M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, malgré une dizaine d’années de progrès constants en termes de couverture intercommunale, il subsiste aujourd’hui, c’est vrai, un certain nombre de zones qui ignorent cet échelon de l’action publique.
Il est donc nécessaire d’achever la carte de l’intercommunalité. Même si près de 96 % des populations et des territoires sont couverts, le plus difficile reste évidemment à faire, tant les zones en question se sont montrées réfractaires au concept d’intercommunalité. Pour rallier ces « poches de résistance », mieux vaut utiliser la persuasion plutôt que la contrainte.
Cela dit, Brice Hortefeux l’a souligné tout à l’heure, au moment de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, le Gouvernement prendra ses responsabilités et donnera aux préfets les outils qui leur seront nécessaires, encore qu’ils en aient déjà un certain nombre à leur disposition.
Parallèlement, pour répondre au vœu formulé par l’Association des maires de France et l’Assemblée des communautés de France, présidée par Daniel Delaveau, le Gouvernement entend trouver un consensus pour renforcer les moyens de la commission départementale de la coopération intercommunale.
Le Gouvernement privilégiera donc, bien entendu, la concertation, mais il prendra ses responsabilités, je le répète, partout où des blocages seront constatés, et ce dans les délais prévus, c'est-à-dire avant le terme du mandat communal actuel.
Par ailleurs, monsieur Vestri, votre crainte de voir les petites entreprises exclues des commandes groupées des structures intercommunales appelle deux remarques. D’une part, ne perdons pas de vue l’objectif de mutualisation des moyens et des services, qui devrait tout de même dégager des économies d’échelle. D’autre part, le droit de la commande publique permet déjà de procéder à des marchés par lots, plus accessibles aux PME que par le passé.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite revenir sur un sujet qui est au cœur de nos débats.
Saluant à mon tour l’excellent travail de la mission temporaire présidée par Claude Belot, je ferai observer que le groupe UMP a, le dernier jour, d’une façon quelque peu cavalière, déposé une contribution dans laquelle il affiche très clairement sa volonté de créer des conseillers territoriaux. Je dois dire que je m’interroge sur cette proposition, et avec moi de nombreux élus locaux.
Aujourd’hui, le conseiller général est l’élu de terrain, l’élu de proximité. Le fait d’élire un conseiller territorial siégeant à la fois dans les deux assemblées, départementale et régionale, ne reviendrait-il pas à noyer dans l’administration régionale quelques conseillers généraux impuissants à faire entendre la voix de leurs territoires ?
Une réforme paraît certes nécessaire et une simplification de nos institutions locales, souhaitable, mais ne succombons pas à une stricte logique comptable.
La création des conseillers territoriaux va couper certains cantons de leurs meilleurs relais. Face à la réforme qui s’annonce, et malgré les craintes, légitimes, aussi bien des élus locaux que des citoyens, mon groupe entend adopter une attitude ouverte, mais prudente.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande en quoi l’apparition du conseiller territorial constituera un progrès pour l’exercice de la démocratie locale, à plus forte raison sur des territoires qui sont déjà bien souvent désertés par les services publics.
Quel sera, enfin, l’avenir de l’échelon départemental ?
François Mitterrand, ne disait-il pas, en son temps, que le seul lien avec le territoire, en cas de disparition des services publics, était bien le conseiller général ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yvon Collin. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Madame le sénateur, ne parlez pas du conseiller général à l’imparfait : il n’a pas disparu ! Je suis moi-même très fier d’en être un. C’est d’ailleurs le seul mandat local que j’ai conservé – n’est-ce pas, monsieur Mézard ? – et je m’efforce de l’assumer au mieux.
Brice Hortefeux l’a dit, il n’est absolument pas question de toucher aux départements ni de supprimer les conseillers généraux.
M. Didier Guillaume. Mais si !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Les conseillers territoriaux auraient la double casquette de conseiller général et de conseiller régional, de façon à rapprocher les deux grandes institutions de notre organisation territoriale.
De toute façon, le Gouvernement a le devoir de procéder à un redécoupage des cantons ; le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État l’ont rappelé à l’ordre sur ce point, qui relève non pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Voilà encore une vingtaine d’années, c’était annuellement que le Gouvernement procédait à un tel redécoupage.
Votre département n’est pas concerné, car il n’y a pas un déséquilibre important entre les cantons. Mais d’autres départements connaissent des écarts énormes. Ainsi, dans le Var, le plus grand canton compte 45 fois plus d’habitants que le plus petit ! Dans un tel cas de figure, c’est bien évident, l’article 3 de la Constitution, qui impose l’équité du suffrage universel pour tous les citoyens, est foulé aux pieds.
Si le critère du nombre d’habitants est seul pris en considération pour le découpage des circonscriptions législatives, pour les cantons, la notion de territoire doit, bien sûr, entrer également en ligne de compte. Cela explique que les écarts de population tolérés par le Conseil d’État soient souvent beaucoup plus importants en ce qui concerne les cantons : 30 % au maximum, contre 20 % pour les circonscriptions législatives.
Il s’agit d’un sujet important, car, parallèlement à la réforme, le Gouvernement a effectivement le devoir de procéder, dans des délais très rapprochés, à un redécoupage de la carte des cantons.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Depuis le début de l’après-midi, la pierre d’achoppement, nous le voyons bien, c’est le conseiller territorial.
Tout à l’heure, Pierre Mauroy disait que nous ne savions pas d’où il sortait : le rapport du comité Balladur ne le mentionne pas, non plus que celui de la mission sénatoriale. Autrement dit, le Gouvernement n’a tenu compte ni des travaux du comité Balladur ni de ceux de la mission Belot, et l’UMP a décidé de créer le conseiller territorial. Nous en débattrons lors de l’examen du projet de loi. En tout cas, nous pensons très majoritairement à gauche, mais on pense peut-être aussi majoritairement à droite, que c’est un vrai recul pour la démocratie de proximité.
Mon inquiétude porte sur les arguments que vous-même, monsieur le secrétaire d’État, et le Gouvernement employez. Ma grand-mère, sage-femme et femme sage, le disait : « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage. »
Aujourd’hui, lorsqu’un ministre de la République, lorsque des élus montrent du doigt d’autres élus en prétendant qu’ils ne savent pas gérer, qu’ils sont trop nombreux et qu’ils dépensent trop, on se rapproche du populisme et de la démagogie, et nous savons à quoi cela mène ! Moi, j’ai mal à mon pays, j’ai mal à la République lorsque le Gouvernement montre du doigt des élus qui, pour la plupart, font un travail remarquable et s’engagent vraiment !
Ma question porte sur les finances. Tout à l’heure, M. Hortefeux a déclaré que départements et communes bénéficieraient d’une compensation « à l’euro, l’euro ». S’agit-il d’une compensation aussi rigoureuse que celle qui a été consentie aux départements au titre du RMI et pour laquelle on leur doit encore, selon vos propres dires, monsieur le secrétaire d'État, 2,5 milliards d’euros ? Ou bien pourrons-nous continuer à disposer de la seule ressource indispensable aux collectivités locales, à savoir un impôt portant sur l’activité économique ?
Par ailleurs, vous savez que, dans tous les départements, est pratiqué ce que l’on appelle l’écrêtement de la taxe professionnelle et que des fonds départementaux de taxe professionnelle sont intégralement dédiés à l’aide à l’investissement des communes. Tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, vous disiez que le Parlement décidait, mais que Bercy faisait tourner ses machines.
Que va-t-il donc advenir des fonds départementaux de taxe professionnelle ? S’ils devaient être supprimés, comme le souhaite Bercy, ce serait une catastrophe pour l’aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous affirmez, monsieur le sénateur, que le conseiller territorial ne figure pas dans les propositions du comité Balladur. Si ! Il s’agit de la proposition n° 3. Je vous en communiquerai le texte, que vous n’avez peut-être pas bien lu. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Par ailleurs, la compensation financière est, vous le savez, une obligation constitutionnelle depuis la révision de 2003. Les compensations sont contrôlées par une commission nationale d’évaluation présidée par M. Carcenac, député socialiste du Tarn, dont je suis certain qu’il accomplit très bien son travail. (Exclamations sur les mêmes travées.)
S’agissant de la taxe professionnelle, dernier point de votre intervention, sachez que le Gouvernement traitera ce problème avec le plus grand soin.
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant.
M. Michel Boutant. On voudra bien excuser les quelques redites que pourra comporter mon intervention.
Il s’agit aujourd’hui d’un débat « interactif et spontané ». Or la spontanéité s’est surtout manifestée il y a environ une heure ; maintenant, elle est un peu retombée. (Sourires.)
Je dois avouer, monsieur le président, que j’ai éprouvé quelque peine pour vous lorsque j’ai entendu le ministre de l’intérieur s’exprimer. En effet, la mission Belot, qu’on appelle généralement, hors les murs du Sénat, la « mission Larcher », a en quelque sorte fait l’objet d’un enterrement de première classe puisque, à aucun moment, le ministre de l’intérieur n’a fait référence à ses travaux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle n’existe pas !
M. Michel Boutant. Pour avoir assisté, en Charente-Maritime, à l’une des réunions qui ont été organisées – vous y avez d’ailleurs vous-même participé, monsieur le secrétaire d’État –, j’ai pu constater le grand intérêt que ces travaux suscitaient chez les élus. En revanche, le quotidien Sud Ouest n’a pas pu publier les résultats de l’enquête qu’il avait lancée sur le sujet pour la bonne et simple raison que trop peu de personnes y avaient répondu.
M. Yves Krattinger, rapporteur de la mission temporaire. Trente-six !
M. Michel Boutant. Voilà qui montre la réalité de l’immense intérêt que les Français accorderaient, selon vous, à la question de l’organisation territoriale de notre pays et de ses éventuelles strates excédentaires !
J’ai eu l’impression, monsieur le secrétaire d’État, que vous intentiez un procès aux collectivités, dont les élus coûteraient trop d’argent. Je suis donc venu avec quelques chiffres.
M. le président. Il vous reste vingt secondes !
M. Michel Boutant. Sur un budget global de 457 832 926 euros, les sommes consacrées aux élus du conseil général de la Charente s’élèvent à 1 136 118,77 euros, montant incluant salaires bruts, charges patronales et frais de déplacement : le budget des élus représente donc 0,002 % du budget du département !
Dans le même temps, d’immenses services sont apportés à la population, qu’il s’agisse des personnes âgées, du transport quotidien des enfants entre leur collège et leur domicile, des personnes handicapées, etc.
M. le président. Je vous prie vraiment de conclure, cher collègue.
M. Michel Boutant. Je voulais donc poser la question de la péréquation, mot que l’on n’a pratiquement pas entendu ici cet après-midi. (Mme et M. les rapporteurs de la mission temporaire manifestent leur désaccord.) Quel partage entre ceux qui ont beaucoup et ceux qui doivent assumer des compétences obligatoires mais aussi d’autres compétences, parce qu’ils sont sollicités par l’État pour construire une ligne ferroviaire à grande vitesse ou accompagner le plan de développement et de modernisation des itinéraires sur la voirie nationale…
M. le président. Il faut conclure !
M. Michel Boutant. … ou encore participer à des établissements publics de coopération intercommunale ? Qu’en est-il vraiment de ce qui était un grand projet pour notre pays, la péréquation ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je crois que vous avez mal entendu ou insuffisamment écouté le ministre Brice Hortefeux. Il a bien rendu hommage à la mission temporaire, déclarant notamment : « Je remercie tout particulièrement le président Claude Belot, les rapporteurs Yves Krattinger et Jacqueline Gourault. » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Bernard Frimat. C’est nul !
M. Bernard Frimat. C’est un hommage posthume ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous me permettrez, alors que nous approchons le terme de ce débat, de féliciter à nouveau M. Belot, Mme Gourault et M. Krattinger, qui ont accompli un travail formidable, très dense, dont le Gouvernement tiendra le plus grand compte.
S’agissant de la péréquation, que j’ai évoquée à plusieurs reprises, j’ai déjà répondu à votre question, monsieur le président. Je vous répéterai donc simplement, pour être bref, que la péréquation est un axe majeur de la politique du Gouvernement dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Notre collègue de l’Yonne, Yves Bordier, a raison de craindre – je le crains moi-même – que cette réforme ne soit pas à la hauteur des ambitions du plus grand nombre d’entre nous.
Le président et les deux rapporteurs de la mission temporaire m’en excuseront, mais j’ai l’impression que, si les membres de la mission étaient animés par une authentique volonté de réforme, un vent de conservatisme n’en a pas moins soufflé un temps sur eux. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Alain Vasselle, un révolutionnaire ! On aura tout vu ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Alain Vasselle. J’en veux pour preuve leurs conclusions.
Trois conditions, au moins, me paraissent devoir être remplies pour que cette réforme soit réussie et je vous demanderai, monsieur le secrétaire d'État, de nous dire si vous partagez ce sentiment.
Tout d’abord, il faudrait que nous parvenions, les uns et les autres, sénateurs de tous bords, à mettre de côté nos arrière-pensées politiques. (Exclamations amusées sur les mêmes travées.) Je pense notamment au conseiller territorial, qui me semble être l’objet de telles arrière-pensées chez quelques-uns de nos collègues. Il faudrait tout de même que certains abandonnent cet esprit de conservatisme qui semble les habiter.
M. Paul Raoult. Vous êtes orfèvre !
M. Alain Vasselle. Ensuite, pour réussir cette réforme, il ne faut pas attendre 2014 : il faut battre le fer quand il est chaud, monsieur le secrétaire d’État. Reculez les élections régionales d’un an et mettez en place la réforme dès 2011 !
Enfin, troisième condition, il faut réformer les finances locales. J’ai participé, comme M. Belot, aux travaux des commissions spéciales qui ont été constituées pour examiner la loi Pasqua et de la loi Voynet sur l’aménagement du territoire. Je crains fort que, en l’absence d’une volonté politique forte et d’ambitions très élevées, et si nous ne mettons pas en œuvre une véritable réforme des finances locales de nature à offrir son autonomie financière à chaque collectivité locale, la réforme de l’organisation territoriale n’aboutisse pas et ne donne pas les résultats que nous espérons les uns et les autres.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur, et je vous rassure : le Gouvernement entend agir vite.
Cela a déjà été dit tout à l’heure, les dispositions portant réforme de la taxe professionnelle figureront dans le projet de loi de finances initiale pour 2010 et seront donc examinées au Parlement dès l’automne prochain.
Quant au texte réformant les bases des valeurs locatives, il sera examiné de manière tout à fait prioritaire, parallèlement à cet ambitieux projet de réforme territoriale que nous présenterons dès la rentrée parlementaire d’octobre.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. Peut-être, monsieur Vasselle, n’avez-vous pas suivi avec assiduité les travaux de la mission ; cela n’aurait du reste rien d’anormal, car vous étiez certainement appelé ailleurs par d’autres responsabilités. Quoi qu'il en soit, je tiens à vous dire qu’un travail très important a été accompli.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nombre de mes collègues, de tous partis, ont employé le même mot de « socle ». Il existe effectivement un socle sur lequel nous sommes presque entièrement d’accord et à partir duquel nous avons débattu. Cela ne change rien au fait que chacun, y compris parmi les rapporteurs de cette mission temporaire, reprendra ensuite sa place au sein d’un groupe et aura des positions personnelles dans le débat parlementaire.
Je vous mets en garde. Ne rangez pas les gens dans de petites cases : « conservateurs » ; « progressistes » ; « réformateurs ». Je crains que vous n’ayez un jour prochain quelques surprises à cet égard : les progressistes, les réformateurs et les conservateurs ne sont pas forcément ceux que vous croyez. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’Union centriste, du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. Tous les élus locaux qui siègent ici mesurent la valeur de la proximité, à laquelle ils doivent souvent la reconnaissance de la population. Le maire est, dans la population française, l’élu le mieux reconnu. Viennent ensuite les conseillers généraux, puis les conseillers régionaux. Plus vous vous éloignez de la décision, moins vous êtes perçu.
Or, monsieur le secrétaire d’État, vous proposez, avec les conseillers territoriaux, d’éloigner les élus et la prise de décision du terrain. Si nos administrés ne comprennent plus grand-chose au « millefeuille institutionnel », il n’en demeure pas moins qu’ils savent apprécier les élus qu’ils rencontrent en permanence et de manière continue ; voilà une certitude.
En outre, ces élus de proximité sont des élus qui rendent compte. Je ne prétends pas que les conseillers territoriaux que vous souhaitez mettre en place ne rendraient pas compte, mais, devant s’occuper des problèmes départementaux et des problèmes régionaux, bref d’être confrontés à d’innombrables tâches, ils perdront leur pouvoir au profit d’une administration beaucoup plus puissante. Nous prendrons ainsi la direction opposée à notre but, car l’élu sera éloigné de la décision. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. S’agissant de l’intercommunalité, avez-vous bien réfléchi, monsieur le secrétaire d’État, au fait que, par le fléchage de l’élection des délégués communautaires, vous alliez politiser – et pas forcément au meilleur sens du terme – l’intercommunalité ? Surtout, par la légitimité que confère l’élection au suffrage universel direct, vous allez faire de l’intercommunalité un quatrième niveau de collectivités, en contradiction avec l’esprit de la loi du 12 juillet 1999.
Cette loi avait simplement créé des « coopératives de communes », chaque maire représentant légitimement sa commune selon des règles de représentation variables en fonction du contexte local. Mme Gourault vous a d’ailleurs invité à y songer.
Me direz-vous que j’exagère ?
L’esprit de la réforme territoriale que vous nous proposez éclate au travers de l’institution des communes dites « nouvelles », que vous souhaitez substituer aux communes existantes : 2 600 communes nouvelles remplaceraient ainsi les 36 800 communes existantes. Ce faisant, monsieur le secrétaire d’État, vous rompriez avec mille ans d’histoire de nos communes, qui sont les héritières des vieilles paroisses. Et vous parlez de la commune comme échelon de base de la démocratie ! De deux choses l’une : ou bien vous pratiquez le double langage, ce que je ne saurais croire, ou bien il vous faut mettre de l’ordre dans vos idées ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je suis heureux que cette question m’ait été posée par M. Chevènement : cela tombe très bien !
Les intercommunalités votent l’impôt et fédèrent des projets politiques importants, structurants. Il est donc normal qu’elles bénéficient de la légitimité que confère l’onction du suffrage universel. Cette préoccupation du Gouvernement est la raison du fléchage. En permettant la mise en place d’une articulation entre le maire et l’intercommunalité, le fléchage nous paraît constituer pour l’instant la réponse la plus pratique, et en tout cas la plus consensuelle.
Nous avions déjà prévu cette disposition dans l’avant-projet de loi sur le développement de l’intercommunalité, que nous avions préparé à l’occasion du dixième anniversaire des lois Chevènement afin de faire franchir une nouvelle étape à l’intercommunalité. Nous l’avons « testée » devant les assemblées de maires de France, comme à Montpellier, au mois d’octobre 2008, en présence de M. Daniel Delaveau, maire de Rennes et président de l’Assemblée des communautés de France, devant 2 000 à 3 000 élus.
Ainsi, ce système, qui a fait l’objet d’un consensus, constitue une légitimation de l’intercommunalité par l’onction du suffrage universel, sans pour autant créer de confusion des genres entre le maire et le président de l’intercommunalité, le système du fléchage permettant d’éviter cet inconvénient.
Il ne s’agit pas d’un niveau supplémentaire, mais d’une démarche volontaire.
M. Jean-Pierre Chevènement. Et les nouvelles communes ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. En conclusion, je souhaite remercier M. Belot, Mme Gourault, M. Krattinger et tous les membres de la mission temporaire. Comme l’a dit fort justement Mme Gourault, leurs travaux constituent un socle. Ils seront très précieux pour le Gouvernement, qui ne manquera pas de s’en inspirer largement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
J’aime bien ce mot de « socle », car il montre qu’un début de consensus s’est formé, non pas sur tous les points, mais sur la nécessité pour nos collectivités territoriales de procéder à un certain nombre de réformes.
On peut aussi employer le mot de « socle » à propos des travaux du comité Balladur, auxquels ont participé M. Pierre Mauroy, M. Vallini et M. Perben, un accord ayant été obtenu sur seize des vingt propositions. C’est un bon résultat !
M. Pierre Mauroy. Tout de même, monsieur le secrétaire d’État ! Il y avait deux propositions essentielles contre lesquelles j’étais. S’il y avait eu un vote global, j’aurais voté contre !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Mais vous avez voté, monsieur Mauroy, et nous n’allons pas revenir sur les résultats. Seize sur vingt, c’est une note dont on peut se satisfaire !
M. Alain Vasselle. C’est une bonne note !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Ne faisons pas marche arrière !
Quoi qu'il en soit, le Gouvernement considère que les travaux de la mission temporaire constituent un socle important, de même que ceux du comité Balladur. Le Gouvernement en tirera la quintessence pour élaborer le projet de réforme qu’il présentera à la rentrée.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. On verra alors le résultat du vote !
M. le président. La parole est à M. le président de la mission temporaire.
M. Claude Belot, président de la mission temporaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans quelques minutes, la mission que j’ai eu l’honneur de présider n’existera plus.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est dommage !
M. Claude Belot, président de la mission temporaire. Je le dis sous le contrôle des membres de la mission, qui ont tous beaucoup travaillé, nous avons essayé de faire de notre mieux et je crois que nos propositions méritent attention.
Si vous connaissez mal notre rapport, monsieur le secrétaire d’État, vous avez des circonstances atténuantes : il n’a été imprimé et publié qu’avant-hier ! (Sourires.)
Plaisanterie mise à part, je voudrais rappeler que, tous ici, nous disposons d’une expérience en matière d’organisation territoriale, et vous le premier, monsieur le secrétaire d’État. Sinon, nous ne serions pas là ! Nous sommes en effet les têtes de réseau de tous les élus locaux de nos départements.
Quelle a été notre hypothèse de départ, quel a été le socle de notre réflexion ? Le système existant avait tout de même quelques mérites et ne fonctionnait pas si mal que cela : il a été très performant puisque les collectivités territoriales ont sans doute été à l’origine du renouveau de la France depuis trente ans. (Applaudissements sur diverses travées.)
On peut considérer que cette hypothèse était fausse ; les historiens trancheront ! Mais nous sommes malgré tout assez lucides sur ce qui se passe autour de nous.
Ce constat étant fait, il fallait améliorer le système, faire la « chasse au gaspi », dire qui fait quoi et faire en sorte que la belle horloge France fonctionne mieux qu’aujourd’hui. Tout notre travail a tendu vers cet objectif.
Nous n’avons pas travaillé contre le rapport Balladur. Je tiens à préciser que nous avons rencontré M. Balladur et que je me suis longuement entretenu avec lui sur le sujet. Nous retenons l’essentiel des seize propositions du comité Balladur qui ont fait l’objet d’un consensus, en les mettant « à notre sauce ». Il n’y a donc pas, sur un certain nombre de points, de contradiction entre les propositions de M. Balladur et celles de la mission temporaire.
Il existe cependant des points de divergence. Nous avons voulu, conformément à l’esprit girondin, qui a souvent soufflé entre ces murs, donner aux collectivités territoriales la maîtrise de leur destin. Nous savons tous ici qu’il faut de grandes métropoles de dimension européenne. La mission Balladur l’a dit, et nous le disons également. M. Juppé l’a réclamé pour Bordeaux, M. Collomb l’a fait cet après-midi pour Lyon. Tout cela paraît évident.
Toutefois, si l’on veut que les gens du cru se débrouillent pour construire leur outil, il faut que la loi leur en donne la liberté, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Voilà ce qui a guidé notre démarche.
Pour ce qui est des communes qui, aujourd'hui, restent en dehors de toute intercommunalité, il faut faire en sorte qu’elles en rejoignent une ; si elles ne veulent pas le comprendre, on les y mettra d’office, en les prenant par la peau du dos s’il le faut ! (Sourires.)
Quant aux intercommunalités qui ne produisent rien ou qui coûtent cher, elles doivent être intégrées dans des périmètres plus pertinents. Nous demandons que l’État supprime tous les verrous qu’il avait lui-même créés – nous en citons un certain nombre dans le rapport – pour empêcher les communes de devenir plus grandes, alors que là est l’intérêt général.
J’en viens au département et à la région. Ici, il y a des départementalistes et des régionalistes. L’analyse de François Patriat est la bonne : nous savons tous que le système d’élection des conseillers territoriaux a connu une grande inflexion. La première mouture était plutôt favorable au département. La seconde mouture, plutôt favorable au pouvoir régional, entraînera la dilution des départements, car ils n’auront pas la capacité de faire grand-chose dans ce système.
J’ai été conseiller général pendant trente-huit ans et demi, et je l’étais encore il y a quelques mois. J’ai longtemps été président de conseil général et, dans une autre vie, premier vice-président de région. C’est dire si je connais le sujet !
J’en appelle à la lucidité des nombreux départementalistes qui siègent ici. Il faut qu’ils comprennent bien ce qui se joue. Car le département, comme cela a été dit à plusieurs reprises, est un superbe outil, qu’il faut faire vivre en lui donnant les moyens d’agir. Nous avons tout simplement voulu clarifier les relations entre la région et le département, en fixant des compétences précisément définies, qui interdiront à Pierre de faire ce que fait Paul et inversement.
Il y a dix ans, qui aurait pensé que, en dehors des grandes villes, les collectivités territoriales seraient les actrices majeures du haut débit ? Tel est pourtant le cas aujourd’hui ! Il faut doter ces collectivités territoriales de la capacité d’agir en cas de nécessité. Gardons-nous surtout de les en empêcher par la loi, sauf à anéantir ce formidable élan, cette capacité d’initiative qui nous viennent de la décentralisation !