M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse particulièrement précise. Nous nous retrouverons vraisemblablement ici même, jeudi prochain, pour évoquer de nouveau cette question.
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Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 13 de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, le rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Dépôt de rapports sur l’application de lois
M. le président. Monsieur le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004–1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les deux rapports sur l’application de la loi n° 2008–735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat et de la loi n° 2008–758 du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.
Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.
Ils seront transmis respectivement à la commission des lois et à la commission des affaires sociales et seront disponibles au bureau de la distribution.
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Première application de la semaine de contrôle
M. le président. Mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui l’ordre du jour de notre première semaine réservée par priorité au contrôle, dans le cadre des nouvelles dispositions de l’article 48 de la Constitution, entrées en vigueur depuis le 1er mars dernier, selon lesquelles « une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l’ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques ».
Ainsi que l’a proposé la conférence des présidents, nous avons commencé ce matin par une séance de questions orales, comme c’est habituellement le cas un mardi sur deux.
Cependant, au cours de cet après-midi et des deux jours à venir, nous n’aurons pas moins de cinq débats donnant notamment suite aux travaux de nos missions, commissions ou délégations, mais aussi à des demandes de groupes politiques : débat sur l’avenir de la presse, débat préalable au Conseil européen, débat sur l’évolution des collectivités territoriales, questions orales avec débat sur les universités, puis sur les violences faites aux femmes, sans oublier, cet après-midi, la lecture de la déclaration du Gouvernement et, jeudi, après les questions d’actualité, la communication du Médiateur de la République sur son rapport annuel.
C’est donc un ordre du jour exclusivement réservé au contrôle qui nous attend pour cette semaine, et je souhaite donner acte à l’ensemble des acteurs concernés de la prouesse – je n’établis là aucune comparaison !(Sourires) – que constitue l’application intégrale, dès la première semaine, du nouveau dispositif constitutionnel.
Je souhaite aussi, bien entendu, remercier le Gouvernement d’avoir pu assurer la disponibilité des ministres compétents.
L’expérience nous dira tout le profit que nous pourrons tirer de ces semaines de contrôle, et je forme le vœu que leur élaboration, dans le cadre de notre conférence des présidents, de l’autorité de laquelle dépend l’organisation de ces semaines, soit aussi collective que possible.
En attendant, place au débat sur l’avenir de la presse !
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Débat sur l'avenir de la presse
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’avenir de la presse (aides financières à la presse, métier de journaliste et distribution).
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, trop longtemps les pouvoirs publics ne se sont préoccupés que de la survie de la presse. Dans un pays comme le nôtre, où la pluralité des opinions conditionne la vitalité du débat démocratique, c’est insuffisant. Colmater des brèches, procéder à des ajustements partiels : tout cela relève plus de l’attentisme que d’une véritable volonté de répondre aux difficultés structurelles de la presse écrite.
Ne nous y trompons pas : tous les acteurs du secteur ont leur part de responsabilité dans cette crise durable de la presse ; l’État, en particulier, n’y est pas étranger. Malgré des aides publiques qui représentaient, en 2008, 13 % du chiffre d’affaires de la presse payante, les pouvoirs publics sont devant un cruel constat d’échec dont ils ne sauraient se dédouaner.
C’est pourquoi l’État a fait le choix d’assumer pleinement sa part de responsabilité, et je suis le premier à m’en réjouir.
En réunissant des états généraux de la presse écrite, le Président de la République a ouvert la voie. En tant que garant du pluralisme démocratique, et au regard du soutien financier qu’il consent chaque année à ce secteur, l’État a toute légitimité à intervenir dans la refondation du modèle économique de la presse.
Ces états généraux ont donné à l’ensemble des acteurs du secteur de la presse du « grain à moudre ». Ils ont ouvert des pistes de réflexion tous azimuts, en envisageant, pour la première fois dans leur globalité, les difficultés structurelles du secteur. C’était le meilleur moyen d’établir un diagnostic partagé et d’élaborer une stratégie commune pour y répondre.
Le résultat est particulièrement convaincant : une dynamique positive a été enclenchée, comme en témoigne l’ouverture de négociations sur la définition d’un « nouveau contrat social » dans les imprimeries.
Il nous appartient désormais, à nous sénateurs, d’entretenir cette dynamique en conservant un temps d’avance dans la réflexion sur les prochains chantiers législatifs qui porteront sur la presse.
Notre commission s’est de longue date mobilisée en faveur d’une presse indépendante et dynamique, comme l’illustre la mise en place, en 2007, d’un groupe de travail sur la crise de la presse, dont les conclusions ont fait l’objet d’un rapport d’information établi par notre ancien et excellent collègue Louis de Broissia.
Le présent débat de contrôle sera l’occasion de réexaminer les propositions de ce rapport à la lumière des conclusions des états généraux.
Ceux-ci ont d’abord été l’occasion de s’interroger sur la réforme des aides publiques à la presse. Je relève, pour ma part, que ce système d’aides publiques, censé garantir le pluralisme, n’atteint plus ses objectifs. Il incarne aujourd’hui une gestion dans l’urgence, qui multiplie les efforts dispersés et donc insuffisants, sans jamais pouvoir associer la profession à une véritable vision de long terme. D’où l’inconfortable impression d’une presse maintenue sous perfusion.
Or nous ne sommes pas là pour gagner du temps. Bien au contraire, demain il sera sans doute trop tard. Une presse survivante, qui se raccroche désespérément à des aides aussi insuffisantes qu’inadaptées, c’est tout sauf une presse indépendante !
Je me réjouis donc que le Président de la République ait annoncé que les mesures d’urgence et le plan d’aide à la presse, d’un montant exceptionnel de 600 millions d’euros sur trois ans, seraient subordonnés à un engagement ferme des acteurs du secteur à mettre en œuvre les réformes structurelles dégagées par les états généraux.
L’État compte honorer ses promesses financières dès le prochain collectif budgétaire, à hauteur de 150,75 millions d’euros, pour répondre à l’urgence de la situation qui est actuellement celle de la presse.
En s’employant à sécuriser dès maintenant la situation économique précaire de nombreuses publications, les pouvoirs publics garantiront à la presse un environnement financier suffisamment solide pour développer ensuite des stratégies de long terme.
Néanmoins, pour faire écho aux recommandations de notre groupe de travail sur la crise de la presse, je souhaite vous interroger dès maintenant, madame la ministre, sur les efforts du Gouvernement pour mesurer la performance des dispositifs d’aide aux entreprises de presse. Devant un risque persistant de saupoudrage, il est en effet impératif d’évaluer régulièrement la puissance de l’effet de levier exercé par ces aides.
S’agissant de la diffusion de la presse, le développement du portage est souvent avancé comme la clé de la rénovation de notre circuit de distribution. Il faut se féliciter que l’État investisse aussi massivement dans le renforcement de l’aide au portage, qui sera portée de 8 millions à 70 millions d’euros dès cette année. Je souhaite toutefois insister sur la nécessité de bien étudier les modalités d’octroi de l’aide au portage, comme nous y invitait le rapport de Louis de Broissia en 2007. En particulier, dans les zones peu denses, il y a peu de chances que le portage des seuls quotidiens d’information politique et générale constitue la panacée. Le portage ne permet de réaliser des économies substantielles qu’à condition de banaliser l’exemplaire distribué. Ne faudrait-il donc pas, selon vous, réfléchir au développement du portage multi-titres, associant tous les quotidiens ainsi que les magazines ?
Il est également indispensable, à mon sens, d’optimiser notre système de distribution en mettant le réseau de vente de la presse quotidienne régionale à la disposition de la presse quotidienne nationale. Cette mutualisation des réseaux est-elle, selon vous, en bonne voie ?
Je tiens à saluer, en outre, la méthode empirique qui a présidé au déroulement des états généraux. La voie du pragmatisme a été privilégiée s’agissant de la distribution : l’idée est de poursuivre sur une période de six mois des expérimentations, comme ce fut le cas pour le plafonnement des invendus ou l’assouplissement des règles d’assortiment, sans toucher pour autant aux équilibres subtils de la « loi Bichet ». C’est précisément le sens des solutions négociées et des périodes transitoires recommandées, en 2007, par le rapport d’information de notre groupe de travail sur la crise de la presse.
Autre élément essentiel de la réflexion : l’avenir du métier de journaliste. Notre commission a organisé, à ce titre, une table ronde consacrée au métier de journaliste afin de recueillir les avis de personnalités compétentes sur la meilleure façon de mettre en avant la valeur ajoutée d’une information professionnelle de qualité et certifiée comme telle.
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Affirmer les droits et les devoirs propres aux journalistes, c’est renforcer le crédit de la profession aux yeux de l’opinion. L’annexion d’un code de déontologie à la convention collective des journalistes constitue donc une première réponse à la désaffection du lectorat.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Néanmoins, l’adossement des normes déontologiques aux seules conventions collectives supposerait de faire de la juridiction prud’homale l’instance compétente en la matière, ce que certains jugent encore insuffisant. À cet égard, madame la ministre, quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur la portée juridique de ce futur code de déontologie et sur les autorités compétentes pour en sanctionner le respect ?
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Je souhaite que les parlementaires puissent suivre de près les travaux du comité de sages chargé de rédiger ce code de déontologie. Comme l’a démontré le projet de loi sur la protection du secret des sources des journalistes, il revient à la représentation nationale de protéger certaines des garanties fondamentales qui s’attachent au métier de journaliste et à la liberté de l’information.
La question des droits d’auteur constitue un autre chantier de la modernisation de la presse. Il s’agit de faciliter l’exploitation des contributions des journalistes dans un univers numérique. À l’occasion d’une négociation informelle mais fructueuse, les journalistes et les éditeurs se sont accordés sur le principe d’un droit lié à un temps d’exploitation et non plus d’un droit lié à la publication sur un support déterminé. Ils avaient ainsi élaboré un compromis détaillé dans un document appelé le « blanc », en octobre 2007.
Notre commission souscrit pleinement à la volonté du Gouvernement de donner force juridique aux conclusions de ce « blanc ». Mon prédécesseur, Jacques Valade, et notre ancien collègue Louis de Broissia s’étaient déjà penchés sur la question des droits d’auteur des journalistes dans un univers numérique en déposant un amendement au projet de loi sur la modernisation de l’économie, au mois de juin dernier. Cette initiative avait alors été jugée prématurée, faute de concertation.
Constatant avec satisfaction que toute la profession est désormais suffisamment mûre sur ce sujet, notre commission souhaite que soit garanti dans les plus brefs délais, le cas échéant dans le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, le principe de la neutralité du support d’exploitation.
Nous faisons ainsi confiance aux professionnels pour discuter ensuite, de leur côté, des questions relevant de la négociation collective. Pourriez-vous cependant, madame la ministre, revenir sur le rôle et sur la composition de la commission de conciliation prévue pour arbitrer les différends non résolus par la négociation collective en matière de droits d’auteur ?
Je m’inquiète par ailleurs de l’ambiguïté du droit en vigueur en matière de publicité sur l’alcool et des risques croissants de contentieux qui en découlent. Un article évoquant la production viticole sous des aspects purement informationnels ou éditoriaux court le risque d’être sanctionné pour publicité indirecte. N’est-il pas nécessaire de distinguer plus clairement l’information et les insertions publicitaires sur l’alcool afin de mieux concilier notre combat contre l’abus de la consommation d’alcool et la liberté d’expression des journalistes ?
Enfin, mes chers collègues, je souhaite insister sur la nécessité d’accompagner la presse écrite payante dans son adaptation aux codes de lecture modernes.
Le renforcement de l’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse, portée à 20 millions d’euros dans le prochain collectif budgétaire, va dans le bon sens, car il permet à la presse écrite d’aborder dans les meilleures conditions le virage de l’internet.
Il faut évidemment aller plus loin, et je me félicite que le Gouvernement se soit engagé à déployer tous ses efforts pour encourager l’investissement privé dans le développement de la presse numérique. La création d’un statut de l’éditeur de presse en ligne permettra, en particulier, de distinguer clairement la presse en ligne des autres sites de communication et de certifier ainsi la qualité de l’information produite en ligne par des journalistes professionnels.
Combattre la désaffection du lectorat suppose de conquérir les jeunes. La participation de l’État à la mesure permettant à tout jeune de bénéficier d’un abonnement gratuit à un quotidien de son choix à ses dix-huit ans va dans le bon sens. L’expérience a en effet démontré que les titres concernés sont en règle générale conduits à des efforts éditoriaux pour se rapprocher de leurs jeunes lecteurs. Toutefois, la mise en œuvre pratique de cette mesure suscite un certain nombre d’interrogations.
Tout d’abord, ne faudrait-il pas privilégier l’abonnement gratuit à un seul numéro par semaine ? Ne prend-on pas le risque de lasser le jeune lecteur en lui faisant parvenir tous les jours un quotidien qu’il n’aura pas forcément le temps de lire de façon approfondie ?
Par ailleurs, la mesure se limitera-t-elle aux seuls quotidiens d’information politique et générale ? Madame la ministre, pour susciter le goût de la lecture sur papier, faudrait-il, selon vous, réfléchir à étendre l’abonnement gratuit à d’autres types de publications plus à même d’intéresser les jeunes ?
Permettez-moi, madame la ministre, avant d’achever mon propos, de vous interroger sur l’avenir de l’Agence France-Presse et sur les perspectives d’évolution envisagées pour ce fleuron français du journalisme professionnel et indépendant auquel notre commission est, comme l’ensemble du Parlement, extrêmement attachée.
J’en arrive à ma conclusion.
Nous sommes conscients qu’il faudra beaucoup de détermination. Les états généraux ont démontré que les professionnels étaient prêts à s’engager ensemble dans la voie de la modernisation, et notre commission leur fait confiance.
La presse écrite a un avenir. Comme le rappelait récemment Marcel Gauchet, l’expertise du journaliste est plus que nécessaire pour guider le citoyen dans le dédale d’une information démultipliée par la révolution numérique.
C’est à mon sens ce qu’il faut retenir des multiples débats déjà conduits sur l’avenir de la presse. Une analyse rigoureuse de l’information, seule capable de susciter un débat démocratique de qualité, ne sera jamais gratuite. Elle est un bien d’intérêt général qu’il nous revient de défendre et, pour cela, il n’y a plus de temps à perdre. La progression significative de l’audience de la presse quotidienne en 2008, de 2,3 % par rapport à 2007, est un signe encourageant, car elle témoigne, malgré tout, de l’intérêt croissant de la population pour la lecture de la presse. Il est donc de notre devoir de refuser toute fatalité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles de la mission « Médias » (presse). Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la presse écrite se caractérise par un besoin urgent de rénovation profonde à tous les niveaux, de la rédaction à la diffusion. Il n’est pas envisageable de faire peser l’effort de modernisation sur un seul segment de l’activité de presse : tous les acteurs doivent réfléchir ensemble à des solutions communes.
Après des états généraux de la presse écrite convoqués sur la seule initiative du Président de la République, l’enjeu, désormais, réside dans la volonté et la capacité des acteurs du secteur à s’affranchir de cette pesante tutelle pour travailler dans ce sens.
Quoi qu’il en soit, aux termes de l’article 34 de la Constitution, il revient désormais au législateur de fixer les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ». Le régime des aides publiques à la presse doit donc répondre à ces objectifs inscrits dans notre loi fondamentale à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Or la France se caractérise encore aujourd’hui par une hyperconcentration de ses leviers médiatiques, particulièrement en province, où les quotidiens qui subsistent se trouvent en situation de monopole dans les trois quarts des départements. Il s’agit là d’un symptôme inquiétant de l’extrême fragilité financière de nos entreprises de presse.
Force est de constater que notre système d’aides publiques ne parvient plus à garantir le pluralisme de la presse.
Devant des organes de presse soupçonnés – il suffit de lire certaines enquêtes – d’être inféodés au pouvoir politique ou à des groupes industriels, la confiance que le citoyen prête à une information de plus en plus uniformisée se trouve inévitablement remise en cause. C’est ce risque de défiance qui représente, peut-être, le danger économique le plus préoccupant pour la presse écrite.
À ce sujet, madame la ministre, je souhaite que vous fassiez le point sur l’état des négociations bilatérales avec la Suisse tendant à supprimer l’interdiction faite à un investisseur non communautaire de détenir plus de 20 % du capital d’une entreprise de presse.
Le renforcement de l’information accessible au grand public sur l’actionnariat des entreprises de presse, dans une démarche de transparence, va dans le bon sens, de même que l’idée d’un recours accru au mécénat pour consolider leur assise financière. Un fonds adossé à la Caisse des dépôts et consignations pourrait ainsi collecter les dons de particuliers, lesquels ouvriraient le droit à des réductions d’impôts à hauteur de 66 %. Ce mécanisme devrait encourager l’investissement dans les entreprises de presse, y compris de presse en ligne.
Toutefois, je m’interroge, madame la ministre, sur les conditions de mise en œuvre concrète de cette mesure.
Tout d’abord, comment s’opérera le transfert des dons aux titres de presse ? S’agira-t-il de dons nominatifs, c’est-à-dire « fléchés » ?
Par ailleurs, la distribution de ces dons fera-t-elle l’objet d’un contrôle par une autorité indépendante chargée de veiller au respect des garanties de transparence et d’équité ?
Face à l’effondrement du marché publicitaire qui se profile en 2009, après un mauvais exercice 2008, deux mesures d’urgence recommandées par les états généraux ont été reprises dans le projet de loi de finances rectificative que notre assemblée devrait examiner à la fin de ce mois et au début du mois prochain. Elles comprennent la compensation, à hauteur de 25,4 millions d’euros, du manque à gagner pour La Poste du report d’un an de la mise en œuvre des accords État-presse-La Poste sur l’augmentation des tarifs postaux, ainsi que la mise en place d’une aide exceptionnelle de 27,6 millions d’euros aux diffuseurs de presse.
La levée du moratoire sur la mise en œuvre des accords État-presse-La Poste s’annonce cependant comme une échéance délicate. En effet, il est probable que la presse ne pourra pas, dans un an, supporter la revalorisation des tarifs postaux négociée en juillet 2008. Le moratoire ne règle donc pas tout, et sa levée devra en tout état de cause être précédée d’une renégociation des tarifs de distribution de la presse par La Poste.
Ces aides d’urgence s’articuleront avec plusieurs mesures de soutien à des réformes d’ordre structurel dans le prochain collectif budgétaire. Une grosse partie de l’effort devrait d’abord porter sur la modernisation de notre système de distribution.
Si les coûts de la distribution de la presse en France se situent dans la moyenne européenne, la distribution n’y est cependant pas aussi efficace qu’on pourrait raisonnablement l’espérer. Je retiendrai, sur ce point, trois grands chantiers dans lesquels l’État s’est engagé à investir.
Le chef de l’État dit tout d’abord vouloir replacer le diffuseur au centre du circuit de distribution, afin d’en faire « un métier de vendeur » et non pas de « manutentionnaire des invendus », ce qui passe notamment par une revalorisation significative de sa rémunération. Celle-ci est censée s’accompagner du renforcement de l’aide à la modernisation de la diffusion et à l’informatisation du réseau des diffuseurs de presse, d’un montant de 11,3 millions d’euros dans le collectif budgétaire. Si cette mesure va apparemment dans le bon sens, je m’interroge sur ses modalités concrètes d’application : s’agit-il d’une aide financière à la formation continue, aux techniques du merchandising, aux investissements informatiques ? La mise en œuvre de cette aide fera-t-elle l’objet d’une évaluation ?
Devant la situation extrêmement précaire des diffuseurs de presse, le montant de cette aide exceptionnelle à la modernisation me semble encore très insuffisant. Il serait impératif d’aller au-delà d’un simple affichage dans la loi de finances rectificative et d’organiser le sursaut de la profession de diffuseur de presse dans la durée : cela passe obligatoirement, à mon sens, par un rééquilibrage du rapport de forces entre messageries, dépositaires et marchands de journaux.
Pour relancer la diffusion de la presse, a également été annoncée la mise en place d’une mission chargée de réfléchir aux obstacles à la création de nouveaux points de vente.
À cet égard, il faut, me semble-t-il, être moins timoré. C’est sur la lutte contre la disparition des magasins de presse en centre-ville – trois cent cinquante ont fermé ces deux dernières années – qu’il faut mettre l’accent. Une solution adaptée réside dans l’ouverture de kiosques : il est indispensable d’agir dans ce sens avec les maires, en mettant notamment l’accent sur l’animation commerciale.
Devant la lourdeur des procédures d’ouverture de kiosques, véritable gageure pouvant durer de un à trois ans, je m’interroge sur la volonté de faire avancer ce dossier, surtout s’il n’y a pas de réponse énergique. Quelle décision concrète l’État compte-t-il prendre pour accélérer le développement des magasins de presse de proximité ?
Enfin, la réforme de notre système de distribution devrait prendre en compte la situation actuelle, préjudiciable aux dépositaires indépendants et aux marchands de journaux, lesquels voient leur métier réduit à celui de simple manutentionnaire, responsable de la gestion des invendus. Il est impératif que cela se fasse dans le cadre de la loi Bichet et des équilibres voulus par le législateur de l’époque.
Il conviendrait de faire respecter les principes fondamentaux de la loi Bichet et d’articuler au mieux liberté de diffusion et égalité de traitement entre tous les titres dans le système coopératif.
Le président de l’Autorité de la concurrence est supposé formuler des propositions à ce sujet. Nous souhaitons connaître la date à laquelle ses conclusions seront rendues publiques et les pistes qui semblent d’ores et déjà se dégager.
Un autre chantier capital pour la sécurisation de l’avenir de la presse concerne la réhabilitation du métier de journaliste.
La déontologie est une préoccupation très ancienne des journalistes, et ces derniers n’ont pas attendu les états généraux pour réclamer la reconnaissance juridique de leur statut et des droits et devoirs qui s’y attachent.
Les états généraux sont tombés d’accord sur l’annexion d’un code de déontologie à la convention collective nationale de travail des journalistes. Il s’agit certes d’un pas en avant qu’il faut saluer, mais qui reste néanmoins insuffisant, car il laisse planer certaines incertitudes juridiques.
La sécurisation du statut des journalistes mérite en effet que l’on aille plus loin, notamment en matière législative. Je me félicite, en particulier, de la validation récente par le Conseil constitutionnel du fondement législatif donné, dans la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, à une disposition garantissant à « tout journaliste d’une société nationale de programme [...] le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources, de refuser de signer une émission ou une partie d’émission dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté » et précisant : « Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle. »
À mon sens, des normes déontologiques analogues pourraient très bien être consacrées par le législateur au profit des journalistes de presse. En effet, un certain nombre de garanties juridiques fondamentales ayant trait à l’exercice de la profession de journaliste doivent relever de la loi.
Je tiens, en outre, à souligner une proposition, écartée par les états généraux, mais mise en avant par les Assises du journalisme à l’occasion de leur édition spéciale du 20 janvier. Il s’agit de la reconnaissance juridique des rédactions. Le Président de la République avait repoussé cette option au motif qu’elle donnerait l’impression de vouloir maintenir à l’écart les éditeurs et les actionnaires de la conception de la ligne éditoriale d’un titre de presse, au risque de décourager d’éventuels investisseurs.
Or, face au climat de suspicion croissante qui pèse sur les relations entre le politique, les grands groupes industriels et les titres de presse, je pense au contraire que donner une identité aux équipes rédactionnelles constituerait un rempart contre les concentrations et contre les rachats par des groupes extérieurs à la presse. Les rédactions pourraient ainsi être consultées sur l’évolution de la structure du capital de leur publication afin de prévenir la valse incessante des responsables de rédaction consécutive aux changements de propriétaires et de préserver l’indépendance rédactionnelle. Cette proposition mériterait donc d’être plus longuement étudiée par notre commission, par notre assemblée et par le Gouvernement.
Enfin, à un moment où, sur Internet, chacun se plaît à s’imaginer journaliste et où les sites de communication en ligne tendent à banaliser l’information, émerge un véritable besoin de redéfinir le métier de journaliste et d’inscrire la production d’informations à caractère professionnel sur le web dans une démarche de certification. Cela passe par la reconnaissance juridique d’un statut de l’éditeur de presse en ligne, comme l’a dit M. le président de la commission.
Le scandale de l’interpellation de M. de Filippis a démontré la nécessité d’une clarification de la responsabilité d’un éditeur de presse pour des propos tenus par un lecteur sur le site Internet d’une publication. La « procédure pénale plus respectueuse des droits et de la dignité des personnes », réclamée à l’occasion par l’Élysée, se fait encore attendre.
Quelles suites comptez-vous donner, madame la ministre, à la question centrale du statut d’éditeur de presse en ligne ? Quel régime de responsabilité envisagez-vous pour l’éditeur de presse en ligne ?
En conclusion, je crois indispensable d’associer étroitement les parlementaires au processus de mise en œuvre et d’évaluation des recommandations des états généraux. C’est pourquoi je souhaite recevoir du Gouvernement l’assurance que nous serons régulièrement sollicités et consultés par le « Comité de suivi des états généraux », dont la mise en place a été annoncée le 23 janvier dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)