Mme la présidente. Nous en avons terminé avec ce débat sur l’avenir de la presse.
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Conseil européen des 19 et 20 mars 2009
Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen des 19 et 20 mars 2009.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Bruno Le Maire, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, cher Hubert Haenel, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, cher Josselin de Rohan, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de venir m’exprimer à nouveau devant vous. Je vous remercie d’avoir organisé cette séance, qui va me permettre de vous présenter l’ordre du jour du prochain Conseil européen qui se déroulera les 19 et 20 mars prochains.
Comme il est de tradition, le Conseil européen de printemps sera principalement consacré aux questions économiques. Il revêt une importance particulière, car il préparera le sommet du 2 avril à Londres, l’une des réunions les plus importantes de l’agenda international de 2009. Il s’agira d’un rendez-vous essentiel puisqu’il visera à trouver des points d’accord au niveau mondial pour apporter des réponses collectives à la crise grave qui affecte l’économie mondiale.
Les dernières projections européennes et internationales dessinent en effet un tableau très sombre de la situation économique et sociale à laquelle l’Europe devra faire face dans les prochains mois.
La France s’est attachée, durant sa présidence, à favoriser une réponse concertée et coordonnée à la crise de la part de l’Union européenne et de ses membres.
En octobre, un cadre a été fixé pour permettre l’adoption de mesures d’urgence en faveur du secteur financier et bancaire, et pour préserver les conditions de financement de l’économie. Nous savons aujourd’hui qu’il s’agit de l’une des questions essentielles pour relancer l’activité économique des PME, des TPE et des grandes entreprises. En décembre, une « boîte à outils » a été définie pour soutenir l’activité économique. Sur le plan international, l’appel de la France et de l’Union à une réforme du système financier international a conduit au sommet de Washington, le 15 novembre. Nous avons donc, durant toute la présidence française de l’Union européenne, préparé les étapes d’une réorganisation du système financier et économique international.
Les mesures de garantie et de recapitalisation préventive qui ont été arrêtées conformément au plan d’octobre ont permis d’éviter une débâcle financière en Europe : aucune banque n’a fermé ses portes, aucun compte en banque de particulier n’a disparu au cours des derniers mois.
Une forte impulsion budgétaire a également été donnée : au total, l’effort engagé par l’ensemble des États européens représente plus de 440 milliards d’euros, soit une contribution comprise entre 3,5 % et 4 % du produit intérieur brut si on inclut le jeu des stabilisateurs automatiques, qui sont puissants dans les pays européens. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet au cours de notre débat, mais je ne vois pas pourquoi les pays européens, lesquels ont un système social qui leur coûte cher et qui permet de participer à la relance budgétaire, ne tiendraient pas compte, dans l’ensemble de leurs plans de relance, du volume de ces stabilisateurs automatiques.
Nous devons poursuivre cet effort et conserver à l’Union son rôle d’impulsion : c’est l’enjeu assigné au prochain Conseil européen, comme l’a rappelé le Président de la République il y a quelques jours, à Berlin, en plein accord d’ailleurs avec la Chancelière fédérale d’Allemagne, au terme d’un travail considérable qui a abouti à un franc succès. La France et l’Allemagne sont d’accord pour renforcer le système financier international ainsi que les mesures visant à réorganiser le système financier mondial, et pour faire de ce Conseil européen un succès.
Nous attendons du prochain Conseil européen qu’il exprime trois volontés.
Tout d’abord, le Conseil européen doit exprimer une volonté d’action, afin de poursuivre et de renforcer nos efforts communs en réponse à la crise.
Des mesures nouvelles sont indispensables pour assurer la stabilité et la surveillance du système financier. C’est une condition nécessaire au retour de la confiance et à un assouplissement durable des canaux de crédit. Nous le constatons tous dans nos circonscriptions, dans nos régions : des efforts ont été faits par les banques, mais ces efforts ne sont pas suffisants pour permettre, aujourd’hui, un financement satisfaisant des PME, des TPE, et donc une relance forte de l’activité économique.
Dans cette perspective, nous souhaitons que le Conseil européen fixe une orientation et un calendrier précis pour la mise en œuvre du rapport de Larosière sur la supervision en Europe. Les premières décisions devront être prises en juin. Dans la communication qu’elle a présentée en vue du Conseil européen, la Commission a confirmé qu’elle y était prête : nous nous en félicitons. Nous jugerons aux actes.
Votre commission des finances a entendu M. Jacques de Larosière aujourd’hui même ; je ne reviendrai donc pas sur le détail du rapport qu’il a présenté le 25 février dernier. Je précise simplement que nous en appuyons les recommandations sur la supervision : leur mise en œuvre rapide doit permettre de combler les graves lacunes que la crise financière a révélées dans nos mécanismes de régulation et de supervision.
Par ailleurs, la Commission a annoncé la présentation prochaine de nouvelles propositions réglementaires fortes dans le domaine financier : sur les rémunérations, sur l’encadrement des fonds d’investissement, sur les échanges de produits dérivés, sur l’encadrement de la prise de risque dans les établissements financiers. Même si tous ces termes peuvent paraître techniques, derrière chacun d’entre eux se dessine une vraie question politique : voulons-nous, oui ou non, réorganiser le système financier international ? Cela passe par des décisions techniques fortes sur l’ensemble des sujets que je viens d’indiquer.
La Commission a aussi approuvé, le 25 février, des lignes directrices sur le traitement des actifs dépréciés auxquelles il appartient désormais aux États membres de se conformer.
Je l’ai dit, nous sommes aujourd’hui au-delà des objectifs que nous nous étions fixés en décembre. Les objectifs alors retenus étaient les suivants : 1,5 % du PIB et 175 milliards d’euros. Il ne s’agit donc pas d’échafauder de nouveaux plans de relance, comme certains veulent nous y inciter, mais de poursuivre la mise en œuvre des mesures prises et de mieux orienter les efforts vers les secteurs structurants de nos économies. Nous estimons ainsi important que des voies soient tracées pour de nouvelles initiatives, notamment de nature sectorielle et dans le domaine de la recherche-innovation, afin de renforcer la compétitivité de nos entreprises.
De façon plus générale, des progrès sont nécessaires dans la coordination de nos politiques économiques. Le 12 mars dernier, lors du conseil des ministres franco-allemand, l’Allemagne et la France sont convenues de « renforcer la coordination de leur politique économique contre la crise économique et financière ». Je souhaite que cet accord soit l’amorce d’une évolution plus large en Europe. Nous avons besoin que la France et l’Allemagne travaillent étroitement ensemble à coordonner leurs politiques économiques si nous voulons qu’une politique économique européenne commune, nécessaire face à la crise, voie le jour.
Ensuite, et c’est une deuxième attente, le Conseil européen doit confirmer sa volonté de solidarité, que nous devons aux pays européens les plus vulnérables, en particulier nos partenaires d’Europe centrale et orientale.
Le débat s’est parfois concentré, au cours des derniers jours, sur la question de l’assouplissement des critères ou du calendrier d’entrée dans la zone euro : il paraît difficile d’aborder pour le moment ces sujets, d’ailleurs réglés par les traités.
En revanche, nous devons identifier les mesures supplémentaires, en particulier financières, qui peuvent être prises pour assister nos partenaires en difficulté. Vous savez que 25 milliards d’euros ont déjà été débloqués pour les pays d’Europe centrale et orientale qui rencontraient des difficultés financières. Nous devons examiner si des dépenses supplémentaires, en geste de solidarité à l’égard de ces États, ne sont pas aujourd’hui utiles.
Enfin, le Conseil européen doit exprimer une volonté d’unité dans la perspective du prochain sommet du G20, à Londres.
Le Président de la République l’a dit : la rencontre de Londres doit permettre d’aboutir à des résultats forts, substantiels et concrets dans la mise en œuvre du plan d’action de Washington. Au total, tous les acteurs financiers et tous les produits doivent être soumis à des procédures de surveillance et de contrôle, voire à des sanctions, comme dans le cas des paradis fiscaux.
Nous attendons des avancées concrètes sur la transparence et la régulation financières, l’intégrité des marchés, la coopération internationale et le renforcement des institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international, le FMI.
D’autres sujets seront évoqués à l’occasion du Conseil européen par les chefs d’État et de gouvernement. Je les évoque brièvement, car ils ne seront pas au cœur des débats.
Le Conseil européen approuvera tout d’abord un ensemble d’orientations en matière de sécurité énergétique, concernant en particulier l’amélioration de l’efficacité énergétique, la diversification des sources et des routes d’approvisionnement, le dialogue avec les principaux partenaires énergétiques.
Le Conseil européen sera invité à arrêter les lignes directrices de l’Union en vue de la préparation de la Conférence des Parties sur le changement climatique qui se tiendra à Copenhague, en décembre prochain.
Dans cette perspective, l’Union européenne doit naturellement confirmer le message ambitieux qu’elle avait délivré lors de la présidence française.
Au titre des relations extérieures, le Conseil européen saluera le lancement du partenariat oriental en vue du sommet qui réunira à Prague, le 7 mai, les Vingt-Sept et les six pays concernés. Nous appuyons cette initiative, qui vient enrichir la politique de voisinage dans laquelle elle s’inscrit.
Parallèlement, le Conseil européen réaffirmera son soutien à l’Union pour la Méditerranée, l’UPM, en appelant tous les partenaires à travailler à la mise en œuvre des projets de celle-ci et à la mise en place rapide de ses structures.
Le Conseil européen évoquera, enfin, le processus de ratification du traité de Lisbonne et les travaux conduits pour assurer la traduction juridique des engagements pris en décembre dernier à l’égard de l’Irlande. Il ne s’agira pas d’une discussion de substance, qui doit intervenir au Conseil européen de juin, mais d’un point d’information.
Naturellement, la France rappellera son attachement au traité de Lisbonne et son espoir qu’une nouvelle consultation sera bien organisée en Irlande pour autoriser l’entrée en vigueur du traité d’ici à la fin de l’année.
Telles sont les principales attentes pour le prochain Conseil européen. Vous le voyez, celles-ci sont concentrées sur les questions économiques et financières. Notre feuille de route a été dessinée à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, à la fois sur des questions économiques et sur des questions financières. Un certain nombre de rendez-vous, au cours des mois de janvier et de février, nous ont permis de progresser dans la réalisation de cette feuille de route. Le conseil des ministres franco-allemand, important et fondateur, a permis de sceller une nouvelle union entre la France et l’Allemagne sur ces sujets et nous fera avancer encore davantage lors du Conseil européen et du G20 de Londres.
Notre objectif est bien de conforter le rôle de l’Europe, d’avoir une Europe politique qui rende plus efficace le modèle de régulation qui la caractérise. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen des 19 et 20 mars sera essentiellement consacré à la situation économique et financière qui affecte l’économie mondiale et les économies nationales de manière profonde et durable.
Depuis l’automne dernier, l’Europe a pris un certain nombre de mesures pour traiter de la dimension financière de la crise ainsi que de ses causes. Les décisions prises touchent à la réforme du secteur financier, notamment en matière de supervision, aux mesures pour relancer l’économie réelle et traite naturellement des préoccupations dans le domaine de l’emploi.
Il est toutefois évident que les conséquences géopolitiques de cette crise seront importantes et elles me paraissent, à ce stade, encore insuffisamment évaluées. La crise présente un caractère mondial. Certes, il est tout à fait compréhensible que le Conseil européen confirme la volonté des États membres d’agir dans le cadre de l’Union européenne. En effet, le rétablissement des équilibres et le fait de regagner la confiance que les investisseurs, les consommateurs et les entreprises sont en droit d’attendre s’agissant de leur épargne, de leur accès au crédit et de leurs droits en ce qui concerne les produits financiers sont des éléments fondamentaux de la relance et de la contribution de la zone européenne à la résolution collective de la crise mondiale. Cette assertion souligne du reste l’importance d’une bonne coordination entre l’ensemble des acteurs étatiques et régionaux.
Il est néanmoins significatif que le projet de conclusions, à la tonalité plutôt optimiste sur les capacités de l’Union européenne à surmonter la crise, ne mentionne que dans son annexe 1, consacrée aux éléments de langage préparatoires au sommet du G20 à Londres, la nécessité de prendre en compte l’assistance aux pays en développement pour répondre aux effets de la crise. Cette annexe propose de promouvoir le développement global comme une partie de la solution à la crise et une base pour promouvoir la paix et la stabilité. Elle appelle également à respecter nos engagements d’accroissement de l’aide au développement dans le cadre des objectifs du Millénaire.
L’approche économique et financière du Conseil européen, complétée par celle du G20, doit mieux prendre en compte l’ampleur de la crise et ses conséquences géopolitiques. À cet égard, deux rapports récents devraient être pris en compte par le Conseil pour affiner sa réflexion.
Le premier est le rapport annuel d’évaluation des menaces que les seize agences de sécurité et de renseignement américaines ont transmis au Sénat des États-Unis, en février dernier. Ce rapport, présenté par l’amiral Dennis Blair, directeur national du renseignement, identifie comme première menace menaçant la sécurité globale des États-Unis la crise économique mondiale et son impact déstabilisateur sur les alliés et les adversaires, « y compris la probable diminution de la capacité des alliés des États-Unis pour assurer leur défense et leurs obligations humanitaires ».
Comparé aux rapports précédents, il s’agit de la principale innovation de l’analyse de seize agences de sécurité américaines. La communauté du renseignement américain indique que « la première question qui se pose à court terme à la sécurité des États-Unis est la crise économique mondiale et ses implications géopolitiques », avant même le terrorisme international.
Outre le recours d’un nombre croissant de pays à l’aide internationale multilatérale ou bilatérale, ou aux demandes auprès du FMI, le rapport souligne la perspective possible d’une vague destructive de protectionnisme et les risques pour un certain nombre de pays en Amérique latine, dans l’ancienne Union soviétique et dans l’Afrique subsaharienne de connaître une forte instabilité politique si la crise économique perdure au-delà d’un an ou deux ans.
Il met également l’accent sur les risques de flux de réfugiés fuyant les conséquences de la crise économique.
Seul aspect positif, la baisse des prix du pétrole, outre le fait qu’elle profite aux consommateurs, entraîne la baisse des revenus d’un certain nombre d’États producteurs, comme l’Iran ou le Venezuela, ce qui limite leur « aventurisme ».
La perception de cette crise par un certain nombre de pays dans le monde fait porter la responsabilité aux États-Unis et, plus largement, aux pays développés, ce qui nuit évidemment à l’image de l’Occident dans le monde et ne sera pas sans conséquences politiques.
En se référant à la crise économique mondiale, l’amiral Blair a déclaré : « Le temps est probablement notre plus grande menace. Plus il faut de temps pour amorcer la reprise, plus il existe un risque d’effets graves pour les intérêts stratégiques des États-Unis ». Je crois que le même raisonnement peut s’appliquer à l’Europe. Nous sommes indiscutablement confrontés à une situation d’urgence.
Le second rapport, élaboré par le FMI, s’intéresse aux incidences de la crise financière sur les pays à faibles revenus. Il constate que cette crise « remet en question les progrès considérables accomplis par de nombreux pays à faibles revenus au cours de la décennie écoulée, qui ont rehaussé leur croissance économique, fait reculer la pauvreté et sont parvenus à une plus grande stabilité politique ».
Il estime à « au moins » 25 milliards de dollars de financements concessionnaires urgents les sommes qui seront nécessaires en 2009 pour répondre aux besoins de la plupart des pays touchés.
Selon Dominique Strauss-Kahn, « une baisse de la croissance pourrait avoir des conséquences graves pour la pauvreté et, peut-être, pour la stabilité politique ».
Le rapport conclut que « la crise mondiale pèsera lourdement sur les exportations des pays à faibles revenus, ainsi que sur leurs entrées d’investissements directs étrangers et les envois de fonds des travailleurs à l’étranger. En conséquence, on peut s’attendre à une forte baisse des recettes budgétaires de ces pays et de leurs réserves de change. »
Les conséquences de cette baisse des revenus peuvent être extrêmement importantes non seulement en termes économiques, avec leurs répercussions sur l’immigration, mais aussi en termes de sécurité puisqu’il est évident que l’extrémisme et le terrorisme trouvent un climat favorable dans la fragilisation des structures étatiques et dans la misère. Cette déstabilisation d’États structurellement fragiles peut conduire à un accroissement des conflits internes, voire interétatiques.
S’agissant du FMI, on peut se réjouir que la réunion des ministres des finances du G20, qui s’est tenue le 14 mars, ait souligné la nécessité d’augmenter ses ressources « de manière substantielle » pour qu’il accroisse son aide aux pays en difficulté.
Par ailleurs, l’ONU est en train de préparer, avec certaines difficultés, la tenue d’une conférence sur les conséquences de la crise en matière de développement. Il convient que l’Europe et le G20 adressent aux pays en développement un message clair sur leur volonté de maintenir l’effort en matière de développement et d’aboutir à la réalisation des objectifs du Millénaire.
J’observe que la conférence qui s’est tenue la semaine dernière à Londres sur l’initiative des autorités britanniques tient un langage très clair sur ces questions. Le Premier ministre, Gordon Brown, veut faire du G20 l’occasion d’un « global new deal », réaffirmant l’engagement du Royaume-Uni en matière d’aide au développement et la pleine actualité des objectifs du Millénaire. Il reprend même à son compte l’idée française de créer un fonds fiduciaire pour aider les plus pauvres à faire face à la crise et aider les pays en développement à assurer une couverture sociale aux plus vulnérables.
Il conviendrait également d’envisager, sans faiblesse ni complaisance, une relance des négociations commerciales internationales engagées dans le cadre de l’OMC. La conclusion des accords de Doha devrait avoir un impact de 1 à 2 points sur la croissance mondiale.
Enfin, l’ordre du jour du Conseil traite du changement climatique et de la préparation de la conférence de Copenhague. Les conséquences économiques et géopolitiques du changement climatique sont également porteuses d’insécurité. La multiplication des catastrophes naturelles, la montée des eaux, l’accès à l’eau et la gestion de cette ressource ainsi que l’aggravation éventuelle de la crise alimentaire mondiale du fait de la sécheresse, qui s’ajoutent à la baisse des ressources étatiques pour financer les importations nécessaires, se traduiront inévitablement en termes de conflits et de mouvements de populations.
Par ailleurs, la diminution des ressources des pays en développement ne manquera pas d’avoir des effets en matière écologique, en particulier sur leur capacité à prendre des engagements conformes au protocole de Kyoto.
C’est dans cet esprit que les conclusions du Conseil appellent l’Union européenne à apporter « une attention spéciale aux besoins des pays développés les plus vulnérables » – phrase qui n’est sans doute pas à la hauteur du message politique qu’il faudrait envoyer.
En conclusion, pour reprendre les propos du Président de la République lors de sa visite d’État au Mexique : « Pour faire face à cette crise, la coopération n’est pas une option, c’est une absolue nécessité. » Il ajoutait : « L’histoire nous a montré que le protectionnisme et le repli sur soi n’étaient jamais des solutions, qu’ils ne faisaient qu’aggraver les problèmes. »
C’est cette communauté d’intérêts face à la crise qui a conduit à ouvrir le G20 de Washington aux grands pays émergents. II convient de poursuivre cette ouverture et d’affirmer la solidarité de l’ensemble des pays du monde et des grands blocs économiques face à une crise globale. Je ne doute pas que ce soit l’intention de la France et de l’Europe. Il serait opportun que cela soit exprimé lors de la réunion du Conseil. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui apparaît un peu plus chaque jour, c’est l’incertitude sur la gravité et la durée de la crise économique et financière.
Bien sûr, nous entendons sans cesse de nouveaux pronostics – plus ou moins concordants –, mais il suffit de regarder ce que disaient les mêmes prévisionnistes il y a un an pour conclure que leur marge d’erreur est, pour le moins, confortable.
Dans une aussi grande ignorance, il faut s’en tenir à la maxime de Descartes : pour sortir d’une forêt, il faut avancer toujours dans la même direction.
Or, ce n’est pas l’impression que donne aujourd’hui l’Europe. À l’automne dernier, nous avons eu le sentiment que l’Union, après quelques atermoiements, réagissait vigoureusement et en bon ordre. Aujourd'hui, on ne sent plus tout à fait la même unité de pensée et d’action, la même détermination commune.
Pourtant, si nous voulons que les citoyens croient en l’Europe, c’est dans ce genre de circonstances qu’elle doit faire ses preuves, toutes ses preuves : elle doit montrer que face à une crise gravissime, elle est capable d’être à la hauteur.
Nous ne sortirons pas de la crise sans rétablir la confiance ; et, pour cela, une Europe à la fois unie et efficace est un élément essentiel.
Ma conviction est que nous ne rétablirons la confiance qu’à partir des valeurs de solidarité européenne, d’une part, et de responsabilité, d’autre part.
La solidarité entre Européens, c’est, d’abord, que chacun prenne sa part de l’effort de relance, sans se comporter en passager clandestin. Si chacun se contente d’une relance en trompe-l’œil, en espérant bénéficier à bon prix des efforts de relance des autres, nous n’arriverons à rien, et nos concitoyens s’enfonceront dans le pessimisme. L’effort conjugué de relance doit être clair, évident et doit être pleinement commun. Les citoyens, les agents économiques doivent avoir le sentiment que l’Europe appuie sans réticence sur l’accélérateur.
Cela veut dire que le problème de la dette n’est pas actuellement la priorité. Il le deviendra lorsque la reprise sera là. Mais, aujourd’hui, minorer la relance au nom de la dette, ce serait, à mon avis, une erreur.
Que se passera-t-il si, voulant à tout prix maîtriser la dette, nous refusons une vraie relance ? La récession sera plus marquée et, finalement, le rapport entre la dette et le PIB se détériorera tout autant. En réalité, dans un contexte de récession, l’inaction dégrade plus les finances publiques que la relance : les recettes fiscales baissent davantage et les dépenses sociales augmentent plus vite.
Je crois aussi qu’il faut éviter une présentation par trop alarmiste de la dette française. Nous aimerions tous qu’elle soit moins élevée. Toutefois, elle est comparable à celle de l’Allemagne, comme à celle des États-Unis, qui s’acheminent comme nous vers une dette représentant de 75 à 80 % du PIB. C’est beaucoup. Mais que dire du Japon, où la dette dépasse 180 % du PIB, ou même de l’Italie, où elle dépasse 110 % ?
J’ajouterai qu’il ne faut pas seulement considérer le niveau de la dette. L’Espagne est beaucoup moins endettée que nous : son endettement est inférieur à 50 % du PIB. Et, cependant, elle est obligée de rémunérer plus que nous les titres de sa dette, car les caractéristiques structurelles de l’économie espagnole inquiètent les investisseurs.
Et, de toute manière, nécessité fait loi. Dans un contexte où seul l’État peut emprunter à bon compte, il doit utiliser sa capacité d’emprunt pour être à même de soutenir l’investissement et, donc, d’encourager des anticipations plus positives des entreprises. S’il ne joue pas ce rôle, personne ne le jouera à sa place.
La conclusion me paraît claire : les États membres ne doivent pas paraître hésitants, incertains, fuyants quand on parle de relance européenne. Ils doivent s’engager clairement et solidairement dans cette voie.
Et, monsieur le ministre, la Commission européenne doit elle aussi donner le sentiment qu’elle est concentrée sur la lutte contre la crise – et, allais-je dire, uniquement sur la lutte contre la crise. Je suis un défenseur de la Commission. Mais je dois reconnaître qu’il lui arrive de prendre des initiatives qui laissent pantois. Quelle image donne-t-on de l’Europe en pleine crise et à trois mois des élections européennes en proposant de créer un vin rosé barbare par un mélange de vin rouge et de vin blanc ? (Applaudissements.) Quelle image donne-t-on en voulant faire passer, presque en catimini, un règlement qui rendrait impossible la publicité pour la plupart des fromages français, comme s’ils étaient des produits dangereux ?
Je sais bien, je l’ai souvent dit à cette tribune, que lorsque les fonctionnaires occupent le terrain, c’est que les politiques l’ont déserté.
M. Bruno Retailleau. Ça, c’est vrai !
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Un technocrate, c’est, selon ma définition, un fonctionnaire qui n’est pas commandé. Or, s’il y a précisément un moment où il ne faut pas laisser la bride sur le cou aux fonctionnaires européens, c’est bien lorsqu’on traverse une crise comme celle que nous vivons !
Le rétablissement de la confiance n’est pas seulement une affaire de relance économique : c’est aussi une question de responsabilité.
La notion de responsabilité me paraît même au cœur de la crise que nous traversons. Des techniques financières de plus en plus élaborées ont conduit à diluer toujours davantage la sanction du risque, et c’est ainsi qu’elles ont créé les conditions d’une crise globale. La crise financière est le produit d’une irresponsabilité généralisée, à l’encontre des principes de base de l’économie de marché.
Pour bien fonctionner, l’économie de marché a besoin que les agents économiques supportent les conséquences de leurs erreurs. Comment ne pas éprouver un malaise en voyant les États – même s’ils ont le devoir d’agir ainsi – faire assumer par la collectivité les lourdes conséquences de la dilution des responsabilités financières ?
Nous ne devons plus revoir cela ! Plus jamais !
Pour établir la confiance, il ne faut pas seulement un effort crédible de relance. Il faut donner aussi le sentiment que la dilution des responsabilités ne sera plus tolérée.
Cela passe, naturellement, par des règles prudentielles plus strictes, dont tout le monde paraît reconnaître – enfin ! – la nécessité. Ces règles devraient, à mon avis, tenir compte de la taille et du rôle des établissements.
Nous avons bien vu comment les choses se passaient durant la crise financière : la FED a voulu faire un exemple avec Lehman Brothers, et beaucoup le regrettent aujourd’hui. Ensuite, tout a été fait pour qu’aucun établissement important ne fasse faillite. Les établissements qui se trouvent ainsi protégés ne doivent pas pouvoir tirer avantage de cette impunité assurée. Ils doivent être astreints à des règles adaptées à leur position particulière. On ne doit pas pouvoir gagner sur tous les tableaux !
La responsabilité passe aussi par les contreparties qui doivent être demandées aux banques en échange de l’aide publique dont elles bénéficient. On a mis l’accent sur la limitation des rémunérations des dirigeants : soit ! mais c’est seulement un symbole. Ce qui serait plus utile, me semble-t-il, c’est que les banques qui bénéficient en ce moment d’une forte baisse du loyer de l’argent répercutent complètement cette baisse auprès de leurs clients, au lieu d’en profiter pour parfois augmenter leurs marges.