M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Qui déclarait, le 15 juin 2004, à l’Assemblée nationale : « Je l’affirme parce que c’est un engagement du Gouvernement, EDF et Gaz de France ne seront pas privatisés. » ?
M. Guy Fischer. Mensonges !
M. Jean-Claude Danglot. Vous l’aurez deviné : Nicolas Sarkozy en personne ! (Huées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Le Premier ministre lui-même avait vanté en 1996 la modernité du changement de statut de France Télécom.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Hou ! Hou ! Hou !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Jean-Claude Danglot. On voit où le libéralisme a mené cette entreprise, ses salariés et ses usagers ! (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Peut-être souhaitez-vous le même avenir pour La Poste ?
Notre peuple ne veut plus de ces promesses et refuse ces manipulations. Combien coûte la campagne de presse mensongère du Gouvernement sur La Poste ?
M. Dominique Braye. C’est vous qui mentez !
M. Jean-Claude Danglot. « N’ayez crainte, faites-nous confiance, nous lâchons La Poste au milieu des fauves, mais ceux-ci ne la mangeront pas ! », nous affirme-t-on, encore une fois, au lendemain d’une crise financière qui a démontré par a+b l’impasse que représentait la financiarisation de l’économie.
M. Guy Fischer. Ce sont les pauvres qui ont payé !
M. Dominique Braye. Vous êtes des conservateurs !
M. Jean-Claude Danglot. Il faut stopper cet engrenage et rappeler la supériorité démocratique incontestable de l’intérêt général sur l’intérêt privé.
Notre peuple, qui a construit dans la douleur – comment ne pas rappeler les luttes sociales, la Résistance ? – de grands services publics,…
M. René-Pierre Signé. Absolument !
M. Jean-Claude Danglot. …fondés sur des entreprises publiques, à l’abri des appétits capitalistes (Protestations sur les travées de l’UMP),…
M. Dominique Braye. Vive l’URSS !
M. Jean-Claude Danglot. … n’accepte pas de se voir voler La Poste, une institution ancrée dans son histoire.
En démocratie, on n’insulte pas 2 millions de personnes qui ont fait entendre leur voix en rejetant, par un sondage grandeur nature, ce projet de loi, lequel – seul un âne ne le comprendrait pas ! – vise, à terme, la privatisation de La Poste. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
À cette mobilisation massive – des campagnes aux villes, des quartiers populaires aux secteurs plus favorisés –, qui a montré combien La Poste est un bien commun, Nicolas Sarkozy et l’UMP répondent par le mépris et le dogmatisme libéral !
M. Bernard Vera. Eh oui !
M. Jean-Claude Danglot. Vous n’aviez d’ailleurs pas agi autrement devant le « non » à la Constitution libérale européenne exprimé en 2005 par le peuple français.
Les discours enflammés du Président de la République sur la nécessaire refondation du capitalisme sont battus en brèche par les faits :…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Claude Danglot. … le Gouvernement continue comme avant, aucune leçon, si forte soit-elle – des centaines de milliards volatilisés aux drames vécus à France Télécom –, n’ayant de valeur pour lui !
M. Dominique Braye. Vive l’URSS !
M. Jean-Claude Danglot. Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement compte-t-il retirer ce projet de loi d’un autre temps, celui de l’argent-roi ? Et si vous doutez du résultat de dimanche dernier, demandez à Nicolas Sarkozy d’organiser un référendum, comme la Constitution le permet ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
M. René-Pierre Signé. Elle n’a pas répondu tout à l’heure !
M. Simon Sutour. Même question, même punition !
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur Danglot, vous avez raison, un certain nombre d’inquiétudes se sont exprimées le week-end dernier ! (Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Danglot brandit « l’Humanité Dimanche » titrant : « 2.101.040 Français ont voté contre la privatisation de La Poste ». ) Nous n’entendons pas les négliger !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez trop menti !
Mme Christine Lagarde, ministre. C’est bien pour y répondre que nous apporterons, dans le projet de loi qui sera d’abord examiné en première lecture par la Haute Assemblée, toute une série de garanties.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Guy Fischer. Nous n’y croyons pas !
M. René-Pierre Signé. On sait ce qu’elles valent !
Mme Christine Lagarde, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de les développer.
La première garantie, c’est l’augmentation de capital de La Poste à hauteur de 2,7 milliards d’euros, qui sera exclusivement le fait de l’État ou d’entreprises publiques. Pas un seul euro ne proviendra du secteur privé ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
La deuxième garantie porte sur la mission de service public de La Poste. Vous l’avez rappelée avec une grande éloquence, et nous y sommes nous-mêmes très attachés. (Oh ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Rien n’est moins sûr !
M. Jacques Mahéas. Plus de 6 000 bureaux de poste supprimés !
Mme Christine Lagarde, ministre. Cette mission comporte quatre volets, que le projet de loi entend maintenir et consacrer.
Il s’agit, tout d’abord, du service universel postal, qui permet à tous nos concitoyens, avec les levées et les distributions six jours sur sept, de recevoir son courrier très rapidement.
M. René-Pierre Signé. Pendant combien de temps encore ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Il s’agit, ensuite, du transport et de la distribution de la presse sur tout le territoire.
M. Didier Boulaud. Même Juppé ne vous croit plus !
M. Dominique Braye. Taisez-vous, on n’est plus sous Jospin !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il s’agit, encore, de l’accessibilité bancaire : chacun y a droit, quels que soient le niveau de ses ressources et la nature des mouvements financiers qu’il effectue, notamment sur son livret A.
Il s’agit, enfin, de la présence territoriale de La Poste, présence ô combien importante en termes d’aménagement du territoire.
M. Roland Courteau. Ce ne sont que des mots !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je le répète, ces quatre missions de service public seront toutes consacrées par le texte.
Par ailleurs, la troisième grande garantie apportée par le Gouvernement a trait au statut du personnel, de l’ensemble des postiers : celui-ci sera maintenu. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Comme à la DCN !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez trop menti, on ne vous croit plus !
Mme Christine Lagarde, ministre. Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il s’agisse des missions de service public ou du statut des fonctionnaires de cet établissement, nous apporterons toutes les garanties.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La moitié du personnel n’a plus de statut. Consultez-le !
M. René-Pierre Signé. Il y a déjà eu des fermetures et des suppressions !
Mme Christine Lagarde, ministre. En outre, j’insiste, pas un seul euro issu de l’augmentation de capital ne sera de l’argent privé. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, il vous appartiendra donc, en tant que représentants du peuple, d’examiner ce projet de loi (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) et de déterminer si, oui ou non, il s’agit de la meilleure solution pour moderniser La Poste, établissement auquel nous sommes tous attachés ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. On va battre les conservateurs !
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Éric Doligé. Ma question s’adresse à Mme le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Je souhaite tout d’abord, madame le ministre, vous faire part de ma profonde indignation.
Voilà dix jours qu’a éclaté l’affaire Polanski, cette personnalité poursuivie depuis trente ans pour un viol reconnu sur une enfant de treize ans. Son arrestation a été qualifiée d’« épouvantable » par certains.
Mme Catherine Tasca. C’est l’extrême-droite !
M. Éric Doligé. Je voudrais dire à l’auteur de cette appréciation que, ce qui est épouvantable, c’est le viol de la petite fille, et non l’arrestation du violeur ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Voilà une semaine, nous avons découvert, à la une de tous les médias, l’abominable meurtre de Marie-Christine Hodeau, jeune femme de quarante-deux ans, qui a été inhumée hier.
Madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en cet instant, de vous lire quelques courts extraits de l’interview du père de la petite fille violée en 2000 par le meurtrier récidiviste : « En 2000, ma fille qui avait treize ans a subi un enlèvement, une agression sauvage. Il l’a attrapée, l’a chargée nue dans sa voiture, avec du scotch aux poignets et aux chevilles, comme du bétail, il l’a emmenée dans un bois, il l’a violée, a remis ça […] il voulait la tuer, il n’y a pas de doute, il lui a dit, il avait un couteau à la main. Il l’a frappée si fort [et] nous n’avons eu aucune aide à ce moment-là. […] Au procès, il n’a pas été poursuivi pour tentative d’homicide alors que ma fille n’a pas arrêté de le dire. […] On avait pensé pouvoir tourner la page après le procès […] et voilà qu’au bout de cinq ou six ans, on lâche ce gars, et ce qui est le plus aberrant, c’est que rien n’empêche cette personne de venir s’installer à deux pâtés de maisons de chez nous. »
Chacun mesure ici le drame vécu par cette petite fille et ses parents.
M. Roland du Luart. Il est révélateur de la faillite de notre société.
M. Éric Doligé. Jamais la presse, cela mérite d’être noté, ne mentionne le nom du coupable. Et que dire de certaines déclarations, très médiatisées, issues du microcosme parisien ? Elles donnent la mesure de l’intérêt que l’on porte aux assassins et récidivistes, qui, rappelons-le, à chaque fois qu’ils agissent, sont dans la légalité. Je vous les livre pêle-mêle : « Pour procéder à la castration chimique, il faut le consentement écrit et renouvelé du justiciable. » – les victimes apprécieront… ; « Les juges d’application des peines font un métier difficile. » ; « Il avait purgé sa peine. » ; « Il est normal que le coupable ait une deuxième chance. » ; « C’est contraire à la déontologie médicale et à la convention des droits de l’homme. »
Pour résumer, le coupable a pour lui la justice, la médecine, les droits de l’Homme. Et la victime, qui s’en soucie ?
L’agresseur retourne vivre près du domicile de sa victime : est-ce normal ? Le coupable a été plus écouté que la victime : est-ce dans l’ordre des choses ?
À ce jour, 8 500 condamnés pour crime ou délit sexuel sont en prison. En l’état de notre droit, les statistiques conduisent à estimer que 20 % des condamnés récidiveront,…
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Éric Doligé. …soit 1 700 crimes et viols potentiels.
M. Éric Doligé. Madame le ministre, notre arsenal juridique est-il suffisant ? Dans l’affirmative, y a-t-il des dysfonctionnements ? Dans la négative, que proposez-vous ?
Le Président de la République a toujours mis en avant la protection de la victime. Dans l’affaire de Marie-Christine Hodeau et dans celle de la jeune fille violée, les victimes ont-elles été la préoccupation première de notre société ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. C’est une charge contre le Président de la République !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et contre la ministre de la justice !
M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur Doligé, la mort de Marie-Christine Hodeau est un drame qui souligne que nous avons encore des progrès à faire…
M. René-Pierre Signé. Beaucoup !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. …pour protéger la société contre les agissements de certains individus.
Il s’agit, notamment, d’améliorer le suivi médical et psychiatrique – nombre de cas relèvent en effet de la psychiatrie – pendant et après l’incarcération, mais aussi une fois la peine purgée, comme c’était le cas en l’espèce.
Au cours de ces dernières années, mesdames, messieurs les sénateurs, des progrès ont été réalisés sur le plan législatif, auxquels vous avez grandement contribué. Je pense en particulier à la loi relative à la rétention de sûreté, votée en 2008, qui concerne les criminels présentant les risques de récidive les plus importants. Elle a conduit à la création des centres socio-médico-judiciaires de sûreté, destinés à accueillir ces personnes tant qu’elles représentent un danger grave pour la société, même après avoir purgé leur peine : le premier de ces centres a ouvert à Fresnes.
Il est aussi des condamnés qui, sans être récidivistes ni avoir encouru les peines les plus lourdes, présentent des risques de récidive. Pour prendre en compte ces dangers, qui n’ont pas le même degré de gravité que les précédents, un projet de loi avait été élaboré.
M. Didier Boulaud. Un de plus !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Mais l’encombrement parlementaire n’a pas permis son examen. Il vous sera soumis dans les semaines à venir, sous une nouvelle mouture.
M. Didier Boulaud. Vous êtes les champions des projets de loi !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. À l’origine, ce texte permettait de garantir le suivi de ces personnes.
M. René-Pierre Signé. Les résultats ne sont pas au rendez-vous !
M. Didier Boulaud. À chaque fois qu’il y a une caméra, il y a une loi !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Je l’ai complété par des dispositions relatives au traitement hormonal destiné à prévenir la récidive en matière de criminalité sexuelle.
Je rappelle que la « castration chimique », comme cela est communément appelé, est déjà autorisée par la loi, mais dans des conditions très particulières, notamment pendant la détention ou la période probatoire. La personne doit être volontaire, mais, si elle ne s’y soumet pas, elle n’aura pas droit aux remises de peine et pourra même voir reporter son éventuelle libération conditionnelle.
L’idée est de permettre l’extension de ce dispositif, sur la base, bien entendu, d’une décision de justice, afin d’assurer un suivi, même une fois la peine purgée si cela apparaît nécessaire, en y attachant une sanction – le retour en prison – dans le cas où le traitement ne serait pas suivi.
En l’espèce, il est regrettable que la cour d’assises n’ait pas assorti sa décision d’une mention préconisant le suivi après la fin de la peine. Cela aurait permis d’empêcher l’assassin de Marie-Christine Hodeau de retourner vivre près de sa précédente victime.
J’ai d’ores et déjà donné des instructions aux procureurs pour que l’interdiction d’une réinstallation à proximité de la victime précédente soit systématiquement requise dans ce type de situation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. La castration chimique peut être interrompue quand le condamné le souhaitera : il n’aura qu’à arrêter le traitement !
plan de soutien aux pme
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Président de la République a lancé le projet d’un grand emprunt national et souligné l’importance des PME. Premier employeur de France, celles-ci jouent un rôle clé dans l’innovation, mais elles souffrent d’une faiblesse financière chronique. Leur potentiel ne peut pas toujours s’exprimer, en raison d’un territoire incomplètement structuré et de la faible capacité financière de nombreuses entreprises.
Le futur grand emprunt provoque des interrogations : il fait espérer l’anticipation d’un nouveau cycle de croissance, mais inquiète aussi en raison de l’accroissement de la dette qu’il engendre.
Madame la ministre, peut-on espérer qu’une partie de cet emprunt, dans le cadre d’une politique de l’aménagement du territoire et de l’égalité des chances, soit affectée à l’accès pour tous aux technologies de communication les plus modernes ? Cela permettrait aux PME de s’installer et de se développer partout en France.
Une autre partie serait mobilisée sous la forme non pas d’un emprunt affecté aux entreprises, mais d’une garantie d’emprunt en vue de favoriser leurs investissements dans la recherche et dans les activités de haute technologie qui préparent l’avenir.
Êtes-vous prête, madame la ministre, à envisager cette garantie, qui constituerait une réponse sur mesure aux besoins de financement des entreprises ? Cela les impliquerait fortement et, de plus, permettrait de freiner l'augmentation de l’endettement, déjà considérable, dont le remboursement est incertain et qui hypothèque l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, l’initiative prise par M. le Président de la République de lancer un grand emprunt suscite évidemment beaucoup d’intérêt et d’interrogations. Elle a engendré de nombreuses propositions qui ont toutes été transmises à la commission dite « Juppé-Rocard », chargée de réfléchir sur nos priorités d’avenir et sur la façon dont la France va pouvoir utiliser le potentiel de croissance qui lui a permis de renouer, comme l’Allemagne, avec une croissance positive pour le deuxième trimestre mais qui doit être soutenu par des initiatives ultérieures.
Je suis certaine que cette commission aura à cœur, sous l’autorité des deux anciens Premiers ministres, de veiller particulièrement au financement et au renforcement des fonds propres des petites et moyennes entreprises qui, pour le moment, font gravement défaut.
Sans attendre les conclusions de la commission Juppé-Rocard, nous avons pris des initiatives. Je vous en citerai deux.
La première initiative, qui viendra en débat devant la Haute Assemblée, concerne l’allégement de charges au bénéfice des entreprises. Elle consiste à supprimer, dans la contribution économique territoriale, l’assiette reposant sur les investissements productifs.
Nous allons substituer à une taxe professionnelle qui freine l’investissement parce qu’elle est en grande partie assise sur les investissements productifs une nouvelle taxation respectueuse des financements des collectivités territoriales. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Bernard Frimat. Que dit Juppé ?
Mme Christine Lagarde, ministre. L’enjeu de ce débat prometteur consistera à privilégier la compétitivité des entreprises.
La seconde initiative, qui se traduit par une panoplie de mesures, concerne le financement pur. Lundi, le Président de la République a annoncé un plan composé de 2 milliards d’euros. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Un milliard d’euros sera utilisé par le fonds stratégique d’investissement pour un programme spécifiquement destiné aux petites et moyennes entreprises, à savoir le programme FSI-PME. M. Sarkozy m’avait demandé de rendre ce dispositif immédiatement opérationnel : il l’est dès aujourd’hui, et, dans toutes les régions de France, le personnel de la Caisse des dépôts et consignations a pour mission de « commercialiser » l’ensemble des mesures.
Le deuxième milliard d’euros est à la disposition d’OSEO et du réseau qu’il déploie dans toutes les régions de France pour mettre en place des contrats de développement participatif.
Ces prêts sans sûreté, sans évaluation préalable de la valeur de la PME, viennent renforcer les fonds propres de cette dernière pour créer un effet d’entraînement.
Tels sont les deux grands volets d’ores et déjà mis en place en attendant les propositions que le grand emprunt nous révélera. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
RSA pour les jeunes
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 29 septembre dernier, le Président de la République a annoncé un plan en faveur des jeunes âgés de 16 à 25 ans, avec l’extension du RSA aux 18-25 ans sous la condition très contraignante d’avoir travaillé deux ans sur une période de trois ans.
Cette condition réduit considérablement la portée de cette mesure puisque, sur 6 360 000 jeunes âgés de 18 à 25 ans en France, seuls 160 000 seront concernés par son application, soit à peine 2,4 %.
Ce dispositif ne répond pas aux attentes des jeunes en formation, en particulier de celles de ces milliers de jeunes dont l’espoir de bénéficier d’un contrat en alternance est fortement menacé par l’impossibilité de trouver une entreprise d’accueil.
Ces annonces ne résolvent pas non plus les problèmes de fond auxquels sont confrontés tous ces jeunes qui aspirent à un emploi pérenne, mais qui ne veulent pas être traités en travailleurs pauvres.
Le gouvernement auquel vous appartenez affiche, au demeurant, l’ambition d’une mobilisation nationale pour l’emploi, en particulier pour l’emploi des jeunes. Mais force est de constater que les jeunes ultramarins ne sont pas suffisamment pris en compte !
En effet, le RSA ne s’applique toujours pas en outre-mer, alors que 17 % de la population active est inscrite au RMI, contre à peine 3 % dans l’Hexagone.
Tous les calculs démontrent, en outre, que le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, mesure spécifique à l’outre-mer issue du raz-de-marée social du début d’année, est moins favorable financièrement.
De surcroît, l’article 11 du projet de loi de finances pour 2010 prévoit une imputation du RSTA sur la prime pour l’emploi, avec effet rétroactif sur l’imposition 2009, ce qui prive d’effets les déclarations de l’État en faveur du pouvoir d’achat faites à la suite des mouvements sociaux intervenus en février dernier.
Le Gouvernement compte-t-il corriger cette injustice en prenant les ordonnances permettant l’application anticipée du RSA en outre-mer dès 2010, conformément aux engagements pris au plus fort de la crise sociale ?
L’outre-mer bénéficiera-t-il de l’extension du RSA aux jeunes de moins de 25 ans en tenant compte des spécificités de ces territoires, rares étant les jeunes de cette tranche d’âge y ayant bénéficié d’un premier emploi ?
M. Simon Sutour. Halte au sectarisme !
Mme Raymonde Le Texier. C’est de la discrimination !
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Jacques Gillot. Nous attendons de M. le haut-commissaire des réponses sur ces deux problématiques.
D’après mes comptes, je n’en étais qu’à une minute soixante-quinze, monsieur le président !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Monsieur le sénateur, vous avez souligné que le Président de la République a décidé de soumettre au Parlement l’extension du RSA aux jeunes âgés de moins de 25 ans, sous conditions qui sont strictement définies. En effet, je n’imagine pas que quiconque au Sénat souhaite qu’un jeune de 18 ans aille, au sortir de l’école, frapper à la porte de la caisse d’allocations familiales ou du conseil général. C’est pour nous prémunir contre ce genre de situation que nous avons posé cette condition préalable d’activité, qui est juste et efficace. (M. René-Pierre Signé s’exclame.)
Cela ne veut pas dire que les autres catégories de jeunes sont oubliées. Pour ceux qui n’ont pas travaillé et qui rencontrent des difficultés, nous avons prévu l’extension du programme CIVIS, ou contrat d’insertion dans la vie sociale. Des moyens supplémentaires seront accordés aux missions locales en vue d’assurer le suivi de ces jeunes.
Pour les étudiants, un dixième mois de bourse sera versé, sous condition d’assiduité à l’école ou à l’université, bien évidemment.
La loi généralisant le RSA dispose que ce dernier s’appliquera au plus tard le 1er janvier 2011 dans les départements et collectivités d’outre-mer, sous certaines conditions. C’est sur cette base que se sont déroulées des discussions voilà quelques mois, au plus fort de la crise. Après avoir envisagé d’anticiper l’application du RSA, les négociations qui ont eu lieu outre-mer ont donné la préférence au système spécifique du RSTA. C’est cette solution qui a été intégrée dans la dernière loi de finances.
Le RSTA concerne tous les travailleurs, qu’ils aient plus ou moins de 25 ans.
Dans le cadre de sa mission sur les conditions d’application outre-mer, le député René-Paul Victoria a proposé qu’il soit procédé, d’ici à 2011, à une évaluation comparée du RSA et du RSTA. Après quoi, il demande aux départements d’outre-mer de se prononcer, en connaissance de cause, sur un éventuel basculement du RSTA vers le RSA. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. C’est une usine à gaz sans gaz !