M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, sur l'article.
Mme Bernadette Bourzai. Mme Jarraud-Vergnolle, qui a dû rentrer précipitamment dans les Pyrénées-Atlantiques, m’a demandé de la suppléer, ce que je fais volontiers.
Madame la secrétaire d'État, je vais aller droit au but en m’en tenant aux points les plus importants, bien qu’ils ne soient pas les seuls à susciter une inquiétude profonde au sein des associations concernées, chez les personnels et parmi de nombreux élus, autrement dit de quasiment tout le monde à part vous, quant au sort que ce projet de loi réserve au secteur médico-social.
Aussi loin que remonte le serment d’Hippocrate, les médecins ont toujours dû concilier leur pratique avec une exigence de solidarité.
L’hôpital, traditionnel lieu d’accueil des pauvres et des personnes les plus vulnérables, s’est départi peu à peu de ses missions sociales, ce que l’on peut déplorer, pour se concentrer sur sa technicité et sa rentabilité.
De fait, le personnel hospitalier n’a plus le temps d’apporter une réponse d’accompagnement médico-social à cette population. Et tous regrettent de ne plus pouvoir réintégrer la dimension éthique et humaine à leur profession. « L’égalité des soins ne suffit pas à rendre une décision médicale juste si elle n’est pas ressentie comme telle par l’intéressé » insiste Véronique Fournier, responsable du Centre d’éthique clinique.
Il était donc urgent d’articuler le sanitaire et le social afin que puissent se construire des parcours qualitativement adaptés aux besoins de ce public.
Mais, en dépit de l’unanimité qui règne quant à la nécessité d’un décloisonnement entre le sanitaire et le médico-social, la confusion que vous insufflez prive ce secteur de la souplesse qui le caractérise et lui donne tout son sens, puisqu’elle lui permet de s’inscrire dans un champ non limité aux soins et couvrant également la notion d’accompagnement ; cette confusion le prive également, et c’est tout aussi grave, de sa capacité d’innovation.
Pourtant, plusieurs rapports avaient émis des préconisations tout à fait intéressantes : le rapport Ritter de janvier 2008 soulignait que l’un des enjeux de la création des agences régionales de santé était la recomposition de l’offre hospitalière au profit du médico-social, et le rapport Larcher d’avril 2008 recommandait d’organiser la prise en charge multidimensionnelle des personnes fragiles.
La vision purement gestionnaire et non paritaire que traduit votre projet de loi est tout de même bien étriquée.
D’une part, elle cause la perte de l’identité et de la vocation propre du médico-social. À l’instar des professionnels de santé, les travailleurs sociaux s’interrogent sur le sens et la portée de leurs pratiques.
Cette tendance à la confusion est aggravée par l’assimilation systématique des personnes bénéficiaires à des patients, alors que les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes en réinsertion ne sont pas des patients. Cette confusion est renforcée par l’extension des compétences des ARS aux établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, qui, eux, sont financés par l’État et non par l’assurance maladie.
D’autre part, l’instauration d’une nouvelle procédure d’autorisation des établissements par appel à projet, la généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens sont autant d’exemples qui attestent d’une méconnaissance notoire de la valeur ajoutée incontestable qu’apporte au sanitaire le volet médico-social, tel que nous le pratiquons, avant que vous ne le démontiez en vous focalisant sur le soin et l’écrasement de son coût.
En outre, la fin de l’opposabilité des conventions collectives agréées et la suppression des procédures budgétaires contradictoires n’ont-elles pas seulement pour vocation de « responsabiliser les gestionnaires dans le cadre des ressources qui leur sont imparties », comme l’indiquait M. Vasselle lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ? Alors que ce secteur s’oblige à salarier des personnels formés, qualifiés, travaillant souvent dans des conditions difficiles, jour et nuit, usés physiquement et psychologiquement, vous souhaitez bloquer leur déroulement de carrière !
Enfin, la tentation de procéder à des transferts de dépenses entre le sanitaire et le médico-social sans tenir compte du fait que les personnels diffèrent par leur nombre autant que par leur formation et leur coût pose immanquablement la question de l’absence de transferts de moyens et de ressources pour le financement de ces personnels.
Jusqu’à quel niveau les conseils généraux vont-ils devoir contribuer ? Quelles garanties et quelles compensations peuvent être raisonnablement mises en avant pour nous convaincre qu’il ne s’agit pas là d’une astuce budgétaire ?
Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite que, lors de l’examen des amendements tendant à restaurer la notion même de médico-social, nous puissions veiller à ce que ce volet – qui fait la spécificité et la réputation de notre approche, au même titre que certains de nos voisins européens en pointe sur ces sujets – ne soit pas le parent pauvre de ce projet de loi. (M. Guy Fischer s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons, avec l’article 28 de ce projet de loi, les nouvelles compétences des agences régionales de santé en matière médico-sociale.
En réalité, nous avons d’ores et déjà abordé, à plusieurs reprises, ce versant de la restructuration territoriale du système de santé. Ce mardi même, l’examen de l’article L. 1432-10 du code de la santé publique relatif au schéma régional d’organisation médico-social a focalisé nos débats ; c’est en effet un point névralgique de la réforme.
Les inquiétudes dont les représentants d’usagers et d’association responsables d’établissements nous ont fait part et les craintes que nous avions nous-mêmes sont loin d’être atténuées par ce qui a déjà été voté ici.
Vous avez d’emblée fait « sauter » le terme « autonomie » de la dénomination des agences régionales pour, avez-vous dit, conserver au secteur sa visibilité institutionnelle, en quelque sorte effacer pour mieux voir ! Ce premier signe n’est pas bon.
Vous n’avez pas voulu, au sein de ces mêmes agences, de l’appui maintenu des comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale, les CROSMS, qui, à ce jour, ont pourtant, de par leur composition, une appréhension globale du secteur médico-social et dont l’expertise de terrain aurait été fort utile.
Vous avez écarté les élus du conseil national de pilotage et cantonné les représentants des collectivités territoriales au rôle de donneurs d’avis au sein des conseils de surveillance des agences et dans les processus d’élaboration du plan régional de santé.
Vous faites état, certes, de la garantie que constituera le principe dit de « fongibilité asymétrique », qui opérera en même temps que la transformation d’unités de soins de longue durée, ou USLD, en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, un transfert de fonds. Mais, on le sait, celui-ci ne sera pas toujours intégral.
Certes, Mme la secrétaire d’État s’est engagée à consulter l’ensemble des acteurs sur les décrets : c’est d’autant plus nécessaire qu’ils sont prévus en très grand nombre et sont importants. Mais pourquoi alors avoir voulu supprimer la structure qui les fédère et se passer ainsi de leurs compétences ?
Mme la ministre a promis que, dans la plupart des agences régionales, « pour ne pas dire toutes » a-t-elle ajouté, un adjoint au directeur général serait chargé de ce domaine très spécifique qu’est le secteur médico-social.
Mais alors pourquoi ne pas inscrire clairement ces engagements dans la loi ? L’importance de l’articulation des compétences des agences avec celles des conseils généraux, qui doivent s’exercer de manière cohérente sur un même territoire, justifiait de confier ce domaine à un directeur général adjoint. Ce choix était « gagnant-gagnant », puisqu’il réalisait ce à quoi vous vous engagez et donnait un signe très positif aux acteurs du médico-social, car c’est bien d’eux que dépend la réussite de votre réforme, autrement dit sa concrétisation au jour le jour.
Enfin, selon la même méthode, vous avez maintenu d’une main la possibilité de pondérer les voix de certains membres du conseil de surveillance et promis, l’autre main posée sur le cœur, que les représentants de l’État ne disposeraient pas de plus du tiers des voix.
Notre collègue Philippe Leroy a parfaitement décrit la situation en s’interrogeant non pas sur votre sincérité, qui n’est pas mise en doute, mais sur l’avenir. Vous prenez incontestablement le risque de briser les réseaux mis en place et les dynamiques positives enclenchées. Vous maintenez une contradiction fondamentale entre le rôle affirmé de chef de file du département et la compétence générale conférée aux agences régionales de santé.
Ces questions sont celles que nous allons aborder au cours de l’examen de l’article 28.
Je n’évoque à l’instant la question de l’instauration d’un service minimum que pour mémoire, tant cette disposition est caricaturale – nous y reviendrons.
Avant cela, je veux rappeler – vous l’avez-vous-même souligné – la spécificité à la fois structurelle et culturelle du secteur médico-social : ce dernier s’est construit à partir des besoins mêmes de la population et il dépend essentiellement de facteurs humains dans l’élaboration des projets de vie et l’accompagnement. Il fonctionne grâce à l’engagement des associations et des conseils généraux.
Or je crains que cette approche ne soit conciliable ni avec l’évidente logique descendante des agences régionales de santé ni avec les critères d’évaluation de performance et de rentabilité que vous entendez leur faire appliquer.
En tout état de cause, la meilleure garantie de votre bonne foi, la crédibilité de vos engagements, madame la secrétaire d’État, se jugeront à l’aune des avis que vous émettrez sur nos amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi dessine un nouveau cadre pour le secteur médico-social, puisque les questions d’accompagnement et de prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées sont intégrées à la gouvernance des agences régionales de santé. La commission partage le souci de poser des passerelles entre le sanitaire et le médico-social, d’assurer la continuité du parcours de soins et de la prise en charge et, donc, de décloisonner les secteurs sanitaire et médico-social.
Cela étant, elle est consciente que ce nouveau cadre a suscité des inquiétudes, en particulier celle de faire du secteur médico-social, on l’a souvent dit, le « parent pauvre » face au poids du secteur sanitaire. La garantie des fonds dédiés au secteur médico-social grâce au principe de « fongibilité asymétrique » introduit par l’Assemblée nationale est donc une excellente chose.
Dans le même souci, nous avons envisagé, à un moment, de créer un poste de directeur adjoint, chargé du médico-social, avant d’y renoncer pour ne pas figer dans la loi l’organigramme des agences.
Par ailleurs, en ce qui concerne la programmation et la planification médico-sociale, la commission continue de s’interroger sur l’articulation entre le schéma régional et les schémas départementaux d’organisation médico-sociale et, plus globalement, sur le pilotage d’ensemble du dispositif.
Elle plaide également pour une véritable dynamique de concertation entre, d’un côté, l’agence et, de l’autre, les conseils généraux, notamment par le biais de la commission de coordination spécialisée dans le secteur médico-social.
Au-delà de ces réflexions, madame la secrétaire d'État, la commission a tenu à enrichir le volet médico-social du texte.
Tout d’abord, nous avons assigné aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens – les fameux CPOM – conclus par les établissements, des objectifs de qualité de prise en charge à atteindre ; de même, le cahier des charges de l’appel à projets devra garantir, outre une concurrence sincère, loyale et équitable, la qualité de l’accueil et de l’accompagnement des personnes dépendantes.
Ensuite, nous avons créé un statut d’établissement social et médico-social d’intérêt collectif afin de mieux distinguer, au sein des établissements privés, ceux qui ont un but lucratif de ceux qui ont un but non lucratif.
Enfin, nous avons incité les partenaires sociaux à organiser un service minimum en cas de grève dans les établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées et nous leur avons imposé l’obligation de préavis dans cette hypothèse. (M. Paul Blanc applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant que nous ne commencions l’examen des amendements, je souhaiterais répondre aux orateurs qui se sont exprimés sur l’article.
Je voudrais rappeler que ce projet de loi, qui vise notamment à mettre en place des agences régionales de santé, a justement pour objet d’améliorer la coordination des politiques en faveur des personnes âgées et handicapées. Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger longuement sur cette question lors de la discussion sur l’article 26, mais j’aimerais apporter ici quelques précisions.
Madame Bourzai, ce projet de loi n’a pas une finalité uniquement gestionnaire. Il s’agit, en présence des acteurs du secteur, de décloisonner le système, de promouvoir des logiques de filières et d’obtenir une meilleure articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, dans l’intérêt d’une population âgée de plus en plus dépendante.
Vous avez évoqué l’écrasement des coûts. Je vous indique que, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, nous avons obtenu 920 millions d’euros de crédits supplémentaires pour le secteur médico-social, ce qui représente une progression de plus de 8 % du budget en faveur des personnes âgées et une hausse globale de 6,3 %. Ces chiffres sont largement supérieurs à la moyenne d’évolution des autres budgets de l’État.
Vous nous avez également fait part de votre inquiétude en ce qui concerne le transfert des moyens. Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, il est garanti par la fongibilité asymétrique : chaque fois que nous transformerons des unités de soins de longue durée en EHPAD, par exemple, les moyens correspondants seront transférés à hauteur du niveau de dépendance des publics concernés.
M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. C’est dans la loi ! À partir du moment où la loi précise ce principe, ce qui a d’ailleurs fait l’objet d’un débat à l'Assemblée nationale, nous avons la garantie qu’il sera appliqué.
Monsieur Daudigny, vous avez rappelé que les comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale, les CROSMS, apportaient la garantie d’un travail partenarial. J’aurai l’occasion de revenir, lors de la discussion des amendements, sur cette question sur laquelle je me suis déjà exprimée. Vous le savez, notre objectif est bien de réunir l’ensemble des acteurs intervenant dans le champ médico-social, notamment les usagers et les conseils généraux, au sein des différentes instances de gouvernance, qu’il s’agisse des commissions spécialisées ou des commissions d’appel à projets. Nous nous sommes engagés à préparer les décrets dans la concertation, pour donner à chaque acteur la possibilité d’échanger sur la présentation de leur contenu.
Enfin, je veillerai, avec Roselyne Bachelot-Narquin, à ce que la spécificité du secteur médico-social soit bien prise en compte lors de l’élaboration de l’organigramme des agences, qui ne relève pas du domaine de la loi. L’organisation des ARS doit non seulement permettre de décloisonner le système et de développer des logiques de filières, mais également de faciliter le travail avec les départements, qui seront des partenaires au quotidien.
Tels sont les précisions que je souhaitais vous apporter à ce stade.
Je tiens à remercier, au nom du Gouvernement, l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales, notamment son rapporteur et son président, pour leur travail, qui a d’ores et déjà permis d’enrichir le texte, en précisant de nombreux points et en sécurisant le champ du secteur médico-social, auquel le Sénat est très attaché. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 970 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 1108 est présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 2° du I de cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 970.
M. Guy Fischer. Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur viennent, une fois de plus, de tenter d’apaiser les craintes que fait naître l’article 28. Il vise à mettre en œuvre plusieurs réformes dans le domaine du médico-social, notamment à tirer les conséquences de la nouvelle gouvernance née de la création des ARS.
Les interrogations des usagers et des associations sont bien réelles, nous le savons. Allons-nous faire prévaloir la véritable spécificité des établissements médico-sociaux qui, dans notre pays, ont souvent pour origine de grandes associations ? Je pourrais citer nombre d’entre elles, mais je me contenterai de mentionner l’UNAPEI, qui a été créée dans le département du Rhône.
Avec cet amendement, nous entendons nous opposer à une disposition qui, si elle était adoptée, aurait pour conséquence de supprimer les CROSMS. Nous ne sommes pas défavorables à une certaine forme de décentralisation, mais nous souhaitons qu’elle soit plus solidaire. Nous voulons faire vivre une véritable démocratie sanitaire, renforcée par rapport à la situation actuelle.
Nous aurions pu, dans un autre contexte, autour d’un projet politique différent, nous prononcer pour la mise en place d’agences régionales de santé compétentes en matière d’autonomie, de dépendance et de handicap. Mais, madame la secrétaire d’État, vous avez recherché l’affrontement en lieu et place du consensus ; vous avez privilégié l’autoritarisme sur la démocratie ; vous avez favorisé l’offre de soins aux dépens des besoins en santé et en accueil médico-social. Nous n’avons eu de cesse de dénoncer cette situation lors du débat sur l’article 26.
Nous ne pouvons pas non plus accepter que, sous couvert de décentralisation, il soit procédé à la suppression des CROSMS et que le Gouvernement déconstruise des mécanismes qui, depuis des décennies, ont pourtant fait la preuve de leur efficacité et permis de faire respecter le principe de solidarité.
Les très importants débats qui se sont produits dans cet hémicycle hier soir ont montré l’inquiétude des présidents de conseil général et, plus largement, de tous ceux qui ont concouru à la mise en place des établissements médico-sociaux – nous sommes nombreux dans ce cas ici – ou qui participent à leur gestion.
Certains diront que je fais du catastrophisme, mais l’adoption de l’article 28 en l’état serait, à mes yeux, très inquiétante pour le secteur médico-social, dans la mesure où les présidents de conseils généraux pourraient ne plus avoir besoin de consulter l’ensemble des acteurs du secteur médico-social pour adopter – c’est l’un des points du débat – définitivement le schéma départemental d’organisation sociale et médico-sociale.
Nous regrettons que cet amendement déposé à l’Assemblée nationale ait été adopté. La suppression de la consultation des CROSMS sur les schémas départementaux revient en réalité à se priver de compétences et d’analyses diverses et complémentaires sur un schéma qui, arrêté tous les cinq ans, revêt, pour les personnes en situation de dépendance et de handicap et pour leurs familles, une grande importance.
Nous le regrettons d’autant plus que la consultation de cette structure régionale aurait permis de confronter au niveau régional, qui est considéré dans le projet de loi comme pertinent, les différents schémas départementaux dans un souci de solidarité et d’équité territoriale.
Mes chers collègues, vous qui devrez demain élaborer des schémas départementaux d’organisation sociale et médico-sociale, vous savez combien l’association des acteurs est cruciale. Vous n’ignorez pas non plus combien les CROSMS, lieux de concertation et de consultation avec les personnes morales gestionnaires d’établissements et de services médico-sociaux, sont des atouts pour dépolitiser un débat qui n’a d’ailleurs pas lieu de l’être, et pour permettre une prise en compte réelle des besoins. Les CROSMS auraient sans doute dû être modifiés, mais il aurait fallu pour cela consulter les partenaires.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, de voter en faveur de notre amendement, sur lequel nous demandons un scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 1108.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, nous nous associons à la demande de scrutin public de M. Fischer.
Comme lui, nous demandons la suppression du 2° du I de l’article 28, car nous regrettons la disparition des CROSMS. Leur composition leur permet de représenter l’ensemble des partenaires et des décideurs : services déconcentrés de l’État, collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale – ils seront, certes, représentés au sein de l’ARS – ; personnes morales gestionnaires d’établissements, qui sont des membres importants car elles sont souvent à l’origine de la création de ces établissements – vous savez comment tout cela fonctionne dans le domaine du handicap, et il n’est pas nécessaire d’évoquer notamment l’UNAPEI et les Papillons blancs – ; personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux ; usagers ; travailleurs sociaux et professions de santé. Bref, tout un éventail de personnalités capables d’apprécier les problèmes et les évolutions et de prendre les risques nécessaires.
Désormais, comme nous l’avons indiqué lors du débat sur l’article 26, les consignes viendront d’en haut, depuis le conseil des ministres jusqu’au directeur de l’ARS.
Comme M. Daudigny l’a rappelé, il n’y aura même pas de directeur adjoint. Madame la secrétaire d’État, je sais que vous y étiez favorable, mais vous n’avez pas obtenu gain de cause. Peut-être allez-vous trouver une autre solution…
Il est tout de même fâcheux de renoncer à un système qui fonctionne. J’ai l’habitude de dire que, en France, quand quelque chose marche, on s’emploie à le casser !
Mme Michèle André. Absolument !
M. Bernard Cazeau. Et cette remarque est valable dans tous les domaines, pas uniquement dans celui de la santé. En l’occurrence, puisque les CROSMS fonctionnent bien, nous allons envisager d’autres solutions qui n’ont pas été expérimentées et qui ne paraissent pas meilleures. Je regrette ce changement de pied.
Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer le 2° du I de l’article 28.
M. le président. L'amendement n° 1107, présenté par MM. Daudigny, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, M. Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 312-3 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
au Gouvernement
par les mots :
à l'Assemblée des départements de France, aux ministres
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Au 2° du I de l’article 28, il est proposé une réécriture de l’article L. 312-3 du code de l’action sociale et des familles qui définit les missions de la section sociale du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale, le CNOSS et celle des comités régionaux de l’organisation sanitaire et médico-sociale, les CROSMS.
Pour notre part, nous suggérons que l’Assemblée des départements de France, en vue de parfaire sa bonne information, soit également destinataire du rapport quinquennal établi par la section sociale du CNOSS.
Cet ajout constituerait une bien faible contrainte en regard de l’intérêt que représente cette source d’information pour l’ADF, qui est en première ligne de ce secteur. En outre, cela s’inscrirait parfaitement dans la volonté marquée par notre commission d’associer pleinement l’Assemblée des départements de France en décidant, comme elle l’a fait à l’article L. 312-5, que l’ADF est également tenue informée du schéma national d’organisation sociale et médico-sociale établit par les ministres chargés des personnes âgées et des personnes handicapées.
Ces dispositions ne peuvent que favoriser l’installation d’une synergie entre les acteurs du social et ceux du médico-social. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 971, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 312-3 du code de l'action sociale et des familles par les mots :
ainsi que sur tous les projets de décrets d'application de la loi n° du portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Dans le cadre des travaux préparatoires à ce projet de loi, mon groupe, à l’instar de M. le rapporteur, a réalisé de nombreuses auditions. Au reste, j’imagine que tous les groupes ont procédé ainsi. Il faut dire que les inquiétudes étaient nombreuses. D’ailleurs, beaucoup d’entre elles demeurent. Les associations, les organisations syndicales et les collectifs que nous avons rencontrés nous ont effectivement tous fait part de leurs craintes face à un projet de loi qu’ils estiment, à raison, plus dicté par les règles du marché que par la satisfaction des besoins de la population.
À titre d’exemple, sachez que nous avons reçu les deux plus grandes fédérations d’associations gestionnaires d’établissements sociaux et médico-sociaux. Elles nous ont fait connaître leurs inquiétudes face à la suppression des CROSMS, et on les comprend. Elles nous ont également signalé que, à l’occasion d’une rencontre avec elles, le Gouvernement, peut-être par votre voix, madame la secrétaire d’État, s’était engagé à ce que le Comité national de l’organisation sanitaire et sociale, qui rend des avis sur les projets de schéma d’organisation sanitaire, les indices nationaux de besoins, les conditions de fonctionnement, les demandes relevant de la compétence du ministre ainsi que les recours hiérarchiques formés auprès de ce dernier, soit étroitement associé à ce projet de loi.
Le Gouvernement s’étant engagé à ce que le CNOSS soit consulté sur les projets de décrets découlant de l’adoption de ce projet de loi, ce que nous considérons comme très légitime, notre amendement vise donc à inclure dans le projet de loi la consultation du CNOSS sur les décrets rendus nécessaires par les modifications apportées par cet article aux différents codes, notamment au code de l’action sociale et des familles.