M. le président. Nous en sommes parvenus, au sein de l’article 26, à l’amendement n° 1070.
L'amendement n° 1070, présenté par MM. Daudigny, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, M. Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le 2° du texte proposé par cet article pour l'article L. 1434-2 du code de la santé publique, par les mots :
qui tiennent compte des schémas départementaux d'organisation sociale et médico-sociale existants
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement est voisin de ceux que nous avons examinés hier soir, mais il est peut-être moins ambitieux.
Ces derniers jours, plusieurs orateurs, notamment M. Cazeau, ont démontré que, à l’avenir, deux légitimités pourraient s’affronter : celle que la loi conférera aux agences régionales de santé, les ARS, et à leurs directeurs et celle des départements pour ce qui concerne le pilotage des politiques intéressant les personnes âgées et les personnes handicapées, liée aux lois de décentralisation.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, vous avez essayé de nous rassurer sur ce point. Cependant, même si vos arguments étaient quelquefois solides, vos interventions n’ont pas levé toutes les incertitudes et toutes les inquiétudes.
L’article 26 précise bien que les compétences des ARS s’exerceront « sans préjudice et dans le respect de celles des collectivités territoriales ». Il paraît donc utile, dans un souci de cohérence et d’efficacité, de rappeler, tout au long du texte, cette double compétence dans le secteur médico-social. En l’occurrence, l’amendement n° 1070 tend à préciser qu’il sera tenu compte des schémas départementaux d’organisation sociale et médico-sociale existants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, le projet régional de santé tiendra naturellement compte des schémas départementaux, comme le prévoit d’ailleurs l’article L. 1434-10 du code de la santé publique, mais il devra aussi intégrer les actions qui relèvent de l’État. La commission, estimant l’amendement n° 1070 satisfait, vous demande donc de bien vouloir le retirer, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur Daudigny, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler hier à M. Mercier lors de l’examen d’un amendement assez proche de celui que vous venez de présenter, les compétences attribuées aux agences régionales de santé dans le champ médico-social ne remettent pas en cause la répartition des compétences entre l’État et les départements telle qu’elle est issue des différentes lois de décentralisation.
Le présent projet de loi adapte le dispositif en conciliant le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales et les compétences propres dorénavant dévolues aux ARS. Les procédures de planification et les instances de consultation qu’il prévoit répondent à cette nécessité de développer la concertation.
Il s’agit également de mettre en place les outils partagés d’analyse qui permettront la meilleure coordination possible des politiques et des décisions, sans prééminence d’un acteur sur l’autre et sans confusion des rôles et des compétences. Il revient à la commission de coordination chargée des prises en charge et des accompagnements médico-sociaux d’assurer cette articulation et ce dialogue.
Je rappelle que, aux termes du texte proposé pour l’article L. 1434-10 du code de la santé publique, « le schéma d’organisation médico-sociale et le programme prévu à l’article L. 312-5-1 du même code qui l’accompagne sont élaborés et arrêtés par le directeur général de l’agence régionale de santé et de l’autonomie après consultation de la commission de coordination compétente prévue à l’article L. 1432-1 du présent code et avis des présidents des conseils généraux compétents ». Ainsi, même en ce qui concerne l’élaboration du schéma, l’amendement n° 1070 est satisfait par l’actuelle rédaction de l’article 26, qui prévoit que les conseils généraux seront consultés et émettront un avis.
Par conséquent, monsieur Daudigny, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. Guy Fischer. Il ne faut pas la croire ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Daudigny, l’amendement n° 1070 est-il maintenu ?
M. Yves Daudigny. Les propos de Mme la secrétaire d’État me conduisent à le maintenir. Il peut être utile de rappeler, à l’article 26, que la compétence est partagée.
M. le président. L'amendement n° 943, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Dans le 3° du texte proposé par cet article pour l'article L. 1434-2 du code de la santé publique, après les mots :
des personnes les plus démunies
insérer les mots :
, un programme relatif à la santé au travail
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Il s’agit là encore de mieux intégrer au projet régional de santé la problématique de la santé au travail.
Je tiens à rappeler que les conditions de travail sont l’une des sources les plus importantes d’inégalités sociales dans le domaine de la santé. Selon l’étude intitulée Le travail est rendu responsable d’un problème de santé sur cinq de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, publiée en 2004 dans la collection « Premières informations, premières synthèses » et rédigée par Dominique Waltisperger, « toutes pathologies et catégories sociales confondues, le travail est ainsi tenu pour responsable de près d’un problème de santé sur cinq ; mais la proportion peut s’élever à près d’un sur deux pour certaines affections au sein de certaines catégories ». Des travaux ultérieurs ont conforté cette analyse.
Dans notre amendement, nous visons naturellement les accidents du travail et les maladies professionnelles, ainsi que l’usure générale, physique et psychique que peuvent provoquer des conditions de travail pénibles. Cette pénibilité est encore accentuée en cette période de crise, alors que le taux de chômage explose et que l’avenir apparaît incertain à la majorité des familles françaises.
En raison de l’usure que je viens d’évoquer, les ouvriers, notamment, subissent une double peine : non seulement leur espérance de vie est plus courte que celle des cadres et assimilés, mais encore ils vivent plus longtemps que ces derniers avec des incapacités invalidantes.
C’est pourquoi nous considérons que le projet régional de santé doit impérativement tenir compte de ces facteurs et des difficultés spécifiques qu’ils engendrent. Nous avons pris un important retard dans ce domaine de la santé au travail, et il serait bon que chaque région ait une vision claire des choses en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Une fois encore, je souligne qu’il n’appartient pas aux ARS d’intervenir directement en matière de santé au travail. Nous avons largement évoqué ce point, que ce soit au cours de la séance d’hier ou en commission.
Aux termes du dernier alinéa du texte proposé pour l’article L. 1434-2 du code de la santé publique, « le plan stratégique régional de santé prévoit des articulations avec la santé au travail ».
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Le Gouvernement émet bien entendu un avis défavorable. Si je suis d’accord avec M. Fischer pour affirmer que la santé au travail est un élément très important de la santé publique, cette problématique est cependant prise en compte d’une manière tout à fait particulière, en association avec un certain nombre de partenaires autres que les ARS.
La question qui se pose est donc plutôt celle de l’articulation avec les compétences de l’ARS, dont ne relève pas la santé au travail, ce qui est d’ailleurs souhaitable. À cet égard, j’ai déjà indiqué hier que la commission de coordination consacrée à la prévention inclura le directeur responsable de l’emploi et des conditions de travail.
Le projet régional de santé doit-il comporter un programme spécifique sur ce sujet ? Laissons les acteurs s’organiser et utiliser les outils disponibles comme ils l’entendent. Peut-être souhaiteront-ils mettre en place un tel programme, mais peut-être préféreront-ils adopter une optique plus transversale, avec un volet consacré à la santé au travail concernant différents programmes.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 943 pour une raison non de fond, mais de méthode.
M. le président. L'amendement n° 885, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1434-2 du code de la santé publique, après les mots :
la santé au travail,
insérer les mots :
la santé environnementale,
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Lorsqu’ils sont interrogés individuellement, les parlementaires sont en général unanimes : on légifère trop, de façon bavarde, sans qu’il soit pour autant aisé de discerner la volonté exacte du législateur.
Ainsi, madame la ministre, la rédaction présentée par votre projet de loi pour l’article L. 1434-2 du code de la santé publique prévoit que le projet régional de santé sera constitué d’un plan stratégique régional de santé, qui fixera les orientations et objectifs de santé pour la région, de schémas régionaux de mise en œuvre, de programmes déclinant les modalités spécifiques d’application de ces schémas…
Il est bien difficile au commun des mortels de s’y retrouver ! Or voilà que, dans un alinéa complémentaire, on précise que le plan stratégique régional de santé prévoira « des articulations avec la santé au travail, la santé en milieu scolaire et la santé des personnes en situation de précarité et d’exclusion ». On pourrait laisser aux acteurs le soin de s’organiser, comme vous venez à l’instant de l’indiquer, madame la ministre, mais si l’on souhaite définir le plan stratégique régional de santé, alors il ne faut rien oublier. C’est pourquoi notre amendement vise à ajouter que ce dernier prévoira aussi des articulations avec la santé environnementale, thème dont vous avez eu l’occasion de discuter à maintes reprises avec M. Desessard ces derniers jours et dont l’omission dans le texte fait sens.
À cet égard, je voudrais évoquer l’exemple de la région Nord-Pas-de-Calais, qui a mis en place un plan régional « santé-environnement ». La notion de santé environnementale englobe tous les aspects de la santé et de la qualité de vie de la population liés à l’action des facteurs biologiques, chimiques ou physiques de l’environnement, qu’ils soient d’origine naturelle ou anthropique, l’ambition étant de maîtriser les risques et de contenir les agresseurs qui leur sont associés.
Le plan régional mis en place dans le Nord-Pas-de-Calais est organisé selon quatre axes : développer la capacité d’action régionale, à l’échelon tant des institutions que des acteurs locaux ; améliorer et utiliser les connaissances sur les risques sanitaires liés à l’environnement pour agir sur les représentations et orienter l’action publique ; éviter ou limiter les sources de nuisances et les expositions humaines aux nuisances ; accompagner les personnes et réparer les conséquences de l’action des nuisances environnementales sur la santé.
Il me semble que c’est là un bon exemple à suivre. Aussi proposons-nous d’inclure un volet relatif à la santé environnementale dans le plan stratégique régional de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Madame la sénatrice, le projet régional de santé, défini à l’article L. 1434-1 du code de la santé publique, est constitué notamment d’un schéma régional de santé, défini à l’article L. 1434-5 du même code, où il est fait référence à la santé environnementale.
Votre amendement nous semble donc satisfait. C’est pourquoi nous vous invitons à le retirer ; à défaut, nous émettrons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’articulation entre le projet régional de santé, le plan stratégique régional de santé, les schémas et les programmes est d’une grande logique, les actions publiques d’envergure présentant d’ailleurs toujours à peu près la même structure.
Par définition, le plan stratégique régional de santé ne comporte pas de volets. Nous étudierons ensuite le cas des schémas et des programmes.
Comme je l’ai indiqué hier soir à M. Desessard, la santé environnementale fait évidemment pleinement partie du champ de compétence de la future agence régionale de santé, et le plan stratégique régional de santé comprendra naturellement des orientations et des objectifs dans ce domaine.
Mentionner la santé environnementale pourrait même s’avérer contre-productif, madame la sénatrice. En effet, cette problématique ne doit pas être enfermée dans un ghetto : elle doit au contraire être prise en compte dans tous les aspects des politiques de santé publique, de prévention et de prise en charge. Il ne faut pas donner à penser que la santé environnementale ne ferait pas partie du champ de compétence de l’ARS. En conséquence, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
J’aurai sans doute l’occasion de le redire à de nombreuses reprises : méfions-nous des énumérations dans la loi, car elles ne sont jamais exhaustives, préférons-leur des définitions générales.
M. Alain Milon, rapporteur. Tout à fait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. La rédaction présentée par le texte pour l’article L. 1434-5 du code de la santé publique, qui selon M. le rapporteur satisfait l’amendement que j’ai défendu, prévoit en fait que « le schéma régional de prévention – et non le projet régional de santé – inclut notamment des dispositions relatives à la prévention, à la promotion de la santé, à la santé environnementale et à la sécurité sanitaire ». Nous sommes là dans un champ tout à fait différent !
Par ailleurs, je suis d’accord avec vous, madame la ministre : les énumérations sont dangereuses dans la loi, car elles ne sont jamais complètes. Or l’alinéa sur lequel porte mon amendement n’évite pas cet écueil, puisqu’il ne mentionne ni la santé environnementale, ni les personnes en situation de handicap, ni les personnes âgées, et notamment les CLIC, les centres locaux d’information et de coordination, permettant la coordination gérontologique : il n’est donc pas certain que ces thèmes soient pris en compte. Il aurait été préférable, à mon sens, d’en rester à la définition générale selon laquelle le plan stratégique régional de santé « fixe les orientations et objectifs de santé pour la région ».
Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement, tout en appelant de mes vœux une loi plus concise, moins descriptive et plus robuste au regard de ce qu’elle emporte en termes de décision publique.
M. le président. L'amendement n° 885 est retiré.
L'amendement n° 942, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.1434-2 du code de la santé publique, après les mots :
la santé au travail,
insérer les mots :
la santé en milieu carcéral,
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. On ne compte plus les rapports – à commencer par celui de la commission d’enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, publié en 2000 et intitulé « Prisons : une humiliation pour la République » – témoignant que la prison demeure un lieu où l’accès aux soins et la protection de la santé et de la dignité de la personne détenue, notamment malade, handicapée ou en fin de vie, ne sont pas assurés.
Les objectifs inscrits dans la loi du 18 janvier 1994 plaçant les soins en milieu pénitentiaire sous la responsabilité du ministère de la justice sont très loin d’être atteints, en particulier en matière d’équivalence entre les soins prodigués au sein des prisons et ceux qui sont dispensés à l’extérieur.
Les conditions d’hygiène sont souvent déplorables, ce qui facilite la propagation des maladies infectieuses. Quand le secret médical n’est pas bafoué, c’est la loi qui impose au personnel médical de passer outre et de prévenir le directeur de l’établissement pénitentiaire en cas de comportement dangereux du patient. Les extractions des détenus malades sont organisées dans une perspective uniquement sécuritaire, quand elles ne sont pas tout simplement annulées. Nombre de détenus présentent des conduites addictives et sont dépendants de la drogue et de l’alcool. Enfin, ils sont de plus en plus souvent atteints de troubles mentaux et ne sont pas à leur place, pour la plupart, dans un établissement pénitentiaire. Les moyens actuels ne permettent pas un suivi adapté. Pourtant, l’univers carcéral ne doit pas être un lieu où l’état de santé des personnes s’aggrave par manque de soins !
Dans son avis du 19 janvier 2006 sur la préservation de la santé, l’accès aux soins et les droits de l’homme, la Commission nationale consultative des droits de l’homme déclarait :
« Il n’est pas admissible qu’une personne obligée de payer sa dette à la société par une peine de prison puisse se voir également assujettie à une limitation de l’accès à la santé, et notamment de l’accès à des actions préventives que justifie une vulnérabilité particulière. La détérioration de la santé d’un détenu est un déni de droit, et se paie par l’alourdissement des obligations pesant le moment venu sur la société. Les conditions à réaliser pour rendre effectif le droit à la santé en prison reposent sur un ensemble de mesures concrètes qui ont été parfaitement recensées. Le problème est de passer à l’acte. »
Nous attendons que le Gouvernement passe à l’acte ! Le problème de la santé en milieu carcéral est loin d’être réglé, et il ne le sera guère plus si le projet de loi pénitentiaire en cours de navette est un jour finalement adopté, car ses dispositions restent bien en deçà des besoins et des exigences dictées par les règles pénitentiaires européennes, dont l’application est, de surcroît, gelée par la garde des sceaux.
C’est pourquoi le plan stratégique régional de santé doit intégrer la problématique de la santé des personnes détenues et de l’accès aux soins en milieu carcéral.
M. Guy Fischer. Parfait !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Les soins dispensés aux détenus en milieu carcéral ou en milieu hospitalier font partie des missions de service public relevant des ARS. Cela est d’ailleurs spécifié expressément à l’article 1er, dans la rédaction présentée pour l’article L. 6112-1 du code de la santé publique.
Les dispositions nécessaires seront donc incluses directement dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, conclus avec les établissements de santé.
En conséquence, nous demandons le retrait de cet amendement ; sinon, nous émettrons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien entendu, le plan stratégique, les schémas et les programmes qui en déclinent les modalités opérationnelles devront prendre en compte cette dimension, sur le plan réglementaire si cela est nécessaire et, en tout état de cause, dans les priorités d’action assignées aux ARS. Il n’est donc pas utile d’apporter cette précision dans le texte. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Votre argumentation ne me convainc pas, madame la ministre, d’autant que le texte ne fait jamais mention, à ma connaissance, de la santé en milieu carcéral. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Le problème de la santé dans le monde carcéral est sous-estimé. Des efforts ont certainement été faits dans ce domaine au cours de ces dernières années, mais j’ai néanmoins été choqué par ce que j’ai pu constater lors des visites de prisons que j’ai effectuées en qualité de parlementaire.
Par exemple, à Lyon, si le récent transfert de la maison d’arrêt dans le nouvel établissement de Corbas a permis d’améliorer quelque peu les conditions de détention, la surpopulation carcérale demeure, avec toutes les difficultés qui en découlent, notamment en termes de comportement carcéral et d’état sanitaire. Ainsi, les jeunes détenus, qui connaissaient déjà des problèmes sanitaires avant leur arrestation, voient leur état de santé s’aggraver.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas toujours vrai ! Quelquefois, cela constitue pour eux la première occasion d’être soignés !
M. Guy Fischer. Je suis d’accord avec vous, monsieur About, mais il n’en reste pas moins que la surpopulation carcérale rend plus difficile l’accomplissement de ces missions sanitaires.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce sont des pathologies très particulières !
M. le président. L’amendement n° 886, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 1434-2 du code de la santé publique par les mots :
, notamment des personnes accueillies en centre d’hébergement d’urgence
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. En écoutant François Autain évoquer la situation sanitaire dans les prisons, j’avais le sentiment que j’aurais pu transposer pratiquement mot pour mot son argumentation – privation de liberté mise à part, bien sûr – à l’état de santé des personnes accueillies en situation d’urgence.
Nos deux amendements ont pour objet essentiel de mettre l’accent sur des situations sanitaires désastreuses, en particulier celle des personnes accueillies en centre d’hébergement d’urgence, que leur état de santé trop longtemps négligé conduit souvent dans les services des urgences des hôpitaux, avec les difficultés que l’on connaît au moment de la sortie : les renvoyer dans des centres surchargés, c’est difficile ; les renvoyer à la rue, c’est inacceptable.
Le plan stratégique régional de santé, qui, bien sûr, comporte déjà des éléments relatifs à la santé des personnes en situation de précarité ou d’exclusion, doit mettre l’accent sur les personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence et prévoir des dispositions spécifiques à leur égard.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Il a déjà été rappelé que le projet régional de santé doit inclure un « programme relatif à l’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies », qu’elles soient hébergées ou non. Les personnes accueillies en centre d’hébergement d’urgence relèveront de ce programme. L’amendement n° 886 nous semble par conséquent satisfait.
Il n’est par ailleurs pas utile de développer la définition des personnes en situation de précarité ou d’exclusion.
Nous demandons donc le retrait de l’amendement. À défaut, nous émettrions un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Hier, la discussion de l’amendement n° 879 de M. Desessard et du sous-amendement n° 1318 rectifié nous a donné l’occasion de souligner combien nous étions attentifs à cette question de l’accueil dans les structures d’urgence. Toutefois, il ne faudrait pas risquer, en mettant l’accent sur les personnes accueillies en centre d’hébergement d’urgence, d’occulter d’autres types de publics. La notion de public en situation de précarité et d’exclusion inclut bien évidemment les personnes accueillies en structures d’accueil et d’hébergement d’urgence, mais aussi toutes les autres personnes en situation de précarité. Il nous semble utile de garder une formulation générale.
Hier, M. Desessard a eu satisfaction, puisque son amendement tendant à ouvrir l’accès aux soins à tous ces publics, et non aux seules personnes accueillies dans les structures d’hébergement d’urgence, a été adopté. Ce point est donc explicitement précisé dans le projet de loi.
M. le président. Madame Voynet, l’amendement n° 886 est-il maintenu ?
Mme Dominique Voynet. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1315, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l’article L. 1434-3 du code de la santé publique, supprimer les mots :
de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, des collectivités territoriales et
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La rédaction retenue par la commission pour l’article L. 1434-3 du code de la santé publique prévoit que la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, la CRSA, et les collectivités territoriales donneront un avis sur le projet régional de santé, le PRS.
Je l’ai dit et répété, la démocratie sanitaire est au cœur du projet que je défends. (Murmures sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Oui ! Bien sûr !
M. François Autain. Vous avez une bien curieuse manière de la défendre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je m’adresse à ceux d’entre vous qui sont actuellement élus locaux ou membres d’une association promouvant un projet de santé : quand vous demande-t-on votre avis ? Peut-être, si vous siégez au conseil général, sur les questions médico-sociales ? Mais sur les politiques menées à l’hôpital, vous n’avez pas votre mot à dire, pas plus que sur la médecine de ville ! Et quelle vision d’ensemble avez-vous des politiques de santé ? Aucune !
Le projet de loi tel qu’il vous a été transmis par l’Assemblée nationale change radicalement les choses. Mon ambition est de renforcer la démocratie sanitaire. Cela m’a amenée à donner mon plein accord à l’élargissement des compétences de la CRSA et du conseil de surveillance de l’ARS afin de leur permettre de formuler un avis sur le plan stratégique régional de santé. Ce plan stratégique est en effet le document fondamental, où seront inscrits les objectifs de la région en matière de santé et la stratégie de l’ARS pour les atteindre, ainsi que les priorités d’action de celle-ci.
Concrètement, cela signifie que tous les élus – puisque les collectivités locales disposeront de représentants au sein tant de la CRSA que du conseil de surveillance de l’ARS – auront un droit de regard sur la totalité des politiques de santé conduites dans la région. Il s’agit d’un progrès majeur : cela vous permettra à tous, en tant qu’élus locaux, de prendre directement part à la préparation et à l’évaluation des politiques de santé menées en région.
La différence entre le plan stratégique régional de santé, qui conditionne toute la politique de l’ARS et sur lequel la CRSA émettra déjà un avis, et le projet régional de santé réside dans le fait que ce dernier est la déclinaison de tous les aspects opérationnels de l’action de l’agence et détaille ses faits et gestes. Qu’apporterait l’obligation de consulter tous les partenaires de l’ARS, toutes les collectivités territoriales de la région sur le PRS ? De la lourdeur, rien de plus ! On ne réunit pas les élus, les collectivités locales, les forces vives de la région pour entrer dans le détail des choses !