M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2035

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Si l’article 1er ne vise pas à privatiser La Poste, pourquoi transformer celle-ci en une société anonyme, ce qui induit, à terme, tout le monde le sait, sa privatisation ?

Le même discours nous a été tenu au moment du changement de statut de France Télécom, de GDF et d’EDF ; cela a été rappelé à maintes reprises. Aujourd’hui, chacun sait ce qu’il en est de la situation de ces entreprises et ce que cela implique d’un point de vue humain pour leurs salariés et pour leurs usagers, devenus des clients.

Je ne redirai pas ici que votre politique de rupture vise à privatiser toujours plus et à abandonner le service public, tout le monde le sait.

Je ne rappellerai pas non plus que, voilà quelques années, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et à ce titre chargé des dossiers d’EDF et de GDF, avait juré que ces entreprises ne seraient jamais privatisées ; la gauche l’a plusieurs fois rappelé.

Tout indique que votre volonté, très forte d’ailleurs, est de « marchandiser » toutes les activités humaines et de remettre en cause l’ensemble des services publics.

M. le ministre a évoqué tout à l’heure la nécessaire modernisation de La Poste. Certes, La Poste a besoin d’être modernisée, et nous y sommes favorables ; mais cela n’implique pas un changement de statut. En quoi le statut actuel de La Poste interdit-il à celle-ci, par exemple, de mettre en œuvre des partenariats financiers avec la Caisse des dépôts et consignations ?

Cela pose donc la question du financement des services publics, lequel pourrait être assuré avec un pôle financier public qui permette, justement, de moderniser des services publics toujours plus utiles aux usagers, au lieu de les casser au faux nom de la modernité. C’est une proposition que nous vous faisons, monsieur le ministre !!

Nous sommes de celles et de ceux qui ont travaillé à l’élaboration d’un véritable service public dans notre pays et qui ont lutté pour que chacune et chacun puisse y avoir accès, quelle que soit son origine sociale ou territoriale.

Aujourd’hui, La Poste reprend les critères de gestion du secteur privé. On en mesure les conséquences en milieu rural : transformation de bureaux de poste en points poste ou en agences postales communales, manque de personnel, etc. Le service public de proximité est déjà bien abîmé !

Pour ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2030

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À la suite de la votation citoyenne organisée sur le statut de La Poste, M. Darcos a déclaré : « Si j’avais dû voter au cours de cette votation, j’aurais voté aussi contre la privatisation, pour une bonne raison, c’est qu’il ne s’agit pas de privatiser La Poste. » On pourrait saluer son bel enthousiasme si des faits têtus ne venaient contredire son affirmation.

À cet égard, permettez-moi de procéder à quelques brefs rappels.

L’ouverture à la concurrence du secteur postal a été décidée en 1997 par l’Union européenne, par l’adoption d’une directive le 15 décembre 1997 à Bruxelles. Le Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 a demandé « à la Commission européenne d’accélérer la libéralisation dans des secteurs tels que le gaz, l’électricité, les services postaux et les transports ». Le 15 octobre 2001, à Luxembourg, les ministres des quinze pays de l’Union européenne s’accordaient, après quelques controverses, sur la poursuite de l’ouverture à la concurrence des services postaux.

Pour désamorcer les résistances à la politique du tout libéral, ces mêmes ministres décidaient de lâcher un peu de lest par étapes successives, en 2003 et en 2006, tout en repoussant la déréglementation totale à l’année 2009.

Le calendrier de l’ouverture à la concurrence fut fixé peu de temps après, dans la directive 2002/39/CE du 10 juin 2002. Par la suite, le 4 octobre 2006, la Commission européenne a exigé de la France « la suppression de la garantie étatique illimitée en faveur de La Poste », considérant que cette garantie « plaçait l’entreprise dans une position avantageuse par rapport à ses concurrents et créait ainsi une distorsion de concurrence sur un marché en voie de libéralisation ».

C’est donc en cohérence avec la législation européenne de ces dix dernières années que le Gouvernement a arrêté, lors du conseil des ministres du 27 juillet 2009, le principe du changement de statut de La Poste.

Tout cela a déjà eu de nombreuses répercussions sur le système postal français. Comme cela s’est produit avec d’autres services publics, la mise en orbite capitalistique de La Poste a été précédée d’une profonde transformation de l’entreprise : introduction de techniques de management agressives, précarisation du personnel, dégradation du service et fermeture de bureaux, diversification dans des activités concurrentielles, rétablissement de la profitabilité.

Malgré tous ces éléments, la majorité, et M. Darcos en est l’exemple, n’assume pas sa volonté, pourtant explicite, de privatiser La Poste et rétorque que le changement de son statut ne signifie pas sa privatisation. Un argument déjà entendu dans le cas de France Télécom…

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue. Trois minutes, c’est la règle !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je conclus, monsieur le président !

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter l’amendement n° 18.

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2025

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Il s’agit d’un amendement de repli visant à reporter la date à laquelle La Poste devrait être privatisée.

L’article 1er du projet de loi revient sur la loi Quilès et prévoit la transformation de l’établissement public à caractère industriel ou commercial La Poste en société anonyme. Ce faisant, le Gouvernement, malgré les minces garde-fous proposés par le rapporteur, entend bien privatiser La Poste. Il le fait contre la volonté du peuple et sans que cela soit imposé par le droit communautaire.

Mais peut-être devrais-je parler de « sociétisation », terme cher à certains membres de la majorité et utilisé à propos de France Télécom, pour ne pas employer le vilain mot de « privatisation » et ne pas affoler les foules.

Ainsi, dans le rapport d’information intitulé Le bilan de la loi n° 96-660 relative à l’entreprise nationale France-Télécom, M. Gérard Larcher nous explique ce néologisme : la « sociétisation » de France Télécom est la « transformation en société anonyme détenue majoritairement par l’État […], dans des conditions garantissant […] de manière pérenne le statut et l’emploi des personnels de l’entreprise publique, tout en leur ouvrant de nouveaux droits ». Bref, il n’y a pas de quoi s’inquiéter pour le service public et les personnels.

Plus de dix ans après les lois de déréglementation et d’ouverture à la concurrence, et après la privatisation de France Télécom, où en sommes-nous ?

Alors que France Télécom totalisait 165 000 agents fonctionnaires en 1997, elle n’en comptait plus que 95 000 en 2008, dont 25 000 salariés de droit privé. Pour supprimer massivement l’emploi sans provoquer trop de remous social, la direction a mis en place une préretraite maison, le « congé de fin de carrière », ouverte aux fonctionnaires dès l’âge de cinquante-cinq ans, avec des conditions financières quasi équivalentes au salaire.

En dix ans, fortement inquiets pour leur l’avenir, 40 000 agents ont utilisé, de gré ou de force, cette porte de sortie. À la fin de l’année 2006, la direction a mis fin à ce dispositif pour des raisons financières, sans pour autant renoncer à la saignée des effectifs. Elle a ainsi annoncé son objectif de supprimer 22 000 postes sur 2006-2008. Du coup, les méthodes d’incitation au départ se sont « musclées ». Les pressions sur les agents se multiplient pour les pousser à trouver un emploi dans la fonction publique ou à créer leur propre entreprise. À la fin de l’année, l’opérateur devrait ainsi afficher 90 000 salariés au compteur.

Ces pertes d’emploi entraînent une explosion de la précarité au travers du développement de la sous-traitance. L’ouverture à la concurrence a déclenché une guerre tarifaire au détriment des usagers : les opérateurs s’entendent pour maintenir des tarifs élevés ; de nombreux services sont devenus payants ou plus chers ; la couverture de l’ensemble du territoire n’est pas assurée.

Seuls les actionnaires et les banques se frottent les mains. Si le bilan est catastrophique pour le service public et pour les droits et garanties des salariés, il est en revanche positif, en termes de résultats financiers, pour l’entreprise.

Parce que nous ne souhaitons pas que La Poste connaisse de telles dérives, nous vous demandons de repousser la date du changement de statut de cette entreprise. Bien sûr, un tel report ne vaut pas acceptation de la privatisation.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2020

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement comme ceux qui l’ont précédé sont pour nous des amendements de repli, car nous sommes contre la modification du statut de La Poste qui nous est proposée.

Ces amendements doivent également être compris comme des amendements d’appels destinés à permettre un débat sur le fond s’agissant de la situation actuelle et des projets d’avenir de cette grande entreprise publique, à laquelle tant de Français sont attachés.

Au-delà du présent amendement, c’est à un véritable état des lieux, à une réelle étude d’impact qu’il faut nous atteler collectivement. Pour permettre le grand débat national que nous appelons de nos vœux et qui doit également avoir lieu en dehors de cet hémicycle, il nous faut repousser la date d’entrée en vigueur du présent projet de loi. Il est en effet impossible que tout soit prêt pour le changement de statut dans moins de soixante jours.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2015

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, vous avez fait le choix de transformer La Poste en une société anonyme à compter du 1er janvier 2010, alors que rien ne vous y obligeait. En effet, il est faux de dire que ce changement de statut est une obligation voulue par l’Union européenne. Rien n’impose à l’État de faire évoluer le statut de La Poste pour se préparer à la libéralisation totale du courrier. La directive européenne prévoit la mise en concurrence, pas la privatisation.

Pourquoi une telle précipitation, une telle volonté de faire adopter la loi selon la procédure accélérée pour une application dès le 1er janvier 2010 ? Pourquoi ce refus opposé aux résultats de la votation citoyenne, alors que 75 % des Françaises et des Français sont opposés à la privatisation de La Poste ? Transformer La Poste en société anonyme et ouvrir son capital pour la privatiser, comme vous l’avez fait pour France Télécom, GDF et d’autres, est donc un choix idéologique !

La privatisation de La Poste s’accompagnera d’une recherche de rentabilité et d’une modification en profondeur des activités, au détriment des conditions de travail des postiers. Des restructurations sont déjà à l’œuvre dans certains départements où des agents sont reconvertis en commerciaux, où des postes de contractuels sont supprimés et remplacés par des automates et où des filiales de La Poste s’imposent lors de restructurations, avec des méthodes pour le moins douteuses. Bien entendu, ces dispositions sont prises au détriment de la qualité du service rendu aux usagers.

Pour stopper cette politique néfaste, nous demandons de repousser à 2015 la date de mise en œuvre de la mesure, prévue initialement le 1er janvier 2010.

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2014

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. L’article 1er traite de la date à laquelle la personne morale de droit public La Poste est transformée en une société anonyme dénommée La Poste.

Cet amendement a pour objet de reculer au 1er janvier 2014 l’échéance prévue au 1er janvier 2010.

Quatre années sont nécessaires pour permettre à La Poste de confirmer et de développer ses activités postales publiques, dans la fidélité à sa tradition d’excellence, qui remonte aux relais de poste instaurés par Louis XI, pour être aujourd’hui un établissement public à caractère industriel et commercial.

C’est ce maillage d’agences postales qui assure de nos jours la présence d’un service public de proximité sur l’ensemble de notre territoire.

Ces quatre années permettraient également à La Poste de prendre une part active aux assises de la ruralité, comme annoncé par M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, lors de son audition par la commission de l’économie, le 14 octobre dernier. En effet, la date de ces assises n’étant pas encore déterminée, il semblerait opportun de garantir le caractère public des missions universelles de La Poste, notamment celle de l’aménagement du territoire.

Ces assises seront l’occasion d’assurer le maintien du maillage actuel du territoire par les points de contacts postaux dont seule La Poste peut se prévaloir en tant que service public.

La loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales impose à La Poste une obligation de présence postale territoriale minimale, puisqu’elle dispose : « au moins 90 % de la population doit avoir accès à un point de contact de La Poste à moins de cinq kilomètres et à moins de vingt minutes de trajet automobile de son domicile ».

En ce sens, 88 % des Français résidant dans une commune rurale accueillant une agence postale communale ou un relais de poste en connaissent l’existence et en sont satisfaits ou très satisfaits.

Ces chiffres montrent bien l’attachement de la population à La Poste, qui est le symbole du service public de proximité.

La participation de La Poste comme entreprise publique aux assises de la ruralité est donc primordiale. Selon les propos tenus par M. le ministre lors de son audition, « ce dispositif, qui a fait la preuve de son efficacité, doit être préservé et servir de modèle pour tous les grands opérateurs qui ont signé la charte des services publics ». C’est donc le sens cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2013

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à repousser au 1er janvier 2013 la date à laquelle La Poste passerait au régime juridique de société anonyme.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. On se rapproche de la date prévue ! Proposez-nous un amendement fixant comme date le 1er janvier 2010 et nous le soutiendrons.

M. Thierry Foucaud. Selon nous, ce changement de date est tout à fait possible, puisque rien n’impose, en tout cas pas l’Union européenne, cette transformation de statut. La seule obligation, c’est l’« ouverture » – le gouvernement actuel aime utiliser ce mot – à la concurrence, c'est-à-dire le fait de livrer les usagers, les citoyens, les résidents français à des « vendeurs » de transport de courriers, se menant une concurrence libre et non faussée, et leur faisant payer le tarif qu’ils voudront, selon une logique de rentabilité, pour une qualité de service non garantie.

Quelle urgence y a-t-il à procéder à cette modification de statut, non obligatoire et inutile, en 2010 ? Pourquoi cette volonté, cette obsession devrais-je dire, de faire tout dans l’urgence ? Quelles en sont les motivations ?

Selon l’exposé des motifs du projet de loi que nous examinons, le statut d’établissement public de La Poste, qui fait aujourd’hui figure d’exception en Europe, ne lui permet pas d’être concurrentielle en accédant à des capitaux et à des sources de financement élargies.

Si je lis bien, cela veut dire que La Poste ne serait pas capable de faire face à la concurrence en étant un service public, avec les seuls moyens de l’État. D’autres moyens financiers seraient donc nécessaires… Mais quels seraient ces autres financements ? Et en permettant à La Poste de rester 100 % publique, comme vous ne cessez de le promettre, monsieur le ministre ?

Visiblement, les choses ne sont pas si simples. Les engagements d’aujourd’hui seront certainement remis en cause dans quelque temps, au regard évidemment de la réalité et du besoin de faire face à cette concurrence libre et non faussée, si belle, mais si violente et si destructrice pour nos entreprises. Pouvez-vous, monsieur le ministre, vous engager devant la représentation nationale que, lorsque les fonds devront être levés pour défendre cette belle entreprise ex-publique, nous n’aurons pas recours à d’autres fonds, privés cette fois ?

Pourquoi ne pas attendre de voir si La Poste avec son statut actuel, 100 % public, est capable de faire face à la concurrence imposée par l’Europe, plutôt que de la transformer en une société anonyme pour lever des capitaux autres que publics tout en promettant qu’on ne le fera pas ? Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2012

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pour toutes les raisons précédemment évoquées, nous jugeons que la libéralisation des services postaux n’est pas désirable. Cependant, si notre opposition à ce projet ne devait pas permettre de sauvegarder à terme le monopole public sur les activités postales, nous plaidons au moins pour qu’il soit repoussé en 2012.

Ce délai devrait permettre de mener à bien sereinement l’étude précitée que nous préconisons sur les conséquences de la libéralisation du secteur sur les conditions de travail et sur la qualité des prestations, et ce afin de pouvoir pallier d’éventuelles dégradations liées au nouveau statut.

Notre service postal est trop précieux pour décider, sans avoir mené jusqu’au bout la réflexion, de prendre des mesures dont nous ne connaissons pas clairement les effets, sinon au travers d’exemples étrangers et de la libéralisation d’autres services en réseau nationaux, qui, il faut le reconnaître, ne présagent rien de bon.

Peut-être au moins pourrons-nous nous garder, en préservant ce délai de transition, d’une inutile dégradation brutale de la qualité du service postal, tout particulièrement dans les zones enclavées, en offrant également une certaine prévisibilité aux entreprises qui seront affectées ?

De plus, un tel délai permettrait de se mettre en conformité avec la directive européenne tout en laissant un sursis pour que soient rediscutées les conditions de cette libéralisation en Conseil européen, eu égard à ses effets négatifs.

Car le combat n’est pas perdu contre cette idéologie néolibérale, pour laquelle les services publics ne sont qu’autant d’obstacles au développement du capitalisme mondialisé, parce qu’ils représentent une certaine conception de la société allant à l’encontre d’une philosophie de compétition permanente entre les individus et parce qu’ils contribuent au respect des droits de chacun, au respect d’un statut pour les salariés, au respect du bien commun, à plus de lien social et à plus de solidarité.

Ces valeurs-là comptent également, au-delà d’un enrichissement aveugle au nom duquel il faudrait tout sacrifier. Si vous êtes réticents, et si vous ressentez que cette politique va à l’encontre de la conception française d’un service public garant avant tout de l’égalité entre les citoyens, alors accordez-vous, accordons-nous au moins ce sursis de réflexion. C’est l’objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 432, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

dont le capital demeure en totalité public

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous avons une série d’amendements en discussion commune, dont sept sont proposés par le groupe CRC-SPG.

L’amendement n° 440 tend à s’opposer à la transformation de La Poste en société anonyme, mais, moins cohérent que l’amendement n° 445 des mêmes auteurs, il laisserait subsister les dispositions relatives à son capital. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 448 vise à maintenir le statut d’entreprise publique de La Poste. Pour les raisons déjà exposées, votre commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 449 se distingue de l’amendement précédent des mêmes auteurs par la précision que La Poste est une entreprise « en totalité » publique. Il appelle le même avis.

En ce qui concerne l’amendement n° 450, l’affirmation que La Poste demeure la propriété collective de la nation est vraie. Cela restera le cas même une fois que La Poste aura été transformée en société anonyme contrôlée à 100 % par l’État et d’autres personnes morales de droit public. Toutefois, tel que l’amendement est rédigé, cette affirmation se substitue aux dispositions transformant La Poste en société anonyme. Nous ne pouvons donc pas y être favorables.

L’amendement n° 451 n’est qu’une variante de l’amendement n° 450 des mêmes auteurs. Il appelle le même avis défavorable.

L’amendement n° 19 est le premier d’une série d’amendements tendant à repousser dans le futur la transformation de La Poste en société anonyme. Une telle mesure serait dangereuse, car, comme cela a déjà été souligné à plusieurs reprises, il y a urgence à mettre La Poste en état de recevoir la dotation en capital dont elle a besoin pour se moderniser.

L’avis de la commission est défavorable sur l’ensemble de ces sept amendements. Je vous rappelle qu’ils vont, par amendements de repli, de 2035 à 2012 et que le projet de loi prévoit 2010. Peut-être cette précision pourrait-elle vous inspirer…

La commission est également défavorable à l’amendement n° 432.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Les auteurs de ces amendements proposent l’année 2035 : pourquoi pas l’éternité ? (Sourires.)

Mme Odette Terrade. Mais nous avons l’éternité devant nous !

M. Christian Estrosi, ministre. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote sur l’amendement n° 440.

M. Martial Bourquin. Nous voterons évidemment ces amendements.

Pourquoi sommes-nous très attachés au service public de La Poste ?

Ce matin, M. le ministre nous a invités à faire attention, à ne pas nous montrer excessifs – tout ce qui est excessif est insignifiant –, et nous a demandé de cesser d’affirmer que le changement de statut de La Poste provoquerait des milliers de suppressions d’emplois.

Il faut effectivement éviter toute subjectivité. Je propose donc de nous fonder sur les chiffres publiés dans le bilan social de La Poste. Selon ce document, il y a eu 10 000 suppressions d’emplois en 2007 et 7 000 en 2008, soit un total de 17 000 sur deux ans. Vous voyez que je n’exagérais pas en évoquant « des milliers de suppressions d’emplois », monsieur le ministre ! J’ai pris comme source directe le bilan social de La Poste, un document dont vous disposez comme nous.

J’ai également essayé de me renseigner pour connaître la situation en 2009, ainsi que la stratégie de la direction de La Poste. L’objectif visé est désormais celui du remplacement d’un départ à la retraite sur cinq seulement, contre un sur deux ou un sur trois au cours des dernières années.

J’ai sous les yeux une courbe intéressante. Ce n’est pas subjectif : c’est objectif ! Le bilan social est le suivant : on comptait 315 364 équivalents temps plein en 2003, contre 295 742 en 2008, et 114 500 emplois précaires en 2003, contre 143 455 en 2008.

De fait, nous allons vers une grande précarisation du personnel, avec moins d’équivalents temps plein.

Nous sommes là au cœur du débat ! Avec la transformation de l’EPIC en société anonyme, la stratégie, qui est déjà pratiquée, ne manquera pas de connaître un coup d’accélérateur fantastique.

M. Alain Fouché. Le statut de l’EPIC ne l’a pas freinée !

M. Martial Bourquin. Cher collègue, laissez-moi m’expliquer, vous me contredirez par la suite ! Sur des questions de cette importance, essayons d’avoir un débat de qualité !

Je n’invente rien : il s‘agit du bilan social de La Poste ! Ces suppressions d’emplois, ce sont des facteurs en moins, des guichets fermés, des files d’attente qui s’allongent dans les bureaux de poste, un aménagement du territoire moins satisfaisant.

Au bout du compte, chers collègues, tous les élus, qu’ils soient de droite ou de gauche, seront confrontés à des problèmes récurrents, car ils seront privés de cet aménagement du territoire indispensable pour faire vivre la ruralité, pour que les quartiers sensibles disposent de services publics.

M. le ministre a annoncé qu’il créait des services publics dans les Alpes-Maritimes. Mais tous les départements ne disposent pas de la même richesse par habitant.

M. Alain Gournac. Vous allez nous faire pleurer !

M. Martial Bourquin. Un département comme la Creuse sera dans l’impossibilité de faire face à ces transferts de charges.

Nous défendons le grand service public qu’est La Poste, parce que nous défendons l’emploi,…