Mme Annie David. Par le biais du premier alinéa de l’article 6, le Gouvernement entend récupérer près de 50 millions d’euros alloués initialement au FIQCS en raison de la non-utilisation complète des crédits qui lui avaient été initialement alloués. Nous nous interrogeons sur cette sous-utilisation, car le renouvellement des pratiques de la médecine est aujourd’hui au cœur des préoccupations des professionnels de santé, en particulier des jeunes diplômés.
Une étude menée l’année dernière montrait qu’une importante majorité de jeunes médecins voulait rompre l’isolement auquel ils étaient confrontés, en favorisant notamment un exercice collectif et pluridisciplinaire. Pourtant, malgré le nombre de projets déposés et les envies manifestement exposées par les professionnels eux-mêmes, les crédits ne seraient pas entièrement utilisés. Il y a de quoi s’étonner.
Pour notre part – c’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de suppression –, nous entendons nous opposer à la diminution de ces crédits. En effet, nous savons qu’il est plus facile de moduler les règles d’attribution de crédits déjà existants que d’augmenter ces mêmes crédits dans quelque temps, quand les besoins s’en feront sentir.
Déjà, les besoins sont grands. Le nombre de médecins installés en France n’a jamais été aussi élevé. Néanmoins, des zones sont déficitaires : la Franche-Comté compte 123 généralistes pour 100 000 habitants, alors que la région Centre en compte 81 ; on recense 65 spécialistes pour 100 000 habitants dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, alors que l’on en dénombre seulement 32 dans la région Centre. Il n’existe que deux réponses à cette problématique : l’instauration de mesures contraignantes quant à l’installation des professionnels de santé – dans cette hypothèse, nous pourrions éventuellement être d’accord pour une diminution du FIQCS –, ou bien l’accroissement des aides en faveur d’un exercice plus collectif et décloisonné de la médecine.
Ces deux mesures devraient naturellement s’accompagner d’une réelle politique en matière d’aménagement du territoire. Le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales et le prochain projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales suscitent des craintes quant à l’avenir des territoires.
Par ailleurs, vous connaissez l’attachement du groupe CRC-SPG au mode particulier de médecine pratiqué dans les centres de santé. Ces derniers se caractérisent par un exercice collectif de la santé, souvent pluridisciplinaire, salarié et à tarifs opposables. Ils pratiquent également le tiers-payant, qu’ils couplent, autant que possible, avec l’absence d’avance de frais pour les patients. Cette pratique du tiers-payant a un coût pour les centres de santé. Parce qu’elle permet à la sécurité sociale d’être plus performante et plus efficiente, elle devrait ouvrir droit au financement par le FIQCS, ce qui n’est actuellement pas le cas.
C’est pourquoi, considérant qu’une autre utilisation des crédits alloués au FIQCS est possible, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je me plais à répéter assez régulièrement en commission des affaires sociales, devant le groupe politique auquel j’appartiens, voire en séance publique, que le Sénat a souvent tort d’avoir raison trop tôt. (Sourires.) Le Gouvernement serait bien inspiré assez fréquemment d’écouter le Sénat et de suivre la majorité de ses propositions. (M. François Autain s’exclame.)
Ainsi, l’année dernière, lorsque le Gouvernement a proposé de doter le FIQCS de 240 millions d’euros, les membres de la commission des affaires sociales avaient constaté que les crédits de l’année 2007 n’avaient pas été consommés en totalité et qu’il aurait été plus judicieux d’octroyer une dotation inférieure à ce fonds. Nous avions donc proposé une diminution de son montant. Mais le Gouvernement nous avait adressé une fin de non recevoir, au motif que la totalité des crédits serait utile.
Or, aujourd’hui, à l’article 6, le Gouvernement propose de ramener le montant du fonds de 240 millions d'euros à 190 millions d’euros. Nous n’avions pas osé aller aussi loin. Il nous donne donc raison, ce qui ne peut que me réjouir.
En attendant, des crédits ont été mobilisés inutilement. Et cette année, l’excédent du FIQCS s’élèvera à 117 millions d’euros. Ce fonds est extrêmement important. Il doit être suffisamment doté pour faire face à l’ensemble des missions que nous lui avions confiées et que nous ne manquons pas d’élargir lors de l’examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La dotation de l’exercice 2009 est, semble-t-il, suffisante. Nous aurons l’occasion, plus tard, de discuter de celle de 2010. La commission ne peut donc pas émettre un avis favorable sur l’amendement.
Par ailleurs, chers collègues du groupe CRC-SPG, je crois que vous avez manqué de clairvoyance en déposant cet amendement de suppression (M. François Autain s’exclame), car celui-ci vise également la dotation à l’EPRUS. Or, comment ferons-nous face à la pandémie grippale si nous supprimons la dotation de 400 millions d’euros prévue pour financer les mesures nécessaires ?
Certes, monsieur Autain, j’ai bien entendu que vous vous demandiez s’il était nécessaire de mobiliser de telles sommes et d’acheter 94 millions de doses, dès lors que, aujourd'hui, on se rend compte qu’une seule vaccination suffira peut-être.
Toutefois, Mme la ministre a exposé les raisons qui justifiaient son choix. Vous-même, vous avez défendu le principe de précaution quand il a été introduit dans la Constitution. N’allez donc pas reprocher au Gouvernement de faire preuve de prudence et d’appliquer une disposition constitutionnelle !
En outre, comme Mme la ministre l’a souligné, si nous avions trop de doses, nous pourrions en vendre à des pays comme l’Ukraine ou les États-Unis, qui frappent à notre porte. Au passage, madame la ministre, peut-être pourriez-vous leur proposer ces vaccins à un tarif double de celui que nous avons supporté ? (Sourires.)
M. François Autain. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ainsi, il ne serait plus nécessaire de constituer une dotation pour financer l’EPRUS, ce dont la CNAM ne pourrait que se satisfaire !
Pour toutes ces raisons, je ne puis émettre, au nom de la commission, qu’un avis défavorable sur l’amendement n° 258, même si je remercie nos collègues du groupe CRC-SPG de m’avoir permis de livrer quelques éléments d’appréciation sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a tenu de nombreux propos pertinents, et avec humour, ce qui est toujours agréable.
En réalité, nous avons tiré les conséquences d’une nouvelle sous-consommation des crédits, qui a été excellemment pointée par Alain Vasselle et qui s’explique par de moindres dépenses au sein de l’enveloppe nationale du FIQCS et par une sous-consommation de la dotation régionale. Avec les crédits que nous vous proposons d’adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, le fonds pourra tout à fait mener à bien les missions qui lui sont dévolues.
Madame David, pour dépasser la dimension purement comptable de cette question, je voudrais souligner que le FICQS est parfois confronté à un défaut de projets viables. Ce fonds n’est pas un guichet ouvert où les promoteurs d’un projet viendraient se servir sans se soucier de la pertinence de leur démarche !
Ainsi, certains projets portés par des professionnels libéraux ont plutôt vocation à être financés par ces derniers eux-mêmes, car – je vous le dis franchement –, dans notre tissu économique et social, d’autres initiatives mériteraient davantage d’être aidées….
Ces projets doivent donc s’inscrire dans une logique d’aménagement du territoire, être portés par des professionnels motivés et correspondre à une démarche de justice et d’accès aux soins. Nous sommes tous d’accord sur ces points, me semble-t-il.
Certaines difficultés, il faut le reconnaître, sont aussi liées à l’insuffisante maturation des projets. Ainsi, des dossiers remontent du terrain qui proposent la création d’une maison pluridisciplinaire, par exemple, mais qui sont vides, parce qu’on ne les a pas fait porter par des professionnels de santé motivés !
Il n’est pas légitime que des projets soient entièrement financés par des subventions publiques. Non, le FIQCS n’est pas un guichet !
Par ailleurs, nous ne veillons pas assez à la pertinence des projets, à leur efficacité en termes d’accès aux soins et à l’implication des professionnels. Ce sont ces problèmes que nous avons voulu résoudre à travers la loi du 21 juillet 2009, que vous avez bien voulu voter, mesdames, messieurs les sénateurs.
Nous accordons donc au fonds des crédits extrêmement substantiels, dont nous verrons bien s’ils sont tous consommés. Du reste, l’enveloppe est suffisamment large pour permettre même une montée en charge du dispositif.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Madame la ministre, j’observe que plus on étend les compétences du FIQCS, moins celui-ci dépense les crédits qui lui sont destinés !
M. François Autain. Il y a là une contradiction apparente que je ne parviens pas à surmonter, sauf à imaginer que le Gouvernement ne mène pas une politique volontariste dans les domaines de compétence du FIQCS, car les nouveaux modes d’exercice de la médecine et les maisons pluridisciplinaires, par exemple, permettraient sans aucun doute d’épuiser les ressources qui sont mises à disposition du fonds.
Je déplore que nous devions, chaque année, constater que le FIQCS n’utilise pas toutes les sommes qui lui sont affectées. Cette situation me semble résulter indirectement du manque de volontarisme du Gouvernement dans un domaine pourtant très novateur, celui des nouveaux modes d’exercice de la médecine et des réseaux de santé. Madame la ministre, je vous rappelle que la loi du 21 juillet 2009 a étendu les missions du FIQCS. Il y a donc tout lieu de penser que, si le Gouvernement menait vraiment une politique volontariste dans ce domaine, les dépenses du fonds augmenteraient dans les années qui viennent.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la ministre, j’ai bien entendu vos explications. Je suis d'accord avec vous pour estimer que le FIQCS n’est pas un guichet où les professionnels viendraient se servir comme ils l’entendent, alors même que les projets qu’ils présentent ne seraient pas suffisamment mûrs et réfléchis.
Toutefois, comme vous le savez, il existe encore des zones blanches dans lesquelles les médecins ne sont pas assez nombreux. Je suis très attachée aux zones de montagne, en particulier.
Or j’estime que, dans ces territoires, le FIQCS devrait accorder une aide supplémentaire aux professionnels dont les projets ne seraient pas suffisamment mûrs ou ne répondraient pas complètement aux critères exigés. Il pourrait leur fournir une aide, par exemple administrative ou logistique, pour les aider à mieux présenter leurs dossiers.
Parmi les zones de montagne, certaines bénéficient bien sûr de la proximité de stations de ski renommées et ne manquent donc de rien, mais d’autres, plus éloignées, sont en train de se désertifier. Plutôt que de réduire les montants alloués au FIQCS, il faudrait les utiliser pour permettre à des médecins de s’installer dans ces territoires !
J’ai déjà évoqué les centres de santé. Ceux-ci constituent, me semble-t-il, un moyen très efficace pour lutter contre ces zones blanches. Nous ne pouvons donc que regretter qu’ils ne puissent prétendre au bénéfice du FIQCS.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Nous voterons l’amendement n° 258, puisque ses dispositions traduisent les positions que nous avons exprimées oralement sur le FIQCS.
Je ne reviendrai pas sur les propos de Mme la ministre relatifs aux projets qui ont droit ou non à des subventions. Il faudrait un examen bien subtil pour distinguer les bons projets qui n’ont pas été retenus et les mauvais qui l’ont été !
Cela dit, je voudrais profiter de cette intervention pour m’indigner des propos tenus par Mme la ministre sur l’absence de réfrigérateurs dans les cabinets médicaux. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Bernard Cazeau. Comme vous le savez, madame la ministre, les vaccins doivent être conservés à une température voisine de trois degrés. Vous jetez donc la suspicion sur la validité des vaccins de certains médecins (Exclamations sur les travées de l’UMP.) qui, pour des raisons diverses, sont obligés de les conserver quelques jours dans le réfrigérateur de leur cabinet.
Les médecins, notamment les généralistes, n’apprécieront pas les propos que vous avez tenus tout à l'heure, me semble-t-il.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Cazeau, j’espère que vous réservez parfois votre indignation à des causes plus légitimes !
M. Bernard Cazeau. Mais c’est très grave !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cette vaccination ne peut être que collective, en raison de la présentation galénique des vaccins. Ceux-ci sont contenus dans des flacons multidoses qui, lorsqu’ils sont entamés, doivent bien sûr être utilisés très rapidement. Monsieur Cazeau, vous qui êtes médecin, vous savez bien ce que je veux dire (M. Bernard Cazeau fait un signe de dénégation.) ; vous avez parfaitement compris pourquoi, sur un mode logistique, les centres de vaccination ne pouvaient être que collectifs !
Certains cabinets médicaux ont, il est vrai, d’excellents appareils de réfrigération. D’autres, j’ai pu le constater sur le terrain, en possèdent qui sont parfois moins fiables… Dont acte ! J’ai voulu garantir à nos compatriotes des vaccins qui correspondent aux modalités précises de la grippe A/H1N1. Ne soyez donc pas indigné, monsieur Cazeau !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 506, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le montant :
414 800 000 euros
par le montant :
188 300 000 euros
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement vise à diminuer la dotation de l’assurance maladie à l’EPRUS, l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires.
Comme M. Autain le rappelait voilà un instant, nous avons décidé de commander 94 millions de doses de vaccins, qui sont achetées par l’EPRUS. Les assurances complémentaires apportent leur concours à cet effort de solidarité nationale via une contribution exceptionnelle, pour un montant de 300 millions d'euros.
L’EPRUS finance donc l’acquisition de vaccins. Le Gouvernement et les organismes complémentaires ont souhaité, postérieurement au vote de l’Assemblée nationale, attribuer cette contribution à l’établissement plutôt qu’à l’assurance maladie, et cette nouvelle affectation fait l’objet d’un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances.
Compte tenu de l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché pour les vaccins, confirmée postérieurement au vote de l’Assemblée nationale, le taux réduit de TVA de 5,5 % peut s’appliquer, ce qui entraîne une baisse, à hauteur de 97 millions d'euros, du coût de l’acquisition de ces vaccins par l’EPRUS.
Enfin, les vaccins qui sont offerts à l’Organisation mondiale de la santé, conformément à un engagement pris par le Président de la République au titre de l’aide au développement, seront financés en totalité par l’État, ce qui est d'ailleurs tout à fait normal. Cet effort représente 56 millions d’euros pour 9 millions de doses.
Il faut donc tirer la conclusion de ces trois éléments nouveaux et réviser la dotation de l’assurance maladie à l’EPRUS à la baisse, de 226,5 millions d'euros, soit la moitié de la contribution des assurances complémentaires, de la diminution de la TVA et du coût des vaccins donnés à l’OMS.
Tel est l’objet de l’amendement du Gouvernement à cet article 6.
Au total, le financement de la préparation à la pandémie respectera un équilibre entre l’État et l’assurance maladie. Les missions de préparation sont de l’ordre de 1,5 milliard d'euros et les dépenses liées aux produits de santé représentent environ 1,1 milliard d'euros.
Ces dépenses sont prises en charge par l’EPRUS, lui-même financé à parité par l’État et l’assurance maladie. Ces sommes seront complétées par la contribution des assurances complémentaires.
L’assurance maladie prend en charge les dépenses des professionnels de santé pour la vaccination. Ces derniers se rendront dans des centres de vaccination sur la base du volontariat, la réquisition ne visant qu’à permettre la couverture de leur responsabilité civile.
Les dépenses de logistique et d’organisation des centres de vaccination, elles, seront prises en charge par l’État.
Avec cette nouvelle maquette financière, nous respectons bien le principe d’un partage à 50-50 : la campagne de vaccination est prise en charge pour moitié par l’État et pour moitié par l’assurance maladie.
Cet amendement vise donc à tirer les conséquences des remodelages induits par les décisions que je viens d’exposer.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 510, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le montant :
414 800 000 euros
par le montant :
338 300 000 euros
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 506.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L'amendement n° 510 est purement comptable. Il vise à rectifier les montants inscrits à l’alinéa 2 de cet article pour tenir compte à la fois de l’incidence liée à la réduction du taux de la TVA et des mesures présentées par Mme la ministre au profit de l’OMS, à savoir la mise à disposition à titre gratuit de 9 millions de doses de vaccin.
S’agissant de l'amendement n° 506, il me semble nécessaire de rafraîchir quelque peu la mémoire du Gouvernement et des collaborateurs qui l’ont aidé à rédiger l’article 6.
Lorsque le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a été soumis pour avis au Conseil d’État, comme il est d’usage, le Gouvernement n’a pas éprouvé le besoin d’y apporter des rectifications. Ainsi, malgré son examen par l'Assemblée nationale, la disposition qui prévoyait que la part de l'Union des organismes d'assurance maladie complémentaire, l’UNOCAM, serait versée directement à la CNAM et non à l’EPRUS a été maintenue.
J’étais le rapporteur du texte qui a prévu la création de l’EPRUS. Gouvernement et Haute Assemblée avaient alors âprement négocié sur la question de la contribution financière de la CNAM et de l’État pour le plan Biotox. En effet, la commission des affaires sociales avait alors fait valoir que ce plan devait être financé à 100 % par l’État.
M. François Autain. C’est ce qu’il aurait fallu !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il n’en a rien été. Au contraire, pendant un certain temps, le plan Biotox a été financé en totalité par l’assurance maladie. À l’occasion de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale suivants, j’ai réussi à obtenir, avec le soutien du Sénat, que le montant de la dépense soit supporté à 50 % par l’État et à 50 % par la CNAM.
M. François Autain. C’est encore insuffisant !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Aujourd'hui, le Gouvernement s’appuie sur cet accord pour faire supporter à la CNAM 50 % du montant de la dépense liée à la pandémie grippale.
Je rappelle que, dans l’esprit du législateur, l’adoption du dispositif Biotox valait pour l’ensemble des produits de santé et non pas pour la réserve sanitaire, qui devait continuer à être financée à 100 % par l’État ! Or l'amendement n° 506 vise à étendre l’équilibre établi entre l’assurance maladie et l’État à l’ensemble de la réserve sanitaire, notamment au financement des professionnels de santé réquisitionnés pour la vaccination contre la grippe A/H1N1. La presse d’aujourd'hui nous apprend d’ailleurs que certains médecins ont reçu des préfets leur ordre de réquisition. (M. François Autain acquiesce.)
L'article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoit d’augmenter fortement la dotation de la CNAM à l’EPRUS pour tenir compte de la pandémie grippale et des frais qu’elle induit : achat de doses de vaccin, coût du matériel, etc. Comme vous le savez, ce type de dépenses effectuées par l’EPRUS est pris en charge à égalité par l’État et par l’assurance maladie.
Pour notre part, si nous comprenons tout à fait la rectification liée à la réduction du montant de la TVA et à la livraison de vaccins à l’OMS, nous n’approuvons pas les autres dispositions contenues dans cet amendement. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales y est défavorable.
Mes chers collègues, l’assurance maladie, c’est un tout ! Elle se compose de l’assurance maladie obligatoire et de l’assurance maladie complémentaire. S’il est décidé de faire contribuer les organismes d’assurance maladie complémentaire à la vaccination contre la grippe A/H1N1, ce doit être au titre de la participation de l’assurance maladie dans son ensemble. Rien ne justifie que la part de l’État dans le financement de l’EPRUS soit réduite ! En effet, la part des organismes d’assurance maladie complémentaire est l’équivalent du ticket modérateur.
Telle est l’approche de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’une opération purement comptable et financière, qui n’a aucune conséquence financière pour nos concitoyens en termes de vaccination.
L’enjeu du débat est le suivant : il s’agit de savoir qui doit supporter le montant de la dépense, entre l’État et la CNAM. Pour la commission des affaires sociales, les choses sont claires depuis le plan Biotox, qui a permis d’établir que la prise en charge par l’État et par la CNAM valait uniquement pour les produits de santé, et en aucun cas pour le volet sanitaire.
M. Gilbert Barbier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je souhaite apporter mon soutien au rapporteur général de la commission des affaires sociales, quitte à sortir de mon statut de rapporteur pour avis de la commission des finances et à être en quelque sorte à contre-emploi.
Madame la ministre, l’explication d’Alain Vasselle me paraît tout à fait logique.
M. François Autain. Ah oui ! Lumineuse, même !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. La jurisprudence qu’il a rappelée est pertinente. En outre, si l'amendement du Gouvernement était adopté, la participation de l’État serait moindre.
Madame la ministre, nous nous connaissons suffisamment pour que vous m’autorisiez cette impertinence. Je considère que le traitement de la pandémie grippale est une fonction régalienne de l’État. L’État a bien pris en compte la réduction de la TVA de 19,6 % à 5,5 %. Il reste que les vaccins sont encore soumis à la TVA ! Il serait malvenu que l’État se fasse un peu d’argent sur cette pandémie !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Croyez-vous que l’on se fait de l’argent ? Il y a des arguments qui ne sont guère utilisables !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Madame la ministre, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit...
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je n’exagère pas. Vous avez vous-même reconnu que, à partir du moment où l’autorisation de mise sur le marché était obtenue, la TVA passait de 19,6 % à 5,5 %. Le produit de cette taxe permettrait d’éviter de demander une participation de ce montant aux organismes d’assurance maladie complémentaire et à la CNAM.
L’amendement n° 506 vise à permettre à l’État de se défausser !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement aurait très bien pu préférer un autre système : les Français auraient acheté un vaccin unidose en pharmacie avant de se rendre chez leur médecin généraliste. Dans ce cas, le vaccin et la consultation auraient été remboursés à 65 % par le régime obligatoire d’assurance maladie, et les 35 % restants l’auraient été, éventuellement, par les organismes d’assurance maladie complémentaire.
M. François Autain. Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous aurions été dans un système classique, où l’État n’aurait rien versé. (Mme Raymonde Le Texier acquiesce.)
J’en viens au partage à parts égales par l’État et la CNAM. Il manque un paramètre dans le raisonnement du rapporteur général et dans celui du rapporteur pour avis, ce sont les frais de logistique de l’État !
Si je faisais mienne votre argumentation, je devrais présenter à la CNAM 50 % des frais de logistique de l’État, lesquels sont tout à fait considérables puisqu’il faut armer 1060 centres de vaccination, sous l’égide des préfets.
Ce remodelage de la maquette financière prend en compte tous ces paramètres, pour aboutir à cette répartition à 50-50 que le rapporteur général et le rapporteur pour avis n’ont pas remise en cause.
Je rappelle qu’il existe différentes catégories de dépenses. Ainsi, l’EPRUS achète les vaccins, pour moitié avec l’État, la CNAM paie les professionnels de santé, parce qu’elle les connaît et qu’elle peut plus facilement en assurer la gestion, l’État assume les frais d’armement des centres de vaccination et les réquisitions administratives, en liaison avec les collectivités locales.
Pour l’ensemble de ces dépenses, un équilibre a été trouvé entre l’État et la CNAM, avec une prise en charge à 50-50. Si vous voulez revoir la répartition prévue, il faut alors tenir compte de toutes les dépenses...
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Non !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... et non pas seulement de celles qui vous arrangent ! Pourquoi ne pas inclure les frais d’armement des centres de vaccination ? Dans ce cas, vous admettrez que la maquette financière que je vous propose respecte bien la clef de répartition 50-50.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est inutile de polémiquer plus avant. La commission des affaires sociales a tranché de manière tout à fait éclairée sur le sujet. Pour se prononcer sur les propositions que j’ai formulées, elle a disposé de tous les éléments nécessaires.
Je sais bien que certains de mes collègues évoqueront la situation spécifique de leur département ou les difficultés que rencontre leur conseil général. Nous y reviendrons éventuellement alors.
Madame la ministre, vous affirmez qu’il ne faut pas prendre ce qui nous arrange et laisser ce qui ne nous arrange pas. Je peux renvoyer le compliment à l’État ! Il s’agit d’un financement à 50-50. Évidemment, suivant le côté où l’on se trouve, on n’apprécie pas d’avoir à supporter la part que l’on considère revenir à l’autre ! Sur ce point, je ne crois pas que votre argument tienne très longtemps.
Je vous renvoie par ailleurs au code de la santé publique, qui prévoit que c’est à l’État de financer l’ensemble des dépenses relatives à la réquisition des moyens logistiques en vue d’organiser une action de grande ampleur de santé publique comme celle-ci. Il n’a jamais été question que cela incombe à la CNAM !
Il ne faut pas nous raconter d’histoires pour justifier la contribution du régime d’assurance maladie obligatoire au financement de ce dispositif. À l’époque, madame la ministre, à l’issue d’une discussion âpre avec votre prédécesseur, nous avions trouvé un compromis, à savoir la contribution à parts égales sur les produits de santé. Mais il n’a jamais été prévu d’y inclure les moyens logistiques ! Selon vous, il serait aujourd'hui normal que ceux-ci ne soient pas supportés uniquement par l’État. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point ! Cela n’a pas été prévu à l’époque !
Mes chers collègues, je souhaite que nous nous en tenions aux seuls amendements de la commission des affaires sociales. Nous constatons une divergence d’approche avec le Gouvernement. Ce ne sera ni la première fois ni sans doute la dernière, même si je souhaite que cela arrive le moins souvent possible.
La position que je défends au nom de la commission des affaires sociales n’est pas un acte de défiance à l’égard du Gouvernement. Nous nous en tenons à la ligne qui a toujours été la nôtre : aucun élément nouveau ne peut justifier que nous changions de position. Nous verrons à l’occasion des prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale s’il y a lieu de corriger le tir et s’il y a effectivement des éléments nouveaux objectifs le justifiant.
Madame la ministre, je ne vous reproche pas de défendre la position du Gouvernement. Vous êtes dans votre fonction, comme je suis dans la mienne lorsque je soutiens la position de la commission des affaires sociales.