Article 1er A
En application du deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce, un décret en Conseil d’État réglemente, après consultation de l’Autorité de la concurrence et en conformité avec le deuxième alinéa du paragraphe 2 de l’article 299 du traité instituant la Communauté européenne, le prix de vente dans les départements d’outre-mer de cent produits de première nécessité.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l’article.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article 1er A, ajouté par la commission des finances, présente la particularité de s’inspirer d’une proposition de loi déposée il y a peu par notre collègue Virapoullé, rapporteur pour avis de la commission des lois.
À dire vrai, le texte de cette proposition de loi appelait en lui-même quelques observations : tel est l’objet de cette intervention.
À la lecture de l’exposé des motifs de la proposition de loi, nous remarquons en effet un certain nombre d’éléments intéressants.
Notre collègue explique que : « Le tissu économique des départements d’outre-mer est aujourd’hui essentiellement composé d’entreprises qui exportent peu et comptent sur le pouvoir d’achat local afin de réaliser leur chiffre d’affaires.
« La grande distribution est particulièrement présente, celle-ci étant possédée par quelques grands groupes.
« Une part importante des petits producteurs locaux, notamment dans l’industrie agro-alimentaire, est obligée de subir les contraintes dictées par les centrales d’achat de cette grande distribution.
« À côté de cette grande distribution, dont le poids et l’influence peuvent être considérés comme exerçant une distorsion majeure sur l’économie, certains secteurs continuent de subir la présence d’une ou plusieurs grosses entreprises dominantes qui pratiquent des prix non conformes à l’optimum du marché. Citons à ce titre les transports aériens, la distribution de carburants, l’importation de matériaux de construction ou encore les télécommunications. »
Nous pourrions partager cette analyse, et, de fait, dire le contraire mériterait le reproche de méconnaître profondément les réalités et, notamment, les conséquences d’une libre concurrence qui, en modèle économique libéral, ne dure pas plus longtemps que ne durent les roses...
Nous ne pouvons manquer de citer les considérations de notre collègue, qui précise par ailleurs : « Il est paradoxal que le phénomène de mondialisation, dont la principale caractéristique est la quasi-abolition du coût de la distance, ne puisse s’appliquer dans les départements d’outre-mer.
« En effet, la plupart des théories économiques nous expliquent que dans n’importe quel bien de consommation sont incorporés des composants fabriqués là où les conditions de production sont les plus favorables, et que, de ce fait, le prix de ces produits est tendanciellement à la baisse.
« Il apparaît alors très étrange que ce paradigme économique ne puisse pas s’appliquer dans les départements d’outre-mer, alors qu’il s’applique parfaitement pour des pays pourtant voisins... »
Eh bien, mes chers collègues, malgré le credo libéral qui anime le contenu de cet exposé des motifs, nous pouvons en tirer bien des considérations.
En premier lieu, la mondialisation, quoi qu’on en dise, ne fait pas baisser les prix du seul fait de l’ouverture des marchés à tous les vents et d’un univers devenu, d’un seul coup, plus concurrentiel, au bénéfice des consommateurs.
Dans ce cas précis, il s’agit du même type de représentation mythique que celui que nous dénoncions lors de la discussion de l’amendement n° 157 de nos collègues du groupe socialiste, portant sur l’intitulé de ce titre additionnel.
En second lieu, c’est bel et bien la question du processus de formation des prix qui nous interpelle dans cette affaire. En effet, au-delà du coût des matières premières, de la part des dépenses de recherche et développement nécessaires pour les transformer, du coût connexe des transports éventuels, se posent les questions de la part de la rémunération du travail humain, de celle des frais financiers liés à l’exploitation, comme de celle de la marge opérationnelle des entreprises et des exigences de rentabilité de l’investissement.
S’arrêter, par exemple, à la question du coût de l’octroi de mer serait faire fausse route. Ne serait-ce que pour une raison simple : le montant de l’octroi de mer perçu par les collectivités locales d’outre-mer et, en l’occurrence par les régions, représente, à peu de choses près, celui de la réduction de la TVA liée aux taux particuliers applicables outre-mer : d’un côté, le produit fiscal de l’octroi de mer s’élève à 1 050 millions d’euros ; de l’autre, l’atténuation des recettes représente 1 180 millions d’euros.
La formation des prix, mes chers collègues, passe aussi et notamment par l’analyse de la répartition entre salaires et profits dans le prix finalement imposé à la clientèle.
Nous avons dit que le taux de marge des sociétés implantées outre-mer ne souffrait pas d’être comparé à celui des entreprises implantées en métropole. Or ce qui rend bien souvent les entreprises ultramarines si rentables, c’est précisément l’allégement conséquent de la part des salaires dans les prix : entre exonérations de cotisations sociales et allégements fiscaux divers, la rentabilité des entreprises n’est pas en cause. Dès lors, la logique qui conduit certaines entreprises disposant de positions dominantes à fixer comme elles l’entendent les prix imposés à leur clientèle devient encore plus insupportable.
C’est ce qu’il convenait de rappeler avant d’aborder la discussion de cet article 1er A.
M. le président. L'amendement n° 375 rectifié, présenté par M. Marsin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer le mot :
réglemente
par les mots :
peut réglementer
et remplacer les mots :
de cent produits de première nécessité
par les mots :
de produits de première nécessité qu'il détermine
La parole est à M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis.
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à assouplir le mécanisme de réglementation des prix introduit par la commission des finances, assez largement évoqué dans les diverses interventions qui ont précédé.
Le mouvement social qui a paralysé pendant plusieurs semaines les départements français des Antilles et qui s’est étendu aujourd’hui à la Réunion, s’est construit notamment autour de la question du pouvoir d’achat et de la transparence de la formation des prix.
En effet, toutes les enquêtes montrent que les prix sont bien plus élevés aux Antilles qu’en métropole, notamment pour les produits de première nécessité. Cela s’explique par des éléments objectifs bien sûr – l’éloignement, l’étroitesse des marchés, etc. – mais également par certains facteurs aggravants, notamment le caractère faiblement concurrentiel des réseaux de grande distribution. Il me semble que nous en sommes quasiment tous d’accord.
En réponse, la commission des finances a introduit, sur l’initiative de son président, cet article 1er A, qui indique que le Gouvernement réglemente, par décret en Conseil d’État, les prix des produits de première nécessité.
La commission des affaires économiques a d’abord salué cette initiative, qui s’inscrit dans un objectif de clarification du fonctionnement des réseaux de distribution et des mécanismes de formation des prix. Cependant, elle considère que ce dispositif pourrait être amélioré et assoupli.
Cet amendement vise donc un double objectif.
D’une part, il tend à assouplir le dispositif afin que la réglementation des prix par décret en Conseil d’État ne soit qu’une possibilité et non une obligation. En effet, à la suite des négociations engagées aux Antilles, tant en Guadeloupe qu’en Martinique, la grande distribution s’est engagée, par la signature de plusieurs chartes, à baisser les prix des produits de première nécessité afin de les rapprocher des prix de la métropole. En faisant de la réglementation des prix une simple possibilité, cet amendement permet ainsi à l’État de n’intervenir qu’en dernier recours, si les enquêtes qui devront être menées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes concluaient au non-respect de ses engagements par la grande distribution.
D’autre part, cet amendement laisse au décret en Conseil d’État le soin de déterminer la liste des produits de première nécessité concernés par la réglementation des prix. Ainsi, le nombre de produits ou de familles de produits visés par cette réglementation résultera du décret. Il ne paraît en effet pas utile de figer dans la loi le nombre de cent produits, qui ne correspond à aucune réalité tangible. Je note d’ailleurs que les négociations en Martinique ont déjà porté sur quatre cents produits.
Cet amendement me semble donc constituer un bon moyen d’améliorer l’excellente disposition introduite par notre commission des finances.
M. le président. Le sous-amendement n° 425 rectifié, présenté par M. Laufoaulu, est ainsi libellé :
I. - Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 375 par les mots :
pour chaque collectivité territoriale d'outre-mer en fonction de ses particularités
II. - En conséquence, compléter l'amendement n° 375 par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans cet article, remplacer les mots :
les départements d'outre-mer
par les mots :
toutes les collectivités territoriales d'outre-mer pour lesquelles l'État a compétence en matière de réglementation des prix
La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. L’article 1er A, s’il est adopté, ne concernera malheureusement pas les îles Wallis et Futuna, où la compétence de la fixation des prix relève de l’autorité locale.
Je veux surtout rappeler, à travers ce sous-amendement, que chaque collectivité territoriale d’outre-mer dispose de particularités propres : environnement régional, climat, données sociales, économiques et culturelles. Par conséquent, les produits de première nécessité ne sauraient être les mêmes dans toutes les collectivités ultramarines et doivent être déterminés au cas par cas, non pour les seuls départements d’outre-mer, mais pour toutes les collectivités territoriales d’outre-mer pour lesquelles l’État a compétence en matière de réglementation des prix.
Je veux aussi souligner combien le contrôle des prix est difficile. Il pose déjà des problèmes dans les départements d’outre-mer, qui disposent de moyens et d’une aide directe de l’État pour exercer ce contrôle : imaginez alors, mes chers collègues, quel peut être l’embarras d’une collectivité telle que celle des îles Wallis et Futuna !
Je souhaite donc attirer l’attention de l’État sur ce sujet et lui demander d’apporter aux petites collectivités un soutien dans la résolution de ces difficultés.
L’observatoire des prix et des revenus qui a été mis en place, le mois dernier, à Wallis et Futuna n’apporte pas de réponse satisfaisante. J’estime nécessaire que l’assemblée territoriale mette immédiatement en œuvre un contrôle des prix et que l’État apporte son aide pour que ce contrôle soit effectué de manière adéquate.
J’ai évoqué, dans le cadre de la discussion générale, le problème de la desserte aérienne. Sur ce point également, je sollicite le soutien du Gouvernement pour que nous puissions améliorer la situation et faire en sorte que soient revus des tarifs que nous qualifions tous de scandaleux. La société Air Calédonie International doit réviser ses prix ! Si elle ne le fait pas, monsieur le secrétaire d’État, aidez-nous à introduire la concurrence pour le bien et la dignité de nos populations !
M. le président. L'amendement n° 390, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer le mot :
réglemente
par les mots :
peut réglementer
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Comme Daniel Marsin l’a dit voilà quelques instants, il est souhaitable que la réglementation du prix de vente soit une possibilité, et non une obligation.
En nous enfermant immédiatement dans une obligation, nous courrions le risque de voir différents acteurs, notamment la grande distribution, demander à l’État de financer leurs marges, ce qui serait exactement l’inverse de l’objectif que nous visons. Il faut donc que la réglementation reste une faculté. Elle est essentielle, mais elle ne doit être activée qu’en cas d’échec de la mise en œuvre d’autres dispositifs, notamment des protocoles qui ont été signés dans le cadre des conflits.
Ainsi, nous nous situons dans un schéma de progression éventuelle de la menace, si j’ose m’exprimer ainsi, ce qui nous permet de ne pas nous enfermer dans une logique de subvention à la grande distribution avec l’argent du contribuable.
M. le président. L'amendement n° 158, présenté par MM. Lise, Patient, S. Larcher, Gillot, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans cet article, après le mot :
cent
insérer les mots :
familles de
La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Nous l’avons vu, la question du coût de la vie se situe, comme celle de la baisse du pouvoir d’achat, au cœur des revendications exprimées lors des mouvements sociaux sans précédent que les départements de la Guadeloupe et de la Martinique ont connus et que, maintenant, l’île de la Réunion commence à connaître. Cette question était également à l’origine des importantes manifestations qui ont eu lieu en Guyane à la fin de l’année dernière, singulièrement pour dénoncer la hausse exorbitante du prix de l’essence.
Le phénomène de cherté de la vie est, de fait, devenu proprement insupportable dans les départements d’outre-mer, notamment pour les bas salaires et, plus encore, pour celles et ceux qui émargent aux minima sociaux, proportionnellement plus nombreux qu’en métropole.
Il s’explique, en grande partie, par la forte dépendance de ces économies vis-à-vis de l’extérieur : elles ont hérité de leur passé colonial un mécanisme particulier de formation des prix dans les circuits d’importation. Il s’explique aussi par l’existence d’un certain nombre d’abus de position dominante, dont il me semble que vous avez pu vous faire une idée, monsieur le secrétaire d’État, lors de vos récents voyages en Guadeloupe et en Martinique.
J’ai entendu parler de l’octroi de mer… Je voudrais tout de même relativiser son importance et préciser à ceux de nos collègues qui l’ignoreraient que l’octroi de mer alimente non pas « les collectivités territoriales », comme je l’ai entendu, mais les budgets des régions d’outre-mer et des communes. Si nous décidons de supprimer cette taxe, il faudra bien trouver une nouvelle recette pour ces communes, qui, je tiens à le rappeler, sont toutes en difficulté.
Au-delà de la hausse des bas salaires, l’une des principales revendications des collectifs de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion en matière de lutte contre la vie chère porte sur une baisse d’environ 20 % des prix d’un ensemble d’articles de première nécessité et de grande consommation.
L’article 1er A, introduit par la commission des finances et visant à réglementer les prix de vente des produits concernés, va donc, selon moi, dans le bon sens. Toutefois, le présent amendement tend à apporter une précision et enlever toute ambiguïté quant au terme « produits ».
Il s’agit de garantir au consommateur la possibilité d’exercer son choix sur une gamme suffisante d’articles, et non pas simplement sur un nombre déterminé d’articles ou de références. Nous cherchons ainsi à éviter une concentration d’un maximum d’articles dans un minimum de familles de produits.
Cet amendement, je dois le souligner, fait référence aux termes des accords récemment signés tant en Guadeloupe qu’en Martinique.
M. le président. L'amendement n° 302, présenté par M. Laufoaulu, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ces cent produits sont déterminés pour chaque collectivité territoriale d'outre-mer en fonction de ses particularités.
La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Cet amendement a été défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. L’amendement n° 375 rectifié apporte à notre texte des améliorations très intéressantes. Si nous retenions la solution proposée par la commission des affaires économiques, qui offre une souplesse nettement plus grande, les produits susceptibles d’être visés par une éventuelle réglementation des prix seraient beaucoup plus nombreux.
Autre élément de souplesse : la commission des affaires économiques propose, de même que le Gouvernement, de transformer en une faculté ce que notre texte présente comme une obligation.
La commission des finances est donc très favorable à cet amendement n° 375 rectifié.
Sur le sous-amendement n° 425 rectifié, qui vise à étendre le champ d’application de la fixation des prix à l’ensemble des collectivités territoriales d’outre-mer, nous n’avons pas véritablement eu le temps de nous prononcer. Par conséquent, nous souhaitons entendre l’avis du Gouvernement.
Je me permets de demander à M. le secrétaire d'État de bien vouloir se rallier à l’amendement n° 375 rectifié, qui nous paraît meilleur que l’amendement n° 390, dont la portée est plus restreinte puisqu’il ne touche pas à la limite de cent produits de première nécessité.
En défendant l’amendement n° 158, M. Lise a souhaité évoquer une nouvelle fois l’octroi de mer. J’estime que nous aurons besoin, en dehors de la séance, d’une vraie leçon sur cette taxe, afin d’en bien comprendre le fonctionnement. Je crois d’ailleurs qu’une mission va se mettre en place sur ce sujet, à propos duquel subsistent certaines ambiguïtés dont les conséquences peuvent être très problématiques.
Quoi qu'il en soit, M. Lise propose de remplacer « cent produits » par « familles de produits ». Là encore, nous préférons la solution proposée par la commission des affaires économiques, qui est beaucoup plus souple.
Vous le voyez, monsieur Lise, nous sommes beaucoup plus libéraux, allais-je dire, mais ce n’est peut-être pas le mot à employer…
M. Éric Doligé, rapporteur. Voilà ! Nous sommes beaucoup plus ouverts et nous offrons une fourchette aux dents plus écartées !
Par conséquent, nous demandons le retrait de l’amendement n° 158 au profit de l’amendement n° 375 rectifié.
Il en va même s’agissant de l’amendement n° 302.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 375 rectifié, au profit duquel il retire son amendement n° 390, ainsi qu’au sous-amendement n° 425 rectifié. La précision proposée par M. Laufoaulu nous semble en effet parfaitement correspondre à ce qu’il est souhaitable de faire.
Nous souhaitons que M. Claude Lise veuille bien retirer également l’amendement n° 158 au profit de l’amendement n° 375 rectifié.
Enfin, nous demandons le retrait de l’amendement n° 302, qui sera globalement satisfait par l’adoption de l’amendement n° 375 rectifié, dès lors que celui-ci aura été modifié par le sous-amendement n° 425 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 390 est retiré.
Monsieur Lise, l'amendement n° 158 est-il maintenu ?
M. Claude Lise. Il m’est difficile de retirer cet amendement, monsieur le président, car je fais partie des négociateurs de la Martinique. Je crois que chacun me comprendra…
M. le président. Monsieur Laufoaulu, l'amendement n° 302 est-il maintenu ?
M. Robert Laufoaulu. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 302 est retiré.
La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.
M. Serge Larcher. Je voudrais que nous puissions préciser ce qu’il faut entendre par « produits ».
Par exemple, si l’huile est considérée comme un « produit », nous pouvons suivre les propositions qui nous sont faites. On trouve effectivement, sous ce vocable, toute une déclinaison d’huiles : l’huile de colza, l’huile de tournesol, l’huile de palme, etc.
M. Jean-Paul Virapoullé. C’est une famille de produits ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Serge Larcher. Si nous en restons aux « cent produits de première nécessité », ne vous y trompez pas, mes chers collègues, le prix bas ne concernera que le produit le plus courant, le produit de bas de gamme !
Lors de la négociation qui vient de s’achever, nous avons été confrontés à ce problème. C’est pourquoi nous proposons d’évoquer des « familles de produits ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Virapoullé. Il ne faudrait pas que, en votant un texte, que j’approuve au demeurant, nous créions une source de conflits entre la population et nous-mêmes.
M. le secrétaire d’État, M. le rapporteur de la commission des finances et M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sont d’accord sur la nécessité d’opter pour la formulation la plus souple. Or, selon moi, c’est celle qui figure dans l’amendement présenté par notre collègue Claude Lise : « familles de produits de première nécessité ».
Le fait d’élargir le champ ne pose pas de problème.
Ce matin encore, un négociateur m’entretenait au téléphone du cas de l’eau minérale. À la Réunion, on trouve l’eau Cristalline, l’eau Bagatelle, l’eau de Vichy, l’eau de Badoit, l’eau d’Évian. Comme l’a dit tout à l’heure l’un de mes collègues, si l’on ne contrôle le prix que d’une seule marque, on s’expose à des ruptures de stock. Dans le magasin où vous faites vos courses, l’eau que vous avez l’habitude d’acheter ne sera plus disponible et vous devrez acheter une eau d’une autre marque, qui sera plus chère. En visant la famille, vous visez le papa, la maman, le tonton, la tata, le cousin et la cousine (Sourires), c'est-à-dire que vous déclinez toutes les eaux concernées.
Notre collègue Claude Lise, qui, lui aussi, vient de participer à des négociations, vous dira que la situation est la même à la Martinique. D’ici à l’adoption du texte, vous aurez le temps de vérifier que Claude Lise et moi-même disons bien la vérité. Dans les chartes qui ont été signées en Martinique, en Guadeloupe et dans celle qui va être signée à la Réunion demain ou après-demain, il est fait référence à des familles de produits, jamais à des produits.
Si vous voulez vraiment ne pas créer de conflits nouveaux entre ceux qui négocient ou qui ont déjà signé des accords - et le Sénat est là pour désamorcer la bombe et non pour la réamorcer -, je vous en conjure, retenez la solution qui consiste à viser les « familles de produits de première nécessité ». C’est une question de bon sens et de sagesse, cette sagesse à laquelle se doit notre Haute Assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour ma part, je me rallie à l'amendement n° 375 rectifié de M. Marsin, présenté au nom de la commission des affaires économiques, et au sous-amendement n° 425 rectifié de M. Laufoaulu. Le Gouvernement souhaite pouvoir disposer, en effet, de l’instrument que nous mettons entre ses mains et qui constituera, en quelque sorte, une arme de dissuasion.
Des négociations sont en cours entre la grande distribution, le Gouvernement et les autorités locales, afin que les prix restent compatibles avec des marges raisonnables.
Donc, cet amendement, qui n’a pas de caractère impératif, répond bien à l’objectif qui est celui de la commission des finances.
Sur la discussion qui vient de s’ouvrir - « familles de produits » ou « produits » -, je pense qu’il ne faudrait pas compliquer la tâche des négociateurs. Il est sans doute plus facile de s’exprimer au sein de notre hémicycle qu’autour des tables de négociations. Toutefois, il faut aussi prendre le temps d’expliciter ce que nous voulons.
Il me semble que, si nous proposons au Gouvernement de statuer sur des produits, ce n’est en aucune façon limitatif et cela peut recouvrir l’ensemble des produits d’une famille. Le Gouvernement avisera.
Je ne pense pas, monsieur Virapoullé, monsieur Lise, qu’il y ait là matière à confrontation. L’élément qui donne le plus de souplesse et qui ne ferme aucune porte, c’est, me semble-t-il, la rédaction proposée par M. Marsin.
Au surplus, votre amendement, monsieur Lise, est impératif. Il nous semble plus judicieux de laisser au Gouvernement la faculté d’utiliser cette procédure comme une arme dissuasive permettant de faire pression sur les distributeurs et ainsi de répondre à l’objectif visé.
M. le président. La parole est à M. Claude Lise, pour explication de vote.
M. Claude Lise. Nous sommes en deçà de ce qu’ont accepté les représentants de la grande distribution.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Mais non, puisque le chiffre « cent » a disparu. Si ce chiffre demeure, la notion de famille est tout à fait légitime. Dans le cas contraire, la liberté est totale !
M. Claude Lise. Je vous mets en garde contre le signal qui sera donné. J’ai passé des heures à discuter de cette question. Les représentants de la grande distribution ont fini par accepter la notion de « familles de produits » et, ensuite, ils se sont mis d’accord avec les collectifs concernés – je présenterai d’ailleurs un autre amendement sur ce point - sur un nombre de produits qui a été fixé à 400. Ce sont 400 produits répartis dans des familles de produits.
M. Jean-Paul Virapoullé. Voilà !
M. Claude Lise. J’insiste : compte tenu des tensions extrêmes qui règnent sur place, je crains que nous ne donnions un mauvais signal en ne retenant pas cette notion de « famille de produits ». Demain, vous entendrez dire que le Sénat est revenu sur des conclusions qui étaient acquises et que le préfet avait, en quelque sorte, avalisées au nom de l’État. Je redoute énormément les conséquences des décisions que nous allons prendre !
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.
M. Jacques Gillot. Nous avons négocié un accord avec M. Jégo et la grande distribution. Cet accord a été rejeté. Maintenant, nous avons trouvé une entente avec la grande distribution pour utiliser la formule des « familles de produits », après avoir constaté que la seule notion de « produits » était effectivement limitative et que nous ne pouvions pas aller très loin.
Il serait dommage que le Sénat aille aujourd'hui à l’encontre de négociations qui ont été menées sur le terrain, alors que nous sommes justement réunis pour entériner ces négociations. M. le secrétaire d'État a dit lui-même qu’il fallait tenir compte de ce qui s’était passé sur le terrain. Aujourd'hui, en Guadeloupe, l’accord signé entre les socioprofessionnels et la grande distribution porte sur des « familles de produits ».
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis.