M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de cet excellent plaidoyer. Je savais que vous alliez présenter le dossier d’une façon très positive. Je veux cependant revenir sur certains points.
Premièrement, la mise en place du RSA connaît un début un peu poussif : 815 000 dossiers ont été enregistrés à la fin du mois d’août, alors que vous en attendiez 1,9 million…
M. René-Pierre Signé. Le chiffre est néanmoins bien inférieur à celui que vous espériez. Il doit être ajouté au 1,1 million de titulaires du RMI et de l’allocation de parent isolé.
Vous avez évoqué 336 000 familles. Selon les chiffres dont je dispose, 286 000 travailleurs pauvres ont bénéficié du RSA. Ces chiffres sont modestes, contrairement à vos affirmations.
M. René-Pierre Signé. Deuxièmement, s'agissant du financement, vous nous affirmez que le RSA est compensé à l’euro près, mais les départements ne sont pas tout à fait de cet avis… Ils ont bel et bien dû recruter du personnel pour gérer cette prestation !
J’ai noté que le Premier ministre, M. Fillon, critiquait les recrutements des collectivités locales, qu’il juge intempestifs. Toutefois, il oublie que ces embauches ne sont dues qu’à des transferts de charges mal compensés et d'ailleurs imposés, car personne n’a demandé à gérer le RSA. (M. le haut-commissaire s’étonne.)
Troisièmement, malgré votre réponse, je sais, pour avoir pu l’observer, que les bénéficiaires, pour un simple emploi à trois quarts de temps, risquent de voir disparaître ou se réduire leur allocation logement, de même que peuvent être supprimées leur exonération de taxe d’habitation, leur prime pour l’emploi et la prime de retour à l’emploi qui existait précédemment. Et nombre d’entre eux m’affirment qu’ils risquent également de perdre leur droit à la CMU, bien que vous souteniez le contraire !
Il y a tout de même dans votre intervention un élément qui me donne satisfaction : vous avez affirmé que, si le RSA suscitait des effets négatifs, vous tâcheriez de les corriger. Monsieur le haut-commissaire, je pense que de tels effets se produisent, et je souhaite que vous y remédiiez !
harmonisation des conditions d'emploi des travailleurs saisonniers en agriculture
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 599, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Claude Biwer. Monsieur le haut-commissaire, les distorsions de concurrence entre les producteurs de fruits et légumes français et leurs voisins de l’Union européenne ne constituent pas un phénomène nouveau.
Toutefois, l’année 2009 ayant été particulièrement abondante en fruits, cette situation, conjuguée avec des importations considérables, a entraîné une chute des cours telle que les agriculteurs n’avaient, à l’extrême limite, plus intérêt à récolter leurs produits, car le prix qui leur était payé ne couvrait en aucune manière leurs charges d’exploitation, ni même le simple coût de l’opération.
Cette situation est due à deux phénomènes, me semble-t-il.
Le premier, qui fait l’objet de ma question orale d’aujourd’hui, est l’important différentiel de charges de main-d’œuvre entre les producteurs de fruits et légumes français et européens. Je le répète, le prix de vente ne compense pas le coût de la seule récolte ne serait-ce que pour cette raison.
Selon les indications qui nous ont été fournies, le coût du travail saisonnier s’établit en 2009 à 11,04 euros en France, 6 euros en Allemagne, 7,80 euros en Espagne, 7,37 euros en Belgique, 9,97 euros aux Pays-Bas, voire 4,47 euros dans ce dernier pays si le salarié est âgé de moins de dix-huit ans !
J’ajoute que les producteurs de fruits et légumes lorrains et meusiens, qui sont plus proches des frontières, subissent la concurrence directe des produits originaires de Belgique, des Pays-Bas et d’Allemagne. Dans le sud de la France, les mêmes phénomènes s’observent, mais à partir de l’Espagne ou de l’Italie cette fois, auxquels s’ajoutent des effets de proximité et de mise sur le marché.
Monsieur le haut-commissaire, avec de telles distorsions de concurrence, à savoir un différentiel de coûts allant de 10 % à 60 %, comment voulez-vous que les producteurs français de fruits et légumes luttent ? Ce n’est pas tenable !
Et comment ne pas comprendre leur désarroi et leur colère lorsque, de surcroît, ils sont victimes d’une « double peine », c'est-à-dire à la fois de charges de production plus élevées que celles de leurs voisins européens et de la politique des prix bas imposée par les centrales d’achat françaises ?
C’est le second aspect de ce dossier : les producteurs de fruits et légumes subissent une telle pression de la part des centrales d’achat que le prix qui leur est payé ne couvre pas leurs coûts de revient.
Et pourtant, les consommateurs, de leur côté, se plaignent très souvent de la cherté des fruits et légumes. Il y a donc bien dans les circuits de distribution un problème de marge, qui a fait l’objet, ici même, de nombreuses interventions, y compris de ma part, mais qui n’est manifestement pas résolu. Il en va de même, d'ailleurs, pour le lait, à propos duquel je suis intervenu lors de la dernière séance de questions d’actualité, le jeudi 17 septembre.
Les difficultés rencontrées par les producteurs de fruits et légumes témoignent que l’agriculture connaît une très grave crise, à laquelle il est urgent d’apporter des solutions.
En particulier, il faut obtenir, coûte que coûte, une diminution des marges de la distribution ou toute autre mesure susceptible de faire véritablement baisser les prix à la consommation et augmenter les volumes achetés par les consommateurs.
Monsieur le haut-commissaire, quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre afin d’aboutir à une harmonisation européenne du coût des travailleurs saisonniers et, de façon plus générale, du coût du travail, mettant fin ainsi à ces distorsions de concurrence qui pénalisent durement les producteurs de fruits et légumes français ?
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Monsieur le sénateur, je tiens en premier lieu à excuser Bruno Le Maire qui, en ce moment même, préside une table ronde consacrée à la compétitivité de la filière des fruits et légumes.
Vous avez appelé son attention sur ce sujet, et en particulier sur les préoccupations des producteurs de fruits et légumes lorrains, au regard de distorsions de concurrence liées au coût de la main-d’œuvre saisonnière par rapport à ce qui prévaut dans d’autres pays européens, notamment la Belgique et les Pays-Bas.
Tout d'abord, il faut rappeler que chaque État membre de l’Union européenne peut fixer librement son cadre social et fiscal, et notre pays est attaché à ce principe.
Ainsi, en France, le Gouvernement a mis en place des dispositifs d’allégements de charges sociales, particulièrement en cette période de crise. Il a, notamment, institué au profit des petites entreprises le dispositif dit « zéro charges », qui a probablement permis 500 000 embauches depuis sa création.
Diverses dispositions ont été adoptées à l'échelon national : l’allongement de la période d’allégement de charges sociales pour l’emploi de travailleurs occasionnels, l’allégement accru des charges sociales pour toute transformation d’emplois occasionnels longs en emplois permanents sous contrat à durée indéterminée, les encouragements à la constitution et au développement des groupements d’employeurs, enfin, depuis le 1er octobre 2008, la réduction des cotisations sociales pour les heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés.
Toutefois, il est manifeste que le coût du travail en France peut peser sur la compétitivité des exploitations, en particulier dans les filières qui emploient beaucoup de main-d’œuvre.
C’est la raison pour laquelle ce facteur doit être largement abordé lors de la table ronde que Bruno Le Maire tient, ce matin même, avec les représentants de la filière.
Dans l’agriculture comme dans les autres secteurs, cependant, la compétitivité ne peut reposer uniquement sur les coûts de main-d’œuvre, mais doit s’appuyer aussi sur des avancées techniques et stratégiques.
Dans ce contexte, il faut privilégier une approche fondée sur l’organisation économique. La concertation interprofessionnelle ainsi que l’organisation de la première mise en marché, fondée sur une relation de confiance entre les différents maillons d’une filière, doivent être renforcées. C'est pourquoi les acteurs de ce dossier sont réunis autour d’une même table ce matin.
À ce titre, le prédécesseur de Bruno Le Maire, Michel Barnier, avait engagé une réforme profonde de la gouvernance de la filière des fruits et légumes, visant à faire du renforcement de l’organisation économique et du développement de la concertation interprofessionnelle deux priorités d’action.
Bruno Le Maire est fermement décidé à poursuivre ce projet, qui est aujourd’hui inscrit dans la Charte nationale de gouvernance des filières fruits et légumes, validée par les professionnels le 13 mai 2008.
La mise en œuvre de cette charte est en cours, et Bruno Le Maire est persuadé que les professionnels des départements lorrains se joindront de manière encore plus active à la dynamique ainsi créée.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de votre réponse.
Je sais que vous ne pouvez inventer de remède miracle et que le Gouvernement accomplit déjà des efforts certains. Toutefois, je sais aussi les difficultés que connaît cette filière !
Nous ne nous contentons plus de beaux discours : il faut apporter au moins des mini-solutions, même si je ne doute pas qu’il faille du temps pour les dégager, au niveau national et plus encore au niveau européen. En effet, l’agriculture, de façon générale, et certaines productions comme les fruits, les légumes ou le lait plus particulièrement, connaissent aujourd'hui des problèmes cruciaux.
Monsieur le haut-commissaire, les actions qui sont en cours, et que vous avez évoquées, doivent être poursuivies. J’espère que les événements se précipiteront à cet égard, sinon nous risquons d’être confrontés à une crise d’une particulière gravité.
mise en place du pôle sanitaire de l'ouest à la réunion
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 601, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la ministre, sur le territoire de santé ouest de la Réunion, l’obsolescence des structures privées et publiques combinée à la perspective d’une très forte croissance démographique à court terme dans le bassin desservi rendent indispensable la restructuration de l’offre sanitaire.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la population du bassin est estimée à 200 000 habitants et les urgences ont admis près de 40 000 patients au cours de l’année dernière. À la maternité de Saint-Paul, 1 950 accouchements ont été enregistrés, 3 700 interventions ont été réalisées en chirurgie, le taux d’occupation des lits en médecine est de 100 % et la durée moyenne de séjour inférieure de près de 20 % aux moyennes nationales !
La création du pôle sanitaire de l’ouest à la Réunion constitue donc une priorité, en même temps qu’elle représente l’une des orientations principales du SROS, le schéma régional d’organisation sanitaire.
Le centre hospitalier Gabriel-Martin et le groupe Clinifutur ainsi que les autres partenaires hospitaliers publics et privés de ce territoire doivent élaborer un projet médical commun pour favoriser un rapprochement en termes d’activités médicales, de logistique et d’immobilier.
C’est dans ce contexte que l’agence régionale de l’hospitalisation Réunion-Mayotte a sollicité un professionnel de santé pour expertiser l’actualité et les conditions de l’avancement du pôle sanitaire de l’ouest à la Réunion.
Or certaines conclusions de ce rapport inquiètent le collectif « Un hôpital en 2012 », qui est composé, entre autres, de représentants du corps médical et paramédical hospitalier et libéral, de représentants du personnel, de la municipalité et des usagers, mais aussi d’administrateurs.
En effet, si le choix d’une reconstruction de l’hôpital actuel sur le site du Grand Pourpier a été acté, le projet présenté au mois d’avril dernier par l’ARH suscitait de vives inquiétudes, dans la mesure où il était prévu de créer une maternité publique-privée de 3 500 places sur le site de Cambaie, de transférer toute l’activité de chirurgie vers le groupe Clinifutur et d’installer à l’emplacement actuel du centre hospitalier Gabriel-Martin une unité de médecine gériatrique.
Cette organisation conduirait à multiplier les sites d’intervention, mais aussi les équipes d’anesthésie, les plateaux techniques et les personnels de garde. La prise en charge des patients, en termes de qualité et de sécurité, risquerait fort de pâtir des nombreuses navettes en ambulance qui seraient nécessaires pour aller d’un site à l’autre.
Heureusement, madame la ministre, des avancées ont été obtenues sur ce dossier au cours des dernières semaines. En effet, le conseil d’administration du centre hospitalier Gabriel-Martin a voté le plan de financement du futur pôle sanitaire. Finalisé après de multiples échanges avec l’ARH, ce document dessine les grandes lignes du projet, dont les orientations correspondent davantage à nos attentes.
La construction du pôle se ferait sur un site unique, celui du Grand Pourpier, regroupant l’ensemble des activités hospitalières, y compris la chirurgie.
La nécessité de mettre en place un groupe de coopération sanitaire public-privé est également reconnue. Le futur établissement s’appellerait « Groupe hospitalier Ouest Réunion ».
Toutefois, la bataille n’est pas gagnée, car deux étapes décisives restent à venir : l’approbation par l’ARH de la délibération du conseil d’administration, puis l’examen final du dossier par la commission nationale de validation.
C’est pourquoi, madame la ministre, je vous saurais gré de bien vouloir me confirmer le soutien et l’engagement du Gouvernement sur la nouvelle mouture de ce dossier, qui est essentiel pour améliorer l’offre de soins sur le territoire de santé ouest du département.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, mesdames les sénatrices (Sourires.), madame Payet, je suis très heureuse d’être en votre compagnie pour cette première séance de questions orales depuis la rentrée parlementaire.
Mme Anne-Marie Payet. C’est réciproque !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me trouvais d'ailleurs sur la belle île dont vous êtes élue il y a trois semaines, malheureusement pour gérer l’arrivée de la grippe H1N1.
Vous m’interrogez sur la mise en place du pôle sanitaire de l’ouest de la Réunion.
Vous avez parfaitement replacé la question dans son contexte : la construction du pôle de santé sur le site du Grand Pourpier, à l’ouest de l’île, a été lancée en 2004, voilà donc déjà cinq ans.
À cette date, un accord-cadre avait été signé entre les établissements de santé publics et privés et l’agence régionale de l’hospitalisation de la Réunion. Tous s’engageaient dans le projet de construction d’une entité hospitalière publique et privée sur un site unique, ce qui est tout à fait positif, d'ailleurs.
Cette nouvelle structure devait regrouper l’ensemble des activités médicales identifiées comme étant nécessaires pour la satisfaction des besoins de la population, sur la base d’un projet médical commun.
L’apparition du chikungunya n’a fait que souligner la pertinence de ce projet, je le souligne au passage.
Depuis 2007, plusieurs groupes de travail techniques, nécessaires à la réalisation du projet, dont on imagine par ailleurs la complexité, ont été mis en place par l’ARH de la Réunion. Un comité de pilotage et un comité de suivi assurent la direction et le bon déroulement du projet.
Plus particulièrement, la clinique Jeanne-d’Arc a réaffirmé sa volonté de coopérer avec le centre hospitalier Gabriel-Martin, ce qui est positif. Malheureusement, elle n’est pas en mesure aujourd’hui d’engager la délocalisation de sa maternité.
J’ai donc souhaité qu’un projet de coopération actualisé soit élaboré entre ces deux établissements. Cette démarche s’inscrit dans le cadre des possibilités nouvelles ouvertes par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », dont nous avons débattu ensemble, madame la sénatrice, voilà quelques semaines, et qui permet des modalités innovantes de coopération.
L’agence régionale de l’hospitalisation a donc mis en place une mission conduite par un professionnel expérimenté qui travaille depuis le mois de mars. J’en attends un projet médical partagé, permettant d’identifier et d’engager les coopérations réellement possibles.
Je rappelle que le site du Grand Pourpier, où se trouve l’établissement public de santé mentale de la Réunion, est déjà le point d’ancrage de la santé mentale. Dès lors que le centre hospitalier Gabriel-Martin sera délocalisé et reconstruit sur le site du Grand Pourpier comme prévu, les services de médecine existants seront maintenus et la mutualisation de moyens entre les deux établissements pourra se mettre en place.
Les financements ont d’ores et déjà été réservés pour cette opération. Le coût du projet est évalué à 128 millions d’euros. Près de 71 millions d’euros ont été attribués, ce qui représente un peu plus de 55 % du montant de l’investissement total, soit un taux de subvention nettement plus élevé que ceux que nous avons l’habitude d’attribuer à ce genre de projet.
Il a été convenu avec l’agence régionale de l’hospitalisation de la Réunion qu’une demande de complément de financement serait étudiée dans le cadre de la deuxième tranche du plan Hôpital 2012, au 1er semestre 2010.
Donc, sans anticiper, madame la sénatrice, mais étant donné mon attachement à l’île de la Réunion, soyez assurée que je suivrai ce dossier avec une particulière attention.
Enfin, un membre de mon cabinet a reçu, à la fin du mois d’août dernier, le collectif de défense de l’hôpital de l’ouest de la Réunion, qui a soulevé un certain nombre de questions, auxquelles nous tenons évidemment à apporter des réponses précises.
Comme vous pouvez le constater, tout est mis en œuvre pour que la réalisation de cette structure hospitalière aboutisse dans les meilleures conditions et améliore durablement la qualité de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire réunionnais.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, très positive. J’espère que l’on trouvera une solution en ce qui concerne la délocalisation de la maternité.
Vous avez réaffirmé, lors de la présentation du plan santé outre-mer, votre volonté de tenir compte des spécificités et de garantir une offre de soins optimale en outre-mer. C’est très important, car la Réunion reste sous-médicalisée, sauf en ce qui concerne les sages-femmes, les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes. L’île compte en effet 1 119 professionnels de santé pour 100 000 habitants, contre 1 555 en métropole.
Nous sommes en train de rattraper ce retard grâce, notamment, à l’augmentation du numerus clausus que vous avez décidée, madame la ministre, ce dont je vous remercie.
Toutefois, si le conseil économique et social régional, dans son récent rapport sur l’offre de soins outre-mer, juge l’organisation hospitalière de la Réunion satisfaisante, il reconnaît néanmoins que la partie ouest de l’île souffre encore d’un retard : d’après les explications que vous venez de me donner, il sera bientôt comblé.
M. le président. Oserais-je dire, madame la ministre, mes chères collègues, que le président de séance, unique représentant du sexe masculin en cet instant, se sent un peu seul ? (Sourires.)
incidences des rayons ultraviolets sur la santé
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 609, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chères collègues, au moment où les Français rentrent de vacances et où ils sont tentés de prolonger un peu leur bronzage, mais surtout après tous les articles parus cet été dans la presse, je voulais interroger la ministre de la santé sur les centres et les cabines de bronzage qui utilisent les rayons ultraviolets, ou UV.
En effet, le bronzage favoriserait autant que la cigarette le développement d’un cancer. Jusqu’à présent, les UV artificiels étaient considérés comme « probablement » cancérogènes mais, récemment, un groupe d’experts issus de neuf pays viennent de les classer dans la catégorie « cancer avéré »
Une méta-analyse a en effet conclu que l’exposition aux UV artificiels avant l’âge de trente ans augmentait de 75 % le risque de mélanome, la forme la plus agressive du cancer de la peau. Cette étude souligne également que l’utilisation d’appareils de bronzage émettant des UV est très largement répandue, particulièrement chez les jeunes femmes. Ces résultats ont été publiés dans la revue médicale The Lancet Oncology.
Les dermatologues, eux, sont plutôt satisfaits de cette étude. La vice-présidente du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues rappelle en effet que cela fait plus de douze ans qu’ils alertent le public sur le danger des UV artificiels, car une fréquentation répétée à un âge très jeune des cabines entamerait largement le capital solaire et représente donc un facteur de risques.
Les professionnels du bronzage, quant à eux, ne sont pas non plus surpris par ces résultats. La présidente de la Confédération nationale de l’esthétique parfumerie, la CNEP, qui regroupe six syndicats de la branche, explique que, depuis 1992, les rayonnements solaires sont jugés cancérogènes et qu’il est normal que les UV artificiels le soient aussi.
Selon les conclusions d’un rapport, il ne faudrait pas dépasser dix séances par an.
Le bronzage artificiel est donc à consommer avec modération, sans pour autant qu’il faille aller jusqu’à supprimer toute exposition parce que soleil peut être adapté à certaines prescriptions : il y a du bon dans les UV, d’abord pour le moral, mais aussi, parce qu’ils favorisent l’assimilation de la vitamine D, pour les os.
Quoi qu’il en soit, les UV artificiels sont fortement déconseillés aux personnes sujettes aux allergies, aux consommateurs d’anxiolytiques et aux peaux trop blanches.
Depuis le début des années 2000, bon nombre de centres de bronzage artificiel se sont développés, surfant sur la vague du bien-être. Je ne sais pas si tous respectent la réglementation. Je ne pense pas non plus que les utilisateurs y trouvent un document prouvant que le personnel a été formé, qu’il connaît les risques d’une surexposition et qu’il est capable d’en informer les usagers.
Il est théoriquement interdit aux mineurs de fréquenter ces centres de bronzage, mais je ne suis pas non plus persuadée qu’une pièce d’identité soit systématiquement exigée de toute personne paraissant âgée de moins de dix-huit ans.
Enfin, vous le savez, même s’il existait une interdiction des cabines en libre-service dans notre pays, n’importe quel particulier pourrait toujours trouver en deux clics sur internet des solariums en vente libre, et je ne sais pas si ceux-ci respectent les normes.
En conséquence, madame la ministre, je vous serai reconnaissante de m’indiquer si vous avez l’intention de mettre en œuvre un certain nombre de mesures, en particulier pour appeler les usagers à une plus grande prudence.
Envisagez-vous d’encadrer cette pratique pour permettre aux utilisateurs de cabines UV de les fréquenter en toute connaissance de cause, par exemple, en rendant obligatoire l’information par des messages sur la dangerosité, y compris en contrôlant le nombre de passages en cabine UV, par mois ou par an ?
En d’autres termes, madame la ministre, pensez-vous pouvoir renforcer la réglementation française pour la rendre plus protectrice ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Je me tourne d’abord vers notre président de séance pour le rassurer : non, monsieur le président, non, vous n’êtes pas seul ! (Sourires.)
M. le président. Merci, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Claude Lévi-Strauss ne disait-il pas qu’il éprouvait un sentiment de solitude lorsqu’il se retrouvait, au cours de ses expéditions, en compagnie des femmes et des enfants ? Il se sentait seul uniquement parce que les hommes étaient partis ! (Nouveaux sourires.)
Madame Procaccia, je vous remercie de poser cette question, qui nous rappelle un peu les vacances !
Vous souhaitez attirer mon attention et celle du Sénat sur la question des risques sanitaires liés à l’exposition aux ultraviolets artificiels : la matière, qui pourrait être considérée bien futile est, tout au contraire, une question de santé publique très importante.
L’Organisation mondiale de la santé a récemment reconnu le caractère « cancérigène » des rayons ultraviolets A artificiels émis par les installations de bronzage. Une analyse de l’ensemble de la littérature scientifique a effectivement conclu que l’exposition aux UV artificiels avant l’âge de trente ans augmente de 75 % le risque de mélanome.
Étant très attentive à ces risques, j’ai demandé à ce que les mesures de prévention qui existent déjà soient réexaminées et, si nécessaire, renforcées.
En matière de réglementation, il faut savoir que nous ne partons pas de rien : la France est même en avance par rapport à d’autres pays voisins.
Ainsi, la vente et la mise à disposition du public d’appareils de bronzage utilisant des rayonnements ultraviolets sont réglementées depuis 1997.
Cette réglementation impose notamment la présence d’un personnel qualifié dans les établissements mettant des appareils de bronzage à la disposition du public, et l’information des utilisateurs sur les risques liés à une exposition aux rayonnements ultraviolets.
Elle prévoit, en outre, la déclaration des installations auprès de la préfecture de département, ainsi qu’un contrôle technique régulier des appareils par un organisme agréé.
Enfin, elle interdit l’utilisation des installations de bronzage par les mineurs.
J’ai demandé à mes services de réaliser une évaluation approfondie de l’application de la réglementation française relative aux installations de bronzage artificiel. Car il ne suffit pas d’avoir une réglementation, encore faut-il qu’elle soit observée !
Particulièrement attachée à la qualité et à la sécurité, je demanderai, si cela se révélait nécessaire, un renforcement de la réglementation actuelle, lequel serait alors grandement facilité par les dispositions figurant à l’article 61 de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, votée récemment, à l’élaboration de laquelle vous avez apporté une participation à la fois attentive et pertinente, ce dont je vous remercie encore, madame la sénatrice. Il y est en effet prévu à la fois le renforcement des contrôles pour les activités à visée esthétique et des sanctions en cas de non-application de ces dispositions.
Par ailleurs, dès juillet dernier, j’ai demandé à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, de renforcer la communication sur les risques des ultraviolets artificiels, comme il le fait déjà pour les risques solaires.
Pour une communication efficace, l’INPES va engager une étude sur les connaissances, la perception et le comportement des utilisateurs de ces installations, qui sont aujourd'hui aussi bien des hommes que des femmes.
Par ailleurs, l’Institut national du cancer, l’INCA, sera chargé, sur la base d’une expertise, qui va être mise à jour, datant de 2005 et émanant de l’Institut de veille sanitaire, de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de proposer les recommandations nécessaires pour l’élaboration de nouveaux messages sanitaires.
Madame Procaccia, je prends cette affaire extrêmement au sérieux. Je le répète, nous ne partons pas de rien et nous attendons les recommandations de l’INCA pour mettre à jour la méthode de communication sur ces rayons ultraviolets.