Mme la présidente. Au sein de cet article, nous en sommes parvenus aux amendements nos 83, 292, 293 et 294, qui font l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 83, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le IV du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 122-1-5 du code de l'urbanisme :
IV - Il peut définir des secteurs dans lesquels l'ouverture de nouvelles zones à l'urbanisation est subordonnée à l'obligation pour les constructions, travaux, installations et aménagements de respecter :
a) Des performances énergétiques et environnementales renforcées ;
b) Des critères de qualité renforcés en matière d'infrastructures et réseaux de communications électroniques.
La parole est à M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Hier, nous avons eu un long débat sur cet article qui constitue, en quelque sorte, pour reprendre l’expression de Dominique Braye, une « boîte à outils ». Certains s’inquiétaient de savoir s’il fallait se servir de tous les outils énumérés ; d’autres constataient le caractère marqué, rural ou urbain, de ces outils.
La loi étant par définition normative, le terme « peut » nous conduit à nous demander si la liste est exhaustive ou non. Par ailleurs, il est un principe selon lequel les collectivités locales s’administrent librement. On peut donc imaginer des outils plus locaux.
Quoi qu’il en soit, la commission des lois propose une clarification rédactionnelle par la mise en facteur commun de notions de performance énergétique et de critères de qualité.
Mme la présidente. L'amendement n° 292, présenté par M. Muller, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du IV du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 122-1-5 du code de l'urbanisme par une phrase ainsi rédigée :
Ces performances pourront être atteintes par une amélioration de l'isolation ou de la protection thermique et phonique, notamment par un recours à des techniques utilisant des végétaux.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à ce que la loi mette en évidence les techniques de construction utilisant des végétaux, notamment sur les murs et les toitures. Il s’agit non pas d’imposer au constructeur ou à l’aménageur l’utilisation systématique de ce procédé dans une zone donnée, mais de souligner que l’utilisation de végétaux dans une construction répond aujourd’hui de manière optimale – cela est prouvé – à l’objectif de performance éventuellement fixé dans le SCOT.
De récentes études ont montré les capacités d’optimisation de la performance énergétique des bâtiments munis de toitures végétales. En hiver, on observe des déperditions moindres de températures par rapport aux toits bitumeux. En été, ces techniques permettent une amélioration de la performance énergétique des bâtiments engendrant une réduction considérable du recours à la climatisation.
Par ailleurs, les végétaux sont aussi de très bons isolants sonores. Ils absorbent les sons violents alors que les surfaces bitumées ou les bâtiments les réfléchissent et les amplifient. La pose de gazon sur les plateformes de tramways en est l’exemple le plus courant.
Encourageons cette excellente pratique architecturale ! Encourager ne veut bien évidemment pas dire contraindre. S’il faut l’inscrire dans la loi, c’est tout simplement pour des raisons culturelles. En effet, ces techniques de pointe sont tout à fait marginales dans notre pays, voire considérées comme « extraterrestres », alors qu’elles sont largement répandues en Suisse et en Allemagne, pays vertueux en matière d’environnement.
Je le rappelle, nous rédigeons un texte qui doit fixer un cap !
Mme la présidente. L'amendement n° 293, présenté par M. Muller, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du IV du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 122-1-5 du code de l'urbanisme, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut fixer des objectifs à atteindre en matière de maintien ou de création d'espaces verts dans les zones faisant l'objet d'une ouverture à l'urbanisation.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Le SCOT doit pouvoir être un véritable instrument de préservation des espaces verts lors de l’ouverture d’une zone à l’urbanisation.
Dans une logique de continuité écologique, cet amendement tend à pouvoir fixer, au niveau d’un territoire vaste, des objectifs en matière d’espaces verts pour que le passage d’une zone non urbanisée à une zone urbanisée ne soit pas synonyme de destruction du paysage naturel, forestier ou agricole qui existait antérieurement.
En effet, les végétaux en milieu urbain apportent de nombreuses contributions à l’amélioration de l’environnement tant en termes de qualité de l’air, grâce à leur capacité à fixer les particules fines et à humidifier l’air, qu’en termes d’introduction et de préservation de la biodiversité en ville, ou encore en termes de santé publique grâce à l’action positive du végétal sur la santé physique et psychique des individus. Des études ont ainsi montré que l’accès à un lieu végétalisé induit directement un rééquilibrage du rythme cardiaque et de la tension artérielle et diminue le stress. Le jardin du Luxembourg est ainsi un lieu de ressourcement que nous savons apprécier. (Sourires.)
Je tiens à rappeler que 25 % de nos concitoyens considèrent qu’un mode de vie plus respectueux de l’environnement passe d’abord par un habitat plus vert et des villes plantées d’arbres. Inscrivons dans la loi la possibilité – il ne s’agit donc pas de contraindre ! – de se fixer des objectifs à atteindre en matière de création d’espaces verts dans les parcs faisant l’objet d’une ouverture à l’urbanisation.
Mme la présidente. L'amendement n° 294, présenté par M. Muller, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du IV du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 122-1-5 du code de l'urbanisme, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut définir des secteurs dans lesquels l'ouverture de nouvelles zones à l'urbanisation est subordonnée à l'obligation pour les constructions, travaux, installations et aménagements de présenter un bilan paysager, sous la forme de documents écrits ou de plans, exposant le patrimoine naturel, agricole ou forestier détruit et maintenu ainsi que les moyens envisagés afin de remplacer sur le même secteur ce patrimoine détruit, en termes d'espaces verts notamment. »
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. La réflexion sur l’impact paysager de la construction ou de l’aménagement doit être un élément essentiel de l’ouverture d’une zone à l’urbanisation.
La vocation principale des études paysagères est de permettre aux opérateurs de prendre en compte l’état initial du site afin que leur projet de construction ou d’aménagement présente un bilan d’impact positif sur les espaces verts.
Les espaces verts ont de nombreuses fonctions. Ils ont une fonction sociale : l’aménagement devient lieu de promenade, de rencontres, de pratiques d’activités sportives ou culturelles. Ils ont une fonction technique telle que la gestion des eaux pluviales – nous avons évoqué hier les inondations et les possibilités d’infiltration dans les sols – ou la protection thermique des bâtiments. Ils ont également une fonction esthétique : c’est le fleurissement et l’accompagnement des voies de circulation. Enfin, les espaces verts ont une fonction patrimoniale qui peut être culturelle – je pense aux jardins historiques et aux expositions –, technique – les jardins botaniques, la conservation des espèces – ou bien économique en tant que valorisation du bâti.
Tel est le but des études paysagères. Elles encourageraient l’utilisation de techniques innovantes, qui non seulement préservent et enrichissent l’environnement, mais s’avèrent aussi, à l’expérience, plus économes à mettre en œuvre que les solutions traditionnelles. Nous devons encourager cette façon de travailler.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Avant tout, je voudrais dire à Mme la secrétaire d’État Valérie Létard que nous sommes heureux de l’accueillir dans sa maison. (Sourires.)
En ce qui concerne l’amendement n° 83, je rappelle que le IV de l’article 9 peut subordonner l’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation à l’obligation pour les constructions de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées. Il peut également la subordonner à l’obligation pour les constructions de respecter des critères de qualité renforcés en matière d’infrastructures et de réseaux de communications électroniques. Il peut imposer l’une ou l’autre condition, mais pas les deux à la fois.
Or la rédaction proposée par cet amendement donne à penser que les deux conditions sont cumulatives. Bien que plus lourde, la rédaction du texte proposée par le Gouvernement est cependant plus claire.
Cela étant, je pense que l’on peut sortir de cette difficulté par le haut : il suffirait de rectifier cet amendement en ajoutant le mot « ou » entre les deux conditions. Dès lors, toute ambiguïté serait levée et la commission pourrait émettre un avis favorable.
Par ailleurs, monsieur Muller, non seulement je ne vois pas l’intérêt de la précision apportée par l’amendement n° 292, mais j’y suis en outre personnellement opposé.
Nous avons la désagréable habitude en France de vouloir indiquer aux professionnels comment ils doivent atteindre les objectifs que nous fixons. Dans les autres pays européens, le législateur fixe des objectifs et laisse à l’intelligence de la société entrepreneuriale, si je puis dire, le soin de choisir les moyens de les atteindre. Mettons fin à ce dogmatisme selon lequel le législateur aurait la science infuse !
Vous l’avez dit vous-même, mon cher collègue, dans ce domaine, les changements sont très rapides. La seule chose dont nous pouvons donc être sûrs est que la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Je ne suis pas opposé aux végétaux, bien au contraire, mais il s’agit là d’un problème de fond qui dépasse très largement le cadre de cet amendement.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 293, l’article L. 121-1 dispose que les SCOT définissent les objectifs et les priorités intercommunales en matière d’urbanisme, de protection des espaces naturels et forestiers et des paysages. Un SCOT peut donc tout à fait, si on le souhaite, fixer des objectifs à atteindre en matière de maintien ou de création d’espaces verts dans les zones faisant l’objet d’une ouverture à l’urbanisation.
L’article L. 122-1-4 relatif aux documents d’orientation et d’objectifs, qui constitue en quelque sorte la partie « opposable » au SCOT vis-à-vis des documents inférieurs, dispose par ailleurs que ce document définit les conditions d’un développement urbain maitrisé et de valorisation des paysages. Sur cette base, le SCOT est donc autorisé à établir des objectifs à atteindre en matière de création ou de maintien d’espaces verts.
Enfin, il ne faut pas oublier que le règlement d’un PLU, qui a véritablement le pouvoir de déterminer le droit des sols, peut délimiter et protéger des espaces verts.
Mon cher collègue, votre amendement est donc très largement satisfait par la rédaction actuelle. La commission préférerait que vous acceptiez de le retirer, afin de ne pas avoir à émettre un avis défavorable.
Si je comprends bien l’amendement n° 294, dans les nouvelles zones ouvertes à l’urbanisation, à chaque autorisation de constructions, de travaux, d’installations et d’aménagements, il faudrait présenter un bilan paysager. C’est totalement irréaliste, car ce serait à la fois démesurément complexe et coûteux.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Je veux à mon tour dire combien je suis contente de retrouver la Haute Assemblée et de pouvoir échanger et travailler avec elle. Le Sénat est particulièrement cher à mon cœur, monsieur le rapporteur.
S’agissant de l’amendement n° 83, le Gouvernement rejoint l’avis de la commission. La rectification suggérée par M. Braye permettrait d’éviter de donner l’impression que les conditions sont cumulatives, ce qui aurait pour effet de rendre le dispositif plus restrictif.
En ce qui concerne l’amendement n° 292, le Gouvernement approuve totalement les propos de la commission. Le texte doit bien évidemment fixer des objectifs et non déterminer les moyens de les atteindre. Un programme du type « Nature en ville », par exemple, sur lequel nous travaillons aujourd’hui, peut être un outil de la politique publique et contenir des mesures très concrètes comme celles que vous proposez, monsieur Muller. Cela permettrait leur traduction sur le plan territorial sans pour autant que la loi fige des techniques, qui, nous le savons bien, peuvent évoluer.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable. Votre proposition est intéressante, mais une telle précision n’a pas à figurer dans la loi.
Tout comme la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 293. Une telle mesure relève plutôt de l’initiative des communes et des EPCI dans le cadre du PLU, en fonction des besoins locaux.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 294. Cette mesure n’est pas du niveau du SCOT : elle relève du permis de construire, dans le respect des règles du PLU et du règlement national d’urbanisme.
Mme la présidente. Monsieur de Legge, la commission des lois accepte-t-elle la rectification suggérée par M. le rapporteur ?
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. La commission des lois se rallie à la suggestion de M. le rapporteur.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 83 rectifié, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des lois, et qui est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le IV du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 122-1-5 du code de l'urbanisme :
IV - Il peut définir des secteurs dans lesquels l'ouverture de nouvelles zones à l'urbanisation est subordonnée à l'obligation pour les constructions, travaux, installations et aménagements de respecter :
a) Des performances énergétiques et environnementales renforcées
ou
b) Des critères de qualité renforcés en matière d'infrastructures et réseaux de communications électroniques.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je voterai cet amendement. Cependant, j’avoue ne pas savoir ce que signifie la phrase « respecter des critères de qualité renforcés en matière d’infrastructures et réseaux de communications électroniques », qui figure dans le texte initial du Gouvernement. J’aurais bien aimé que l’on m’explique.
M. Paul Raoult. Bonne question !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. C’est une précision sur l’étendue de la desserte et sa capacité.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 292, 293 et 294 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 205, présenté par M. Maurey et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Dans le V du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 122-1-5 du code de l'urbanisme, remplacer le mot :
définit
par les mots :
peut proposer
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Cet amendement vise à préciser le régime du SCOT, qui doit rester un document stratégique fixant les grands principes en matière d'urbanisme. Il semble logique qu'il ne puisse pas définir les grands projets d'équipements et de services, ce qui ressort du PLU, et qu'il soit limité à en proposer les contours.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement aurait pour effet de maintenir le droit en vigueur. La commission n’y est pas favorable.
Comme je l’explique depuis longtemps, le SCOT doit offrir des outils variés d’aménagement du territoire dont l’usage doit être une faculté et non une obligation ; nous avons eu cette nuit un très long débat à ce sujet.
Or, s’agissant des grands projets d’équipements et de services, je soutiens l’argumentation inverse. En effet, ce qui est visé ici, ce sont justement les grands projets d’équipements et de services; pas tous, mais les plus grands d’entre eux, ceux qui, de par leur taille, auront un impact fort sur les grands équilibres du SCOT en matière d’aménagement, de logement ou encore de transport.
Si un SCOT a bien pour but, comme son nom l’indique, de mettre en cohérence les politiques publiques locales, il doit se saisir des choix en matière d’équipements structurants ; sinon, il est inutile. Nous sommes là au cœur du rôle et de la nature d’un bon SCOT.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition qui affaiblirait la portée du SCOT. Celui-ci doit rester le document central en matière de grands équipements et conserver cette obligation de définir les grands projets d’équipements et de services. De plus, vous le savez, ces grands équipements jouent un rôle structurant dans l’ensemble du développement urbain : ils en sont indissociables.
Il existe une interaction entre les différentes fonctions et les divers aspects qui sont repris dans le cadre d’un schéma de cohérence supra-communal : on ne peut les déconnecter !
C’est pourquoi, monsieur Soulage, je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.
M. Adrien Gouteyron. J’ai bien entendu l’intervention de notre éminent rapporteur et de Mme la secrétaire d’État, mais j’avoue être un peu hésitant.
Certes, on ne veut pas faire du SCOT un super PLU ; ce n’est pas sa fonction, puisqu’il s’agit d’un document d’orientation. Il n’en reste pas moins que l’on fait là un pas de plus : on renforce le rôle du SCOT, d’autant qu’il restera à définir les grands équipements. Du reste, de nombreux éléments dépendront de cette définition.
Je suis prêt à suivre l’avis de la commission. J’aimerais néanmoins que l’on nous en dise un peu plus. Je suis un peu méfiant, à l’instar de nombre de mes collègues, me semble-t-il, même si je ne veux pas parler en leur nom. Je crains en effet que les SCOT ne deviennent de plus en plus contraignants. Or ce n’est pas leur rôle. Telle n’est sans doute pas l’intention de la commission. Nous sommes là au cœur d’une question importante.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je voudrais tranquilliser notre collègue et ami Adrien Gouteyron.
Les SCOT sont des schémas de programmation sur des territoires beaucoup plus étendus que la commune. Il est d’ailleurs souhaitable que ceux-ci soient beaucoup plus grands que les intercommunalités existantes ; celles de demain correspondront peut-être à des SCOT, mais c’est un autre problème, que nous étudierons dans une autre loi.
Par ailleurs, si les SCOT fixent des normes contraignantes, c’est que les élus eux-mêmes souhaitent, ensemble, se les imposer. (M. Adrien Gouteyron fait un signe dubitatif.) Le SCOT est un document exclusivement élaboré, à partir de données, par les élus, avec les bureaux et les agences d’urbanisme à disposition, en respectant certains équilibres. Mais il doit nécessairement définir les grandes infrastructures et les grands équipements de services.
Pour la Haute-Loire, envisagez-vous qu’un SCOT puisse ne pas tenir compte de la liaison Firminy-Le Puy, que j’emprunte de temps en temps ? Ce n’est pas possible ! D’ailleurs, vous le savez bien, pour la Haute-Loire comme pour la déviation du Puy – excusez-moi de citer un territoire qui n’est pas le mien, mais qui est cher à mon cœur –,…
M. Adrien Gouteyron. Je sais que vous y êtes très attaché !
M. Dominique Braye, rapporteur…les élus sont souvent obligés de se battre pour pouvoir mettre en place les infrastructures. Ils souhaitent les inscrire dans leur SCOT, ne serait-ce que pour pousser l’État et les autres partenaires – si j’ai parlé de la déviation du Puy, ce n’est pas totalement par hasard (Sourires.) – à apporter leur dîme à ce qu’ils estiment être un élément structurant et dépassant très largement le contexte local.
Le SCOT, ne l’oublions jamais, est un document élaboré par des élus, en concertation avec des bureaux d’études, des agences d’urbanisme, etc., à partir de rapports de présentation, pour structurer de façon cohérente un territoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je comprends parfaitement les interrogations de notre collègue Adrien Gouteyron. Peut-être faudrait-il donner quelques exemples de ce que l’on entend par « équipements structurants ».
M. Dominique Braye, rapporteur. J’en ai cité un que connaît bien M. Gouteyron !
Mme Évelyne Didier. Ne pourrait-on pas rassurer les élus, qui n’ont pas envie de se voir imposer, au travers de ce document, des projets dont ils ne veulent pas dans leur collectivité ?
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Le débat est complexe. En effet, il y a ceux qui établissent un SCOT et qui s’imposent une discipline collective, et ceux qui se laissent une liberté pleine et entière.
M. Dominique Braye, rapporteur. Les SCOT seront bientôt obligatoires !
M. Paul Raoult. Ensuite, un autre problème se pose : la taille géographique des SCOT. Dans ma région, le SCOT est élaboré à l’échelle d’un arrondissement de 245 000 habitants. C’est autre chose qu’un SCOT réunissant quelques cantons, comme je l’ai vu dans le Nord-Pas-de-Calais ! Dès lors, les méthodes de concertation sont forcément différentes.
Pour avoir été à l’initiative du SCOT de l’Avesnois – ne pouvant pas cumuler toutes les fonctions, j’ai dû déléguer certaines tâches –, je me rends compte, à l’usage, que l’agglomération tend à imposer ses règles aux territoires périurbains et ruraux.
Les équipements structurants, vous le comprenez bien, concernent d’abord la métropole du territoire et, parfois, on oublie la périphérie ou les zones rurales. Une bibliothèque ou une médiathèque sont considérées comme un équipement « structurant » quand il s’agit d’une grande ville, mais pas dans un bourg-centre ! Comme par hasard…
Mme Évelyne Didier. Oui !
M. Paul Raoult. Et quand vous demandez des subventions, on vous dit que votre projet n’est pas structurant, car la médiathèque ne concerne que 15 000 habitants dans le bourg-centre. En revanche, des subventions sont accordées aux grandes villes. Ce n’est pas toujours facile à mettre en œuvre concrètement.
Dominique Braye parle de concertation entre élus. Bien sûr, mais, parmi ces élus, il y a ceux qui comptent beaucoup, ceux qui comptent un peu moins, et à cela s’ajoutent les rapports de force politiques.
M. Dominique Braye, rapporteur. C’est la vie !
M. Paul Raoult. L’implantation des zones d’activités, leur répartition sur un vaste territoire, comme l’arrondissement de l’Avesnes-sur-Helpe, représentent des enjeux qui ne sont pas toujours faciles à trancher.
Cela dit, les SCOT constituent un outil important et nouveau, qu’il faut mettre en œuvre. Mais leur articulation avec les PLU n’est pas évidente. Les cabinets d’études ont tendance à établir des SCOT de plus en plus précis et de plus en plus contraignants.
M. Adrien Gouteyron. Bien sûr !
M. Paul Raoult. Il faut donner de la souplesse aux SCOT, d’autant que l’avenir économique de nos territoires comporte de nombreuses incertitudes : aujourd’hui, des établissements ferment ; d’autres se créeront peut-être demain, mais où, selon quels desiderata de tel groupe industriel ou commercial ? La tendance est de privilégier les intérêts particuliers !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je voudrais essayer de rassurer mon collègue Adrien Gouteyron en lui faisant part de mon expérience, sans en tirer aucune gloire.
Il est vrai que les SCOT sont des documents très intéressants. La loi Voynet a permis de les mettre en place dans les agglomérations dépassant 50 000 habitants.
J’ai connu une telle situation avec le maire de l’agglomération de Châlons-sur-Saône, Dominique Perben. Ma communauté de communes représentait, globalement, 8 500 habitants et l’influence de la communauté d’agglomération touchait la moitié des communes. Eh bien ! j’ai pris la décision, avec mes collègues maires, de mettre en place un SCOT.
Cela nous a permis de réfléchir sur les orientations de la communauté de communes. On imagine bien qu’il serait plus intéressant de faire référence dans la loi au bassin de vie. Mais pour éviter les interférences et les craintes relatives aux grandes agglomérations, c’est aux élus qu’il revient de prendre en main la mise en œuvre de ces SCOT.
Je présenterai tout à l’heure un amendement ayant pour objet d’étendre à l’ensemble du territoire de tels documents d’orientation ; je développerai davantage ma vision globale. Nous nous inspirerons des directives territoriales d’aménagement et de développement durables du territoire.
Nous devons prendre en main notre destin, en particulier s’agissant de l’utilisation de l’espace. Un pays moderne comme la France doit pouvoir disposer de documents à cet effet.
Les inquiétudes exprimées par Adrien Gouteyron peuvent être dissipées ; nous le verrons lors de la discussion dudit amendement.
Mme Chantal Jouanno s’interrogeait sur le paysage. Mes chers collègues, nous avons de très beaux paysages ! Sur une superficie de 55 millions d’hectares, 30 millions d’hectares sont consacrés à l’agriculture, 16 millions à 17 millions d’hectares sont couverts de forêts ou de zones à protéger, et 1 million d’hectares est planté de vignes.
Essayons de protéger ce patrimoine qui conditionne notre environnement. C’est au travers des schémas de cohérence territoriale que nous définirons l’utilisation de l’espace. M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, que j’ai rencontré, s’interrogeait sur les espaces agricoles à préserver. Eh bien ! c’est grâce à ces documents que nous pourrons préserver notre agriculture et notre environnement !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Nous entendons, bien sûr, les inquiétudes des élus de terrain. Ils souhaitent voir progresser la politique locale et que celle-ci figure dans le SCOT, quelle que soit la taille de la commune. Le périmètre d’application du SCOT va bien au-delà du territoire de la commune !
Ce sont les élus qui définiront le contenu du SCOT et ils disposeront, pour ce faire, d’une ingénierie adaptée. Ils auront ainsi la possibilité de définir de grands équilibres au niveau d’espaces territoriaux cohérents, permettant la mise en place d’une politique de l’urbanisme maîtrisée, quelle que soit la nature des territoires, la préservation de l’environnement, mais aussi une organisation économique équilibrée du territoire. Toutes ces questions sont essentielles !
Je suis dans un territoire qui est en train d’élaborer un SCOT avec de grandes agglomérations et des communautés de communes rurales. Il est vrai qu’il faut respecter l’équilibre entre les unes et les autres, être à l’écoute et faire preuve de souplesse. Chaque élu, quelle que soit la taille de sa commune, doit être pris en compte.
Il reste que pour de grandes opérations structurantes telles qu’un centre hospitalier, un grand stade, il faudra modifier le schéma de transports collectifs dans des territoires plus urbanisés.