M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sept milliards !
M. Philippe Marini, rapporteur. … de l’intégralité de sa participation dans la Caisse nationale des caisses d’épargne, la CNCE, accompagnée d’importantes contreparties industrielles.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur. Le prix de la transaction a aussi été de 7 milliards d’euros !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. C’est un raccourci !
M. Philippe Marini, rapporteur. En effet, madame le membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations – mais vous n’y siégiez pas encore à ce moment-là –, c’est un raccourci qui permet, avec cette similitude des chiffres, de relativiser les 7 milliards d’euros d’apport de l’État.
Mme Nicole Bricq. Une paille !
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet apport, exceptionnellement important si l’on excepte le cas de Dexia, est assorti de garanties substantielles de préservation des intérêts publics : tout d’abord, des engagements pris dans le cadre des conventions avec la Société de financement de l’économie française, ou SFEF ; par ailleurs, des intérêts et dividendes versés sur les titres super-subordonnés à durée indéterminée, ou TSSDI, et actions de préférence et des mécanismes d’incitation au remboursement de ces titres ; enfin, la présence de représentants de l’État au sein du conseil de surveillance de l’organe central.
Mes chers collègues, compte tenu de l’urgence réelle de la situation et de la nécessité de permettre à ce groupe d’assumer une stratégie crédible à l’égard de l’ensemble de ces contreparties, il paraît nécessaire non seulement que ce texte soit voté au Sénat, mais qu’il le soit dans la version même de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, on aurait voulu que ce texte passe inaperçu que l’on ne s’y serait pas pris autrement que nous le faisons ce soir !
En choisissant de concert que la création de ce nouvel organe central des caisses d’épargne et des banques populaires soit examinée un lundi en séance de nuit, alors qu’aucun autre débat n’est inscrit à l’ordre du jour, le Gouvernement, parce qu’il juge son projet « technique », et sa majorité, qui n’a déposé aucun amendement, veulent passer à autre chose, c’est clair ! Engagement de la procédure accélérée, vote conforme et pas de commission mixte paritaire ! On ne sait jamais, députés et sénateurs pourraient avoir des idées...
De plus, comme je l’ai lu ce matin dans un journal bien orienté pour la majorité parlementaire et le Gouvernement, il faut faire plaisir au Président de la République ! Le Sénat doit donc voter ce texte, et c’est ce à quoi s’emploie, depuis des mois, M. Roger Karoutchi !
Mme Nicole Bricq. C’est à se demander si l’on n’aurait pas pu se passer du vote de la représentation nationale !
M. Philippe Marini, rapporteur. La pure critique, cela ne réussit pas toujours ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Bricq. Je n’ai pas fini ! Je commence seulement mon intervention !
Il faut avoir tout bouclé en juillet. Mais cette précipitation ne réglera pas pour autant le problème du calendrier établi lors de la signature du protocole du 16 mars dernier. L’argument de la rapidité est un prétexte commode qui évite de débattre du contexte. (M. Alain Gournac s’exclame.)
Pourtant, les débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au sein de la commission des finances du Sénat, ont mis en évidence les interrogations, les inquiétudes, les réticences au sein de tous les groupes politiques.
Peut-on dire que l’audition par notre commission des finances du président-directeur général, M. François Pérol, a répondu à l’attente de nos collègues ?
M. Jean Desessard. Non !
Mme Nicole Bricq. Non !
Peut-on dire que la table ronde des organisations syndicales, au demeurant fort mesurées et responsables, a suffi à lever les interrogations et les inquiétudes pour l’avenir de ce groupe composé de 110 000 salariés ? Non !
Peut-être s’agit-il d’un texte « minimaliste », comme l’a rappelé le rapporteur. Il n’en demeure pas moins qu’il est un point de passage obligé. Aussi, nous n’entendons pas le laisser passer sans mettre en débat tout ce dont le Gouvernement ne veut pas parler.
Pour le passé d’abord, on aurait pu faire le bilan de la loi du 25 juin 1999 réformant les caisses d’épargne. On peut et on doit, en effet, soumettre à la critique les dérives qui conduisent à l’intervention exceptionnelle de l’État. On peut et on doit chercher à comprendre comment deux entités au statut coopératif n’ont pas résisté à la dérégulation, aboutissant à la crise financière qui affecte gravement ce groupe aujourd’hui.
Pour l’avenir, accepter ce texte en l’état, c’est se satisfaire d’un projet flou ; c’est tirer un trait sur les inquiétudes de 110 000 salariés quant à leur statut et à leur emploi ; c’est donner un chèque en blanc à une gouvernance dont la tête pensante et parlante dispose d’une faible légitimité pour conduire dans la tempête ce qui nous est présenté comme étant pour demain le deuxième groupe français bancaire.
Certes, il faut sauver le soldat CEP/BP plombé par la filiale Natixis…
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. … et effacer l’ardoise de la funeste course à la taille, de la sortie de route calamiteuse qui a conduit deux groupes à quitter leur métier historique de distributeur de crédits aux ménages (M. Jean Desessard applaudit.), aux entreprises, aux collectivités locales (M. Jean Desessard applaudit à nouveau.), pour se porter vers des activités d’investissement et de financement (M. Jean Desessard applaudit encore.), à la recherche de la plus haute rentabilité, sans oublier des rémunérations défiant l’entendement (M. Jean Desessard applaudit une nouvelle fois.), pour les managers de tête et la mise en cause sans vergogne des intérêts des épargnants.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Nicole Bricq. Pour nous, c’est « non » !
Passons maintenant au présent, pour lequel le projet de loi est censé sinon apporter des réponses, du moins donner à l’organe de tête du futur groupe une assise juridique.
La crise financière accélère un rapprochement qui était en germe depuis 2006, année de la création de Natixis. Depuis lors, l’État s’est impliqué dans cette démarche, à la fois pour mettre fin au désaccord des dirigeants précédents et pour éponger les pertes abyssales de Natixis, dont l’exposition est estimée à 33,7 milliards d’euros en valeur comptable.
Par ailleurs, la chute du titre a entraîné des poursuites pénales, engagées par des actionnaires ayant fait confiance à leur banque de proximité. Ces plaintes ont conduit la justice à effectuer en mai dernier des perquisitions. Pour parachever le tableau, l’Autorité des marchés financiers a de son côté ouvert une enquête dès l’automne dernier.
M. Philippe Marini, rapporteur. C’est toujours le passé !
Mme Nicole Bricq. Ces 34 milliards d’euros sont le fait de provisions et de dépréciations constatées, de produits toxiques, d’actifs invendables. Le tout a coûté 1,9 milliard d’euros au premier trimestre 2009, et rien ne dit que de nouvelles pertes ne seront pas enregistrées au deuxième trimestre.
L’État s’est porté au secours de la filiale, pour en relever le ratio de solvabilité, mais – chacun s’accorde à le dire – cela risque de ne pas suffire.
Le risque Natixis a été cantonné. Toutefois, Mme la ministre de l’économie et des finances nous a affirmé, lors de son audition par la commission, que, en cas de nouvelles dégradations, d’autres options pourraient être envisagées, notamment le recours au marché ou à une structure de type CDR, ou Consortium de réalisation, ce qui n’est pas sans rappeler l’affaire du Crédit Lyonnais. Au demeurant, nous l’avons compris, le sujet est tabou à la présidence de la République, comme du reste sur la place bancaire française.
L’audition du gouverneur de la Banque de France nous a révélé que les stress tests des banques françaises menés à huis clos ne donnent pas lieu à inquiétude. Il nous faut y croire, mais sans preuve !
M. Philippe Marini, rapporteur. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. Pour Natixis, quelle sera la solution ? Nous ne la connaissons pas ! Les parlementaires seraient-ils tellement irresponsables que l’on juge inutile, en haut lieu, de les éclairer ?
L’intervention de l’État est pourtant particulièrement lourde, motivée par le risque systémique que ferait courir au système bancaire l’implosion d’un financeur majeur des entreprises. Mais cette opération soulève des interrogations dues à l’opacité du dossier et à l’absence d’une vision à moyen terme.
Le groupe naissant est en effet très affaibli. Sa capacité à rembourser la dette contractée auprès de l’État est mise en doute. L’État ayant refusé la nationalisation partielle, les questions de la remontée des capitaux des caisses et banques régionales ou de l’appel au marché restent ouvertes. En fait, le Gouvernement laisse les mains libres au président-directeur général qu’il a mis en place, mais dont la légitimité est contestée.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Procès d’intention !
Mme Nicole Bricq. Son inexpérience à gouverner un groupe de cette importance ne rassure pas. En effet, passer de la case « banque d’affaires », où l’on parle entre initiés en utilisant des mots convenus, à la case « Élysée » ne prépare pas vraiment à la gestion d’un groupe constitué de deux entités historiques, prises de surcroît dans la tourmente bancaire.
Jusqu’à présent, force est de constater que le nouveau président consacre l’essentiel de son énergie à gérer des problèmes de dirigeants, au détriment de ceux qui sont liés au développement.
Par ailleurs, si nous nourrissons les craintes les plus grandes s’agissant de Natixis, d’autres entités ne sont pas exemptes de risque. C’est le cas du Crédit foncier, dont le portefeuille de prêts comme la titrisation constituent un sujet d’inquiétude.
Le nouvel organe central lui-même soulève des interrogations relatives à sa gouvernance, que la loi n’encadre pas. M. Marini précise bien ce point dans son rapport écrit.
L’insistance de nos collèges députés a contraint le Gouvernement à accepter de revoir la place des sociétaires, qui devraient donc être majoritaires au sein du conseil de surveillance. Dans un groupe où les filles sont la mère, ce n’est que normal. Toutefois, le fait que l’organe central concentre les pouvoirs justifie nos craintes concernant le statut coopératif. Certes, celui-ci est réaffirmé dans le projet de loi, mais cette disposition risque de rester virtuelle si la centralisation s’avère excessive. À ce jour, entre fédéralisme et centralisme, le curseur n’est pas clairement positionné.
Quant à la représentation des salariés dans l’organe central, Mme la ministre a proposé la semaine dernière, en commission des finances, que ces représentants, par une modification du protocole d’accord de mars dernier, soient au nombre de quatre, mais toujours sans voix délibérative. Elle nous a renvoyés, comme vous l’avez fait tout à l’heure, monsieur le rapporteur, au droit commun des sociétés commerciales.
À plusieurs reprises, à l’occasion de l’examen d’autres textes, le groupe socialiste a défendu des propositions ou des amendements modifiant ce droit commun. La présence des représentants des salariés avec voix délibérative est pour nous une question de principe. En l’occurrence, deux représentants avec voix délibérative pourraient remplacer les administrateurs indépendants nommés par l’État. On se demande en effet ce que peut bien vouloir dire « indépendants » en l’espèce. Monsieur Marini, la note de bas de page de votre rapport se réfère, à l’instar de la position adoptée par Mme la ministre, à la déontologie instaurée par le MEDEF et l’AFEP, dont vous nous permettrez de douter.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’était le cas pour les caisses d’épargne !
Mme Nicole Bricq. Pour finir, je m’interrogerai sur le devenir collectif et individuel des salariés. La précipitation nuit à la bonne qualité des informations qui leur ont été communiquées, et ils ne savent pas où se situer dans le futur groupe. La disparition des comités de groupe existants les prive de lieux d’information pour apprécier une stratégie globale dont ils peinent à déceler les linéaments.
C’est donc à un triple défi qu’est confronté ce futur groupe : un défi financier, un défi stratégique dans un paysage bancaire en recomposition, et un défi social. Vous nous demandez un chèque en blanc, et nous refusons de le signer. Quant à la rapidité à laquelle il faudrait satisfaire, tout laisse à penser que les organisations syndicales veulent y voir plus clair et négocier des contreparties. Notre opposition les confortera dans leurs exigences légitimes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Madame la présidente, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous sommes amenés à examiner ce soir, après engagement de la procédure accélérée, un court projet de loi visant uniquement à créer le nouvel organe central, qui prendra la forme d’une société anonyme dotée d’un conseil de surveillance et d’un directoire, du futur groupe né du rapprochement, après plusieurs tentatives, des caisses d’épargne et des banques populaires. M. le rapporteur et Mme Nicole Bricq ont d’ailleurs pu évoquer un texte « minimaliste ».
Reconnaissons-le volontiers, il s’agit d’un texte technique. Mais ne le réduisons pas à cette simple dimension, car il y a derrière ce projet de loi des enjeux économiques et financiers importants liés au rapprochement de deux des plus grands réseaux bancaires coopératifs français. Il n’est pas non plus anodin pour l’État, compte tenu des conséquences financières que cette opération comporte.
Au-delà de son caractère limité, à savoir donner à l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires toutes les prérogatives nécessaires au pilotage du nouvel ensemble, il traduit un projet d’entreprise de grande ampleur qui est l’aboutissement d’un long processus, toujours retardé depuis 1996. On avait pris l’habitude d’évoquer, à propos de ce rapprochement, le combat des « bleus » et des « rouges » !
Je vous vois inquiet, monsieur le secrétaire d’État…
M. Jean-Jacques Jégou. Ce sont non pas des propos guerriers, mais les noms que se donnaient elles-mêmes les banques populaires et les caisses d’épargne !
Le groupe qui naîtra de la fusion deviendra la deuxième institution bancaire française, avec près de 110 000 salariés et 7 700 agences au service de près de 35 millions de clients. Ce n’est pas rien !
Nous devons attendre de ce rapprochement des deux réseaux bancaires, annoncé le 26 février dernier, plusieurs avantages.
Tout d’abord, il doit permettre d’exploiter au mieux le potentiel économique des deux groupes coopératifs. Avec 22 % des dépôts en France, 527 milliards d’euros d’encours d’épargne et un produit net bancaire qui dépassera 19 milliards d’euros en 2009, la nouvelle structure bancaire issue de la fusion deviendra le deuxième groupe bancaire domestique, se situant au premier rang sur certains segments de clientèle : artisans, commerçants, jeunes, enseignants, associations et économie sociale. Surtout, avec 38 milliards d’euros de fonds propres, le nouvel ensemble sera financièrement plus solide.
Par ailleurs, les deux réseaux seront complémentaires sur le plan commercial, car ils demeureront concurrents et conserveront leur autonomie et leur spécificité dans leur développement commercial, sans se spécialiser par type de clientèle, ce qui risquerait de produire une perte de valeur. Le groupe Caisse d’épargne dispose d’un réseau de 4 780 agences. Il est au troisième rang des banques françaises en termes de réseau bancaire. Le groupe Banque populaire, avec 3 370 agences, se situe au quatrième rang.
Il est cependant attendu de ce rapprochement des deux groupes des synergies et des économies d’échelle, par une mise en commun, afin d’offrir un meilleur service à la clientèle des deux réseaux, des outils industriels tels que les systèmes de paiement, les achats d’espaces et de matériels informatiques et les outils d’exploitation.
Cela étant dit, et au-delà des bénéfices attendus de la fusion, je souhaite revenir sur la raison principale de ce rapprochement, en évoquant la situation de Natixis.
Après les explications que viennent de nous fournir M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur, j’espère ne pas être redondant. Pour avoir vécu, en tant que membre du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, l’opération de vente d’Ixis, banque de financement et d’investissement émanant de la CDC, je peux dire que c’est à partir de cette époque, c'est-à-dire en 2001-2002, que les difficultés sont survenues.
Je ne reviendrai pas sur les dérapages et les tête-à-queue effectués, depuis 1999, par la direction de la Caisse d’épargne, qui a acheté, comme l’a dit M. le rapporteur, à contre-cycle.
Ixis, après avoir été créée puis vendue par la Caisse des dépôts et consignations, a fusionné avec Natexis Banque Populaire pour donner naissance à Natixis. Elle est donc à l’origine des difficultés des deux groupes.
C’est d’ailleurs la banque française qui a été la plus durement touchée par la crise. Elle a perdu encore récemment 1,83 milliard d’euros, du fait de nouvelles dépréciations dans sa structure de cantonnement. Je connais le discours de M. Pérol et de Mme la ministre de l’économie – vous l’avez repris ce soir, monsieur le secrétaire d’État –, selon lequel il est possible de cantonner un certain nombre d’activités. Néanmoins, des capitaux non négligeables peuvent encore être considérés comme « illiquides ». Même si vous les avez placés en gestion extinctive, le risque pourrait concerner de 5 à 20 milliards d’euros, ce qui est particulièrement inquiétant.
Personne ne peut établir un état précis des risques – Mme Nicole Bricq l’a dit –, et les conditions actuelles du marché sont susceptibles de conduire à de nouvelles dépréciations. Personne ne peut donc nous assurer que nous n’assisterons pas, dans un avenir proche, à de nouvelles pertes.
C’est pourquoi, comme beaucoup de mes collègues, ma principale interrogation porte sur la situation financière de Natixis, sur laquelle nous manquons d’éléments. Par ailleurs, l’importante participation financière de l’État dans cette affaire ne manque pas de nous poser question.
L’État consent en effet un effort particulièrement massif. Son soutien, qui vise à accompagner ce rapprochement, s’élève, pour 36 milliards d’euros de fonds propres, à plus de 7 milliards d’euros. Il s’agit de consolider les fonds propres du nouvel ensemble constitué par les deux groupes, Caisse d’épargne et Banque populaire.
Cela servira principalement à assurer l’avenir de sa filiale commune, dont la gestion a été des plus aléatoires ! En réalité, c’est l’activité de financement et d’investissement de cette filiale qui a menacé la solidité financière des deux réseaux de banques de dépôt et de crédit.
Par conséquent, afin d’asseoir la solidité financière du nouvel organe central, qui sera chargé de garantir la liquidité et la solvabilité de l’ensemble du groupe, les autorités ont décidé d’accroître les fonds propres alloués par l’État aux groupes des banques populaires et des caisses d’épargne. Une telle décision nous conduit à nous interroger sur le rôle de l’État et la nécessaire protection de ses intérêts par rapport à cette nouvelle structure.
En contrepartie de cet engagement financier substantiel, l’État disposera, comme vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, d’un droit de regard. Le protocole d’accord prévoit ainsi que le conseil de surveillance du nouvel organe central comprendra quatre représentants de l’État : deux qui le représenteront explicitement et deux personnalités dites « qualifiées », sur lesquelles il est permis de s’interroger. Dans un trait d’humour, Mme Lagarde nous a indiqué qu’aux États-Unis – un pays qu’elle connaît bien ! –, un joueur professionnel de basket pouvait être considéré comme une personnalité qualifiée. En France, pourquoi pas Zinedine Zidane ? (Sourires.) Il conviendra d’apporter quelques précisions sur ce point.
M. Novelli se rappelle certainement que, dans les années quatre-vingt-dix, les représentants de l’État au sein des organes dirigeants du Crédit lyonnais n’ont pas pu empêcher la déroute de cette banque, dont les effets sur les finances publiques ne sont pas encore aujourd'hui totalement effacés. (M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, acquiesce.)
Il faudra donc que nous puissions revenir à un esprit nettement plus coopératif et mutualiste ; maintenant que les sociétaires vont devenir majoritaires, il y aura certainement matière à un comportement différent.
Les décisions les plus importantes – prises ou cessions de participation d’un montant supérieur à un milliard d’euros, augmentations de capital, propositions de modification statutaire susceptible d’affecter les droits des titulaires d’actions de préférence ou changeant les modalités de la gouvernance, etc. – ne pourront être prises qu’à la majorité de quinze membres sur dix-huit. En cas de dérapages, L’État pourra donc bloquer toute décision contraire à ses intérêts – mais il ne faudra pas qu’il botte en touche !
Cependant, l’objectif principal de ce texte est de simplifier la gouvernance de Natixis, dont la position a été fragilisée par son partage entre deux maisons mères. De nombreux dysfonctionnements ont été constatés dans le contrôle de cette filiale. Ses dirigeants ont fait prendre à cette banque de financement et d’investissement des risques inconsidérés, du reste très éloignés des valeurs et de l’objet même des deux réseaux mutualistes et coopératifs.
On peut d’ailleurs regretter que l’un des anciens dirigeants conserve une place dans la future gouvernance. Cette prime à l’échec nous trouble tous, monsieur le secrétaire d’État. (Mme Michèle André et M. Philippe Dominati acquiescent.)
Je ne citerai pas de noms,…
Mme Nicole Bricq. On a compris !
M. Jean-Jacques Jégou. … mais c’est tout de même un peu « fort de café » de voir la même personne qui a présidé aux destinées d’une banque ayant agi comme elle l’a fait continuer à compter parmi les dirigeants, et ce avec l’accord de l’État, lequel aurait été mieux inspiré en lui demandant de prendre quelques vacances…
Espérons donc que le nouvel organe central, qui détiendra 72 % de Natixis, permettra de simplifier la gouvernance de la banque, qui évoluera en société avec conseil d’administration. Dans le même objectif, afin d’assurer une meilleure intégration entre les deux entités, le directeur général de Natixis sera membre du comité de direction générale de l’organe central.
S’agissant de la gouvernance au sein de l’organe central, j’attache, pour ma part, une attention particulière à ce que son caractère coopératif soit garanti, comme celui des deux réseaux. C’est pourquoi je suis satisfait par la disposition que les députés ont adoptée en vue de garantir que les représentants directs des sociétaires détiennent la majorité au sein du futur conseil de surveillance de l’organe central. J’espère que cela suffira à assurer la sérénité du deuxième groupe bancaire français et qu’il saura ainsi se montrer digne de la confiance que tant de nos concitoyens ont accordée à l’un et à l’autre des deux réseaux.
Pour moi, c’est un élément essentiel de la culture mutualiste, qui permet d’éviter une centralisation excessive et de protéger les intérêts des sociétaires.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Jacques Jégou. Le groupe de l’Union centriste votera en faveur de ce texte, monsieur le secrétaire d’État, même si un certain nombre de questions demeurent en suspens et s’il peut susciter, aussi, quelques regrets.
M. Jean-Jacques Jégou. Que le Sénat soit mis, une fois de plus, devant l’impératif du vote conforme ne relève pas franchement, vous me l’accorderez, du bicamérisme bien compris ni d’une parfaite illustration de la démocratie. Nous comprenons toutefois qu’il y a urgence et qu’il ne faut pas remettre en cause les estimations qui ont été faites dans la douleur entre les « bleus » et les « rouges ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui concerne directement les milliers de salariés, les millions de sociétaires et coopérateurs ainsi que les millions de clients et d’usagers des deux réseaux bancaires dont on souhaite célébrer le mariage, en leur forçant quelque peu la main…
Pour modeste que soit ce texte en apparence, il ne faudrait pas en sous-estimer l’importance, aussi bien à court et à moyen terme qu’à long terme.
Sur un plan formel, le contenu de ce projet de loi est limpide. L’article 1er décrit par le menu – ou peu s’en faut – le dispositif de fusion à réaliser. Quant aux articles 2 à 6, ils se réduisent peu ou prou à des articles de coordination, dont l’objet est d’adapter à la mise en œuvre du dispositif prévu par l’article 1er les dispositions législatives annexes relatives à l’un et l’autre des deux réseaux bancaires concernés.
Et puis, comme il fallait bien trouver un point de chute à des mesures d’intérêt capital mais qui, pour le moins, ont été distraites du contenu des lois de finances ou des lois financières dont nous avons débattu depuis le début de la session, voici que les articles 6 bis et 6 ter du projet de loi, adoptés à l'Assemblée nationale avec l’aval du Gouvernement, portent sur la question des paradis fiscaux. Permettez-nous, malgré tout l’intérêt des dispositions à prendre en la matière, de douter quelque peu de la pertinence du véhicule législatif employé.
Ce n’est évidemment que la stricte apparence des choses. Mais elle semble suffire à la commission des finances pour recommander d’adopter conforme le texte du projet de loi, sans y apporter le moindre amendement, en se contentant des corrections qui ont été effectuées à l’Assemblée nationale.
Nous, sénateurs du groupe CRC-SPG, avons une tout autre approche que celle qui consiste à adopter, quasiment sans broncher, un texte de cette nature. Nous souhaitons que ce projet de loi fasse l’objet d’un vrai débat, utilisant l’ensemble des instruments prévus par le règlement de notre assemblée et par la Constitution.
Ce texte mérite bien autre chose, eu égard aux enjeux qu’il recouvre, que cette discussion à la sauvette et cette adoption conforme.
Tout d’abord, ce texte concerne quand même plus de 110 000 salariés, employés, cadres et techniciens, aux métiers au demeurant fort divers.
Les caisses d’épargne sont évidemment connues de nos concitoyens pour être l’un des deux collecteurs historiques du Livret A, ce fameux produit d’épargne qui fait depuis peu l’objet d’une concurrence dont la pertinence n’est pas prouvée.
Mais elles sont aussi des établissements bancaires de réseau, particulièrement présents sur le territoire, menant une démarche de proximité et investis de missions d’intérêt général dont la plupart des banques privées « banalisées » se moquent totalement…
Les banques populaires, pour leur part, obéissent à des règles de fonctionnement qui leur sont propres : fondées sur le statut coopératif, celles-ci permettent également, malgré bien des dérives récentes, de rapprocher l’activité bancaire des territoires et de la demande locale de crédit.
Les banques populaires sont un élément indispensable à l’existence d’un véritable crédit bancaire aux petites entreprises ainsi que, dans une moindre mesure, aux associations et aux particuliers.