M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. Guy Fischer. Aussi, je ne peux que dénoncer ici l’adoption en commission mixte paritaire, avec l’avis favorable de notre rapporteur, d’un amendement visant à autoriser la présidence du conseil de surveillance des établissements publics de santé par des membres du troisième collège, c’est-à-dire des personnes qualifiées, là où précisément le Sénat, représentant les territoires et les collectivités locales, avait fait le choix d’une présidence par un élu.
Je ne reviendrai pas longuement sur notre opposition fondamentale à la substitution des conseils d’administrations par les conseils de surveillance, dont les compétences et les missions sont réduites au simple contrôle, sinon pour redire combien nous sommes opposés à cette conception issue du secteur privé commercial, qui prive les personnels non médicaux, notamment administratifs et ouvriers, d’une véritable participation à la direction des établissements de santé dans lesquels ils œuvrent.
À notre sens, précisément parce que les hôpitaux de France ne sont pas des entreprises comme les autres, il est impératif, pour qu’ils assurent leurs missions particulières, d’associer à leur direction toutes celles et tous ceux qui, au quotidien, font la qualité et la réussite d’établissements dont la renommée est mondiale.
Mais, à une loi d’association des personnels et des compétences, vous avez préféré une loi d’opposition, d’exclusion et de cloisonnement.
S’il s’agit d’une loi de méfiance à l’égard des personnels des établissements publics de santé - cela va très loin, puisque le conseil de surveillance n’aura même pas à se prononcer sur le budget de l’établissement -, elle est également une loi de défiance à l’encontre des élus locaux et des représentants des collectivités territoriales. La présidence des conseils de surveillance des futures agences régionales de santé ne peut nous satisfaire.
En autorisant cette présidence par des personnalités qualifiées, toutes désignées directement ou indirectement par le Gouvernement, qu’il s’agisse des nominations par les directeurs des ARS, eux-mêmes nommés par le ministre chargé de la santé, ou de celles qui sont le fait des préfets de région, nommés par le Gouvernement, vous témoignez d’une défiance sans précédent à l’encontre des élus locaux et des représentants des collectivités territoriales.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Ceux-ci participent pourtant pleinement, particulièrement dans le domaine médico-social, au financement des opérations menées dans les régions et les départements.
En réalité, pour éviter toute contestation, notamment sur la faiblesse des financements et sur les fermetures d’établissements à venir, vous avez préféré faire taire la contestation. Le schéma que vous avez retenu est, il faut le dire, contraire à l’esprit que nous nous faisons de la démocratie sanitaire.
Vous préférez, pour museler les oppositions, organisez le contrôle de l’État par l’État, ce qui, madame la ministre, n’est pas à la hauteur des enjeux.
Nous entendons également dénoncer avec force la conception même des missions confiées aux ARS.
Vous avez clairement affirmé votre volonté de faire des agences régionales de santé les acteurs clés de la dépense publique en santé, puisqu’elles seront, de votre aveu même, un nouvel opérateur de la gestion du risque « santé ».
Cela témoigne de la volonté du Gouvernement de peser directement sur la dépense publique, sur la dépense sociale, plus particulièrement sur la dépense hospitalière, cette dernière étant considérée comme la plus importante. Nous avons d’ailleurs entendu mille fois M. Vasselle dire que le déficit de l’assurance maladie était constitué au moins pour moitié par les dépenses hospitalières, et qu’il fallait donc contraindre ces dernières.
Cette analyse méconnaît à notre avis la réalité des faits, qui se traduit par une explosion continue des dépenses de soins de ville. Mais, plus grave encore, elle suppose une véritable reprise en main des dépenses de santé par l’État, rompant ainsi avec l’esprit du programme du Conseil national de la Résistance, dans le seul objectif de permettre au Gouvernement de peser sur les dépenses publiques. Et pourtant, le Président de la République utilise le Conseil national de la Résistance dans ses discours politiques… Je tiens à manifester, à cet égard, notre total désaccord !
Nous considérons qu’il y avait d’autres solutions.
M. Alain Vasselle. Ah !
M. Guy Fischer. Nous aurions préféré que le Gouvernement, en lieu et place d’une action portant sur les dépenses, assure les ressources nécessaires au financement de notre protection sociale, notamment en renonçant, comme le suggère chaque année la Cour des comptes lors de l’examen par le Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale, aux quelque 42 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales consenties en 2009 aux entreprises de notre pays.
M. Alain Vasselle. Et aux salariés aussi !
M. Guy Fischer. Mais ce sont surtout les patrons qui encaissent, monsieur Vasselle !
Les salariés ne voient pas leurs fiches de paie augmenter. Au contraire, elles diminuent ! Nous assistons, depuis quelques années, à un écrasement des salaires et des retraites. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. –M. Jacques Mézard applaudit également)
Nous considérons par ailleurs que, contrairement à ce qu’indique l’intitulé du titre II, ce texte ne sera pas de nature à garantir l’ « accès de tous à des soins de qualité ».
Nous avons présenté, au cours de nos débats, de très nombreux amendements destinés à résorber deux phénomènes ayant indéniablement une incidence sur l’accès de tous aux soins : les déserts médicaux et les dépassements d’honoraires.
La majorité du Sénat, soutenue par le Gouvernement, a malheureusement refusé tous nos amendements visant à résorber les déserts médicaux, c’est-à-dire les zones géographiques dans lesquelles l’accès aux soins est devenu compliqué ou impossible en raison d’un déficit d’installation des professionnels de santé. Pourtant, et nous l’avons tous dénoncé, la situation est des plus paradoxales : jamais le nombre de professionnels de santé n’a été aussi important et jamais l’accès aux soins n’a été aussi difficile. Pour notre part, nous avons défendu l’idée, présente dans les politiques menées en Allemagne, en Autriche ou au Québec, d’un aménagement de la notion de « liberté d’installation », afin que celle-ci ne soit pas en contradiction avec les intérêts des populations.
Vous avez écarté toutes ces pistes, madame la ministre, renonçant ainsi à garantir le droit fondamental de tous nos concitoyens à l’accès aux soins. Le gouvernement auquel vous appartenez aura, pour l’avenir, la lourde tâche d’assumer cette posture de renoncement et devra s’en expliquer un jour ou l’autre devant nos concitoyens qui, dans les zones de montagne – n’est-ce pas, Annie David ? –, de campagne ou dans les quartiers populaires, n’ont plus, ou ont difficilement, accès aux soins.
Je regrette à cet égard l’adoption en commission mixte paritaire d’un amendement supprimant la disposition, votée par le Sénat sur l’initiative de mon amie Annie David, qui visait à préciser que le comité de massif était tenu informé de la situation de la démographie médicale dans les territoires qui le concernent.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Parce qu’il le sera !
M. Guy Fischer. Cette volonté de ne plus informer les comités de massif est une preuve supplémentaire de votre conception des contre-pouvoirs. Je regrette d’autant plus la suppression de cette disposition qu’elle répondait à une demande forte de l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM, à laquelle participent des représentants des communes de toutes les sensibilités politiques.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. De la même manière, je regrette le refus de la majorité et du Gouvernement de légiférer, dans le cadre de ce projet de loi, sur les dépassements d’honoraires qui constituent, nous le savons bien, une entrave particulièrement importante à l’accès aux soins.
Je ne reviendrai pas, afin de ne pas alourdir mon propos, sur les résultats du grand testing mené par les associations de malades concernant l’accès aux soins des bénéficiaires de la couverture maladie universelle, la CMU, ou de l’aide médicale de l’État, l’AME. Ces résultats montrent à ceux qui pouvaient en douter que, contrairement à ce qu’édictent nos grands principes républicains, la discrimination en matière d’accès aux soins est également fondée sur les ressources financières de nos concitoyens, soit que certains praticiens refusent de soigner les plus pauvres, soit que ces derniers renoncent d’eux-mêmes, en raison de l’absence de professionnels pratiquant des tarifs opposables, à consulter un médecin, a fortiori un spécialiste. Les patients sont d’ores et déjà de plus en plus nombreux à opérer des choix entre les soins qui sont urgents et ceux qui peuvent attendre : la faute en revient aux franchises médicales et à la crise économique qui frappe nos concitoyens les plus pauvres de manière particulièrement aiguë et se traduit, par exemple, par un grand mouvement de démutualisation.
J’ai bien noté, madame la ministre, la timide avancée résultant de l’adoption en commission mixte paritaire d’un amendement relatif au secteur optionnel. Mais cet amendement est trop timoré pour avoir des effets suffisants et réels. En outre, il présente l’inconvénient majeur de renvoyer l’action non pas à la discussion parlementaire, mais au secret de l’élaboration du décret ou au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
J’aurai, à ce sujet, une suggestion à vous faire.
M. Alain Vasselle. Ah !
M. Guy Fischer. Depuis plusieurs années, il est devenu de coutume que le projet de loi de financement de la sécurité sociale soit l’occasion d’un débat particulier. En 2008, nous avons ainsi discuté de l’hôpital. Compte tenu de l’intérêt des Françaises et des Français mais aussi des sénatrices et des sénateurs pour ce sujet, je vous propose de consacrer le débat à venir à la question des dépassements d’honoraires et de laisser les parlementaires, qui ont fait preuve durant nos travaux de beaucoup d’imagination, libres d’agir par voie d’amendements.
Vous pouvez compter sur les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC-SPG pour défendre une nouvelle fois les amendements qui leur sont chers, comme ceux qui sont relatifs au testing, à l’inversion de la charge de la preuve et à l’interdiction d’installation des professionnels en secteur 2 dans les zones sous-denses, toutes mesures qui, selon nous, sont nécessaires et urgentes.
Par ailleurs, je tiens à rappeler, en accord avec mon amie Isabelle Pasquet, l’opposition du groupe CRC-SPG à la suppression des comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale, les CROSMS, et à leur remplacement par une procédure d’appels à projets. Ce mécanisme, inspiré du secteur privé commercial, nous semble totalement contraire à l’histoire du mouvement médico-social qui fait sa force aujourd’hui. Comme nous l’avons dit au cours de nos débats, nous ne sommes pas opposés à une certaine forme de décentralisation, mais nous souhaitons que cette dernière soit plus solidaire. Nous voulons faire vivre une véritable démocratie sanitaire, renforcée par rapport à la situation actuelle.
La suppression de la consultation des CROSMS sur les schémas départementaux revient en réalité à se priver de compétences, de savoir-faire, d’analyses diverses et complémentaires, alors même que ces schémas, arrêtés tous les cinq ans, revêtent une grande importance pour les personnes en situation de dépendance et de handicap et pour leurs familles. Nous regrettons d’autant plus cette mesure que la consultation des CROSMS aurait permis de confronter les différents schémas départementaux au niveau régional, considéré dans le projet de loi comme pertinent, dans un souci de solidarité et d’équité territoriale.
Nous craignons également, d’une part, que cette suppression ne se traduise par la création d’une concurrence entre les établissements et, d’autre part, que ce choix ne privilégie la plupart du temps le « moins-disant » économique au détriment du « mieux-disant » social. Cela reviendrait en effet à ouvrir un boulevard aux établissements privés.
Comme les associations concernées, je crains que la réponse à un cahier des charges préétabli, en privilégiant un processus uniforme du haut vers le bas par rapport à un processus partant du terrain, ne favorise les grands opérateurs et des projets trop « formatés » au détriment des projets innovants. Or c’est bien d’innovation, puisée dans sa longue expérience, que le secteur médico-social fait preuve depuis cinquante ans ! Comment peut-on le déposséder ainsi de sa capacité à inventer au plus près des besoins des personnes handicapées ? Ce n’est pas la mise en place d’un cahier des charges allégé pour les projets à caractère expérimental ou innovant qui va leur rendre l’initiative, surtout lorsqu’il n’y a plus de secrétaire d’État chargé des personnes handicapées ! Dans tous les cas, il s’agira avant tout de garantir une mise en concurrence qui sera, à n’en pas douter, contraire aux intérêts des personnes concernées. Croyez-moi, le reste à charge sera d’autant plus important pour les familles !
Avant de conclure cette longue intervention, qui témoigne de la richesse de nos travaux et de l’ampleur des différences qui nous opposent, j’aborderai deux dispositions qui nous inquiètent.
Tout d’abord, avec mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat, j’entends réaffirmer l’opposition du groupe CRC-SPG à la suppression du statut particulier de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris, l’AP-HP. Cette suppression témoigne, là encore, de la volonté de reprendre en main l’organisation hospitalière dans son ensemble ; elle aura pour conséquence de mettre à mal l’unicité de l’AP-HP, qui faisait pourtant la spécificité de cette dernière et a permis jusqu’à aujourd’hui une prise en charge des populations les plus diverses vivant en région parisienne, tout en permettant à l’hôpital public, au travers des hôpitaux de la région parisienne, d’être à la pointe de la recherche médicale mondiale. Ce démantèlement inquiète les personnels de l’AP-HP, y compris les directeurs de service, réunis voilà peu en assemblée générale à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Ils nous ont fait part de leurs inquiétudes : ils craignent la casse d’un outil formidable composé de trente-sept établissements, actuellement au service des populations.
Je ne perds pas de vue que, dans des territoires désertés par la médecine de ville pour cause de rentabilité insuffisante, l’offre publique est la seule structure à accueillir les patients. Je tiens à dire aux personnels de l’AP-HP que nous sommes à leurs côtés et qu’ils pourront compter sur nous pour défendre partout le modèle public, seul garant du droit de tous à accéder, sans distinction de ressources, d’origines ou de pathologies, à des soins de grande qualité.
Enfin, je veux dénoncer ici l’amendement adopté en commission mixte paritaire supprimant la disposition, introduite à l’unanimité par le Sénat, instituant l’accès direct aux gynécologues médicaux sans pénalité financière. C’est un mauvais signal envoyé aux femmes de notre pays, particulièrement aux plus jeunes d’entre elles qui pourraient ne plus recourir à cette spécialité. Cette décision est d’autant plus importante qu’elle s’inscrit dans un contexte de pénurie grandissante des gynécologues obstétriciens, qui constitue un véritable risque pour la santé des femmes.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie pour votre écoute attentive. En l’état actuel de ce projet de loi, particulièrement après son passage en commission mixte paritaire, le groupe CRC-SPG votera résolument contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de la procédure législative d’examen de ce projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires. Cette procédure a été particulièrement longue : quatre semaines de débat, une centaine d’heures de séance publique, un rapport de commission mixte paritaire record de 450 pages et, pour la commission des affaires sociales, son président, son rapporteur et ses collaborateurs, près de six mois de travail…
Avant d’entrer dans le détail du texte de la commission mixte paritaire, je souhaite revenir sur la façon dont mes collègues du groupe socialiste et moi-même avons abordé l’examen de ce texte.
Chaque année, notre pays consacre près de 200 milliards d’euros aux dépenses de santé. Si ce système est l’un des plus coûteux au monde, c’est aussi et surtout l’un des plus performants. Pourtant, les dysfonctionnements sont de plus en plus nombreux : engorgement des urgences, allongement des délais de rendez-vous, complexification du parcours de santé, difficultés à assurer la permanence des soins, augmentation du taux de retour des personnes soignées, crise des vocations, déserts médicaux, etc. Notre système de santé est en fait fragile, même si nos concitoyens reconnaissent à juste titre la qualité des soins qui leur sont prodigués ainsi que la valeur des personnels soignants.
Une réforme s’imposait donc. C’est bien l’un des seuls points sur lesquels nous aurons été vraiment en accord.
Mais au lieu de conforter notre modèle de solidarité sociale, de garantir l’accès de tous, dans tous les territoires, à des soins de qualité et de promouvoir l’efficience de notre système d’organisation des soins, ce projet de loi met en place, en fait, le démantèlement du service public hospitalier et la privatisation de notre système de santé.
Dans votre texte, madame la ministre, il y a d’ailleurs non plus des « hôpitaux publics », mais des « établissements de santé », ce qui n’est pas neutre.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais avec des missions de service public !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je vais y venir !
C’est pourquoi, tout au long de ce débat, nous nous sommes efforcés de dénoncer les aspects dangereux de ce texte, mais, surtout, nous nous sommes attachés à défendre une autre vision de la modernisation de notre système de santé. Pour nous, cela passe par une politique hospitalière volontariste et ambitieuse, une vaste réorganisation de la médecine de ville et un pilotage régional s’appuyant sur un renforcement de la démocratie sanitaire et sociale.
Au lieu de cela, votre projet de loi, madame la ministre, affaiblit l’hôpital public, laisse la médecine de ville à ses dysfonctionnements et à ses dérives et met en place un pilotage centralisé et autoritaire qui ne laisse que bien peu de place à la démocratie sanitaire pourtant essentielle.
Ces dernières semaines, le débat s’est largement focalisé sur la réforme hospitalière. C’est en effet un aspect important du texte sur lequel nous sommes en profond désaccord avec votre logique.
C’est pourquoi nous avons insisté sur quatre points fondamentaux.
Premièrement, nous avons affirmé notre refus du morcellement des missions de service public : en confiant à tous les établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés, la possibilité d’assurer tout ou partie des missions de service public, le texte ouvre la porte à un service public à la carte où les cliniques privées pourront choisir les missions les plus lucratives et laisser aux hôpitaux publics le soin d’assumer les missions les plus délicates et les plus coûteuses, comme l’aide médicale d’urgence ou encore la lutte contre l’exclusion sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Deuxièmement, il nous paraît nécessaire de donner à l’hôpital public des moyens à la hauteur de ses besoins.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous avons les dépenses hospitalières les plus élevées du monde !
M. Jean-Pierre Godefroy. Depuis de trop nombreuses années, l’hôpital est sous-financé et reçoit des moyens inférieurs à ses besoins minimaux de fonctionnement. De nombreux projets d’investissements sont gelés ; l’hôpital se paupérise et perd les moyens de répondre aux défis de la médecine de demain. En programmant ainsi son étranglement, comme vous le faites, dans le droit fil de vos prédécesseurs, année après année, budget après budget, c’est bien la fin de l’hôpital public que vous préparez !
Troisièmement, il est nécessaire, selon nous, de revoir les modalités d’application de la tarification à l’activité, la T2A, et d’abandonner l’objectif de convergence tarifaire entre hôpitaux publics et cliniques privées, négation de la spécificité des missions de l’hôpital public, lequel ne choisit ni ses patients ni les pathologies qu’il traite. Madame la ministre, vous avez annoncé le report concernant la convergence. Si c’est une bonne chose, ce n’est cependant pas suffisant. Quant à la tarification à l’activité, vous nous avez renvoyés au PLFSS. Nous verrons ce qu’il en sera ! En tout état de cause, il est bien évident que le maintien à 100 % de la tarification à l’activité signe véritablement l’arrêt de mort des hôpitaux publics !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comment expliquez-vous que 60 % soient en excédent budgétaire, alors ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Quatrièmement, nous refusons cette énième réforme de la gouvernance, qui calque la gestion des hôpitaux sur celle des établissements privés…
M. Jean-Pierre Godefroy. … autour d’un « patron » appelé avant tout à être un gestionnaire financier, aux ordres de l’État, sans véritable association des équipes soignantes et en négligeant le rôle des élus locaux.
Sur ce premier volet du texte, la CMP n’a pas permis d’inverser la tendance. Au contraire, elle est même revenue sur deux points essentiels adoptés par le Sénat.
Elle a d’abord fait marche arrière sur la présidence du conseil de surveillance des établissements : après d’âpres débats avec le Gouvernement, le Sénat avait voté un amendement de notre collègue Jean-Pierre Chevènement, qui permettait de confier cette présidence à un élu local, traduisant ainsi son attachement traditionnel aux pouvoirs des collectivités territoriales.
Mais la CMP a décidé de revenir au texte initial et de permettre de confier cette présidence à une personnalité qualifiée, nommée par le représentant de l’État – directeur de l’ARS ou préfet.
Nous l’avons déjà dit, selon nous, l’absence de fondement démocratique à la nomination des personnalités qualifiées ne permet pas à ces dernières de se substituer à des élus pour la présidence du conseil de surveillance. Nous ne comprenons pas cette défiance envers les élus, si ce n’est pour renforcer la tutelle déjà très stricte mise en place par le texte.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ouvrir un processus de concurrence électorale au sein des conseils de surveillance nous semble périlleux pour l’avenir, madame la ministre !
La CMP a ensuite considérablement affaibli la portée du dispositif de non-concurrence que le Sénat avait introduit au profit du secteur hospitalier. Certes, l’article n’a pas été purement et simplement supprimé, comme vous en aviez l’intention initiale, monsieur le rapporteur ; mais l’adoption d’un amendement Léonetti ajoutant un délai de cinq ans à la date d’obtention du statut de praticien hospitalier rend de facto cette clause de non-concurrence quasiment inapplicable.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est sage !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est particulièrement dommage alors que le secteur privé, lui, sait parfaitement faire jouer ce type de clause.
M. Guy Fischer. Voilà ! C’est la vérité !
M. Jean-Pierre Godefroy. Là encore, vous mettez les hôpitaux publics en déséquilibre de concurrence avec le secteur privé.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. S’agissant de la médecine de ville, comment ne pas voir et dénoncer le contenu notoirement insuffisant des dispositions prévues par rapport à l’objectif fondamental, qui doit être celui de l’égal accès aux soins ? C’est pourquoi nous avons insisté sur une triple nécessité.
Tout d’abord, il faut améliorer la répartition des médecins sur le territoire : le problème est urgent, mais le texte renvoie la solution à plus tard ; la régionalisation du numérus clausus ne produira aucun effet avant une dizaine d’années, si tant est que cela puisse produire un effet.
Quant au contrat santé-solidarité, il ne pourra pas s’appliquer avant 2013. Nous en sommes persuadés, il est aujourd’hui nécessaire d’aller plus loin et de freiner les installations dans les zones excédentaires. Je l’ai déjà dit et je le redis : d’autres professionnels, comme les infirmiers, ont montré l’exemple, sans drame, en suivant une démarche conventionnelle et en subordonnant les installations aux départs dans les zones trop denses. Ce n’est pas dramatique !
Aujourd’hui, les médecins ne peuvent pas rester à l’écart d’une réflexion. Une régulation est indispensable. Au tout début de l’examen du texte, vous aviez l’intention de bouger les lignes, madame la ministre. Vous avez malheureusement dû y renoncer. C’est dommage ! Il faut absolument que les médecins comprennent qu’ils ne peuvent camper sur un refus total d’aménagement du droit d’installation !
Ensuite, il importe de lutter contre les refus de soins : aujourd’hui, en France, des citoyens ne peuvent plus se soigner en raison de leur appartenance sociale. Ces discriminations vont à l’encontre des préceptes fondateurs de la République !
Et pourtant, il ne reste rien des mesures initialement prévues pour protéger les usagers contre ces refus de soins : renversement de la charge de la preuve, testing, aggravation des sanctions… Rien n’a trouvé grâce aux yeux de la majorité, qui a choisi de privilégier l’intérêt des médecins par rapport à celui des patients. L’idée émise par mon collègue Guy Fischer d’un débat sur ce sujet lors de l’examen du PLFSS me semble, vu l’urgence, tout à fait pertinente.
Enfin, il faut mettre un frein aux dépassements d’honoraires,…
Mme Gisèle Printz. Ah oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. … qui excluent de plus en plus de concitoyens de l’accès aux soins : sans mesure ni contrôle, ces derniers relèvent du mercantilisme médical. Rien ne justifie qu’ils échappent à un encadrement. Pourtant, une fois de plus, le Gouvernement a refusé de traiter le sujet !
La CMP a quand même permis l’adoption d’un amendement qui « invite » les partenaires conventionnels à négocier, d’ici au 15 octobre prochain, les modalités de mise en œuvre d’un secteur optionnel censé permettre une pratique encadrée des dépassements d’honoraires.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est fondamental !
M. Jean-Pierre Godefroy. Sinon, le Gouvernement sera autorisé à procéder par arrêté. Il eût été préférable, nous semble-t-il, que nous en débattions et votions dans le cadre de ce texte. Le problème se pose depuis tellement longtemps que je ne vois pas pourquoi on le renvoie à une énième concertation dont on préjuge déjà le résultat !