M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Claude Jeannerot. En particulier, ils auront tendance à se limiter aux formations dites « vaches à lait », c'est-à-dire à celles qui leur procurent des marges financières confortables, en abandonnant celles qui présentent une forte valeur ajoutée.
Ainsi, monsieur le secrétaire d'État, les formations de dimension nationale qui sont dispensées dans la belle ville du Puy-en-Velay, que vous connaissez bien,…
M. Claude Jeannerot. … risquent d’être abandonnées, parce qu’elles intéressent moins la région. De ce fait, certaines branches professionnelles verront leurs besoins non satisfaits.
M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue !
M. Claude Jeannerot. Je termine, monsieur le président !
Avant de déclarer qu’il n’existe pas de service public de formation, avons-nous la certitude d’avoir exploré toutes les voies ? Je demande que vérification soit faite.
J’aborderai les autres points qui restent en discussion sur cet article lors de l’examen des amendements.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. Je rappelle que la durée de l’intervention sur un article ne peut excéder cinq minutes.
La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. En organisant le transfert des personnels de l’orientation de l’AFPA vers Pôle emploi, cet article 19, que nous pouvons considérer comme un cavalier, puisque la disposition prévue ne figure pas dans l’Accord national interprofessionnel signé le 7 janvier 2009 par l’ensemble des partenaires sociaux, s’inscrit dans une stratégie plus globale de démantèlement de cet organisme.
Monsieur le secrétaire d'État, vous affirmez que l’AFPA « reste une colonne vertébrale dont nous aurons besoin au niveau national ». Mais en l’amputant d’un service essentiel, vous l’affaiblissez durablement, mettant ainsi en péril la pérennité de ce service public !
Ce qui fait aujourd’hui l’originalité et l’efficacité de l’AFPA, c’est son offre globale de services : orientation, formation professionnelle qualifiante, rémunération des stagiaires, hébergement gratuit, restauration, accompagnement social et médical, etc. En supprimant un seul de ces services, c’est l’ensemble du dispositif que vous mettez à mal !
N’ayons pas peur des mots : à terme, c’est bel et bien la disparition de ce service public, et non un simple « aménagement », que vous organisez ! Pourtant, rien ne justifie une telle mesure, bien au contraire.
Comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, l’AFPA est loin d’avoir démérité. Si vous n’accordez qu’un faible crédit à mes propos et à ceux des personnels de cet organisme, peut-être en accorderez-vous davantage au rapport annuel de performance de la mission interministérielle annexé au projet de loi de règlement des comptes pour 2008, qui souligne ceci : « les actions qualifiantes de l’AFPA restent des "valeurs sûres" en matière d’insertion dans l’emploi. Le taux de placement dans l’emploi durable des stagiaires de l’AFPA [...] est en progression constante depuis 2006 et dépasse même pour 2008 les objectifs fixés en termes de prévision et cible ».
Ce succès est aussi à mettre au crédit du service d’orientation, « sas obligatoire des stagiaires », notamment de ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi. Sans ce service, beaucoup d’entre eux, faute d’avoir identifié leurs compétences et leur projet professionnel, n’arriveraient pas à acquérir la qualification recherchée à l’issue d’une formation relativement courte.
De plus, ce transfert du service d’orientation n’est pas un acte isolé. Parallèlement, vous imposez à ce service public des exigences de rentabilité et le soumettez à la concurrence libre et non faussée. Or, par essence, le service public n’a pas vocation à être rentable et ne peut souffrir de la concurrence.
L’alignement de la gestion de ce service public sur des critères de gestion du privé s’annonce comme le prélude à une privatisation ultérieure. D’ailleurs, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d'État : « les règles de la concurrence s’appliquent à la formation professionnelle, qui est d’ores et déjà considérée en droit communautaire comme une activité économique. » À vous entendre, vous ne faites que vous plier à l’exigence européenne.
Aussi, je vous propose une autre option, qui a le mérite de préserver les compétences et le savoir-faire de l’AFPA dans le domaine de l’orientation, tout en ne contrariant pas la Commission européenne : créons, à l’échelle du territoire, un service public de l’orientation et de la formation tout au long de la vie, en nous appuyant, par exemple, sur l’article 3 de ce projet de loi, qui instaure ce lieu unique et qui pourra servir de base, en nous appuyant également sur les travaux de Martin Hirsch, ou encore sur les conclusions de la mission sur l’orientation tout au long de la vie actuellement en cours, que vous avez-vous-même mise en place.
Avant de procéder précipitamment au transfert des personnels de l’orientation de l’AFPA, nous devons au préalable entamer un débat global sur le service public de l’emploi et de la formation, instrument nécessaire de la sécurisation des parcours professionnels, dont les fondations sont posées dans ce texte. Nous participerons à ce débat, si vous décidez de l’engager, monsieur le secrétaire d'État, car le groupe CRC-SPG a des propositions à formuler pour la création d’un service public de l’orientation et de l’information tout au long de la vie.
Par ailleurs, dans un instant, monsieur le secrétaire d’État, vous allez nous présenter un amendement visant à transférer à l’AFPA les bâtiments aujourd’hui en possession de l’État, alors que vous savez très bien que l’association n’aura pas les moyens financiers de les entretenir. Pour venir à leur secours, dites-vous ! Soyons clairs : sauf à grever son budget, le directeur général de l’AFPA aura-t-il d’autre choix que de vendre ces bâtiments ? Bien sûr que non ! Vous privez donc cette association, qui a pourtant fait ses preuves, des moyens de continuer à apporter une réponse globale de qualité au besoin de formation de nombre de nos concitoyens.
Ce n’est ni dans l’urgence ni sans une véritable concertation que l’on développera une réelle sécurité en matière d’emploi et de formation, laquelle est pourtant nécessaire au développement économique de notre pays et à la dignité de sa population active : c’est en ouvrant le débat à l’ensemble des partenaires concernés, dont fait partie l’AFPA, bien évidemment. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l'article.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’instar de mes collègues, je m’inquiète des dispositions prévues à l’article 19.
Le transfert des quelque 900 psychologues du travail vers Pôle emploi préoccupe au plus haut point les 11 000 salariés de l’AFPA. En effet, ils ne disposent d’aucune visibilité quant au statut réel et aux missions de ces personnels.
Au-delà de ce transfert, la véritable question qui se pose concerne l’avenir même de l’AFPA. Car c’est bien un risque global que court cette association, tant il est à craindre que l’éloignement des psychologues, qui seront privés du contact étroit tant avec les centres de formation qu’avec les professionnels de chacun des métiers, n’induise une dégradation du service et, par voie de conséquence, une déstabilisation lourde de la structure dans son entier. Ce sentiment est partagé par les syndicats, qui n’hésitent pas à parler d’une volonté de démantèlement de l’AFPA.
L’amendement présenté par le Gouvernement, qui tend à transférer à l’AFPA la propriété des biens relevant du domaine public de l’État, loin de nous rassurer, ne fait qu’ajouter à notre inquiétude.
Propriétaire de neuf cents hectares de terrain et de deux millions de mètres carrés de locaux, l’AFPA ne disposera pas des moyens indispensables pour procéder aux adaptations et aux mises aux normes nécessaires ou même tout simplement pour assurer leur entretien. Beau cadeau, en vérité !
Ces lourdes incertitudes pesant sur l’avenir de l’AFPA sont encore exacerbées concernant des publics en demande d’intégration particulière. Je pense ici aux Français des DOM-TOM, aux handicapés, aux détenus, ou encore aux Français établis hors de France. À la suite de l’appel d’offres lancé pour la désignation de nouveaux opérateurs en matière de formation professionnelle, l’AFPA a conservé son rôle d’opérateur en matière de formation professionnelle pour ces publics spécifiques.
Un rapport effectué à la demande du ministère des affaires étrangères et européennes et du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a permis de mesurer la portée du dispositif de formation professionnelle mené au bénéfice des Français établis hors de France au travers de l’AFPA. Les résultats sont tout à fait positifs.
N’oublions pas que, principalement en Afrique, notamment au Maghreb, l’activité de formation professionnelle revêt une importance toute particulière en raison de la présence croissante de communautés binationales souvent très tôt déscolarisées.
À l’évidence, dans ces pays concentrant un public en situation professionnelle précaire, non qualifié ou possédant une qualification inadaptée au marché, le besoin de formation est immense. Il commence d’ailleurs, le plus souvent, par une remise à niveau des connaissances via un module d’enseignement à distance qu’a justement mis en place l’AFPA. Ce dispositif est indispensable pour nos compatriotes et la récente modernisation de la procédure, par la mise en place d’une plateforme d’évaluation en ligne, a même permis d’augmenter de 40 % le nombre des entretiens et des tests à distance.
Ce système qui fonctionne bien pourra-t-il perdurer ? Monsieur le secrétaire d'État, nous souhaitons des éclaircissements sur cette question. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 12 rectifié est présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Collin et Tropeano.
L'amendement n° 95 est présenté par Mmes David, Gonthier-Maurin, Pasquet et Hoarau, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 151 est présenté par M. Jeannerot, Mme Demontès, M. Fichet, Mmes Blondin, Printz, Le Texier, Schillinger et Bourzai, MM. Patriat, Desessard, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 12 rectifié.
M. Jacques Mézard. L'article 19 pose un problème particulier eu égard à l’économie globale de ce texte, dont nous avons reconnu certains aspects positifs. Cet article a même été qualifié de « cavalier ».
Nous jugeons nécessaire d’obtenir des éclaircissements et des assurances sur l’avenir de l’AFPA. En effet, ledit article prévoit le transfert vers Pôle emploi, au plus tard le 1er avril 2010, des salariés de l'AFPA qui participent à l'accomplissement des missions d'orientation des demandeurs d'emploi.
Cette disposition est préjudiciable pour deux raisons.
D'une part, le transfert des personnels de l'AFPA, en particulier des psychologues, peut mettre en cause la capacité de cette association à maintenir sa mission même de formation et d'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi.
D'autre part, Pôle emploi, qui doit surmonter en ce moment un certain nombre de difficultés inhérentes à la mise en œuvre de la fusion ANPE-ASSEDIC et à la crise économique que nous traversons, pourra difficilement assurer ses missions.
Il n’est pas dans nos intentions de faire un procès d’intention ou de prôner l’immobilisme. Nous ne considérons pas forcément a priori que l'amendement relatif au transfert à l’AFPA des biens immobiliers appartenant à l’État ait pour objet de détruire l’AFPA. Une telle finalité serait d’ailleurs illogique. Toutefois, nous estimons, à l’instar de nombre de cadres et de responsables de l’AFPA, que les dispositions prévues à l'article 19 peuvent faire courir un risque global à cette association ; cela a été souligné par les rapports de direction de Pôle emploi et de l’AFPA du mois d’avril 2009.
Telles sont les raisons qui nous ont conduits à déposer cet amendement de suppression de l'article 19.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 95.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le secrétaire d'État, pour justifier le transfert des personnels de l’AFPA, vous vous fondez sur les règles européennes de la concurrence, qui se doit d’être libre et non faussée. On voit ce qu’il en est dans les secteurs de l’énergie, de la santé, de la statistique publique, des télécoms et, plus récemment, de La Poste. Pour satisfaire encore à ce dogme, c’est maintenant à l’un des acteurs du service public de la formation d’être démantelé.
Quant aux services sociaux d’intérêt général que la majorité présidentielle nous présentait, à l’occasion du référendum sur le traité constitutionnel européen, comme la solution de remplacement des services publics, M. le secrétaire d'État a lui-même reconnu en commission qu’ils n’avaient aucune valeur juridique. Pour notre part, nous avions bien compris que ces services sociaux d’intérêt général étaient différents de nos services publics ; les Français aussi, d’ailleurs !
Il faut saluer l’honnêteté de M. le secrétaire d'État à ce sujet, qui a indiqué en commission que le service d’intérêt général n’était qu’un « label » sans déclinaison juridique.
Pour ce qui est de la jurisprudence constante, qui place la formation dans le champ concurrentiel, je souhaite que nous nous interrogions collectivement : au regard de la définition du champ concurrentiel tel qu’il existe aujourd’hui, quel domaine n’entre pas dans le champ de la concurrence ? Tout pourrait être considéré comme concurrentiel, et c’est bien là votre objectif.
Contrairement à ce que vous avez pu dire, monsieur le secrétaire d'État, dans l’avis qu’il a rendu en juin 2008, le Conseil de la concurrence ne considère pas que le versement de subvention en tant que telle constitue une violation des règles de la concurrence. Ainsi, le considérant 61 précise : « Il [le bon fonctionnement de la concurrence sur un marché] suppose, toutefois, qu’aucun opérateur ne bénéficie, pour son fonctionnement ou développement, des facilités dont les autres intervenants seraient privés et qui seraient d’une ampleur telle, qu’elles lui permettraient de fausser le jeu de la concurrence, sauf alors à ce qu’elles soient justifiées par des considérations d’intérêt général ».
Fin assembleur / DRA / cote 0210séance n° 140, 14h 30
Vous avez bien entendu : le Conseil de la concurrence, que vous invoquez à l’appui de l’article 19, réserve dans son avis un sort particulier aux facilités « justifiées par des considérations d’intérêt général » ! Or, monsieur le secrétaire d'État, nous considérons pour notre part que le service de qualité offert par l’AFPA à des publics très éloignés de l’emploi entre dans le champ de cette exception.
En fait, le Conseil de la concurrence reproche sans doute à l’État de ne pas avoir reconnu l’AFPA comme un véritable acteur du service public de l’orientation et de préférer le considérer comme un opérateur privé : dans une logique concurrentielle, il est interdit de privilégier un opérateur privé par rapport à d’autres…
Si le Gouvernement avait la volonté de préserver l’AFPA, il aurait donc fallu confier à cette dernière, en régie ou par le biais d’une délégation, des missions de service public. Tel est le sens de l’arrêt « Altmark Trans » rendu le 24 juillet 2004 par la Cour de justice des Communautés européennes.
Nous considérons que le présent article, dont le seul objet est d’organiser le démantèlement de l’AFPA, est inacceptable. C’est pourquoi nous en proposons la suppression. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Ils vont tuer l’AFPA !
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 151.
Mme Gisèle Printz. La déstabilisation précède-t-elle le démantèlement ? C’est aujourd’hui la question que pose le transfert des neuf cents psychologues orienteurs de l’AFPA à Pôle emploi. Comme d’habitude, cette opération est menée à marche forcée pour prendre de court les intéressés, et bien sûr sans aucune concertation. Il en résulte une grande colère et beaucoup d’angoisse pour l’ensemble des 11 000 salariés de l’AFPA, au-delà des seuls psychologues orienteurs. Un formidable outil de formation est méthodiquement mis en pièces par la volonté du Gouvernement.
Nous avons entendu les représentants de l’intersyndicale de l’AFPA, ainsi que les partenaires sociaux : ils sont unanimement opposés à ce transfert. Le patronat lui-même est réticent devant une décision qui suscite un grand désarroi et dont l’efficacité n’est pas prouvée.
En effet, les difficultés bien connues de Pôle emploi ne sont pas dues seulement à un afflux de chômeurs lié à la crise ; elles sont aussi le résultat d’une précipitation qui engendre le désordre et interdit au personnel de recevoir et d’aider les demandeurs d’emploi comme il le voudrait. La situation est telle que Pôle emploi va recourir au prêt de main-d’œuvre en provenance des entreprises d’intérim, qui n’ont plus assez de clients ! Les files d’attente de chômeurs se sont tellement allongées que l’on en est réduit à sous-traiter le suivi de 320 000 d’entre eux à des entreprises privées, pour un coût supérieur à celui qui est pratiqué par Pôle emploi. Il s’agit pourtant d’officines qui sont mises en concurrence selon des procédures d’appel d’offres et qui, selon la théorie libérale, devraient être plus efficaces. Ce que l’on observe dans les faits, c’est une efficacité supérieure de ces entreprises pour dégager des bénéfices au profit de leurs actionnaires et au détriment des finances de l’UNEDIC.
Est-ce un exemple à suivre ? Est-ce la voie dans laquelle le Gouvernement engage l’AFPA ? Manifestement, la réponse à cette seconde question est positive, et c’est la même procédure qui est suivie.
Quel que soit l’objet, les mêmes méthodes annoncent les mêmes résultats. Les personnels sont transférés sans concertation, sans que l’on ait même clairement expliqué pourquoi. C’est d’ailleurs la question majeure à laquelle le Gouvernement doit répondre : à quoi ce transfert des psychologues va-t-il servir ? Le Gouvernement veut-il créer un grand service de l’orientation et de l’emploi en réunissant Pôle emploi et l’AFPA ? Veut-il que Pôle emploi absorbe l’AFPA, ou seulement des morceaux de l’AFPA ? Comment les personnels de l’AFPA vont-il être intégrés au sein de Pôle emploi ? La direction de Pôle emploi ne parvient déjà pas à unifier les statuts des personnels de l’ANPE et des ASSEDIC…
On annonce aux psychologues de l’AFPA, comme si on leur offrait un cadeau, qu’ils pourront garder leur statut avec toutes les garanties afférentes. Imaginez-vous qu’ils puissent former un îlot de sérénité au milieu de la tempête que vous avez provoquée à Pôle emploi ? Ce qui préside à cette opération de transfert de personnel et de patrimoine, c’est la volonté de démanteler l’AFPA, et d’en mettre les morceaux sur le marché, en concurrence avec les organismes français et européens.
C’est toute la spécificité de l’AFPA qui est condamnée. Aujourd’hui, l’AFPA assure l’exercice effectif du droit à l’orientation professionnelle des chômeurs les plus éloignés de l’emploi. Elle garantit une véritable qualification par des formations longues et donne accès à des services associés comme l’hébergement et la restauration. Elle assure, évidemment, la rémunération des stagiaires tout au long de la formation. Toutes ces actions sont complémentaires et font de l’AFPA un ensemble cohérent et stable, qui obtient de ce fait des résultats : 70 % des stagiaires trouvent ou retrouvent un emploi qualifié.
Tel est l’outil qui est en voie d’être démantelé, et ce au pire moment, puisque le chômage remonte en flèche. Il n’est plus question d’accompagner les demandeurs d’emploi dans leur démarche de formation et de les prendre globalement en charge. Déjà l’AFPA s’oriente vers des formations courtes. C’est un changement complet de perspective, lourd de menaces à la fois pour les personnels, les demandeurs d’emploi et la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. J’ai entendu, au cours de nos auditions, les différents acteurs de l’AFPA, tant le directeur général que les représentants des salariés. J’ai écouté les propositions de l’ensemble de nos collègues, tout particulièrement celles de Claude Jeannerot, dont les propos sont toujours pertinents et modérés.
M. Jean Desessard. Ce sera répété ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. J’estime que remettre en cause le transfert envisagé poserait davantage de problèmes que cela n’en résoudrait, en jetant un peu plus d’incertitude sur le sort non seulement des personnels, mais aussi de l’AFPA. J’émets donc un avis défavorable sur les trois amendements identiques.
Chers collègues du groupe socialiste, permettez-moi de vous dire, sans esprit polémique, que votre position m’étonne quelque peu.
En effet, le rapport que j’ai élaboré voilà deux ans, au nom de la mission d’information, indique que votre opinion sur le transfert en question était alors la suivante : « Au-delà de la professionnalisation des acteurs de l’orientation, il est indispensable qu’une coordination existe entre les différentes structures, pour une meilleure information conseil aux personnes. Dans cet objectif, les services d’orientation de l’AFPA seront intégrés à l’ANPE. »
Vous étiez, à l’époque, favorables au rapprochement de l’ANPE et de l’UNEDIC. Vous avez le droit de changer d’opinion, mais ce revirement me paraît quelque peu étonnant ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Christiane Demontès. C’était dans un autre contexte !
M. Alain Gournac. C’est écrit !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Après cette intervention nette et précise de M. le rapporteur, mon propos portera sur trois aspects de la question qui nous occupe : le transfert des psychologues de l’AFPA, le transfert de propriété, la soumission aux règles de la concurrence.
Au préalable, je tiens à remercier MM. Jeannerot et Mézard d’avoir souligné mon attachement à l’AFPA.
M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai ! Changez de technique, elle est éventée !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je crois à l’avenir de cet organisme et j’estime nécessaire de le garder comme opérateur national ; je crois à ses chances de se positionner sur le secteur de la formation des publics en difficulté et des demandeurs d’emploi, notamment dans l’optique de la réforme de la formation professionnelle.
Cela étant, il est de ma responsabilité de prendre en compte le contexte juridique dans lequel nous évoluons, et que même le groupe CRC-SPG n’a pas contesté : celui de l’article 50 du traité, conforté par une jurisprudence concordante et constante de la Cour de justice des Communautés européennes, notamment par l’arrêt du 15 mars 1988 « Commission contre République hellénique », aux termes duquel « l’activité de formation professionnelle entre pleinement dans le champ de la concurrence ».
Existe-t-il, dans le droit national, des portes de sortie permettant d’écarter la formation professionnelle du champ de la concurrence ? J’y reviendrai ultérieurement.
Je tiens tout d’abord à rendre hommage aux psychologues de l’AFPA, à leur sens du service public, à leur implication dans leur travail. Ils accomplissent une mission très importante de conseil, en termes d’orientation et de modélisation de l’offre de formation. Je ne sous-estime aucunement leur rôle.
La question de l’avenir des services d’orientation avait été posée, je le rappelle, lors de la discussion de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi. Le principe de la remise d’un rapport du Gouvernement sur le sujet – intervenue le 8 avril dernier – avait alors été adopté. On le voit, personne n’est pris en traître sur cette question.
En juin 2008, nous avons saisi pour avis le Conseil de la concurrence, afin de déterminer s’il était possible de garder les psychologues orienteurs au sein de l’AFPA sans fragiliser cet organisme. L’avis rendu par le Conseil de la concurrence est d’une netteté impitoyable : s’il est important que le rôle joué par les psychologues au titre du service public de l’emploi demeure assuré et soit clairement identifié, il est impossible qu’ils continuent à être employés par l’un des organismes chargés d’assurer les prestations de formation, sinon c’est toute la sécurité juridique des subventions et du mode de fonctionnement de l’AFPA qui pourrait être compromise.
Au regard des règles européennes de la concurrence, il est assez clair, en effet, qu’il est difficilement acceptable que l’orientation soit assurée par des psychologues employés par un organisme de formation, dont ils auront naturellement tendance à privilégier l’offre. On peut certes regretter qu’il en soit ainsi, mais, en l’état actuel du droit, le maintien des psychologues au sein de l’AFPA conduirait à fragiliser cet organisme, qui encourrait une annulation pure et simple de toute son action.
Lors de l’assemblée générale de l’AFPA du 14 janvier dernier, j’ai exposé personnellement au conseil d’administration ce que nous comptions faire dans ce cadre. J’ai demandé que le directeur général de Pôle emploi et celui de l’AFPA se rapprochent pour établir un rapport en vue d’organiser le transfert des psychologues de l’AFPA à Pôle emploi dans les meilleures conditions.
Dans cette perspective, j’entends d’abord que le principe de continuité du service public ne soit aucunement remis en cause.
Ensuite, il est hors de question que le savoir-faire accumulé des psychologues de l’AFPA soit dilapidé ou dilué. Ils ne doivent pas devenir des conseillers de Pôle emploi classiques. À cet égard, lors du débat à l’Assemblée nationale, j’ai accepté, comme gage de la volonté du Gouvernement, un amendement de M. Issindou, membre du groupe socialiste, tendant à sanctuariser les missions des psychologues de l’AFPA, qui ne pourront être amenés à exercer celles de conseiller de Pôle emploi. Il s’agit de préserver la spécificité de leur métier et de leur savoir-faire, qui est extrêmement précieux. Un chef de projet a été nommé dans chaque bassin d’emploi pour que le transfert s’opère dans les meilleures conditions.
En conclusion, même si je comprends les positions des uns et des autres, nous devons assumer nos responsabilités. Si l’on continue à vendre du vent…