M. Dominique Braye. Ça y est, le théâtre commence !
M. Jean Desessard. … qui étrangle les petits producteurs, que vous dites également défendre !
Bref, que faites-vous aujourd’hui ? Un beau cadeau à la grande distribution !
M. Nicolas About. Oh !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean Desessard. C’est-à-dire le contraire de tout ce que vous pouvez affirmer par ailleurs.
Non seulement ce texte est examiné selon la procédure accélérée, mais en plus il arrive en discussion sans qu’aucun amendement ait été déposé par la commission des affaires sociales ! C’est vraiment le fin du fin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Nous avons travaillé en amont avec l’Assemblée nationale !
M. Jean Desessard. À quoi servons-nous, mes chers collègues ?
M. Dominique Braye. Vous, à rien !
M. Jean Desessard. Je ne parle pas, d’ailleurs, spécialement de moi. En effet, on peut penser qu’il est normal qu’un parlementaire de l’opposition ne serve à rien, puisqu’il est dans l’opposition. Son tour viendra, ne vous en faites pas ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Dominique Braye. L’espoir fait vivre !
M. Jean Desessard. Mais aujourd’hui, chers collègues de la majorité, c’est vous qui ne servez à rien !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. C’est faux !
M. Jean Desessard. Vous n’avez pas déposé un seul amendement, alors que l’on sait très bien que vous êtes partagés sur cette question, qu’il existe des différences entre vous et qu’il en va de valeurs fondamentales !
C’est comme si vous souhaitiez montrer à tout le monde, aujourd’hui, que le Sénat ne sert à rien. Voilà la vérité !
Visiblement, la majorité obéit aux ordres.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Certainement pas !
M. Jean Desessard. Il faut obtenir un vote conforme à celui de l’Assemblée nationale, et cela le plus rapidement possible, sans discussion. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Cela fait deux ans que nous travaillons sur ce texte !
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, le Gouvernement a eu recours à une proposition de loi, donc à l’initiative parlementaire, plutôt qu’à un projet de loi, ce qui présente pour vous beaucoup d’avantages. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Vous évitez la négociation avec les partenaires sociaux et vous n’avez pas à soumettre le texte au Conseil d’État ni au Conseil économique, social et environnemental ! Que de temps gagné !
Mme Raymonde Le Texier. Eh oui !
M. Dominique Braye. Les parlementaires ont tout de même le droit d’avoir des idées et de déposer des propositions de loi ! Ce que vous dites est contradictoire !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Monsieur Desessard, vous niez le droit des parlementaires !
M. Jean Desessard. Le choix d’examiner ce texte en pleine période estivale est également l’illustration des méthodes plus que contestables du Gouvernement. Les Français sont en vacances et découvriront la banalisation du travail dominical à la rentrée, lorsqu’il sera évidemment trop tard !
M. Nicolas About. Non !
M. Jean Desessard. À mon tour, je tiens à le rappeler : cette proposition de loi a été déposée par Richard Mallié, député des Bouches-du-Rhône. Nous le savons tous, c’est dans ce département qu’est situé le pôle commercial de Plan-de-Campagne, dont les commerces ouvrent le dimanche depuis plusieurs années, et ce en toute illégalité ! (Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Est-il bien raisonnable d’examiner une proposition de loi destinée à régler une situation particulière, qui non seulement favorise des intérêts privés, mais aussi couvre des infractions depuis longtemps déjà ?
M. Jean-Pierre Michel. Tout mandat impératif est nul ! Ce sont les lobbies qui commandent !
M. Alain Gournac. Du calme !
M. Jean Desessard. Monsieur About – permettez-moi, au passage, de vous féliciter pour votre élection à la présidence du groupe de l’Union centriste ! –, à vous entendre, ce texte aurait pour objectif de « régulariser les anomalies existantes ». Autrement dit, on couvre les infractions et, après, tout ira mieux. Mais les patrons, eux, prendront ce qu’on leur donne, tout en se tenant prêts à recommencer !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Nicolas About. Impossible : nous serons vigilants !
M. Dominique Braye. C’est le retour de la lutte des classes !
M. Jean Desessard. La majorité avance depuis plusieurs semaines l’argument selon lequel l’ouverture dominicale des commerces serait « un jour de croissance en plus »…
M. Jean-Pierre Michel. Selon certains, il faut aller chercher la croissance avec les dents !
M. Jean Desessard. … et que les consommateurs, comme les salariés, attendent l’application de cette proposition de loi pour gagner plus et consommer plus. Est-il vraiment indispensable de vous rappeler que nous traversons aujourd’hui une crise économique ?
Je me demande où nos concitoyens trouveront de l’argent à dépenser le dimanche, alors qu’ils n’en ont déjà pas assez le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, le vendredi et le samedi ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Dominique Braye. Justement, travailler le dimanche permet de gagner plus !
M. Jean Desessard. Toutes les études le démontrent, l’ouverture dominicale des commerces ne favorisera pas la consommation, car nos concitoyens ne disposent aujourd’hui ni de « réserves » ni de « bas de laine ». Au mieux, comme l’a souligné ma collègue Raymonde Le Texier, les achats seront reportés du samedi au dimanche. L’expérience des pratiques européennes indique également que le chiffre d’affaires des commerces ouverts le dimanche n’évolue pas à la hausse.
De plus, dans la mesure où le travail dominical n’entraîne pas une augmentation de la croissance économique, une telle disposition n’aura aucune incidence sur la création d’emploi.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. C’est faux !
M. Jean Desessard. D’un point de vue sociétal, force est de constater que la banalisation du travail dominical n’a que des aspects négatifs : diminution des échanges familiaux, abandon des activités sportives et associatives, et baisse des activités culturelles. La vie sociale et familiale nécessite en effet une coordination des emplois du temps, peu compatible avec la généralisation du travail le dimanche.
Chers collègues de la majorité, comment pouvez-vous accepter un tel changement de civilisation, où tout est axé sur la production et la consommation ?
Mme Annie David. C’est dramatique !
M. Jean Desessard. Qu’avez-vous fait de vos valeurs ? Défendez-les ! J’espère que vous voterez nos amendements lorsqu’ils viendront en discussion !
M. Dominique Braye. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir !
M. Jean Desessard. Dans un contexte économique peu favorable, les salariés les plus précaires seront évidemment volontaires pour travailler le dimanche.
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Mais ce sera un volontariat déguisé, car ils ne pourront pas le refuser. Ils sacrifieront leur vie de famille parce qu’ils n’auront pas d’autre choix financier.
Visiblement, le Gouvernement souhaite que les Français travaillent plus, comme s’ils ne travaillaient pas assez ou étaient des feignants… Je veux ici rappeler que, contrairement aux idées reçues, avec 7 % de salariés travaillant habituellement le dimanche, la France se situe dans la moyenne européenne.
Venons-en maintenant à l’« embrouille », pour reprendre le terme employé par certains députés, autour des dénominations possibles que vous avez créées pour les villes touristiques.
Vous différenciez les « communes d’intérêt touristique ou thermales » et les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente », l’une étant définie par le code du tourisme, l’autre par le code du travail. La deuxième définition introduit un nouveau concept qui va, bien sûr, dans le sens de la simplification du droit et de la clarification de la loi, deux notions auxquelles je vous croyais attachés ! Là, vous faites fort : deux définitions, voire trois, modifiant à la fois le code du tourisme et le code du travail, soit tout le contraire de ce que vous prônez !
Nous aurons désormais des communes touristiques au regard du code du tourisme et des communes « d’affluence touristique » : il y aurait donc, en France, des communes touristiques qui n’auraient pas d’affluence touristique ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Je ne reviendrai pas en détail sur le fait que cette proposition de loi entérine le travail du dimanche dans les communes touristiques sans volontariat ni contrepartie. Selon le Conseil national du tourisme, entre cinq mille et six mille communes pourraient recevoir l’appellation « commune touristique ». Les salariés, dans ces communes, travailleront donc le dimanche comme tout autre jour de la semaine, sans contrepartie financière, sans repos compensateur et, bien sûr, sans la prise en compte du volontariat !
En outre, le texte instaure une nouvelle catégorie, les « périmètres d’usage de consommation exceptionnel », ou PUCE, dans les unités urbaines de plus d’un million d’habitants, Paris, Aix-Marseille et Lille. Cette disposition est clairement destinée à valider les pratiques illégales observées dans la zone commerciale de Plan-de-Campagne et dans deux ou trois autres endroits en France.
En d’autres termes, il s’agit d’une proposition de loi d’amnistie.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exactement !
M. Jean Desessard. Elle prévoit l’impunité pour ceux qui se comportent comme des hors-la-loi depuis des années.
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Jean Desessard. Depuis plusieurs mois, le Président de la République ne cesse de condamner, en paroles, les « patrons voyous ». Pourtant, avec ce texte, ce sont bien les « patrons délinquants » qui sont récompensés ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Ils sont même choyés, puisque l’ouverture de leurs magasins le dimanche ne leur coûtera pas plus cher que les autres jours de la semaine !
Une fois de plus, sous prétexte d’une clarification du droit, ce sont les salariés les plus faibles, premières victimes de la crise économique, qui pâtiront de vos mesures. Vous déclarez vouloir les protéger, mais vous faites tout simplement le contraire !
Mes chers collègues, depuis le début de l’examen de ce texte, nous sommes nombreux à le déplorer, le travail dominical n’est plus une exception, mais devient la norme. Une telle situation nous amène à nous poser la question suivante : quel modèle voulons-nous pour la France?
Les Verts, ainsi que nombre de leurs collègues socialistes, communistes et radicaux, sont extrêmement défavorables à la banalisation du travail dominical, et ce pour une double raison.
Premièrement, au moment où la crise s’installe de manière profonde et douloureuse pour de nombreux Français, on ne peut laisser penser que c’est par le biais d’une mesure de dérégulation que se créera une dynamique d’emploi.
Le bouclier fiscal, que vous aviez également fait adopter en juillet, lors d’une session extraordinaire, en est l’illustration. Vous affirmiez alors que le fait de consentir d’importantes réductions d’impôts aux plus riches permettrait de créer de nombreux d’emplois. Depuis, la courbe du chômage s’est envolée !
Mme Annie David. Eh oui ! Cela n’a eu aucun effet !
M. Alain Gournac. Vous n’êtes peut-être pas au courant, mais notre pays traverse actuellement une crise !
M. Jean Desessard. Pour l’ouverture des magasins le dimanche, ce sera pareil.
Contrairement à ce que vous prétendez, c’est la réduction et le partage du temps de travail qui pourront être créateurs d’emplois. Si les magasins ouvrent sept jours sur sept, ils recourront à des travailleurs précaires.
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Jean Desessard. S’ils n’ouvrent que cinq jours, ils pourront fonctionner avec le même personnel.
Selon Mme le rapporteur, il faut donner plus de liberté à nos concitoyens, car les magasins sont saturés le samedi. Or il suffit de donner une journée supplémentaire de congé par semaine aux salariés pour qu’ils puissent s’y rendre ! (Rires sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La liberté est inscrite sur le fronton de nos mairies !
M. Jean Desessard. À l’évidence, d’autres choix sont possibles pour remédier à la situation.
Deuxièmement, il ne nous semble pas opportun d’encourager une consommation inutile, alors que la crise pourrait justement être l’occasion d’envisager d’un œil critique nos modes de consommation et de surconsommation. Il y a mieux à faire le dimanche que des achats ! La possibilité de consommer et d’acheter tous les jours de la semaine et à toute heure n’est pas une liberté supplémentaire ; c’est une forme d’assujettissement aux biens de consommation, que nous récusons.
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Nicolas About. C’est gentil de votre part de dicter aux gens la façon dont ils doivent vivre. Vous avez raison : soyons autoritaires !
M. Jean Desessard. Rien ne nous oblige à accompagner le phénomène d’individualisation de la société, à accepter le fait que les personnes cherchent, dans leur existence, à satisfaire leur désir de consommation, au détriment du vivre-ensemble. C’est un manque qui ne sera jamais assouvi.
M. Roland Courteau. Vous avez raison !
M. Jean Desessard. Cette incitation à la consommation doit également tenir compte de l’impact sur notre environnement de l’ouverture dominicale des commerces. Tous nos concitoyens n’ont pas besoin de consommer plus : certains consomment déjà beaucoup trop par rapport à ce que peut supporter notre planète. Mais j’aurai le loisir de développer ce point lors de l’examen des amendements.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. On compte sur vous !
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est un non-sens économique, social et écologique ! Nous allons évidemment voter contre, et j’espère que certains membres de la majorité feront de même, car il bafoue des valeurs fondamentales que nous partageons tous ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. Roland Courteau. Un peu de courage, chers collègues de la majorité !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à examiner la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.
Voilà un titre bien long pour un texte qui a mis très longtemps à arriver jusqu’à nous et qui, finalement, nous propose une réforme a minima, tant l’idée d’étendre le champ du travail dominical a suscité polémiques et réactions hostiles dans la classe politique, ce qui a conduit l’auteur de la proposition de loi à revoir par trois fois sa copie.
J’ai moi-même fait l’expérience de ces réactions…
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Eh oui !
M. Hervé Maurey. … puisque, certains s’en souviennent sans doute, j’avais déposé un amendement, lors de la discussion en première lecture du projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques,…
M. Roland Courteau. On n’a pas oublié !
M. Hervé Maurey. … afin de modifier le régime de l’ouverture dominicale des magasins situés en zone touristique.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’était un cavalier !
M. Hervé Maurey. À l’époque, mon collègue Yves Pozzo di Borgo avait, quant à lui, déposé un amendement concernant les zones de plus d’un million d’habitants.
Ces amendements avaient entraîné des réactions très violentes. J’en garde un souvenir très précis : sur la dizaine de sénateurs qui étaient intervenus sur mon amendement, un seul, Philippe Dominati, ici présent, avait soutenu ma démarche. Je profite donc de cette intervention pour le remercier publiquement aujourd’hui.
Trois mois se sont écoulés. J’espère que ces dispositions qui n’avaient pas été jugées acceptables lorsqu’elles avaient été présentées sous forme d’amendements le seront dès lors qu’elles font l’objet d’une proposition de loi !
M. Jean-Jacques Mirassou. Pas pour nous !
M. Hervé Maurey. Je continue à penser que mon amendement avait toute sa place dans un projet de loi sur le tourisme, d’autant que, dans ce même texte, l’Assemblée nationale a inséré une mesure qui y avait certainement encore moins sa place, à savoir la baisse de la TVA dans la restauration.
Par ailleurs, mes chers collègues, je voudrais également vous faire part de mon étonnement, pour ne pas dire ma stupéfaction, de constater que la commission de l’économie du Sénat n’a pas jugé nécessaire de se saisir de cette proposition de loi, contrairement à la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Lorsque je m’en suis ému en commission, il m’a été répondu que ce texte n’avait pas de dimension économique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Si tel est le cas, j’avoue que je ne vois pas bien ce que nous faisons ici. Pour ma part, une telle dimension ne fait aucun doute !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Pour moi aussi !
M. Hervé Maurey. C’est d’ailleurs pourquoi je le soutiens. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Il fait marche arrière !
M. Hervé Maurey. Pour rassurer tout le monde sur mes convictions profondes, je citerai les propos tenus le 23 octobre dernier par le Président de la République : « La possibilité de travailler sur la base du volontariat le dimanche, c’est un jour de croissance et de travail en plus. » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Hervé Maurey. M. Sarkozy avait ajouté : « C’est une occasion en plus de vendre ses produits, sur la base du volontariat et par les salariés qui veulent travailler le dimanche, une occasion d’être payés davantage. Cela sera bon pour le pouvoir d’achat. » Soyez donc rassurés, j’adhère pleinement à ces propos. Cependant, je ne comprends toujours pas comment la commission de l’économie n’a pas perçu la dimension économique de ce texte.
J’aurai un autre regret à formuler – mais ce sera le dernier, car mon propos ne se veut pas uniquement négatif –, celui que le Gouvernement nous demande encore un vote conforme.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Il ne l’a pas demandé !
M. Hervé Maurey. La semaine dernière, c’était le cas sur la loi de programmation militaire, et, la semaine d’avant, sur le projet de loi « tourisme ».
On finit par se demander à quoi sert le Sénat ! Du moins avons-nous la chance que la disposition proposée ne soit pas encore entrée en application, ce qui, somme toute, est assez rare ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Cela me paraît d’autant plus regrettable que l’enrichissement qu’apporte le Sénat dans la rédaction des textes est largement reconnu.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Nous avons beaucoup travaillé en amont !
M. Hervé Maurey. Évidemment, encore faut-il le laisser s’exprimer et lui donner la possibilité d’amender les textes qui lui sont proposés !
Sur le fond, je crois qu’il faut démystifier l’impact de cette proposition de loi.
M. Hervé Maurey. Elle n’annonce certainement pas le grand soir du repos dominical ! Bien au contraire, elle en réaffirme le principe, qui remonte à la loi de 1906 !
Mais chacun le sait, ce principe souffre de nombreuses dérogations, il y en a plus de cent quatre-vingts et les gouvernements successifs, de droite comme de gauche – y compris Mme Aubry lorsqu’elle était ministre du travail !– en ont institué.
M. Alain Gournac. C’est exact !
M. Hervé Maurey. Aujourd’hui, environ un tiers des Français travaillent de manière occasionnelle ou régulière le dimanche. Je crois donc qu’il faut arrêter de jouer à se faire peur !
Quel est le contenu de cette proposition de loi ? Il s’agit de porter la fermeture des magasins de détail le dimanche de douze heures à treize heures. Cela ne me paraît pas poser le moindre problème.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un détail !
M. Hervé Maurey. Ce texte vise par ailleurs à modifier le régime applicable dans les zones touristiques et à créer de nouvelles dérogations temporaires dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE.
Concernant les zones touristiques, comme l’a dit le Président de la République (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), on ne peut pas être à la fois le pays qui reçoit le plus de touristes et le seul au monde où la quasi-totalité des magasins sont fermés le dimanche.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est totalement faux !
M. Hervé Maurey. Lors du débat sur le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, j’avais eu l’occasion de souligner le caractère absurde du régime des dérogations.
Nous avons tous deux exemples en tête. D’abord, les lunettes, qu’on ne peut acheter le dimanche que si elles vous protègent du soleil ; si elles corrigent la vision, elles sont inaccessibles le dimanche ! Ensuite, les vêtements, dont la vente le dimanche n’est autorisée que s’ils sont assimilés à de la création artistique, le prêt-à-porter ne faisant l’objet d’aucune dérogation !
Honnêtement, je ne crois pas, ma chère collègue, que Mme Obama soit la seule à avoir envie de faire les magasins le dimanche quand elle visite une ville en touriste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les lunettes de vue, cela ne s’achète pas le dimanche !
M. Roland Courteau. Pas plus que les aspirateurs !
M. Hervé Maurey. Quantité de touristes viennent à Paris aussi pour faire leurs courses.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle honte d’entendre cela !
M. Hervé Maurey. Et l’on sait très bien que les grands magasins figurent parmi les lieux les plus visités, bien plus visités même qu’un certain nombre de monuments historiques.
Il ne faut donc pas se voiler la face. Pourquoi ne pas me rejoindre et admettre que l’ouverture des magasins le dimanche aura, notamment à Paris, un impact extrêmement positif sur l’emploi et sur le commerce extérieur ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais bien sûr ! Les touristes viennent à Paris pour y acheter des lunettes de vue !
M. Hervé Maurey. Les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, quant à eux, concernent les grandes agglomérations, telles Paris, Marseille, Lille ou Aix, et des zones où il s’agit de sécuriser des situations parfois très anciennes.
Il s’agit aussi d’éviter, en zone frontalière, que les consommateurs français ne partent faire leurs courses dans des pays dont les législations sont moins conservatrices que les nôtres.
Je suis donc de ceux qui pensent – n’en déplaise à la commission à laquelle j’appartiens ! – que cette proposition de loi a un impact économique, qui plus est, positif en termes d’emploi et de pouvoir d’achat.
Je crois aussi que le fait d’effectuer certains achats le dimanche n’est pas, contrairement à ce qu’on nous raconte, antinomique avec la vie de famille.
Mme Raymonde Le Texier. Ben voyons !
M. Roland Courteau. C’est le travail le dimanche qui est incompatible avec la vie de famille !
M. Hervé Maurey. Il y a des achats importants qui concernent le foyer tout entier et que les membres de la famille souhaitent pouvoir effectuer ensemble. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Dans la vie moderne, surtout en milieu urbain, quand le père et la mère travaillent et consacrent une partie de leur samedi aux activités périscolaires des enfants, qu’elles soient culturelles ou sportives, ils apprécient souvent de pouvoir faire des achats le dimanche.
Mme Annie David. Que restera-t-il à ceux qui travaillent le dimanche ?
M. Roland Courteau. La semaine des quatre jeudis !
M. Hervé Maurey. L’extension du régime dérogatoire doit naturellement être assortie de garanties pour le salarié, car le dimanche n’est pas un jour comme les autres.
Ces garanties se déclinent en deux volets : d’abord, le volontariat ; ensuite, les contreparties.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous croyez au père Noël !
M. Hervé Maurey. Pour moi, le principe du volontariat a été réaffirmé à l’Assemblée nationale, qui a adopté un amendement du Nouveau Centre posant très clairement que ce volontariat devra être formulé par écrit. Je rappelle qu’il est révocable et que le refus de travailler le dimanche ne peut pas conduire à la radiation des listes pour les demandeurs d’emploi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là !
M. Hervé Maurey. C’est vrai, chers collègues !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, c’est faux !
M. Hervé Maurey. Quant aux compensations, le texte prévoit le doublement du salaire et un repos équivalent dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel et dans le cas des autorisations données par le maire.
L’Assemblée nationale – toujours sur une proposition du Nouveau Centre – a fait inscrire l’obligation d’une négociation collective, ce qui me paraît une excellente chose.
Il existe donc des garanties en termes de compensation et de volontariat. Mon seul regret est que ces mesures ne soient pas généralisées. De ce fait, les inégalités risquent de s’accroître entre ceux qui travaillent le dimanche, certains voyant leur salaire doubler, alors que d’autres en seront bien loin !
Bien qu’on ait voulu m’en dissuader, j’ai donc déposé, à l’article 4, un amendement très modeste visant à faire élaborer par le comité d’évaluation créé aux termes dudit article un rapport destiné à faire le point sur les différentes contreparties dont bénéficient les salariés travaillant le dimanche et à proposer des mesures d’harmonisation.
Je dirai, en guise de conclusion, que ce texte n’est certainement pas parfait. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La perfection n’est pas de ce gouvernement !
M. Hervé Maurey. À défaut de prétendre à la perfection, ce texte ne se rapproche pas pour autant de la caricature qu’en font nos amis de l’opposition. Je rappelle que, loin de supprimer le repos dominical, il le confirme. Il se contente de modifier le régime dérogatoire sur la base du volontariat.
Mme Annie David. C’est faux !
M. Hervé Maurey. Il va dans le bon sens. Il permet d’adapter la législation aux réalités, aux évolutions de la société et à la nécessité de conforter l’attractivité touristique et économique de notre pays. Contrairement à certains, nous y attachons quelque importance !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’attractivité, parlons-en!
M. Hervé Maurey. Comme l’a annoncé le président Nicolas About, un nombre significatif de sénateurs de l’Union centriste votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, chère Isabelle Debré, mes chers collègues, cette proposition de loi est le fruit de plusieurs années de travail…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui !
M. Alain Gournac. … et d’une longue réflexion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là !
M. Alain Gournac. Elle a suscité de vifs débats. Et contrairement à ce que certains ont affirmé, la réflexion n’a pas commencé hier. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Nous vous avons écoutés ! Vous nous en avez raconté des choses ! (Protestations sur les mêmes travées.) Moi aussi, je peux gesticuler ! Mais, par respect pour le Sénat, je ne le ferai pas !
Cette proposition de loi a suscité de vifs débats à l’Assemblée nationale et au sein de notre commission.
Sur un sujet aussi passionnel que celui du travail le dimanche, il faut éviter la caricature !