M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, auteur de la question n° 632, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Mme Christiane Demontès. Madame la secrétaire d’État, ma question a trait au secteur du travail social, qui, comme chacun le sait, a été confronté l’année dernière à de très importantes difficultés budgétaires. En application de la loi du 31 mars 2006 sur l’égalité des chances, les établissements et les services sociaux et médico-sociaux de droit privé ont l’obligation de verser une gratification aux étudiants qui y effectuent un stage de plus de trois mois.
Si personne ne conteste l’objet de cette disposition – je pense notamment à mon collègue Jean-Pierre Godefroy, qui a déposé une proposition de loi très intéressante sur l’importante question des stages –, sa mise en application a été rendue extrêmement difficile. Comment pourrait-il en être autrement lorsque l’État, malgré les engagements réitérés du ministre des affaires sociales d’alors, n’a jamais daigné verser les montants correspondant à cette gratification ?
Certains conseils généraux, il est vrai, ont subventionné ces établissements, mais d’autres ont choisi de ne pas le faire. Si la responsabilité de la gratification devait revenir aux organismes de formation, cela ne ferait que déplacer le problème vers les conseils régionaux, qui, rappelons-le, ont la responsabilité, depuis 2004, d’organiser les formations sanitaires et sociales. Il devrait donc revenir à l’État d’abonder leur financement en conséquence, mais une telle proposition serait tombée sous le coup de l’article 40 de la Constitution.
En tout état de cause, la situation est loin d’être satisfaisante. Elle devient même très inquiétante, puisque, le 24 avril dernier, le Président de la République a présenté un plan d’urgence visant à favoriser la formation et l’accès à l’emploi de 500 000 jeunes d’ici à 2010 et a fait part de sa volonté de voir les stagiaires désormais gratifiés dès le deuxième mois de stage.
À l’occasion des débats sur l’article 8 bis de la proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d’emplois, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, la question de ce financement a été soulevée à de nombreuses reprises. Or nous ne pouvons nous satisfaire d’une position gouvernementale qui renvoie uniquement la responsabilité de ce financement aux organismes de formation ou aux collectivités territoriales.
Ces stages, je le rappelle, concernent l’ensemble des formations de conseiller en économie et social, d’éducateur spécialisé, d’éducateur technique spécialisé et la quasi-totalité de celles d’éducateur de jeunes enfants et d’assistant de service social. L’Association française des organismes de formation et de recherche en travail social a chiffré le coût de cette gratification dès deux mois de stage pour plus de 28 320 ayants droit à 25 millions d’euros par an.
Gageons que, si les difficultés ont pesé pour la gratification des stages de trois mois, il en sera a fortiori de même pour ceux de deux mois. Aussi, je souhaite savoir quelles dispositions le Gouvernement compte prendre afin que les organismes accueillant les stagiaires les gratifient et qu’en tout état de cause l’État ne procède pas une nouvelle fois à un transfert de charges sur les collectivités territoriales sans en garantir la compensation budgétaire intégrale.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Madame la sénatrice, la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 a prévu la gratification obligatoire des stages étudiants en entreprise d’une durée supérieure à trois mois et le décret du 31 janvier 2008 a fixé le montant de cette gratification.
Le Gouvernement a ainsi veillé à faciliter les stages des formations sociales dans les établissements et les services sociaux et médico-sociaux ainsi que dans les structures d’accueil collectif de la petite enfance afin de favoriser le bon déroulement de ces cursus de formation, qui est essentiel à la satisfaction des besoins d’accompagnement des personnes fragiles.
Le coût relatif à la gratification obligatoire constitue une dépense qui s’impose aux structures d’accueil et qui a vocation à être couverte par les tarifs.
C’est pourquoi le Gouvernement a pris les dispositions nécessaires afin de neutraliser, pour les financements relevant de l’État, de l’assurance maladie ou de la branche famille, le coût de la gratification obligatoire à la charge des structures accueillant des étudiants en stage.
Il a également sensibilisé les conseils généraux à l’importance d’adopter une position similaire dans le cadre des financements qu’ils accordent aux structures qu’ils tarifent, pour que l’accueil de stagiaires ne se heurte pas à un obstacle financier, fût-il minime. Il est de la responsabilité des départements, chefs de file de l’action sociale et médico-sociale et associés à l’élaboration des schémas régionaux des formations sociales, de faire en sorte que les formations conduisant à ces métiers puissent s’effectuer dans de bonnes conditions, en veillant à ce que les étudiants puissent réaliser les stages obligatoires de ces formations.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos arguments, je n’ai d’ailleurs pas dit que nous étions contre la gratification des stages. Il y a effectivement beaucoup d’abus, on l’a bien vu au moment de la discussion du projet de loi, mais il faut tenir compte de la réalité des établissements.
La plupart des organismes d’accueil sont des organismes sociaux et sont souvent financés uniquement par de l’argent public. Je pense aux établissements qui embauchent les éducateurs spécialisés, aux foyers d’accueil pour les jeunes en difficulté qui font l’objet de mesures judiciaires ou sociales, aux établissements qui accueillent les personnes âgées, sujet que vous connaissez bien, madame la secrétaire d’État.
Par conséquent, lorsque vous dites qu’ils doivent payer les gratifications, cela veut dire que les autorités de tutelle, c’est-à-dire la plupart du temps les conseils généraux, doivent donner de l’argent aux organismes pour qu’ils puissent gratifier les jeunes en stage.
C’est le serpent qui se mord la queue, si je puis m’exprimer ainsi, parce que les conseils généraux ont eux-mêmes des difficultés financières – ce n’est pas mon collègue Yves Daudigny, président du conseil général de l’Aisne, qui me contredira –, et nous nous trouvons dans une situation dont nous n’arrivons pas à sortir. Nous devons faire très attention, me semble-t-il, car à terme les formations au travail social elles-mêmes seront peut-être mises en cause.
Madame la secrétaire d’État, votre réponse ne me satisfait pas, bien évidemment.
Tarification des établissements pour personnes âgées dépendantes
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la question n° 641, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée des aînés.
M. Yves Daudigny. Madame la secrétaire d’État, le rapport d’étape de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque souligne que près de 80 % des personnes hébergées en institution disposent d’un revenu inférieur au coût de leur séjour.
Déjà dans l’Aisne, un phénomène inquiétant apparaît : certaines personnes âgées, pour des raisons financières, renoncent à entrer en établissement et certains lits sont désormais inoccupés.
Selon les projections de l’INSEE, la progression du nombre de personnes âgées dépendantes devrait connaître un premier pic d’ici à 2012, c’est-à-dire demain.
Que vont devenir ces personnes ? Nombreuses sont celles qui ne disposeront pas des moyens nécessaires pour financer leur hébergement en établissement spécialisé. Comment la société les prendra-t-elle alors en charge ?
Quel niveau d’équipement et de protection sociale la société sera-t-elle en mesure d’apporter à cette population ?
Aborder la question de la tarification, c’est aborder ce sujet majeur du service public, de la relation à l’usager et à l’humain, de la prise en charge collective que nous sommes en mesure d’apporter à nos aînés.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoit que, dès le 1er janvier 2010, les tarifs d’hébergement fixés par le président du conseil général ne seront opposables qu’aux bénéficiaires de l’aide sociale.
Pour les autres résidents, le tarif à l’entrée en établissement sera fixé librement par le gestionnaire et augmentera ensuite annuellement en appliquant un taux d’évolution arrêté par le ministre chargé de l’économie et des finances.
Le Gouvernement a proposé un premier projet de décret d’application qui a suscité de très vives réactions. Ce premier projet a été retiré.
Si l’on ne peut qu’être d’accord avec la volonté d’atténuer les prix de journée, volonté qui anime bien votre projet de décret, la lecture de ce nouveau texte ravive l’inquiétude sur les conséquences et les incidences qui en découlent.
La question du coût réel des charges de fonctionnement et de leur financement reste posée ; ces coûts dépasseront vraisemblablement les enveloppes forfaitaires du soin et de la dépendance que vous avancez et se répercuteront inévitablement sur la section hébergement. La convergence tarifaire que vous proposez pourrait aussi accentuer cette tendance.
Comme ni les conseils généraux ni les résidents ne peuvent à eux seuls supporter cette prise en charge, quels moyens seront alors mis en œuvre ?
Dans le nouveau projet de décret, le président du conseil général fixe un prix de journée « au seul flux des nouveaux entrants ». Comment ne pas s’inquiéter de cette inégalité de traitement entre les anciens et les nouveaux résidents ? Ne faut-il pas y voir une sélection des personnes âgées à l’entrée en établissement ?
Cette limite entendue, la question de la nécessaire modernisation des établissements reste posée, sachant que tout investissement est répercuté sur le prix de l’hébergement. Ne faut-il pas craindre un frein au développement d’un hébergement de qualité ?
Madame la secrétaire d’État, des enjeux fondamentaux de politique sociale sont posés par cette question de la tarification, enjeux humains, enjeux financiers, enjeux économiques.
Les conséquences de sa mise en œuvre peuvent être dramatiques pour bon nombre de personnes âgées dont les revenus ne dépassent pas le minimum vieillesse. Elles concernent tout autant leurs obligés alimentaires. Ces conséquences seront d’autant plus dramatiques dans le contexte de crise et de restriction budgétaire que nous connaissons.
Nous nous devons de les aborder avec responsabilité
Dans cette perspective, madame la secrétaire d’État, quelle est exactement l’intention du Gouvernement en matière de tarification des établissements ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Monsieur le sénateur, vous appelez aujourd'hui mon attention sur la mise en œuvre de l’article 63 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Cet article réforme en profondeur la tarification des établissements et des services pour les personnes âgées afin d’introduire à la fois plus d’efficacité et plus d’équité.
Je souhaite lever vos craintes, exprimées également par certaines associations, sur la possible libéralisation des tarifs d’hébergement pour les résidents qui ne sont pas bénéficiaires de l’aide sociale. Il n’est pas et il n’a jamais été dans l’intention du Gouvernement de libéraliser ces tarifs.
Ce texte prévoit que, lorsqu’un établissement est habilité à l’aide sociale, l’ensemble de ses places bénéficient de tarifs d’hébergement fixés par les conseils généraux dans le cadre de la convention d’aide sociale. Ce sont donc les conseils généraux qui seront garants de la maîtrise des tarifs acquittés par les usagers.
Vous appelez également mon attention sur le fait que le tarif d’hébergement pourrait devenir la « variable d’ajustement » des autres forfaits relatifs au soin et à la dépendance. Là aussi, je souhaite vous rassurer : le forfait global soins continuera à financer les prestations relatives aux soins, le forfait global dépendance les prestations relatives à la dépendance et le tarif d’hébergement les prestations d’hébergement.
Les mécanismes d’approbation initiale des budgets et d’allocation des ressources aux établissements vont évoluer vers une tarification dite « à la ressource », plus simple et plus lisible. Cependant, le contenu de chaque tarif continuera à ne couvrir que les prestations qui lui correspondent.
De plus, les agences régionales de santé, les ARS, continueront à contrôler les budgets des établissements pour veiller à la bonne application de ces règles.
Nous appliquerons cette réforme pour que les crédits accordés par l’assurance maladie soient répartis équitablement, en fonction des soins requis par l’état des personnes accueillies. Vous pouvez compter sur moi pour être particulièrement attentive à ce que ni les résidents, ni leurs familles, ni les gestionnaires d’établissements ne soient pénalisés par son application.
M. Yves Daudigny. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de vos réponses qui se veulent rassurantes, au moins dans leurs principes. Vous pouvez compter sur la vigilance des présidents de conseils généraux notamment pour que leur mise en application corresponde bien aux principes que vous venez d’indiquer.
Je voudrais dire ici combien nous tenons à ce que la dépendance reste bien un enjeu de solidarité nationale et je voudrais à cet instant, madame la secrétaire d’État, attirer l’attention, comme l’a fait avant moi ma collègue Christiane Demontès, sur la situation des départements qui participent pour une part importante au financement de l’action sociale, et qui sont aujourd’hui confrontés à une stagnation, voire à une régression de leurs recettes, et dans le même temps à une explosion de leurs dépenses d’aide sociale. L’effet de ciseau joue pleinement et le moment de rupture est proche. Le Gouvernement doit être très conscient de cette situation.
Freins au développement de la démocratie locale
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question n° 631, adressée à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne un sujet qui relève de la démocratie locale.
J’ai été saisie par le maire de Chelles, l’une des villes les plus importantes de mon département de Seine-et-Marne, de ce qu’il est convenu d’appeler un vide juridique et qui engendre une iniquité territoriale à la suite des interprétations variables que les représentants de l’État dans les départements en font.
Les lois du 6 février 1992 et du 27 février 2002 ont apporté des avancées significatives en matière de démocratie locale en prévoyant l’obligation de créer des comités consultatifs ou des conseils de quartier dans les communes. En revanche, elles n’ont pas prévu l’ouverture des commissions municipales aux citoyens.
Pourtant, et malgré ce vide juridique, des communes de toute la France ont pris le parti d’ouvrir leurs commissions municipales à leurs habitants sans que les autorités préfectorales de leur département ne s’en émeuvent. C’est par exemple le cas des communes d’Ercé en Ille-et-Vilaine, d’Ouzouer-sur-Loire dans le Loiret, d’Ifs dans le Calvados et d’Yvré-l’Évêque dans la Sarthe.
En revanche, en Seine-et-Marne, le représentant de l’État, le préfet, a demandé explicitement le retrait d’une délibération du conseil municipal de Chelles visant à ouvrir aux habitants les commissions municipales.
Devant le refus de l’autorité administrative, le maire a transformé les commissions municipales en comités consultatifs afin de créer une coexistence paritaire entre les élus et les citoyens, le contraignant dès lors à supprimer les commissions municipales.
Cette situation paraît absurde, et l’interprétation différenciée de la loi par les autorités préfectorales engendre une inégalité de traitement des territoires de la République que nous ne saurions laisser s’installer durablement.
C’est pourquoi je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement compte adapter, et par quelle voie, réglementaire ou législative, le droit existant aux réalités de la démocratie moderne, en permettant notamment la constitution de commissions municipales ouvertes à des citoyens non élus.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Madame la sénatrice, vous m’avez interrogé sur les freins, ou prétendus tels, au développement de la démocratie locale.
Comme vous le savez, les affaires de la commune dont le conseil municipal doit débattre font généralement l’objet de travaux préparatoires au sein de groupes de travail dont la composition est variable en fonction de la décision des conseils municipaux eux-mêmes.
Ainsi, un conseil municipal peut créer en son sein des « commissions municipales », qui ne sont composées que d’élus communaux, ou bien constituer des « comités consultatifs », ouverts à des personnes non élues.
Dans le cas où le conseil municipal désire associer à un groupe de travail composé d’élus des citoyens, notamment des représentants d’associations locales, le code général des collectivités territoriales lui donne la faculté de mettre en place un ou plusieurs comités consultatifs, dont il revient au conseil municipal, sur proposition du maire, de fixer la composition. Chaque comité est présidé par un membre de l’assemblée communale, lui-même désigné par le maire.
Je précise cependant que la jurisprudence interdit à un conseil municipal d’instituer un comité consultatif en lieu et place d’une commission municipale. Il commettrait effectivement, dans ce cas, une erreur de droit.
Toutefois, rien ne s’oppose à ce que le maire propose la transformation d’une commission municipale en comité consultatif par l’intégration de personnes extérieures audit conseil municipal. Dans ce cas, la commission municipale change de nature et perd son appellation traditionnelle, qui correspond à une définition très précise de la loi.
Il n’y a donc pas lieu de modifier le droit existant, qui permet de différencier très clairement les groupes de travail constitués exclusivement d’élus communaux et ceux qui accueillent des personnalités locales qui n’ont pas la qualité d’élus.
Tels sont, madame la sénatrice, les éléments de réponse que je pouvais vous apporter ce matin.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Je ne suis pas sûre, monsieur le secrétaire d’État, que votre réponse apporte la démonstration que le vide juridique se trouve comblé, parce qu’elle ne tient pas compte de la différence de traitement, liée à une variation dans l’interprétation des textes de loi, que l’on constate d’un département à l’autre.
Il faudra donc qu’une proposition de loi finisse par être déposée pour que soit clarifié ce qui relève de la loi. Car, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le secrétaire d’État, la loi n’a pas réglé le problème, nous en avons la preuve chaque jour. Le recours à un véhicule législatif sera donc inéluctable, si le Gouvernement ne veut pas utiliser la voie réglementaire.
Moyens et missions de service public des forces de l’ordre pour assurer la sécurité publique sur le territoire de la Seine-Saint-Denis
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question n° 646, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le secrétaire d’État, après les incidents qui se sont déroulés à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, et qui ont causé la mort de deux jeunes gens, plusieurs élus du département ont tiré la sonnette d’alarme sur la question des moyens et des missions de service public des forces de police pour assurer la sécurité publique sur le territoire de ce département.
Je ne reviendrai pas, puisque j’ai déjà abordé ce point à plusieurs reprises, sur ce que je considère comme la traduction d’un échec. Force est de le constater, les choix politiques du Gouvernement en matière de sécurité, essentiellement axés sur la répression sans qu’aucun moyen soit accordé à la prévention, ont fait la preuve de leur inefficacité.
Ainsi, si les nombreuses lois adoptées depuis 2002 en matière de justice et de sécurité – on en recense plus d’une vingtaine – ont réussi à stigmatiser certaines catégories de la population, elles ne sont pas parvenues, en revanche, à lutter efficacement contre les organisateurs de trafics de drogues et d’armes, qui savent profiter des zones de relégation que sont devenus certains quartiers populaires délaissés par l’État.
La suppression de la police de proximité, la réduction de 4 000 du nombre de postes de policiers en application de la révision générale des politiques publiques, la fermeture de commissariats de quartier, la politique du chiffre et la culture du résultat imposées aux forces de l’ordre, ne peuvent à mon sens constituer des réponses ni aux besoins de sécurité exprimés par les populations ni non plus aux besoins des policiers eux-mêmes, qui, majoritairement, veulent assurer au mieux leurs missions.
Dernièrement, lors d’une réunion en présence du préfet de police de la région d’Île-de-France, les élus communistes ont fait valoir un certain nombre de propositions : assurer une meilleure répartition des effectifs de police sur le territoire ; généraliser les unités territoriales de quartier, les UTEQ, pour retisser les liens entre les populations et la police ; ou encore mettre en place des moyens d’investigation hors du commun associant les différentes composantes de la police, notamment la brigade financière, pour en finir avec les trafics et les « gros bonnets ».
Il faut aussi allouer des moyens ambitieux à la prévention : en tout premier lieu à l’éducation nationale, pour assurer la réussite scolaire du plus grand nombre ; mais aussi à la brigade des mineurs et à la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, pour que puisse être réalisé un vrai travail d’alternative à la prison ; à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS, pour que soient développées des campagnes de prévention et la prise en charge des toxicomanes.
Au-delà, il me semble que l’État doit garantir le maintien et le développement des ressources des collectivités locales.
Monsieur le secrétaire d’État, la réunion que les élus de la Seine-Saint-Denis ont eue avec M. le préfet de région n’est pas, pour l’instant, suivie d’effets. Pouvez-vous aujourd’hui me donner votre avis sur les propositions que je viens de rappeler et me préciser si le Gouvernement va enfin s’engager à doter la police nationale de moyens – humains, financiers et matériels – importants et à redéfinir ses missions de service public pour lutter efficacement contre l’insécurité, notamment pour ce qui concerne les trafics de drogues et d’armes en Seine-Saint-Denis ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Madame la sénatrice, vous avez bien voulu interroger M. le ministre de l’intérieur sur les moyens et missions de service public des forces de l’ordre pour assurer la sécurité publique sur le territoire de votre département de la Seine-Saint-Denis.
Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. Hortefeux, qui est en déplacement en Égypte.
Le Président de la République a annoncé d’importantes mesures pour renforcer la lutte contre la délinquance et garantir partout l’autorité de l’État et le droit à la sécurité de tous les citoyens, notamment dans les quartiers dits sensibles.
Votre département, la Seine-Saint-Denis, bénéficie tout particulièrement de cet effort. Le Chef de l’État a ainsi demandé que deux cents fonctionnaires de police supplémentaires y soient affectés, ce qui, madame la sénatrice, est en grande partie effectif depuis le mois de septembre.
Le ministre de l’intérieur suit la situation de votre département avec une grande attention. Le 29 septembre dernier, à l’occasion d’une rencontre avec les élus de Saint-Ouen, à la suite des dramatiques événements survenus dans cette commune auxquels vous avez fait allusion, il a fermement réaffirmé qu’il ne saurait y avoir de territoire oublié ou de population négligée.
L’État déploie donc des moyens considérables dans la Seine-Saint-Denis. Ainsi, les effectifs de police y ont augmenté de plus de 15 % depuis 2002 et, au 1er octobre 2009, s’élevaient à 4 700. Parallèlement, des modes d’action nouveaux sont mis en œuvre : les premières unités territoriales de quartier, les UTEQ, ont été créées à Saint-Denis, Clichy-Montfermeil et La Courneuve ; c’est aussi dans ce département, madame la sénatrice, qu’a été installée en octobre dernier la première compagnie de sécurisation. Par ailleurs, le groupe d’intervention régional, le GIR, intervient également pour lutter, comme vous le souhaitez, contre les trafics de stupéfiants, les caïds et l’économie souterraine.
Les chiffres témoignent de l’action engagée et de la mobilisation des forces de police. La délinquance générale a diminué en 2008 et a été contenue au cours des neuf premiers mois de cette année, marquant une baisse, légère, de 0,38 %.
Pour autant, bien entendu, certaines évolutions récentes et certains faits particulièrement graves appellent une réponse plus énergique encore, le Gouvernement en convient tout à fait. C’est pourquoi le ministre de l’intérieur, à la demande du Chef de l’État, a mis en place le 14 septembre une police d’agglomération unifiée à l’échelle de Paris et des départements de la petite couronne.
D’importants renforts de la police de l’agglomération parisienne peuvent ainsi, désormais – ce n’était pas le cas auparavant –, être régulièrement déployés dans votre département. En outre, la gare de Saint-Denis, qui fait l’objet d’une action de sécurisation renforcée, est devenue un objectif prioritaire et permanent du plan de lutte contre les stupéfiants dans le département ; d’ailleurs, le ministre de l’intérieur, M. Brice Hortefeux, s’y est lui-même rendu voilà quelques jours. Enfin, le « plan drogue » de Paris est étendu, depuis le 2 octobre, au département de la Seine-Saint-Denis.
D’autres actions, vous le savez, madame la sénatrice, ont été décidées pour renforcer la sécurité des établissements scolaires, la lutte contre les bandes, la lutte contre les cambriolages.
Aux réponses opérationnelles s’ajoute une politique volontariste destinée à créer de nouveaux rapports entre les habitants, notamment les jeunes, et la police.
Cette mobilisation de l’État ne doit cependant pas faire oublier que les collectivités territoriales aussi ont un rôle fondamental à jouer dans la sécurité, notamment en s’investissant dans la vidéo-protection, qui, vous le savez, madame la sénatrice, permet, là où elle est mise en place, de faire baisser durablement la délinquance. Les preuves de son efficacité sont multiples. Au demeurant, vous ne l’ignorez pas, l’installation de la vidéo-protection, qui relève de la décision des communes, peut aussi faire l’objet d’aides de l’État.
Tels sont, madame la sénatrice, les éléments de réponse que j’étais en mesure de vous communiquer ce matin.