PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et son calendrier rénové nous permettent aujourd’hui de débattre de l’exercice budgétaire 2008 et, d’une part, d’en examiner les écarts avec les prévisions de la loi de finances initiale, d’autre part, d’étudier les causes profondes de cette dissemblance.
Monsieur le ministre, vous avancez l’explication selon laquelle la mauvaise conjoncture économique serait la principale explication de l’état particulièrement dégradé de nos finances publiques et des décalages constatés au regard de la loi de finances initiale et des collectifs budgétaires.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai !
M. Bernard Angels. Pourtant, si l’on se réfère aux rapports de la Cour des comptes, la réalité est bien différente.
En effet, plus que les chocs de la crise et de l’inflation, ce sont bien des réformes structurelles inadaptées, à l’image de la loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, qui sont les principales responsables de ce dérapage.
Il me semble tout d’abord indispensable d’analyser les évolutions respectives des recettes et des dépenses publiques afin de discerner plus finement les causes profondes du déficit budgétaire, arrêté à 56,3 milliards d’euros pour l’année 2008.
J’évoquerai en premier lieu les recettes fiscales, qui ont diminué de 2,5 % entre 2007 et 2008.
Selon votre analyse, la crise économique serait responsable de 8,5 milliards d’euros de moins-values.
À l’aide des documents fort instructifs fournis par les magistrats de la rue Cambon, je me suis livré à une addition d’une simplicité biblique.
Tout d’abord, j’ai constaté une différence de 23 milliards d’euros entre les recettes fiscales estimées en loi de finances initiale et les recettes fiscales constatées : 5 milliards d’euros semblent être liés à des surestimations, en particulier en ce qui concerne l’impôt sur le revenu et la prime pour l’emploi, 7,8 milliards d’euros s’expliquent par des allégements fiscaux et 5,6 milliards d’euros par des transferts de charges. Une majorité de ces transferts a d’ailleurs pour cause la loi TEPA, car il fallait bien compenser le manque à percevoir de la sécurité sociale du fait des exonérations consenties.
Ce sont donc un peu plus de 4 milliards d’euros et non 8,5 milliards d’euros qui sont imputables à la conjoncture. Il y a donc une grande marge entre les chiffres que vous évoquez et ceux qui sont annoncés par la Cour des comptes. La démonstration est faite que vous avez sciemment surestimé l’impact de la crise.
Je veux pour preuve du poids budgétaire des mesures que vous avez prises le fait qu’en quatre ans les recettes fiscales brutes ont augmenté de 58 milliards d’euros. Pourtant, leur montant net accuse, lui, une diminution de 6 milliards d’euros sur la période.
Il n’est pas difficile de comprendre les raisons de ce décalage. En quatre ans, les impôts d’État ont été allégés de 30 milliards d’euros et 34 milliards d’euros de recettes fiscales ont été transférés à d’autres administrations publiques, dont 25 milliards d’euros en contrepartie de transferts de charges.
Au total, les simples mesures fiscales mises en œuvre par les exécutifs successifs ont fait augmenter le déficit de l’État de 39 milliards d’euros.
J’observe également que, pour la seule année 2008, les mesures nouvelles ont fait diminuer les recettes fiscales nettes de 10 milliards d’euros.
En ce qui concerne les dépenses, vous affirmez être parvenu à respecter la norme « zéro volume » en restreignant l’augmentation des dépenses publiques à la stricte inflation, évaluée à 2,8 %.
Pourtant, ce résultat est lui aussi biaisé. Vous vous êtes en effet abstenu d’intégrer certaines dépenses, que vous faites porter à d’autres organismes, à l’image des 950 millions d’euros dus au titre de l’épargne logement et pour lesquels vous avez demandé au Crédit foncier de France de faire l’avance en lieu et place de l’État.
Si l’ensemble de ces dépenses avait été intégré au budget, l’augmentation réelle des dépenses publiques s’établirait non pas à 2,8 %, mais à 3,4 %.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, combien il est déplorable que le Gouvernement ait choisi de se soustraire à la sincérité budgétaire, qui est le fondement même de la LOLF.
La sincérité budgétaire aurait aussi impliqué que vous mettiez en parallèle l’évolution de la dépense budgétaire et celle des dépenses fiscales, car si un effort semble avoir été fait sur la maîtrise de la dépense budgétaire en 2008, ce fut au prix d’une explosion des dépenses fiscales, qui représentent cette année 73 milliards d’euros, soit une augmentation de 23 milliards d’euros en cinq ans, nonobstant le coût à venir de la baisse de la TVA dans la restauration, estimé à 2,5 milliards d’euros.
Depuis 2003, chaque année, quinze nouvelles dépenses fiscales voient le jour, contre seulement cinq entre 1980 et 2003.
Deux chiffres illustrent mon propos : les dépenses fiscales représentent aujourd’hui 21 % des dépenses totales et 27 % des dépenses du budget général.
Par ailleurs, il semble que la volonté de faire des économies sur les dépenses de l’État pèse lourdement sur l’investissement public. En effet, celui-ci est en léger recul par rapport à l’an dernier, de 0,1 point, plaçant l’État loin derrière les collectivités territoriales, qui réalisent aujourd’hui plus de 70 % de l’investissement public. Or, le Président de la République ne vient-il pas d’annoncer que le « déficit d’avenir » devra financer de « bons investissements » ?
Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, notre difficulté à discerner une quelconque cohérence entre la parole du chef de l’État et la politique budgétaire d’alourdissement des dépenses fiscales menée depuis deux ans.
Ainsi, la baisse marquée des recettes nettes de l’État, du fait des mesures d’allégements d’impôts et de cotisations sociales consenties par le Gouvernement, et la croissance soutenue de ses dépenses, expliquent de manière tout à fait convaincante le niveau élevé de nos déficits budgétaire et structurel.
Intéressons-nous, dans un premier temps, au seul déficit budgétaire.
Arrêté à 56,3 milliards d’euros, il est supérieur de 14,6 milliards aux prévisions contenues dans la loi de finances initiale. En un an, il a augmenté de 0,7 point pour atteindre 3,4 % du PIB. Certes, le ralentissement de l’activité explique en partie ce résultat – je me suis attaché à le démontrer –, mais j’ai également noté que, sans les mesures d’allégement d’impôt, qui produisent pour la première fois, en 2008, leurs effets en année pleine, les recettes fiscales nettes auraient augmenté de 2,7 %, soit un rythme proche de l’évolution des dépenses nettes. Dans cette configuration, le solde budgétaire eût été nettement amélioré.
J’attire également votre attention sur ce que je qualifierai de « facteur aggravant » pour l’état du résultat budgétaire 2008 : je veux parler des reports de charges sur 2009 correspondant à des impayés en 2008. En effet, dans une optique de transparence des comptes publics, il semble nécessaire d’inclure ces reports dans l’exercice 2008. Or, si l’on ajoute au solde de 2008 les 6 milliards à 7 milliards d’euros qui ont été reportés sur l’exercice 2009, le déficit public dépasserait les 62 milliards d’euros.
Dans un contexte de finances publiques fortement dégradé, vous avez continué, par les choix budgétaires qui ont été les vôtres, à pratiquer une politique de fuite en avant, faisant des générations à venir les comptables de vos arbitrages d’aujourd’hui.
Au surplus, vous vous êtes défaussé de votre responsabilité en imputant aux événements extérieurs ce déficit record.
M. Bernard Angels. Cependant, monsieur le ministre, si la crise avait déjà commencé à produire tous ses effets en 2008, alors, elle aurait dû peser de manière massive sur les résultats budgétaires de la zone euro et de l’Union européenne.
Si tel avait été le cas, pourquoi la France afficherait-t-elle un solde budgétaire parmi les plus défavorables de l’intégralité de la zone euro et de l’Union européenne ?
M. Bernard Angels. Vous conviendrez certainement que les 3,5 % du PIB de déficit structurel français semblent bien élevés au regard des 1,4 % affichés par la zone euro hors France.
Du reste, pourquoi la croissance française, estimée à 0,4 %, aurait-elle été deux fois plus faible que dans le reste de la zone euro si la crise était seule responsable ? C’est une question bien précise.
La France est devenue le quatrième État le plus endetté de la zone euro en points de PIB, derrière l’Italie, la Grèce et la Belgique, et le cinquième de l’Union européenne après la Hongrie.
La France affiche un déficit primaire de 0,6 point de PIB, alors que la zone euro est, de ce point de vue, en situation d’excédent primaire de 1,6 point de PIB. Du fait d’une diminution constante de nos recettes publiques depuis quatre ans, la charge des intérêts de notre dette publique ne peut être financée que par l’emprunt.
Plus significatif encore, l’écart se creuse avec nos voisins allemands, qui, pour la première fois depuis la création de la zone euro, présentent une dette en points de PIB inférieure à la nôtre.
Ces chiffres éloquents devraient vous alerter sur la nécessité de tirer les leçons de cette année budgétaire 2008 en préservant nos recettes publiques pour faire face à la crise, dont les effets ont été véritablement désastreux en 2009.
En effet, la France subit de plein fouet les conséquences de la dégradation de la conjoncture, car elle y avait été insuffisamment préparée.
En 2007 et en 2008 déjà, la Cour des comptes avait fait part de ses inquiétudes s’agissant du déficit public, dont elle estimait qu’il avait été insuffisamment réduit au cours des années de croissance, et du déficit structurel, qu’elle jugeait trop élevé.
En 2009, ces remarques ont revêtu une importance nouvelle au vu de la crise financière, qui a rendu cruciale la nécessité d’un plan de relance.
Or, parce que vos choix politiques ont fortement contribué à déséquilibrer le budget, vous n’aviez pas les marges de manœuvre nécessaires pour mettre en œuvre un plan de relance suffisant et pertinent, quand bien même vous l’auriez souhaité.
Je n’évoquerai pas ici les priorités politiques qui ont été les vôtres, s’agissant de la relance, ni l’absence de mesures en direction de la consommation des ménages, en particulier les plus modestes.
Il eût été souhaitable, en effet, de faire face à la conjoncture en y étant préparé et dans un contexte plus sain pour nos finances publiques, car, en 2009, ce seront plus de 25 milliards d’euros de recettes fiscales qui disparaîtront du budget par rapport à l’année 2008, dont 10 milliards d’euros liés aux mesures de relance. Le déficit budgétaire pourrait donc être supérieur en 2009 à 120 milliards d’euros, pour une dette publique approchant les 80 % du PIB.
Malgré un plan de relance considéré comme le moins important de l’ensemble du G7, exception faite de l’Italie, qui n’a, quant à elle, pris aucune mesure de relance, le déficit français resterait en 2009 supérieur à la moyenne des autres pays européens.
Je conclurai par ce qui paraît avoir été le point d’orgue du congrès de Versailles : l’annonce, par le chef de l’État, d’un grand emprunt national, destiné précisément à financer ce fameux « déficit d’avenir », que j’évoquais précédemment, et qui serait supposé avoir un impact sur la croissance, grâce aux dépenses publiques qu’il engendrerait.
Je me réjouis que le Gouvernement se soit converti à la thèse selon laquelle les dépenses publiques ne se contentent pas seulement d’alourdir momentanément le déficit, mais qu’elles peuvent contribuer, lorsqu’elles sont bien employées, à préparer l’avenir et à relancer la croissance. Je m’interroge simplement sur la pertinence d’un tel outil dans un contexte économique comme le nôtre.
Je m’interroge également quant aux raisons pour lesquelles l’accent n’a pas été mis sur une revue générale, non des politiques publiques – la Cour des comptes a d’ailleurs souligné le peu d’efficacité de la RGPP, estimant le montant total des économies cumulées attendues à l’horizon 2011 à 6 milliards d’euros, soit sensiblement moins que les 8 milliards d’euros que vous annonciez, monsieur le ministre –, mais des niches fiscales et sociales : leur remise en question pourrait à elle seule couvrir une partie du déficit, à un moment où l’État emprunte constamment, que ce soit pour financer le paquet fiscal ou la charge des intérêts de la dette.
Monsieur le ministre, il est de votre responsabilité de prendre la mesure de l’impact des choix politiques du Gouvernement sur la situation budgétaire et financière de la France. Le débat sur l’orientation des finances publiques pour 2010 qui aura lieu demain sera, pour le groupe socialiste, l’occasion de vous le rappeler. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. le président de la commission des finances vient de parler de « moment de vérité budgétaire » et de « moment de cohérence ». Tel est bien, à mes yeux, le sens de ce débat et c’est dans cet esprit que je m’exprimerai.
Permettez-moi de citer, en guise de préambule, certains des propos que tenait mon amie et collègue Marie-France Beaufils, au mois de décembre dernier, pour justifier notre vote contre le projet de loi de finances rectificative pour 2008 qui consacrait a priori l’état des comptes publics tel qu’il résultait des choix fiscaux et économiques du Gouvernement :
« S’il fallait trouver quelques bonnes raisons de ne pas voter en faveur de l’adoption de ce projet de loi de finances rectificative pour 2008, il suffirait évidemment de se pencher sur la situation désastreuse des comptes publics que recouvre ce texte.
« Le désastre s’amplifiera encore en 2009, eu égard à ce qui a été décidé, à la dernière minute, lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2009. [...]
« Ainsi, l’INSEE vient d’annoncer que le produit intérieur brut devrait enregistrer une régression de 0,8 % au dernier trimestre de 2008 et que le mouvement de récession, confirmé d’ailleurs par le ralentissement de la progression des prix, devrait se prolonger au cours du premier semestre de 2009, avec un taux de croissance négatif de 0,4 %. »
Chers collègues de la majorité, je ne résiste pas à la tentation de vous rappeler quelques-uns des discours que vous teniez à la même époque sur la réalité du déficit public ou, mieux encore, ceux qui étaient les vôtres à l’automne 2007, lors de la présentation du projet de loi de finances initiale pour 2008, qui prévoyait un déficit de moins de 42 milliards d’euros. Notre collègue Josselin de Rohan appelait alors, au nom du groupe UMP, à l’approfondissement des réformes engagées dès le printemps 2007 :
« Le chemin de la croissance passe par les réformes. Ces réformes, de très grande envergure et de très grande portée, que le Président de la République a voulues, sont la condition du redressement de nos finances publiques, du développement de notre économie et du progrès social. Nous nous devons de les mener à bien sans hésitation ni faiblesse, non seulement pour moderniser notre pays, mais aussi pour renforcer notre crédibilité en Europe et dans le monde. »
Ce temps est bel et bien révolu puisque, avec un déficit de plus de 56 milliards en 2008, déficit qui va plus que doubler en 2009 si l’on en juge par les comptes, le redressement des finances publiques est plutôt mal parti !
Quant au rapporteur général, dont on connaît les qualités de prévisionniste en matière économique, dans un même élan, il se félicitait d’avoir supprimé l’impôt de bourse, relevé le seuil d’exonération des plus-values mobilières, aménagé de manière favorable le régime d’imposition des sociétés d’investissement immobilier cotées, et l’on sait toute la pertinence de ces diverses mesures pour le simple citoyen français... (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Je regrette d’ailleurs que M. Marini ne soit pas présent aujourd'hui, car je ne doute pas que son goût pour le débat l’aurait conduit à m’interrompre.
Quoi qu'il en soit, lors de la discussion générale sur le projet de loi de finances initiale pour 2008, il avait décrit certaines des voies dans lesquelles il nous fallait, selon lui, nous engager.
« Pour ma part, disait-il, je ne saurais trop conseiller deux axes : la compétitivité, d’une part, et la rigueur, d’autre part, une rigueur au sens d’une approche rigoureuse de la réalité, sans se faire d’illusions et en évitant de diffuser des illusions autour de soi.
« La compétitivité est la condition de tout. Je me réjouis, madame le ministre, que les deux assemblées valorisent enfin l’industrie financière. Vous avez à juste titre insisté sur ce point, car c’est une variable clé en termes de compétitivité.
« Si l’on veut que notre pays, qui a des atouts, puisse voir croître son industrie financière et prélever une petite partie de ce qui fait le succès de la Grande-Bretagne, certaines conditions concrètes doivent être remplies ; la suppression de l’impôt de bourse en est une. »
Ce discours date donc de l’automne 2007, quand le CAC 40 naviguait gentiment entre 5 500 et 6 000 points, alors qu’il peine aujourd’hui à rester aux alentours des 3 000 points !
J’ajoute que ce qui paraissait à l’époque constituer l’atout de l’économie anglaise, c’est-à-dire son industrie financière, est devenu son talon d’Achille et la source de la plus formidable récession connue par le Royaume-Uni depuis 1929 ! Avec une prévision de récession de 4,3 % cette année et un PIB qui se maintiendrait à grand-peine l’an prochain, le lion de la finance et de l’ingénierie boursière a les griffes pour le moins émoussées. Félicitons-nous donc que la France n’ait pas encore tout à fait quitté le champ de l’économie matérielle !
L’exécution du budget 2008 a été marquée par l’aggravation de la situation économique et sociale du pays, aggravation qui n’a, du reste, pas attendu la tempête boursière de l’automne pour se manifester.
Nous sommes ainsi parvenus à un déficit de 56 milliards d’euros au titre de l’année 2008. Personne n’avait fait pis depuis longtemps, sauf peut-être sous le gouvernement Balladur, lorsque l’actuel Président de la République était ministre du budget…
Hélas, l’examen des données les plus récentes montre clairement que ce triste record sera nettement battu. Sans manifester plus d’émotion, monsieur le ministre, vous avez annoncé, en commentant les 88,7 milliards d'euros de déficit à la fin du mois de mai dernier, que notre pays s’acheminait tranquillement, pour 2009, vers un déficit compris entre 125 milliards d'euros et 130 milliards d’euros.
Vos services ayant l’art de la litote, ils expliquent que le déficit du mois de mai 2009 est de 38,6 milliards d’euros supérieur à celui du mois de mai 2008, dont 16,1 milliards d'euros sont imputables au plan de relance, le « reste » tenant principalement à l’évolution moins favorable des recettes fiscales, du fait de la conjoncture. Or ce « reste » pèse tout de même quelque chose comme 22,5 milliards d’euros !
Je ne m’attarderai pas davantage sur les déclarations des uns ou des autres, pour me concentrer sur l’essentiel, à savoir que le pari économique du gouvernement Fillon s’est fracassé sur les écueils de la réalité.
Loin de provoquer la croissance économique et de favoriser le développement de l’emploi et des potentialités du pays, la politique gouvernementale n’a cessé d’accélérer la dégradation des comptes publics, tandis que progressait le nombre de chômeurs aussi sûrement que ralentissait l’activité.
Pouvoir d’achat en berne, malgré les innombrables dispositions inapplicables prises sur ce sujet, emploi en charpie, malgré les discours ronflants et la création de Pôle emploi, précarisation du travail, incertitude du lendemain : tout ce qui a été entrepris depuis le printemps 2007 doit être jugé à l’aune des faits.
Nous approchons à grands pas des 3 millions de chômeurs officiels – selon nous, ils sont bien plus nombreux en réalité, et il n’y a que la communication gouvernementale pour ne pas le reconnaître –, la récession est durablement installée, les PME licencient, parfois disparaissent, victimes de l’assèchement des carnets de commande, et même la bourse pique du nez ! Cela va tellement mal que les prix de l’immobilier ont commencé une décrue, au demeurant nécessaire, et que l’activité du secteur du bâtiment est au plus bas. Même si le destin de Mme Boutin semble indiquer qu’on lui a fait payer le prix du ralentissement de l’activité dans ce secteur, il faut surtout voir dans ce marasme la conséquence des choix politiques initiaux du pouvoir sarkozyste.
Revenons à l’une des sources du mal, dont il a déjà été question : le paquet fiscal de la loi TEPA. À grands coups de clairon, le Gouvernement avait à l’époque mis en avant la désormais fameuse défiscalisation des heures supplémentaires. Mes chers collègues, je n’aurai pas la malignité de vous rappeler ce que cette mesure, que nous avons déjà qualifiée d’imbécile, a pu entraîner en termes d’arbitrage de gestion du personnel dans nombre d’entreprises. Je dirai seulement que la plus récente note de la DARES sur les heures supplémentaires fait apparaître une baisse de 11 % au premier trimestre 2009 par rapport dernier trimestre de l’année 2008, et ce malgré la période des soldes de début d’année dans le commerce et la distribution !
À dire vrai, seules les mesures relatives à la taxation du patrimoine – exonérations sur les successions et donations, allégements divers de l’impôt de solidarité sur la fortune, bouclier fiscal – ont connu un certain succès depuis 2007. Mais ce succès n’a fait que renforcer les capacités financières des ménages les plus aisés, sans permettre la moindre relance de la consommation.
La crise financière est tellement grave qu’on a cru devoir annoncer – sans trop de publicité, tout de même – que des mesures de clémence seraient appliquées aux quelques épargnants français leurrés par les activités du sieur Madoff ! Ce qui signifie, faut-il le préciser, que les impôts de tous les Français seront utilisés pour alléger les pertes de celles et de ceux qui ont préféré investir leur épargne aux États-Unis plutôt que dans l’économie nationale !
Cela dit, ce ne sont pas seulement quelques particuliers qui ont ainsi été trompés par le schéma de Ponzi monté par l’habile Madoff ! Natixis s’est également fait piéger, et pour plusieurs centaines de millions d’euros, ayant en l’occurrence suivi les conseils de la Compagnie financière Edmond de Rothschild, établissement qui comptait parmi ses responsables un certain François Pérol, celui-là même qu’on a ensuite appelé pour voler au secours de Natixis…
Nous en reparlerons le moment venu, chers collègues, même si, voilà un mois, vous avez été invités à voter sans en modifier la moindre virgule le texte relatif à l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires. Attendez que l’on évalue les actifs nets de qui a été fusionné : vous risquez fort d’être surpris que l’on ait ainsi instrumentalisé, pour ne pas dire pipé, votre vote ! Il en va avec ce texte comme il en est allé lorsqu’il s’est agi de vous faire voter, sans modifications excessives, le projet de loi de finances initiale pour 2008, ainsi que les collectifs qui ont suivi.
Peut-être parce que la raison d’être de l’opposition est de s’opposer, nous avons voté contre le projet de loi de finances pour 2008 et, de la même manière, contre les deux collectifs qui l’ont modifié, collectifs dont les ajustements se sont d’ailleurs révélés insuffisants pour faire apparaître le chiffre exact du déficit budgétaire.
Dans ce projet de loi de règlement figure tout ce qui justifie notre opposition : échec de la loi TEPA en termes de relance de l’activité, déficit en dérapage quasi incontrôlé, recettes fiscales déprimées de plus de 1 milliard d’euros. Bravo, mille fois bravo !
Pour ce qui est des dépenses, si d’aucuns se plaignent de la nouvelle dérive qu’elles connaissent, il convient de les informer sans délai : sur 8 milliards d’euros de dépenses budgétaires supplémentaires, 5 milliards sont à imputer à la seule progression de la charge de la dette publique !
La norme de dépenses aura donc été tenue pour tout sauf pour la dette publique, ainsi que pour les remboursements et dégrèvements.
Cette fameuse « mauvaise herbe fiscale » aura en effet augmenté de 11 milliards d’euros en 2008, faisant exploser la barre des 90 milliards d’euros – et je n’ose imaginer ce qu’il en sera en 2009, avec le plan de relance ! –, se rapprochant donc dangereusement du produit cumulé de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés.
Il est plus que temps de changer de braquet et de logique budgétaire, sauf à créer les conditions de déficits encore plus insupportables et dont nous savons par avance qui paiera la facture.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. Pour 2009, nous pouvons craindre que ce ne soit déjà trop tard puisque la logique délirante qui préside depuis 2007 aux destinées du pays est toujours à l’œuvre.
Les recettes éculées appliquées jusqu’ici ayant fait la démonstration de leur nuisance, peut-être changera-t-on de logiciel pour 2010…
En tout cas, vous l’aurez compris, nous ne voterons pas le présent projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la troisième année consécutive, nous examinons le projet de loi de règlement en mode LOLF.
Cet instrument de contrôle de l’exercice budgétaire écoulé et d’évaluation de la mise en œuvre des programmes votés en loi de finances initiale, au travers des rapports annuels de performance annexés au présent projet de loi, s’inscrit pleinement dans la fonction de contrôle du Parlement, que nous venons de revaloriser.
Cependant, cet outil doit être encore perfectionné, et sans doute simplifié, pour obtenir plus de lisibilité, par exemple en diminuant le nombre d’indicateurs de performance.
La comparaison de l’exercice comptable écoulé avec celui de l’année précédente ne prendra également tout son sens que lorsque le périmètre comptable aura été définitivement fixé. Ce dernier ayant été élargi en 2008, la comparaison avec les résultats de 2007 est malaisée, ce qui rend notre travail de contrôle plus compliqué.
C’est pourquoi nous nous félicitons, monsieur le ministre, que vous ayez annoncé votre intention d’établir des comptes pro forma, à méthode et périmètres donnés.
Sur le fond, l’exercice budgétaire de 2008 a été marqué par la crise financière et économique, qui a trouvé son origine dans la crise des subprimes de l’été 2008 aux États-Unis, laquelle a conduit à la faillite la banque Lehman Brothers, en septembre 2008.
La crise a entraîné, au quatrième trimestre de 2008, un recul des produits intérieurs bruts des principales puissances économiques : de 1,6 % aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans la zone euro.
La France a été affectée dès l’automne, ce qui a entraîné une perte de recettes fiscales de 8,5 milliards d’euros en 2008, touchant notamment celles que procure la TVA, en raison du déstockage des entreprises, et de l’impôt sur les sociétés.
Néanmoins, les effets de la crise sur les comptes de 2008 ont été limités, car elle n’a affecté l’économie qu’au dernier trimestre. Ils seront naturellement beaucoup plus visibles dans le projet de loi de règlement des comptes pour l’année 2009.
Cela étant, la dégradation de la situation économique en 2008 était antérieure au choc de l’automne. En France et plus largement dans la zone euro, la très forte appréciation de la monnaie européenne, la forte inflation du premier semestre 2008 ainsi que l’envolée du cours du pétrole et des matières premières avaient déjà eu des conséquences négatives sur l’activité économique.
La croissance du PIB en France s’est élevée à 0,4 % en 2008, contre 2,3 % en 2007. Le recul du PIB s’est accéléré en fin d’année, avec une baisse de 1,5 % au quatrième trimestre de 2008.
Alors que, en 2007, le taux de chômage avait atteint son niveau le plus faible depuis vingt-cinq ans, soit 7,5 %, et que le rythme des créations d’emplois s’était révélé le plus vigoureux depuis 2000, de nombreuses destructions d’emplois ont été observées dès la fin de 2008.
Néanmoins, quelques signes encourageants ont pu être notés en 2008.
Ainsi, le secteur financier et le marché immobilier français ont plutôt mieux résisté à la crise que ceux de la plupart de nos voisins européens.
La consommation des ménages n’a pas diminué ; au contraire, elle a augmenté de 1 %.
Le fort recul des prix des matières premières depuis l’été 2008, notamment la chute du prix du pétrole, a entraîné un net repli de l’inflation, qui est passée d’un pic de 3,6 % en rythme annuel en juillet 2008 à 0,7 % en janvier 2009 ; cela a eu des conséquences positives sur le pouvoir d’achat des Français, cette désinflation n’étant pas une déflation.
Le déficit budgétaire s’est établi en 2008 à 56,3 milliards d’euros, soit une dégradation de 17,9 milliards d’euros par rapport au déficit de 2007 et de 14,6 milliards par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2008.
Toutefois, le creusement de ce déficit est essentiellement dû au financement des premières mesures de relance, que le Gouvernement n’a pas souhaité financer par une hausse des prélèvements, conformément à l’engagement du Président de la République. Le groupe UMP soutient ce choix, parce que ce financement par le déficit est axé sur des dépenses d’investissement et qu’il s’accompagne parallèlement d’une maîtrise des dépenses. C’est essentiel pour un retour à l’équilibre de nos finances publiques, dans un avenir certes encore indéfini.