tenu de la façon dont l’économie nationale et internationale réagira dans les mois qui viennent, les différentes options envisageables pour traiter dans sa globalité la question de la dette sociale.
Je vous propose que cette commission remette ses conclusions à la fin du mois de juin 2010 pour que ses recommandations puissent être prises en compte d’une manière globale dans les textes financiers pour 2011.
Je rappelle que, dans cette attente, nous avons construit une solution, celle de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, solution que les différentes commissions ont auditée et qui permet d’une manière sérieuse d’attendre une année. Je conviens, monsieur Vasselle, que ce n’est pas une solution pérenne, mais nous n’avons jamais prétendu le contraire.
Le rapport du Gouvernement servirait de point de départ aux travaux de la commission de la dette sociale et traiterait plusieurs thèmes.
Il s’agirait d’abord de déterminer dans quel calendrier nous pouvons inscrire le traitement de la dette compte tenu des circonstances économiques dans lesquelles nous serons.
Il faudra également circonscrire nettement le montant de la dette sociale à amortir. On peut discuter de cette dette sociale, on peut discuter de sa composition, on peut se demander si elle est conjoncturelle ou structurelle… Tout cela doit être mis au clair, notamment au regard de l’évolution probable de l’économie en 2010 et en 2011.
Cette commission, qui sera non pas une commission de réflexion mais une commission de décision, devra évoquer les modalités d’amortissement de la dette, compte tenu du poids des prélèvements sociaux qui pèsent aujourd’hui sur le travail et de la priorité accordée par le Gouvernement à l’emploi. L’emploi est bien la priorité, donc la clef de la politique que suit le Gouvernement et qu’appuie la majorité.
Enfin, le rapport examinerait plus particulièrement les différentes ressources qui pourraient être mobilisées ainsi que la pertinence économique, juridique, technique, d’une augmentation de la durée d’amortissement de la dette sociale. Autant mettre tous les sujets sur la table, même les sujets les plus tabous !
Sur la base de ces différentes analyses, différents schémas pourraient être soumis par la commission. Il s’agit donc d’un engagement très fort du Gouvernement, avec des modalités précises de fonctionnement. Cela montre toute l’importance que revêt pour nous cette question et toute l’importance que nous avons voulu accorder aux propositions sénatoriales sur la dette sociale.
Le traitement d’une dette de cette nature ne saurait résulter d’un débat à chaud. Il doit être le fruit d’un débat à froid, d’un débat construit, d’un débat global, et non d’un débat circonstanciel ou trop séquencé.
Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, la solution que je vous propose. Je ne l’ai pas soumise à l’Assemblée nationale : le Gouvernement, aujourd’hui, va beaucoup plus loin dans sa manière de traiter le sujet. J’ai confiance que cette proposition très solennelle pourra réunir le consensus le plus important.
Sous le bénéfice de ces explications et des engagements très précis du Gouvernement, je souhaite le retrait des amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, dans la mesure où l’amendement défendu par M. Vasselle est devenu l’amendement de la commission, nous ne pouvons évidemment pas le retirer sans avoir consulté celle-ci.
Aussi, je demande une suspension de séance afin de permettre à la commission de se réunir.
Mme la présidente. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, madame la présidente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales a voté le retrait de l’amendement n° 1.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.
La parole est à M. Cazeau, pour explication de vote sur l’amendement n° 47.
M. Bernard Cazeau. Je comprends l’affolement de MM. Vasselle et Jégou aujourd’hui…
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ce n’est pas mon genre !
M. Bernard Cazeau. … devant l’importance de la dette qui va aller vers l’ACOSS et vers la CADES.
Monsieur Vasselle, vous avez laissé filer la dette à d’autres époques ; c’était avant qu’il fallait y penser. Vous avez prolongé la durée de la CADES de près de onze ans, de 2009 à 2021.
Aujourd’hui, évidemment, nous sommes d’accord avec vous : il faudrait faire quelque chose sur la CRDS. Mais ce n’est pas sur le taux qu’il faut intervenir – nous rejoignons sur ce point M. Fischer –, il faut augmenter les recettes par l’élargissement de l’assiette, et Dieu sait s’il y a des possibilités entre le bouclier fiscal, les retraites « chapeau », les stock- options…
M. Philippe Séguin demande de les taxer à hauteur de 2 milliards à 3 milliards d’euros alors que vous proposez 50 millions d’euros. C’est là que vous allez trouver des recettes et non pas avec la CRDS. Bref, on nous a déjà fait le coup avec le paquet de cigarettes…
Il nous est donc difficile de voter cet amendement. En revanche, nous sommes tout à fait d’accord avec le sous-amendement de M. Fischer.
Quant à M. Barbier, il est chirurgien, mais s’il était psychiatre, on pourrait lui faire un cours. Au fond de lui-même, il est d’accord, il sait qu’il faut faire quelque chose, mais il ne veut pas passer à l’acte,…
M. François Autain. Ah oui !
M. Bernard Cazeau. … alors il a trouvé une astuce. (Sourires.)
Malheureusement, monsieur Barbier, M. le ministre a une autre idée : il évoque la situation économique, la sortie de crise et, pour faire en sorte de ne pas rater cette sortie de crise, il nous propose de créer une commission. Et la première chose qu’il évoque à propos de la création de cette commission, c’est le calendrier. Voilà la vérité, monsieur Woerth ! En fait, votre calendrier, c’est l’après-2012.
M. Sarkozy n’est pas fou, il a bien compris qu’il ne faut pas augmenter les impôts aujourd’hui. Dès lors, monsieur le ministre, vous avez réfléchi, avec vos services, à tous les arguments qui peuvent être utilisés pour gagner du temps. En fait, vous êtes d’accord sur le principe, mais vous essayez de gagner du temps avec une commission, et la première des choses dont vous parlez, c’est le calendrier.
Ensuite, on pourra étudier les modalités, la façon de circonscrire la dette, mais peu vous importe, le problème, c’est le calendrier.
Monsieur le ministre, votre unique argument est électoral. Voilà la réalité, il fallait que ce soit dit aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mme la présidente de la commission des affaires sociales a indiqué que nous acceptions de retirer l’amendement n° 1 à la demande de M. le ministre, mais je voudrais expliquer pourquoi.
Nous ne l’avons pas retiré par une simple déclaration …
M. François Autain. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales … en ayant subitement décidé de changer d’avis ; nous nous sommes appuyés sur un minimum d’éléments.
Tout d’abord, nous avons pris en considération l’argumentation développée par le Gouvernement concernant la sortie de crise. Comme le disait un membre de la commission, l’expérience a démontré depuis beaucoup trop longtemps que la création d’un groupe de travail ou d’une commission visait souvent à enterrer une opération ou à gagner du temps. J’opposerai à cet argument les considérations suivantes.
M. Éric Woerth, en qualité de ministre des comptes publics, dès sa prise de fonctions, lors de l’examen de son premier projet de loi de financement de la sécurité sociale, a été le premier ministre du budget à avoir pris des engagements très clairs devant le Sénat – Nicolas About l’a rappelé en commission des affaires sociales – en ce qui concerne le traitement de la dette et la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale.
Dès sa première prise de fonction et dès le premier PLFSS, l’État a honoré 5 milliards d’euros de dettes qu’il avait à l’égard de la sécurité sociale. Il a également transféré, jusqu’à la fin de l’exercice 2008, toute la dette cumulée de la sécurité sociale à la CADES, certes en prenant une partie des recettes au FSV, qui lui-même – M. le ministre l’a dit tout à l’heure –, en raison de la conjoncture, va connaître un déficit – comme il n’en a jamais connu – de 7,5 milliards d’euros.
On sait bien que le FSV est soumis à l’effet de ciseau lié à la conjoncture : quand le chômage augmente, le FSV renoue avec les déficits.
M. François Autain. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je ne pense pas que M. le ministre prenne devant nous un engagement à la légère. Par le passé, il a démontré qu’il a toujours tenu les engagements qu’il a pris devant la Haute Assemblée. De ce point de vue, je lui fais donc confiance, et c’est l’un des éléments qui m’a conduit à accepter de prendre en considération la demande de retrait de l’amendement n° 1 qu’il avait formulée.
Toutefois, si l’on veut avoir une approche globale de la dette, il faudra mettre à plat l’ensemble du dispositif fiscal et social. Nous devrons examiner toutes les pistes qui se présentent à nous, notamment celles qui sont envisagées dans les amendements divers et variés qui ont été déposés par l’ensemble de nos collègues. Notre collègue Gilbert Barbier nous a proposé d’augmenter la CRDS, tout en excluant cette augmentation des impositions prises en compte pour l’application du bouclier fiscal, tandis que le groupe CRC-SPG entend exclure du champ d’application du bouclier fiscal les contributions dues au titre de la CSG et de la CRDS. Certes, nous avons entendu des prises de position très nettes sur le sujet, mais, dès lors que les déficits se creusent au niveau tant du budget de l’État que de celui de la sécurité sociale, il faut considérer la situation dans son ensemble.
Nicolas About l’a rappelé au cours de la discussion générale et devant la commission des affaires sociales, la dette de la sécurité sociale est essentiellement liée à un manque de recettes : pas moins de 25 milliards d’euros sur les deux exercices 2009 et 2010…
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Justement !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cette insuffisance de recettes est liée à une crise économique, qui est complètement indépendante du déficit structurel dont souffre l’assurance maladie (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), lequel s’élève à 10 milliards d’euros. Or le déficit devrait atteindre 30 milliards d’euros en 2010. Est-ce à la sécurité sociale de supporter le poids de ces 20 milliards supplémentaires ? Ou peuvent-ils être supportés à la fois par le budget de l’État et celui de la sécurité sociale ? Je ne dis pas que c’est cette solution qui sera retenue, mais voilà une autre piste à explorer.
Toutes ces propositions démontrent sans aucun doute la nécessité de réfléchir aux différentes solutions possibles pour trouver la moins mauvaise, celle dont l’impact économique pèsera le moins sur la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Mais nous n’échapperons pas à l’obligation de trouver des recettes pérennes…
Mme Gisèle Printz. Chez les pauvres !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … pour couvrir ces dépenses.
Ainsi que l’a souligné tout à l'heure M. le rapporteur pour avis, la solution que je proposais avait tout de même l’avantage de ramener le plafond de trésorerie de l’ACOSS de 65 milliards d’euros à 45 milliards d’euros, ce qui facilitait le recours à l’emprunt, par le biais notamment de la Caisse des dépôts et consignations et des billets de trésorerie.
Toutefois, comme l’a indiqué M. le rapporteur pour avis, il faut reconnaître que, s’il y a renversement de la conjoncture et si la cotation de l’État baisse au regard de sa dette, entraînant une hausse des taux d’intérêt, cela reviendra à alourdir un peu plus encore la dette et les frais financiers afférents.
Pour toutes ces raisons, nous avons accepté de retirer l’amendement n° 1 afin de travailler aux côtés de M. le ministre pour proposer une solution pérenne dans les six mois à venir, en vue de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 47 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Madame la présidente, la commission des finances maintient son amendement.
M. François Autain. Très bien! !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je ne sais pas si c’est bien, mais je vais vous exposer les raisons qui me conduisent à agir ainsi.
Tout d’abord, je veux dire à M. Cazeau, que j’apprécie beaucoup, que je maintiens cet amendement pour des raisons qui ne sont pas politiques !
Tout le monde peut donner des leçons, mais j’estime que, en la matière, nous avons dépassé depuis longtemps les clivages politiques. Il serait peut-être temps que nous admettions que cela ne peut pas continuer ainsi.
Certes, j’ai beaucoup d’amitié pour Éric Woerth, qui s’est montré, comme l’a souligné notre ami Alain Vasselle, un ministre du budget courageux lorsqu’il s’est agi pour l’État de reprendre la dette jusqu’à la fin de l’année 2008.
Sans nous battre sur ce que recouvrent la dette structurelle et la dette conjoncturelle, il n’en reste pas moins vrai, monsieur le ministre, mes chers collègues, que j’ai travaillé sur les chiffres que les services de votre ministère m’ont communiqués. D’ailleurs, il eût été difficile de travailler sur les chiffres de l’ACOSS, car j’ai eu quelques difficultés à connaître exactement l’ingénierie qui sera déployée et le coût engendré. Il faudrait peut-être aussi expliquer aux Français la manière dont cela se passe.
Je ne sais pas, monsieur le ministre, si l’augmentation de 5 % de la masse salariale que vous avez envisagée pour les années 2011 et 2012 sera réelle.
M. Guy Fischer. Mais non !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je l’espère, comme tous ceux qui travaillent dans notre pays, mais j’en doute beaucoup ! Même entre 1997 et 2002, alors que nos amis socialistes arguent du fait qu’ils ont mieux géré que la droite – billevesées ! –, il n’y eut qu’un million d’emplois créés ! Et ce ne sont pas les gouvernements qui créent les emplois, ce sont les entreprises ! Pendant cette période, on n’a donc pas connu une telle progression.
C’est précisément pour cette raison, j’en suis convaincu – et la commission des finances avec moi –, qu’il faut faire quelque chose afin de ne pas mettre l’ACOSS en difficulté, car elle va vraiment se retrouver sur le fil du rasoir. Nous n’avons pas la prétention de résoudre le problème, mais nous voulons au moins donner un signe fort à nos compatriotes, car nous avons, nous, parlementaires, la responsabilité de mettre un terme à cette dette excessive.
Monsieur le ministre, pour une fois, je vous devancerai : vous allez encore me répondre que ce n’est pas le bon moment, qu’il est dangereux d’augmenter les prélèvements obligatoires au moment de la crise. J’ai même l’impression que vous irez ensuite jusqu’à avancer qu’il ne faudra pas casser la croissance lorsque nous serons sortis de la crise !
Cela fait plus de vingt ans que je suis parlementaire, et tous les gouvernements qui se sont succédé m’ont chaque fois – malheureusement ! – dit que ce n’était pas le bon moment ! Aujourd'hui, il est temps que la Haute Assemblée prenne sa responsabilité en votant cet amendement, pour montrer qu’elle prend en compte le dérapage de nos finances sociales. Il faut expliquer aux Français que nous devons réformer notre système social si nous voulons le maintenir !
Or, nous tenons tous, me semble-t-il, et ce quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, à notre système de protection sociale, qui est unique au monde, mais qui, de par ses spécificités, devient difficilement finançable. Nos compatriotes sont capables d’entendre un discours de vérité !
Telles sont les raisons pour lesquelles je maintiens cet amendement.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Je vous indique, madame la présidente, que je souhaite rectifier le sous-amendement n° 287 pour le rattacher à l’amendement n° 47.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 287 rectifié, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 3 de l'amendement n° 47
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les e) et f) du 2. de l'article 1649-0-A du code général des impôts sont abrogés.
Le sous-amendement n° 511 portant sur l'amendement n° 1, qui a été retiré, devient sans objet
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Guy Fischer. La décision que vient de prendre M. le rapporteur général à la suite de la réunion de la commission des affaires sociales montre bien quelle est la réalité.
En fait, le déficit se creuse parce que le Gouvernement a décidé de le creuser, en le faisant passer de 10 milliards d’euros à 25 milliards d’euros, puis à 30 milliards d’euros en 2013.
Le fait de ne pas vouloir augmenter les prélèvements est devenu un dogme pour le Gouvernement. Or celui-ci continue bien entendu de mener sa politique en ce sens, une politique que nous contestons et que nous condamnons, car on assiste pratiquement à une défiscalisation des entreprises.
En effet, on vient publiquement de nous révéler – personne ne s’en était rendu compte ! – que l’amendement Marini a eu pour conséquence d’octroyer un cadeau de 20 milliards d’euros aux entreprises les plus grandes. Avec la suppression de la taxe professionnelle, c’est encore un allégement de 8 milliards d’euros pour les entreprises ! On compensera ces pertes avec la taxe carbone, par exemple, que tout le monde paiera !
Dans l’optique de l’après-2012, vous voulez mettre en exergue les déficits colossaux, pour sacrifier notre système de protection sociale sur l’autel de l’ultralibéralisme. C’est clair et net, nous ne voulons pas de cette politique !
Monsieur le ministre, jusqu’à présent, vous nous aviez assuré que la sortie de crise était pour 2010. Or, pour la première fois, vous venez de parler de l’année 2011, une année également difficile, laissant planer les incertitudes les plus complètes.
Dans le passé, nous avons condamné le principe du bouclier fiscal ; aujourd'hui, nous ne voulons absolument pas que la CRDS et la CSG deviennent la variable d’ajustement du budget de la protection sociale. En effet, ce sont les salariés, les travailleurs, qui participeront au financement de celle-ci, et ce d’une manière importante, alors que, par une série de mesurettes, le poids des dépenses de santé dans le budget des familles a augmenté de 50 % entre 2001 et 2009, ainsi que l’a relevé le journal Les Échos.
C’est pour cette raison que nous sommes foncièrement contre la proposition qui est faite. Bien sûr, nous ne voterons pas l’amendement n° 47, mais le sous-amendement n° 287 rectifié était une manière de marquer notre opposition.
Mme la présidente. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux. Monsieur le ministre, je suis désolé de ne pas être d’accord avec vous, d’autant que je vous apprécie beaucoup par ailleurs et que vous êtes l’un des ministres les plus attentifs au Parlement, un fait qui mérite d’être souligné.
Toutefois, comme le disait le général de Gaulle, on ne peut pas faire de la politique en se préoccupant uniquement de ne pas faire de la peine aux gens.
Vous dites qu’il ne faut pas casser la croissance ou, à tout le moins, toute reprise éventuelle. Certes, je veux bien souscrire à vos propos, mais alors il faut empêcher les collectivités locales de matraquer fiscalement nos concitoyens. Je reconnais que nombre de départements, notamment, peuvent difficilement faire autrement, car ils ont le couteau sous la gorge. Mais certaines collectivités n’ont pas vos scrupules et pratiquent, fort inquiets des perspectives de réforme de la taxe professionnelle entre autres, une fiscalité de précaution !
Par ailleurs, j’espère, moi aussi, que nous allons retrouver la croissance, et avec un taux le plus élevé possible, mais aucune croissance n’effacera les 150 milliards de dettes accumulées d’ici à 2013 !