M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Mireille Schurch. Pourtant, ces autoroutes n’ont de sens que si l’on renforce parallèlement l’activité de wagon isolé. Cette nouvelle politique de compétitivité au sein même du fret a laissé des territoires entiers et de nombreuses PME sans solutions ; en tant qu’élue du Massif central, je peux en témoigner.
L’activité de fret a été filialisée, ce qui interdit toute péréquation, au sein de la SNCF, entre activités rentables et non rentables. Les annonces récentes du Gouvernement et de la direction de la SNCF sont tronquées, puisque le plan « Fret d’avenir », au lieu de permettre un essor du fret, entérine l’abandon pur et simple du wagon isolé.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Mireille Schurch. Ces décisions sont toujours prises au mépris des impératifs d’aménagement du territoire et du développement économique, notamment des PME.
M. David Assouline. C’est vrai !
Mme Mireille Schurch. Ainsi, malgré les déclarations d’intention du Gouvernement lors du Grenelle de l’environnement, les actes ne suivent pas, ce projet de loi étant profondément anti-écologique.
Certes, un conseil de développement durable du réseau ferré national est créé par cette loi – il ne comprendra aucun parlementaire, je le souligne -, mais le Gouvernement refuse toujours de reconnaître que l’activité de wagon isolé relève de l’intérêt général. Sacrifier cette activité, c’est pourtant mettre sur les routes des millions de camions supplémentaires !
L’idée que tout ce qui n’est pas rentable doit être abandonné n’est ni moderne ni écologique, contrairement à ce que vous voudriez nous faire croire. L’impératif de rentabilité économique est inopérant si l’on considère l’intérêt général et la satisfaction des besoins du plus grand nombre.
La première responsabilité de l’État, c’est d’être le garant de l’intérêt général et non pas, comme j’ai pu l’entendre lors des débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale, de « veiller au développement, sans discrimination, de la concurrence ». Le marché, nous le savons, ne se laisse pas réguler !
À ce titre, nous déplorons que ce texte, par le biais des opérateurs de proximité, remette en cause l’unicité du réseau national, en autorisant RFF, à l’article 2, à se débarrasser d’une partie de son réseau, jugée non rentable, alors même que l’article 2 bis prévoit de lui confier la responsabilité des gares de fret.
La modernité, ce n’est donc pas laisser agir la main invisible du marché, ou plutôt, en l’occurrence, laisser l’ARAF réglementer l’activité des transports. Être moderne, c’est aussi investir pour moderniser les transports publics et les infrastructures, afin d’améliorer leur efficacité et leur fiabilité. C’est également mailler le territoire, en s’appuyant sur le réseau existant et en le fortifiant.
M. Jacky Le Menn. Très bien !
Mme Mireille Schurch. La région d’Île-de-France, par le biais du STIF, a contribué à développer l’offre de transport sur son territoire, au prix d’investissements massifs. Cela vous est insupportable. Vous faites donc le choix, au détour d’un amendement plus que contestable tant sur la forme que sur le fond, de transférer purement et simplement son patrimoine à la RATP.
Au-delà de l’expression d’une volonté inébranlable de remettre la main sur les transports en Île-de-France - voire sur le conseil régional, nous l’avons bien compris -, cet amendement pose un problème de fond. Vous nous martelez sans cesse que Bruxelles interdit les aides d’État, justifiant d’ailleurs ainsi l’ouverture du capital de La Poste, mais, parallèlement, et de façon très surprenante, vous offrez gratuitement à la RATP un patrimoine gigantesque, de plusieurs milliards. Ce double discours est difficile à comprendre !
Ce fameux amendement introduit également un calendrier fixant l’ouverture à la concurrence des métros en 2039, c'est-à-dire dans trente ans ! Que traduit-il donc, sinon votre volonté de faire dire au règlement relatif aux obligations de service public, dit règlement OSP, ce qu’il ne dit pas ? En effet, ce règlement n’impose pas l’ouverture à la concurrence des transports régionaux et urbains, il encadre simplement les formes choisies par les autorités organisatrices.
Comment ne pas faire le lien avec ce que proposait en première lecture notre collègue Hubert Haenel pour les TER, sachant que le député Hervé Mariton souhaitait un échéancier pour leur ouverture à la concurrence ? M. Apparu vient de le rappeler, M. le secrétaire d’État chargé des transports y est favorable.
À cet égard, je vous le rappelle, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, en réponse à une question orale, affirmait que l’objet du règlement OSP n’était pas d’anticiper l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires intérieurs.
Vous n’avez à la bouche que la « concurrence libre et non faussée », et ce alors même que tous les indicateurs sont au rouge, témoignant ainsi de l’échec du modèle économique libéral. Les conséquences sociales du règne du Marché, que subissent aujourd’hui de plein fouet nos concitoyens, rendent nécessaire et urgente une prise de conscience des erreurs commises, non pas l’accélération de vos réformes.
Dans votre logique, vous créez l’ARAF, nouveau « gendarme » du transport ferroviaire, pour accompagner l’ouverture à la concurrence. Les pouvoirs qui lui sont confiés sont importants, afin de garantir que l’arrivée des nouveaux entrants se fera dans des conditions favorables.
Les autorités de régulation dites indépendantes sont le nouveau modèle de la puissance publique pour garantir transparence et indépendance.
Or la transparence, monsieur le secrétaire d’État, vous l’obtiendrez non pas en permettant à l’État de se désengager et de se défausser de ses responsabilités, mais, bien au contraire, en garantissant des espaces de démocratie. Or vous en êtes très loin ! En effet, vous réduisez massivement le nombre des élus avec la réforme des collectivités territoriales, vous muselez le Parlement par les nouveaux règlements des assemblées, vous supprimez autoritairement la taxe professionnelle… La liste est longue !
La nouvelle autorité disposerait d’un pouvoir réglementaire et d’un pouvoir de sanction.
En ce qui concerne le pouvoir réglementaire, il s’agit d’un pouvoir par délégation, mais, en l’absence de précision de la part de M. le secrétaire d’État, l’homologation est réputée acquise. Sur la forme, c’est une grave atteinte au principe de constitutionnalité du pouvoir réglementaire. Sur le fond, nous estimons que la concentration de ces pouvoirs entre les mains de personnalités qui ne seront pas comptables de leurs actes est absolument scandaleuse.
Par ailleurs, nous renouvelons notre opposition à la prééminence accordée à l’ARAF sur l’EPSF, l’Établissement public de sécurité ferroviaire, réaffirmée à l’article 9 de ce projet de loi, qui indique que le respect des règles de sécurité ne saurait avoir pour effet d’entraver le bon fonctionnement du marché concurrentiel.
Nous continuons de penser que la sécurité ne peut être sacrifiée sur l’autel de la rentabilité économique.
Les débats ont aussi permis d’intégrer dans ce texte, d’une part, la création, au sein de la SNCF, d’une nouvelle direction regroupant les 14 000 agents travaillant pour le compte de RFF et, d’autre part, une gestion spécifique des gares au sein des comptes de la SNCF, alors qu’aucune directive communautaire ne l’impose.
Ce zèle du gouvernement français est encore plus inexplicable au moment où chacun s’accorde à penser que l’existence, dans notre pays, de services publics a permis d’amortir la crise économique que nous traversons.
Pourtant, la logique de votre politique reste toujours la même. Dans un secteur aussi stratégique que celui des transports, on aboutit ainsi au schéma suivant : les collectivités financent, sur leur territoire, les services non rentables, sous peine de les voir supprimés, tandis que, parallèlement, les axes rentables sont ouverts à la concurrence et les partenariats public-privé développés, pour permettre aux géants de l’immobilier de réaliser des profits colossaux.
Quant à l’État, il se désengage. L’aide au transport combiné ne cesse de décroître, passant de 90 millions d’euros en 2002 à 35 millions d’euros en 2009. Les subventions à l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, ont diminué de 220 millions d’euros.
La révolution verte prônée par M. Borloo dans cette assemblée pour introduire les débats sur le Grenelle de l’environnement ne sera donc pas au rendez-vous en 2010. À ce titre, la reprise de la dette de RFF n’est toujours pas à l’ordre du jour, même si je me félicite que ce texte prévoie la remise d’un rapport sur cette question au Parlement avant la fin de l’année 2009. Je ne peux qu’inciter le Gouvernement à agir rapidement en ce domaine, car il y a urgence.
Au final, vous l’aurez bien compris, chers collègues, les sénateurs et sénatrices du groupe CRC-SPG ne pourront voter ce texte, qui, conformément à une logique récurrente, démantèle le service public ferroviaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, au début des années quatre-vingt-dix, pour tenter d’enrayer le déclin du mode de transport ferroviaire par rapport au mode de transport routier, l’Union européenne adoptait un texte de base, la directive 91/440, puis, successivement, plusieurs directives constituant trois paquets ferroviaires relatifs aux infrastructures et à l’ouverture à la concurrence du fret puis au transport international de voyageurs.
La transcription en droit français d’une partie de ces directives est déjà intervenue. Ainsi, pour la séparation de la gestion de l’infrastructure ferroviaire de celle de l’exploitation des services de transport, la France, en créant RFF, est même allée plus loin que la seule séparation comptable exigée par l’Union européenne.
Un établissement public de sécurité ferroviaire a été créé. Des spécifications techniques communes ont été mises en œuvre en matière de signalisation et pour la construction de matériels moteurs susceptibles de capter plusieurs types de courant électrique.
Enfin, le monopole de la SNCF sur le service intérieur de marchandises a été supprimé le 1er janvier 2006.
Il reste à transposer une série de dispositions du troisième paquet ferroviaire, ainsi qu’une partie d’une directive relevant du premier paquet.
Tel est l’objet de ce projet de loi, qui prévoit d’abord l’ouverture à la concurrence des services internationaux de transport de voyageurs à compter du 13 décembre 2009, ainsi que la possibilité, sous certaines conditions, de prendre et de déposer des voyageurs dans les gares françaises situées sur le trajet d’un service international.
En revanche, le texte ne prévoit pas l’ouverture à la concurrence des services régionaux de transport de voyageurs, celle-ci ne s’imposant ni aux termes d’une quelconque directive européenne, ni aux termes du règlement relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit « règlement OSP ».
Le projet de loi vise aussi à créer les conditions du développement des opérateurs ferroviaires de proximité, ce qui se traduit notamment par la fin du monopole de la SNCF pour l’entretien des lignes à faible trafic, réservées au transport de marchandises.
Il prévoit en outre la création d’une autorité administrative indépendante chargée de la régulation, c’est-à-dire chargée de garantir aux opérateurs un accès aux réseaux équitable et non discriminatoire.
Les titres IV et V du projet de loi contiennent des dispositions relatives à des concessions routières et aux conditions de travail des personnels navigants de l’aviation civile.
Je rappelle que, le 9 mars dernier, le groupe socialiste a voté contre ce texte.
En effet, si quelques-uns de nos amendements ont été adoptés, et quelques-uns seulement – la certification des conducteurs de trains, la réintégration, dans la loi d’orientation des transports intérieurs, de l’expression « service public de transport ferroviaire », ou encore l’affirmation du rôle de RFF comme gestionnaire du réseau ferré national –, aucune avancée réelle n’a été enregistrée sur la question, essentielle, des relations entre RFF et la SNCF.
Pourtant, alors que l’endettement de RFF est identifié comme étant la principale difficulté en matière d’investissement ferroviaire, le texte ne prévoit aucune solution permettant le remboursement progressif de cette dette.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Michel Teston. Pourquoi ne pas avoir profité de ce texte pour réaliser la nécessaire clarification des relations entre RFF et la SNCF et pour revenir sur ce que nombre d’observateurs considèrent comme le « raté » de la loi du 13 février 1997 ?
M. Jacky Le Menn. C’est sûr !
M. David Assouline. C’est évident !
M. Michel Teston. En effet, principalement préoccupé par la question de la dette ferroviaire, qui risquait de léser la France dans la perspective du respect des critères de Maastricht, le législateur français avait alors négligé la logique élémentaire.
Il en est résulté une véritable « usine à gaz », dans la mesure où RFF se trouve contraint par la loi de déléguer l’essentiel de ses missions à la SNCF, qui est, par ailleurs, un opérateur ferroviaire théoriquement à égalité avec les autres. Dans les faits, l’indépendance est certes « bruxello-compatible », mais elle n’est pas réelle, puisque des relations commerciales contraintes, qui ne manquent pas d’interpeller, lient les deux entités.
Dans son rapport sur l’organisation ferroviaire, notre collègue Hubert Haenel parle même d’un « constat de carence de l’État en matière de gouvernance et de financement du système ferroviaire ». D’autres rapports apportent leur pierre au diagnostic posé - l’extraordinaire complexité du système français – et parfois avancent des pistes de solutions. Ainsi, la Cour des comptes dans son rapport d’avril 2008 intitulé Le réseau ferroviaire, une réforme inachevée, une stratégie incertaine, et Hervé Mariton, dans le rapport d’information n° 875 publié en mai 2008, dont la première partie s’intitule : « Les péages ferroviaires : pour quoi faire ? », s’accordent sur les mêmes constats : l’urgence est à l’adoption de dispositions de simplification et au remboursement de la dette de RFF.
À l’instar de ce qui a été fait en Allemagne, en Autriche et en Italie, la meilleure solution consisterait, pour nous, à créer une structure au sein de laquelle le gestionnaire du réseau serait une filiale de la SNCF.
Cette organisation, qui semble fonctionner correctement dans les pays que j’ai cités, suppose cependant que l’État reprenne la dette de RFF, qui s’élève à près de 28 milliards d’euros aujourd'hui. À défaut, celle-ci apparaîtrait dans les comptes consolidés de l’ensemble, ce qui aurait de lourdes conséquences tant pour RFF que pour la SNCF, et ce dans un contexte caractérisé par la concurrence.
Cela m’amène à la principale critique formulée par notre groupe sur ce texte.
Nous considérons que ce projet de loi, tout comme la directive qu’il a pour objet de transposer, est inspiré par l’idée selon laquelle il n’y a pas de salut pour les services internationaux de transport de voyageurs en dehors de la concurrence. Comme si la qualité du service ou encore la productivité étaient systématiquement liées à l’ouverture à la concurrence ! Qui peut le croire ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Le secrétaire d’État !
M. Michel Teston. Force est de constater que les arguments sont rares pour justifier l’ouverture à la concurrence des services de transport de voyageurs. (M. Roland Courteau approuve.)
Pourtant, cette marche forcée, amorcée au début des années quatre-vingt-dix, n’a jamais été remise en question, et ce malgré les expériences peu concluantes de quelques pionniers, en particulier la Grande-Bretagne qui, depuis, a fait machine arrière.
En outre, comme l’illustrent les nouvelles lignes directrices communautaires sur les aides d’État aux entreprises ferroviaires du 22 juillet 2008, cette libéralisation s’accompagne de tant de dérogations et autres entorses au principe de libre concurrence, inhérentes aux besoins du secteur, que sa justification originelle est devenue difficile à défendre.
Ces dérogations vont en effet du financement des infrastructures ferroviaires à l’aide à l’achat et au renouvellement du matériel roulant, en passant par l’annulation de dettes, la restructuration de branches fret ou encore les aides pour la correction d’externalités négatives, pour ne citer que ces exemples.
À l’avenir, le dispositif qui nous est proposé pourrait conduire à un « écrémage » des lignes considérées comme rentables, avec une forte concurrence sur quelques linéaires où il y a fort à parier que, si les prix baissent, la qualité des services baissera également.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Michel Teston. Quant à l’emploi, il ne pourra qu’en pâtir !
M. Guy Fischer. C’est une évidence !
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Michel Teston. Les opérateurs historiques risquent bien d’être en difficulté, alors même qu’ils devront continuer à assurer le transport international de voyageurs sur les autres lignes, c’est-à-dire celles qui sont peu ou pas rentables.
L’ouverture à la concurrence n’est donc pas la solution à retenir pour développer les services internationaux de voyageurs.
Les membres de notre groupe considèrent qu’il existait une autre voie, écartée par l’Union européenne et sacrifiée sur l’autel du libéralisme. Cette voie était, et demeure, l’incitation à la coopération entre les grands opérateurs ferroviaires. Ces derniers l’ont d’ailleurs bien compris, ce qui explique les rapprochements qu’ils opèrent en vue d’offrir des services qui, dans l’ensemble, fonctionnent correctement.
Tout le monde connaît ces services : Eurostar, Thalys, Lyria, Alleo, Artesia et Elipsos sont autant de partenariats conclus par la SNCF avec les autres grands réseaux européens voisins.
J’en viens à l’« apport », si l’on peut dire, de l’Assemblée nationale.
Les modifications que l’Assemblée nationale a introduites dans ce texte sont loin de répondre à notre attente, à l’exception de la nouvelle rédaction de l’article 3 A, aux termes de laquelle le Gouvernement doit remettre, avant la fin de l’année 2009, un rapport au Parlement présentant les solutions proposées pour le remboursement de la dette de RFF.
L’amendement similaire que nous avions déposé lors de la première lecture du texte au Sénat avait été largement édulcoré à la demande de la commission et du Gouvernement. En l’occurrence, l'Assemblée nationale a donc été plus audacieuse que la majorité sénatoriale, qui ne nous avait pas complètement suivis.
M. Roland Courteau. Cela arrive parfois !
M. Michel Teston. La principale modification due à l’Assemblée nationale reste toutefois liée à l’adoption, nuitamment, le 22 septembre, d’un amendement gouvernemental qui transfère une partie des actifs du STIF à la RATP…
M. Guy Fischer. Une honte !
M. David Assouline. Un scandale !
M. Jean-Jacques Mirassou. Un hold-up !
M. Michel Teston. … et qui place la Régie dans une situation délicate par rapport au règlement OSP relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route. Sur ce point, les déclarations de M. le secrétaire d’État ne nous ont pas convaincus.
Cet amendement a, en outre, été adopté en totale violation des droits du Parlement, puisqu’il a été introduit devant l'Assemblée nationale alors que la lecture au Sénat avait déjà eu lieu et que la déclaration d’urgence privait notre assemblée de toute possibilité d’examiner cette disposition avant la commission mixte paritaire.
M. Guy Fischer. J’ai eu l’occasion de faire un rappel au règlement sur ce point !
M. Michel Teston. Ainsi, comme nous le verrons tout à l’heure, de nombreux articles ont été ajoutés sur lesquels le Sénat n’a pas pu se prononcer.
Lors de la CMP du 27 octobre, les parlementaires des groupes socialiste et CRC-SPG ont défendu des amendements tendant à supprimer la disposition relative au STIF et à la RATP, lesquels proposaient, en particulier, de procéder à un recensement des biens et des actifs de manière transparente et paritaire, de manière à pouvoir formuler les propositions les plus adaptées au regard de l’efficacité du réseau et de l’équilibre budgétaire des différentes entités concernées.
Peine perdue ! Ces amendements ont été systématiquement rejetés…
Mme Nicole Bricq. Le combat n’est jamais perdu !
M. Michel Teston. Nous constatons donc que ce texte, au terme d’un parcours parlementaire insatisfaisant lié au recours à la déclaration d’urgence, ouvre à la concurrence les services internationaux de transport de voyageurs, en application d’une directive européenne.
Nous sommes tout au contraire convaincus, comme je l’ai expliqué le 9 mars dernier, lors du vote sur l’ensemble de ce texte, que le développement du transport ferroviaire de voyageurs passe par la coopération des grands opérateurs historiques, et non par une concurrence sauvage entre eux.
Par ailleurs, ce texte n’apporte aucune vraie réponse à la question, pourtant essentielle, de la résorption de la dette de RFF.
Enfin, nous n’acceptons pas que notre assemblée ait été privée, du fait de la déclaration d’urgence, de la possibilité d’examiner l’amendement relatif à la RATP et au STIF,…
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Michel Teston. … que le Gouvernement a introduit à l’Assemblée nationale, après examen du texte par le Sénat, amendement auquel nous nous opposons résolument.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous voterons contre ce projet de loi.
Ce texte, au-delà de son contenu, traduit le choix de l’Union européenne de séparer les infrastructures de l’exploitation, avec toutes les conséquences qui s’ensuivront.
Faut-il rappeler que les chemins de fer japonais, dont le réseau voyageurs est certainement le meilleur du monde, n’ont pas fait ce choix, non plus que les Américains, qui disposent d’un réseau fret performant ?
M. David Assouline. Personne, dans le monde, n’a fait ce choix !
M. Michel Teston. J’ai véritablement l’impression que, depuis un certain nombre d’années, bon nombre de décideurs européens se sont trompés. Malgré tout, en tant que socialistes, nous restons optimistes et gardons l’espoir que, un jour, l’Union européenne sera capable d’arrêter des choix permettant de développer réellement le chemin de fer en Europe, dans la logique de ce que font tous les États. (M. David Assouline s’exclame.)
Nous ne sommes pas les seuls à nous être engagés dans un Grenelle de l’environnement ! Aussi, je le répète, nous restons optimistes pour l’avenir.
Un jour, nous en sommes certains, il sera possible de mettre sur pied un système ferroviaire intégré…
M. David Assouline. Et cohérent !
M. Michel Teston. … reposant sur la coopération entre les réseaux et répondant réellement à l’attente des Européens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voilà parvenus au terme de l’examen d’un projet de loi qui, en dépit des apparences de technicité parfois trompeuses, recèle de véritables enjeux pour l’avenir immédiat de nos principaux modes de transport.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yvon Collin. Ce texte pourrait permettre de mieux mettre en valeur notre mode de transport ferroviaire, outil fondamental du développement économique et du désenclavement de nos territoires, à plus forte raison des territoires ruraux.
La question des transports est vaste, car elle a trait non seulement à la mobilité, mais aussi à l’accessibilité, à la fracture territoriale et aux enjeux environnementaux.
Le secteur des transports mobilise des moyens publics colossaux et les efforts en sa faveur devront être amplifiés, même dans un cadre libéralisé. En effet, si cette libéralisation est tant redoutée, ce n’est pas que pour des raisons idéologiques. On peut en effet souhaiter la concurrence lorsque celle-ci contribue à diversifier l’offre et à faire baisser les tarifs pour les usagers. Mais ne nous leurrons pas : aucun partenaire privé ne s’occupera des lignes peu rentables, qui ont pour seule vocation de répondre aux soucis légitimes d’aménagement du territoire.
M. Jacky Le Menn. Exactement !
M. Yvon Collin. L’État et les collectivités locales seront toujours sollicités dans leur rôle de régulateur. C’est la raison pour laquelle, en vérité, notre pays a transposé les directives européennes a minima.
En l’absence d’évaluation et d’étude d’impact ou de schéma global des transports, ce projet de loi souffre manifestement d’un manque d’ambition. Nous disposions pourtant de trois ans pour examiner les effets de la transposition de cette directive.
En outre, les préconisations du Grenelle de l’environnement auraient dû amener la commission mixte paritaire à plus de volontarisme dans le domaine des transports propres.
Ce texte, monsieur le secrétaire d'État, ne nous satisfait guère eu égard aux espoirs et aux attentes qu’il aurait dû susciter.
On nous a affirmé que la libéralisation et l’ouverture à la concurrence augmenteraient le transfert modal de la route vers le rail. Or rien ne permet de soutenir cette affirmation. En l’état actuel, une entreprise qui se situe, sur le plan géographique, à l’écart des grandes lignes aura nécessairement recours, pour de faibles livraisons, au mode de transport le plus fiable et le moins cher, ce qui n’est pas le cas du service de transport par wagons isolés, devenu extrêmement coûteux et aléatoire.
Je regrette également que le texte ne prenne pas réellement en compte le principe de compensation des communes traversées par les lignes à grande vitesse, comme nous le souhaitions tous ici. Il aurait été très significatif d’adresser un signal important en matière d’aménagement du territoire : ce sont principalement les petites communes qui auraient été concernées par cette compensation.
Comment, monsieur le secrétaire d'État, dans un cadre totalement concurrentiel, la survie de lignes dédiées au principe d’aménagement du territoire sera-t-elle garantie ? Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire ne répond pas, à l’évidence, à cette interrogation.
Beaucoup de questions agitent les élus, car la mobilisation des usagers contre les fermetures de gares n’est pas un mince combat. Pour beaucoup, c’est le combat d’une vie, la gare demeurant un symbole de l’enracinement des hommes sur un territoire.
Nous devions rechercher l’excellence pour nos territoires ; celle-ci passait par le désenclavement et l’accessibilité, sans lesquels il n’y a pas d’attractivité touristique et économique possible.
Aujourd’hui, nous restons sur notre faim. Certes, le développement des lignes à grande vitesse est vital, mais les lignes secondaires demeurent malheureusement les grandes oubliées de la politique gouvernementale.
À l’instar de mes collègues des groupes socialiste et CRC-SPG, je considère qu’il n’était pas du tout opportun de faire adopter en catimini par l’Assemblée nationale un amendement gouvernemental tendant à modifier profondément l’organisation des transports publics d’Île-de-France, sans même que le Sénat puisse l’examiner.
Sans concertation préalable, sans même que notre assemblée se prononce du fait de cette détestable déclaration d’urgence, un nouveau règlement devrait entrer en vigueur dès le 3 décembre prochain. Le capital du STIF serait ainsi transféré à la RATP sans même que l’avis des syndicats, de la région, de la Ville de Paris ou des départements aient été sollicité. Belle concertation !
Les modalités d’adoption de cet amendement ont fait l’effet d’une bombe pour des élus de droite comme de gauche. Sans parler du fond, c’est la méthode elle-même qui est condamnable. À cet égard, je remercie M. le rapporteur de l’avoir lui-même rappelé.
Néanmoins, le principal apport de ce projet de loi est la création d’une autorité administrative indépendante de régulation des activités ferroviaires. La notion d’encadrement et de régulation prend tout son sens aujourd’hui. Cette autorité veillera à garantir le libre accès au réseau ; c’est un élément positif qu’il convient de souligner.
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires pourra non seulement instruire les plaintes des différents acteurs du secteur, mais aussi prendre l’initiative d’enquêtes et d’investigations. Dotée d’un pouvoir de sanction, elle pourra également infliger une amende pouvant représenter jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires de l’opérateur.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je conclurai mon propos par quelques observations relatives aux dispositions touchant à l’aviation civile, secteur auquel je suis particulièrement sensible en raison de ma fonction de rapporteur spécial pour le Sénat du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
En première lecture, j’avais déposé un amendement visant à définir la notion de « mission », à en préciser le contenu, mais également à s’assurer, dans le respect des mesures prises pour garantir la sécurité des vols, du respect des droits des passagers, afin que ces derniers puissent être rapatriés en cas de nécessité, et ce dans les meilleurs délais.
Le texte de la commission mixte paritaire fait une proposition différente de celle que je formule. Sans définir la mission, il dispose que, dans le respect des mesures prises pour assurer la sécurité des vols, le personnel navigant est tenu, sauf cas de force majeure ou impossibilité médicale, d’assurer son service programmé entre deux passages à l’une des bases d’affectation. Il s’agit là d’un compromis raisonnable auquel je peux me rallier.
Néanmoins, mes chers collègues, en dépit des quelques avancées techniques, ce texte demeure insatisfaisant en raison du manque cruel de mesures liées à l’aménagement du territoire et au désenclavement de notre pays.
Aussi, la grande majorité des membres de mon groupe ne peut approuver ce texte issu de la commission mixte paritaire. Pour les motifs que je viens de développer, tout particulièrement en raison des dispositions relatives au STIF, dispositions avec lesquelles nous ne sommes d’accord ni sur le fond ni sur la forme, à savoir la manière dont elles ont été introduites dans ce texte, ceux d’entre nous qui s’étaient abstenus lors de l’examen en première lecture voteront cette fois-ci contre les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)