Mme la présidente. La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’orée de l’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, qui aura connu plusieurs péripéties et de multiples rebondissements depuis son élaboration originelle par le Gouvernement, l’occasion serait belle – et rêvée ! – de me lancer dans une envolée politique et institutionnelle destinée à confronter les objectifs et la viabilité de ce texte à la réalité du terrain eu égard à la géostratégie politique de la France dans ses trois régions ultramarines d’implantation que sont l’océan Indien, la Caraïbe et l’océan Pacifique. À terme, c’est bien de cette question qu’il s’agit !
Toutefois, tel n’est malheureusement pas l’objet du débat qui nous réunira, formellement du moins, pour les trois prochains jours.
Aussi, dans le cadre de la discussion générale préalable à l’examen des articles du projet de loi, tenterai-je de tenir des propos aussi brefs que précis sur la manière dont la Polynésie française perçoit les tenants et les aboutissants de ce projet de loi.
Si je devais formuler une remarque générale qui soit la plus objective possible et la plus factuelle, je dirais que le dispositif législatif proposé « pour le développement économique de l’outre-mer » apparaît intrinsèquement déséquilibré et marqué d’un anachronisme sous-jacent. Nous sommes donc quelque peu perplexes quant à la pertinence de l’intitulé du projet de loi – je m’en expliquerai ultérieurement – et aux véritables enjeux qu’il vise.
Pourquoi le texte est-il anachronique ?
Le 5 juin 2008, le projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer est venu en discussion, dans sa rédaction originelle, devant l’assemblée de la Polynésie française, qui n’a pas adopté le projet d’avis présenté par la commission des finances locales.
Le 3 mars 2009, voilà à peine quelques jours, l’assemblée de la Polynésie française s’est réunie pour adopter, à la majorité absolue, une résolution destinée à faire valoir le fait qu’elle puisse être saisie en urgence par les autorités de la République pour émettre son avis et faire des propositions de modification avant que ce projet de loi ne vienne en discussion devant le Sénat.
Pourtant, dans une rédaction modifiée, le présent projet de loi avait été déposé sur le bureau du Sénat le 28 juillet 2008, c’est-à-dire avant la crise financière et économique mondiale, qui a atteint son paroxysme en France à la fin de l’année dernière, et avant la crise économique et sociale qui frappe durement les Antilles depuis le début du mois de février.
Dans le courant du mois dernier, nous sommes plusieurs sénateurs à avoir cosigné une motion plaidant en faveur d’une suspension de l’examen de ce projet de loi. Cette motion n’a pas été prise en compte, au motif que l’urgence avait été déclarée.
Le 19 février 2009, la commission des finances du Sénat a adopté, après modification, le texte que nous examinons aujourd’hui.
Dans le cadre d’une réunion de consultation et de coordination de l’ensemble des parlementaires ultramarins qui s’est tenue, le 26 février dernier, à Matignon, sous la présidence du Premier ministre, M. François Fillon, les élus polynésiens ont appris l’organisation prochaine d’États généraux de l’outre-mer, postérieurement à l’adoption du présent projet de loi, et ce vraisemblablement en vue du prochain sommet France-Océanie, programmé au mois de juin 2009 à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.
Au cours de récents débats parlementaires, a même été évoquée la possibilité d’examiner, à la fin de l’été prochain, un projet de loi en faveur de l’outre-mer qui viendrait en quelque sorte compléter celui dont nous débattons aujourd’hui.
Vous en conviendrez avec moi, mes chers collègues, la situation est quelque peu anormale dans la mesure où l’on nous demande d’examiner assez rapidement un projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer qui porte déjà en lui, à bien des égards, les germes évidents d’une caducité annoncée.
Ce dispositif législatif est également intrinsèquement déséquilibré parce qu’il ne concerne que très peu les collectivités françaises d’outre-mer.
En effet, à l’exception des dispositions relatives à la création d’un fonds exceptionnel d’investissement outre-mer, au dispositif relatif à la continuité territoriale et au passeport-mobilité, et de certains dispositifs de défiscalisation ou secteurs d’investissements défiscalisables, le projet de loi ne concerne que les départements d’outre-mer. Cela ne pose pas un problème en soi ; je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est donnée pour adresser mes vœux de solidarité et de soutien à tous mes collègues ultramarins, davantage mobilisés par ce projet de loi.
Cependant, l’outre-mer français est et doit rester uni.
Il est, pour reprendre les termes que Mme le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a employés ce matin, une « force », un « atout », c'est-à-dire une valeur ajoutée indéniable pour la France. Il l’a été depuis plus d’un demi-siècle déjà. Mais le sera-t-il autant pour le demi-siècle à venir ?
La donne a changé, nous le savons tous. Aujourd'hui, parler du développement économique de l’outre-mer, c’est, pour l’État, engager un processus d’identification concertée des secteurs de développement économique endogènes les plus pertinents par collectivité locale, par département, par région ; c’est aussi renforcer globalement le financement de l’État envers l’outre-mer tout en rationalisant concomitamment, si j’ai bien compris, l’affectation de ces fonds publics et en limitant l’impact des différents dispositifs financiers antérieurs sur le budget de la nation – je pense, par exemple, aux dispositifs d’aide fiscale à l’investissement en faveur de l’outre-mer –, le tout sous couvert d’une nouvelle politique de rigueur budgétaire sur le plan national, inspirée par l’ampleur de la crise financière, devenue économique, qui frappe le monde, notamment la France.
Mais si, au niveau national, la donne a changé à cause de l’évolution de la société, des besoins, ou encore des ressources, l’immobilisme n’a pas régné au niveau local. La prise de conscience de la position géostratégique, plus ou moins privilégiée, de certaines collectivités locales françaises a également changé la donne à l’égard des pays environnants.
Cette prise de conscience offre de nouvelles opportunités de développement économique de nature exogène qui ne sauraient bien entendu masquer ou supplanter les secteurs de développement économique endogènes propres à chaque collectivité locale française d’outre-mer.
Autrement dit, la politique gouvernementale nationale en faveur du développement économique de l’outre-mer ne doit pas conduire l’État – bien évidemment, me direz-vous ! – à « faire le vide » autour de chacune de ses collectivités locales d’outre-mer.
Un développement économique endogène, c’est très bien ! Un développement économique exogène et endogène, c’est encore mieux !
Cette question fera partie, soyez-en sûrs, mes chers collègues, du large et intéressant débat qui aura lieu lors des prochains États généraux de l’outre-mer, au mois de mai prochain.
Dans la vision actuelle du Gouvernement, le « développement économique de l’outre-mer » passe aussi par le financement prioritaire de certains domaines qui peuvent, dans certaines collectivités locales dotées d’une autonomie politique et financière au sein de la République française, entrer en concurrence avec les compétences propres de ces mêmes collectivités.
Le logement, qu’il soit social, intermédiaire ou libre, pour ne citer que cet exemple, est une compétence propre du gouvernement de la Polynésie, tout comme le secteur des télécommunications. Or, ce projet de loi contient de nombreuses dispositions relatives à la défiscalisation de ces secteurs : il s’agit, dans certains cas – je pense notamment au logement intermédiaire –, de la suppression pure et simple du bénéfice du dispositif d’aide fiscale ou, dans d’autres cas – je songe notamment aux câbles sous-marins –, de la réduction de l’assiette ou du périmètre défiscalisable.
J’ai donc déposé plusieurs amendements visant à anticiper avec un maximum de rigueur et de fidélité les exigences et les besoins que pourraient connaître les acteurs économiques et l’exécutif polynésiens, ou à extrapoler.
À l’heure où la Polynésie française vient de trouver un équilibre politique salutaire autour de la nécessité d’engager un plan de relance, avec une nouvelle majorité politique soudée – cela n’avait jamais été le cas depuis la mise en place de son statut d’autonomie en 1995 –, à l’heure où un dialogue nouveau, courtois et responsable vient de s’instaurer avec l’État, à la suite de la visite du président polynésien, invité par le Premier ministre – il a ainsi pu rencontrer M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer ainsi que plusieurs autres membres du Gouvernement –, à l’heure où nos mains trop longtemps distantes et hésitantes semblent vouloir s’unir de nouveau dans une franche et fraternelle poignée, il est vraiment regrettable que ce projet de loi à l’intitulé pourtant très ambitieux et encourageant ne reste qu’une étape trop incomplète.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, si vous voulez instaurer un véritable développement économique des collectivités françaises de l’outre-mer, permettez à ces dernières, par exemple, de passer librement des accords bilatéraux avec les pays environnants, car cela ne coûtera pas cher à l’État. Permettez-leur aussi de négocier directement leurs dossiers auprès du Fonds européen de développement, car le coût sera nettement moindre que la mise en place du fonds exceptionnel d’investissement outre-mer. Mais nous ne sommes évidemment pas dans le cadre des États généraux de l’outre-mer !
Quoi qu’il en soit, mes remarques ne présagent en rien de la qualité de nos débats à venir, que j’espère malgré tout productifs.
Tel est en substance, madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le message que je souhaitais vous adresser en préambule de l’examen du projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Mme Anne-Marie Escoffier et M. Gaston Flosse applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Constant Fleming.
M. Louis-Constant Fleming. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la situation de Saint-Martin, collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie depuis l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, doit s’apprécier distinctement selon que les dispositions du projet de la LODEOM ont trait au régime fiscal, au régime social ou à certains éléments spécifiques en matière de soutien au développement économique.
Les dispositions fiscales concernent, d’une part, l’atténuation des charges fiscales dans le cadre des zones franches d’activités des départements d’outre-mer et, d’autre part, des modifications du dispositif fiscal national en matière d’aide à l’investissement dans l’ensemble des départements d’outre-mer et des collectivités d’outre-mer.
Disposant désormais de la compétence fiscale et du produit des impôts transférés, Saint-Martin n’est pas fondée à bénéficier du régime des zones franches d’activités défini pour les DOM, et n’a aucune demande à formuler à cet égard.
Toutefois, je ferai observer que, en vertu de la « règle des cinq ans » à laquelle est subordonnée la reconnaissance d’une domiciliation fiscale à Saint-Martin, les entreprises nouvellement implantées à Saint-Martin ne bénéficieront ni du régime fiscal saint-martinois ni du dispositif des zones franches d’activités. Dès lors, il conviendra de reconsidérer cette règle dans le cadre approprié.
En ce qui concerne l’aide fiscale nationale aux investissements outre-mer, Saint-Martin demande bien évidemment le bénéfice des dispositions prévues par la future LODEOM, en vue de favoriser les investissements dans l’ensemble des départements et des collectivités d’outre-mer, dans des conditions exclusives de toute discrimination.
S’agissant du régime social, dans un contexte général outre-mer où ne peuvent être exclues certaines transformations statutaires, il est particulièrement important de marquer que de telles transformations ne sauraient conduire à une régression de la protection sociale nationale lorsque la volonté des populations concernées, comme celle du législateur organique, a conduit à y préserver, en la matière, un régime d’identité. Tel est le cas pour la collectivité de Saint-Martin, qui, selon la loi organique, dispose de l’identité législative.
De ces dispositions procède la demande de Saint-Martin tendant au bénéfice du régime bonifié d’exonération de charges sociales patronales prévu dans la future LODEOM pour un certain nombre de secteurs de développement prioritaires. Essentiel au développement saint-martinois, le tourisme est au nombre de ces secteurs et mérite assurément, dans le cas de Saint-Martin, le soutien de nature à assurer sa compétitivité dans un environnement régional proche très concurrentiel.
L’objectif d’une indispensable diversification économique de l’île justifie que les entreprises appartenant aux autres secteurs qui, dans les départements d’outre-mer, profitent du régime bonifié d’allégement des charges sociales – recherche et développement, technologies de l’information et de la communication, environnement et énergies renouvelables – en bénéficient à Saint-Martin dans les mêmes conditions, sans que le respect du principe d’identité exerce ici d’effets budgétaires considérables pour l’État, compte tenu des dimensions modestes de l’économie saint-martinoise.
Des mêmes principes découle la demande de Saint-Martin d’une complète application dans la collectivité, « par analogie avec les règles applicables en Guadeloupe », de toutes les mesures sociales qui seraient adoptées en faveur des départements d’outre-mer tant dans la future LODEOM que par un autre biais, en vue, notamment, de lutter contre la vie chère ou de renforcer le pouvoir d’achat ; je pense notamment au revenu de solidarité active, le RSA, ou au revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, etc.
Enfin, concernant les mesures spécifiques de soutien économique, le projet de LODEOM amendé par le Gouvernement prévoit une aide pour la rénovation des hôtels situés dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Saint-Martin a vocation à devenir la principale base touristique française dans la Caraïbe. Son parc hôtelier, aux capacités fortement réduites au cours des années récentes, a, pour certaines des unités subsistantes, un évident besoin de rénovation. Nous apprécierions que, reconnaissant ces éléments, le Gouvernement intègre Saint-Martin à son projet global d’appui au développement de l’outre-mer et prenne l’initiative d’étendre à la collectivité le bénéfice de l’aide à la rénovation hôtelière.
En conclusion, les amendements que j’ai déposés et que je vous demande de soutenir ont pour objet d’inclure la collectivité de Saint-Martin dans le champ d’application de la future LODEOM. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà un demi-siècle, dans un contexte pourtant général de décolonisation et d’aspiration des peuples à l’indépendance, 97 % des Wallisiens et des Futuniens ont choisi par référendum de manifester leur amour et leur attachement à la France en devenant territoire d’outre-mer et donc pleinement Français.
Depuis lors, ils n’ont cessé de démontrer leur patriotisme, notamment en servant nombreux sous nos drapeaux, et ce sentiment d’appartenance n’a pas faibli, au contraire. Nos compatriotes wallisiens et futuniens sont fiers de la France et fiers d’être citoyens français.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons été sensibles à l’invitation que vous avez lancée à nos rois de venir fêter à Paris, le 27 décembre, le cinquantième anniversaire du référendum de 1959. Le statut du territoire voté en 1961 n’a pas subi beaucoup de changements majeurs, mais l’esprit des États généraux demandés par le Président de la République souffle déjà depuis quelques mois dans nos îles.
Lors de votre visite, monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué la nécessité de moderniser ce statut. En janvier dernier, lors de sa première réunion de l’année, le conseil territorial a abordé avec beaucoup de sérénité cette question, qui a été également évoquée, avant qu’elle ne soit débattue par les élus, par le préfet et le président de l’assemblée territoriale au cours de la session budgétaire 2009.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je pense que nos populations sont maintenant disposées à mener une véritable réflexion sur leur avenir économique, social et institutionnel. À nous, responsables politiques et coutumiers, de trouver la méthode de travail qui favorisera l’expression responsable, sereine et ouverte de tous. Nous comptons sur la mission outre-mer.
Bien que le texte qui nous occupe aujourd’hui concerne malheureusement peu Wallis-et-Futuna dans les faits, j’ai souhaité néanmoins évoquer quelques points qui me semblent importants.
Tout d’abord, dès son intitulé, ce projet de loi met l’accent sur le développement économique. C’est un grand mérite, car le souhait des ultramarins n’est pas d’être assistés ; il est d’être accompagnés dans un développement endogène répondant à un impérieux besoin d’intégration dans nos environnements géographiques régionaux respectifs. En cela, nous répondons à une logique évidente de proximité ainsi qu’à la demande de l’État et de l’Union européenne.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte ici pour exprimer, tant à Mme le ministre qu’à M. le secrétaire d’État, ma reconnaissance pour leur implication forte dans la défense des pays et territoires d’outre-mer, les PTOM, surtout au cours de la présidence française de l’Union européenne. J’espère que, dès 2013, tous ces efforts déployés se concrétiseront par un nouveau statut plus conforme à la citoyenneté européenne de ces pays et territoires d’outre-mer, ce qui leur permettra d’être aussi les avant-postes de l’Europe dans leurs zones géographiques respectives.
L’intégration régionale est notre avenir tout autant que la force du lien avec la mère patrie. Cela n’est pas sans susciter dans nos collectivités une certaine schizophrénie que nous devrons apprendre à surmonter. C’est le prix de la pérennité de notre développement. Les États généraux devront sérieusement examiner ce problème.
Pour favoriser le développement économique de l’outre-mer, il faut prendre en compte autant les faiblesses structurelles qui sont communes à toutes nos collectivités que les caractéristiques propres à chacune.
Parmi les points communs, on peut, bien sûr, citer la question des prix. Je me réjouis, monsieur le secrétaire d’État, que, lors de votre audition devant la commission des finances, le président de cette dernière ait évoqué l’éventualité d’un recours au contrôle des prix. Je reviendrai sur cette question lors de la discussion de l’article 1er A, sur lequel j’ai déposé des amendements et un sous-amendement.
Il est un autre point que l’on retrouve dans chacune de nos collectivités, à savoir l’insularité et la nécessité d’aider à notre désenclavement, ce qui est bien entendu la condition indispensable du développement. À Wallis-et-Futuna, ce handicap est encore plus prononcé. En effet, non seulement ce territoire est le plus éloigné de la métropole – 21 000 kilomètres après escale obligatoire en Nouvelle-Calédonie –, mais, de plus, sa population subit le diktat d’Air Calédonie International. Cette compagnie aérienne, de par sa situation de monopole, prend en effet en otages les habitants de Wallis-et-Futuna, en leur imposant des tarifs et des horaires qui entravent la liberté de circulation.
Dans cette situation de crise mondiale, de capitalisme devenu fou, nous redécouvrons les vertus de l’intervention de l’État. Pourquoi ce qui est vrai pour les banques ne le serait-il pas pour les abus des monopoles, que ceux-ci soient le fait de compagnies aériennes ou de commerçants pratiquant des prix de vente abusifs ?
L’enclavement de Wallis-et-Futuna est aggravé par l’insuffisance sur place des structures de santé et d’éducation qui rend obligatoire l’émigration.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’amendement du Gouvernement sur le passeport-mobilité risque de jeter la confusion dans la prise en charge des lycéens obligés de quitter le territoire lorsque la filière qu’ils ont choisie n’est pas proposée sur place. Actuellement, cette prise en charge est intégralement assumée par le ministère de l’éducation nationale. Je voudrais que l’assurance me soit apportée, par la rédaction de l’article 26, que la totalité de la prise en charge par l’État sera maintenue d’une manière ou d’une autre.
Le désenclavement est la condition première du développement de nos territoires les plus handicapés. Le Gouvernement l’a bien compris, puisqu’il a institué, à l’article 10, une aide au fret pour les départements d’outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, et a déposé un amendement en vue d’étendre cette mesure à Mayotte, en oubliant Wallis-et-Futuna malgré ma demande.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’espère que nous pourrons trouver un accord sur ce point et remédier ainsi à cette injustice. Ce serait très peu coûteux, mais très utile pour nous.
Hormis ces points communs – insularité, cherté des prix, désenclavement –, chacune de nos collectivités dispose de spécificités propres qui doivent être prises en compte.
Ainsi, pour ce qui concerne Wallis-et-Futuna, il est évident que certaines dispositions du statut de 1961 dont je parlais précédemment freinent considérablement toute possibilité de développement.
Notre système foncier est tel que nous ne pourrons profiter du dispositif qui va être mis en place par le projet de loi dans le domaine du logement par exemple, bien que cet aspect constitue une partie importante de ce texte. Nous serons écartés, sinon en théorie du moins en pratique, de bon nombre des dispositions qui vont être établies, tandis que l’acquisition de navires, par exemple, ne nous sera pas facilitée, alors que la pêche est bien évidemment pour nous une piste évidente de développement. J’ai déposé un amendement dans ce sens, et j’espère qu’il trouvera un écho favorable.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la tâche qui nous attend est immense, mais elle est exaltante, car nous préparons l’avenir de nos populations. Cette tâche passe par le texte qui nous est soumis aujourd’hui, mais celui-ci, soyons-en certains, ne constitue qu’une étape dans le nécessaire changement d’approche des questions ultramarines.
Les États généraux de l’outre-mer vont s’ouvrir et nous permettre de compléter notre travail en faveur d’une évolution profonde et durable de l’outre-mer.
De vastes chantiers de réflexion nous attendent, au premier rang desquels, à mon sens, l’intégration régionale que j’ai déjà évoquée au début de mon intervention, mais aussi l’éducation, enjeu d’autant plus crucial pour un avenir meilleur que l’échec scolaire est élevé dans nos collectivités. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me suis exprimé tout à l’heure au nom de la commission des lois ; je voudrais maintenant, sur ce projet de loi très important, intervenir en mon nom personnel.
J’ai écouté avec une grande attention les propos qui ont été tenus par mes collègues et qui sont tous marqués par l’inquiétude, parfois par une volonté de culpabilisation du Président de la République ou du Gouvernement.
Mais – et ce sera ma première remarque –, si l’on compare la situation des outre-mers avec celle des régions qui nous entourent, nous ne pouvons pas être considérés comme les damnés de la terre. Au contraire, sur les plans de la santé, de l’éducation, du logement, et malgré les problèmes, les outre-mers français sont aujourd’hui dans une situation nettement plus favorable que celle des pays qui les environnent. Il faut avoir d’autant plus le courage de le dire que cela ne résulte pas d’un miracle. C’est le fruit de la solidarité nationale à l’œuvre, de la contribution du pays à l’outre-mer et de l’outre-mer au pays, ainsi que de la contribution de l’Europe à l’outre-mer. Par conséquent, il faut avoir aujourd’hui un sentiment de reconnaissance à l’égard de la nation pour le chemin parcouru.
Alors qu’on nous culpabilise pour la crise, j’ajouterai que tout président de la République élu ou tout gouvernement en place aurait aujourd’hui à faire face à la crise.
M. Patrice Gélard. Exactement !
M. Jean-Paul Virapoullé. Ce n’est pas « Sarko » – permettez-moi l’expression – qui a inventé la crise ! La crise résulte de l’irresponsabilité de la spéculation financière, l’économie virtuelle ayant remplacé l’économie réelle. Quel que soit le gouvernement, quel que soit le président de la République que nous aurions pu élire en 2007, nous serions aujourd’hui confrontés à cette crise : la métropole connaîtrait également, chaque mois, son cortège de nouveaux chômeurs ; l’Amérique devrait faire face, chaque mois, à un million de nouveaux chômeurs ; la Chine, à deux millions, voire plus ; et la famine sévirait en Afrique.
Il faut tout de même prendre conscience du contexte actuel ! Cette situation va perdurer un certain temps, car je ne crois nullement – je n’y ai d’ailleurs jamais cru – aux prédictions de M. Jean-Claude Trichet, qui s’est toujours trompé. Ce n’est pas à mon âge – l’âge de raison ! – que je vais commencer à le croire, et à penser que la crise va s’atténuer en 2010 ! (Sourires.)
C’est donc dans ce contexte que se situe ce débat. Il faut aujourd’hui avoir le courage de dire que cette loi ne constitue pas une sanction contre l’outre-mer. En écoutant certaines interventions, je me suis demandé si j’avais lu le projet de loi à l’envers ou si je ne comprenais plus le français ! Ce texte représente tout de même un effort considérable en ce temps de crise, et je remercie d’avance mes collègues qui voteront les aides accordées à l’outre-mer.
Grâce à l’adoption de ce projet de loi, nous allons rectifier les erreurs du passé, comme dans vingt ans ou dans trente ans d’autres lois viendront rectifier nos propres erreurs et améliorer la situation qui en résulte. Il n’y a ni loi parfaite, ni situation idéale, ni collectivité où tout le monde est heureux. Il y a des sociétés où l’égalité est plus ou moins grande et où les disparités sont plus ou moins intolérables.
Ce soir, à la Réunion, une bande de casseurs est en train de piller des magasins, alors que la manifestation prévue aujourd’hui a échoué, ne rassemblant que 3 000 participants à Saint-Denis et 2 000 à Saint-Pierre. Lorsqu’on joue aux apprentis sorciers, qu’on se substitue aux élus et qu’on veut organiser des manifestations qui ne sont pas encadrées,…