M. Michel Charasse. Il tombera !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. ... deviendra en effet sans objet si l’amendement de la commission est adopté. Il en ira de même pour les amendements nos 35 rectifié et 36 rectifié.
Enfin, l’avis du Gouvernement est défavorable sur les amendements nos 95, 96, 97 et 98.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. L’incapacité de M. le secrétaire d’État et de M. le rapporteur à nous répondre sur le fond, s’agissant d’un certain nombre de points, est tout à fait éclairante ! (M. le rapporteur et M le vice-président de la commission des lois protestent.)
M. Pierre Fauchon. Ce n’est pas bien de dire cela !
M. Bernard Frimat. Parfois, ils font même dire à nos amendements le contraire de ce que nous proposons !
Lors du débat d’hier sur l’article 13, il s’agissait de régler une conformité a posteriori. L’Assemblée nationale avait statué et il ne fallait surtout pas rouvrir le débat. Quelle qu’ait pu être la position des uns et des autres, il fallait obtenir un vote « conforme ».
Nous avons affaire ici à un quasi-conforme a priori : nous devons voter un texte qui a déjà été négocié avec M. Warsmann. Cela permettra à l’Assemblée nationale, qui aura obtenu satisfaction de facto, de voter conforme le texte issu de la « commission mixte paritaire » réunissant les deux rapporteurs, à une exception près : l’amendement relatif à la liste des textes à abroger. Ces textes, qui se trouvent déjà dans la loi, vont désormais figurer dans les études d’impact. Quel apport considérable !
Jeudi dernier, alors que nous débattions des propositions de résolutions, par deux fois, nous avons pu avancer : des amendements qui avaient reçu un accueil hostile de la part de la commission des lois et du Gouvernement ont été adoptés à l’unanimité, car, quelles que soient les travées, les sénateurs partageaient le même sentiment.
J’ai écouté les réactions de l’ensemble de nos collègues sur les études d’impact, notamment celle de M. Raffarin.
Certes, monsieur le rapporteur, et je vous en ai donné acte, vous avez progressé s’agissant de l’usine à gaz qui nous est arrivée de l’Assemblée nationale. Mais votre texte est encore trop « warsmannisé » (Sourires.) et demeure donc très confus.
Vous auriez pu accepter un ou deux des amendements de fond que nous avons présentés. C’est au Gouvernement de définir les objectifs des projets de loi, pas aux études d’impact ! M. le secrétaire d’État nous dit que ce sont désormais les études d’impact qui fixeront ces objectifs. Dont acte !
Je ne m’étendrai pas davantage : cette explication de vote, qui sera ma seule intervention, vaut pour l’ensemble des amendements et sous-amendements.
Nous passons à côté d’une occasion, car vous vous enfermez dans des négociations internes. Puisque vous y êtes à l’aise, ébattez-vous !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je me contenterai de faire une intervention sur l’ensemble du dispositif qui nous est présenté, en mettant à part l’amendement de la commission.
Je ne sais pas d’où vient cette invention des études d’impact et, surtout, je ne vois pas quel est l’avantage pour l’intérêt général, pour l’action du Parlement et pour l’œuvre législative de s’encombrer de ces tonnes de papier qui vont déferler sur nos assemblées.
Je vois surtout derrière tout cela une certaine manière, ou une certaine volonté, d’empêcher d’agir et de céder au sport favori des Français, ou d’une partie d’entre eux – généralement une minorité ! –, qui consiste à ne rien faire.
C’est aussi une façon de soumettre la politique à des choix techniques, comme l’a très bien dit M. Frimat à deux ou trois reprises, alors qu’en réalité la politique doit être dégagée, d’une façon générale, de ce genre de considérations.
Je tiens à dire, mes chers collègues, qu’aucune des grandes lois qui ont fait la République n’aurait sans doute été votée si elle avait été précédée d’une étude d’impact.
Qu’aurait-on dit sur l’amendement Wallon, comme me le souffle M. Frimat ?
Quelle étude d’impact aurait-on pu réaliser sur la loi de séparation de 1905, en particulier sur l’article 4, qui était le nœud du texte ?
Alors, franchement, je m’interroge. D’autant que l’on ne sait pas qui procèdera à ces études. Le Gouvernement ? Mais, monsieur secrétaire d'État, il sera tout le temps suspect ! Les lobbies ? Ils sont intéressés ! Des cabinets privés ? Ils sont rémunérés !
Par conséquent, de toute façon, l’étude d’impact sera discutée, contestée, sans forcément aboutir à la photographie objective du problème
Et que se passera-t-il, mes chers collègues, si l’étude est impossible parce que l’on ne sait pas où l’on va ?
D’ailleurs, j’ignore si, en votant, en juillet dernier, l’article 39, troisième alinéa de la Constitution, consacré aux conditions de présentation des projets de loi, le constituant avait vraiment l’intention d’aller jusque-là ; personnellement, je n’en suis pas sûr.
Mais, je le répète, que se passera-t-il si l’étude d’impact est impossible ? J’ai essayé d’imaginer, par exemple, l’étude d’impact sur le plan de relance.
Observation préliminaire : nous vivons une crise économique « sans précédent ». « Sans précédent », cela veut dire qu’il n’y a pas de référence historique, pas de précédent. Donc, on peut faire ce que l’on veut ; on ne sait pas où l’on va puisqu’il n’y a pas de référence : la crise est sans précédent ! Dès lors, nul ne peut savoir à l’avance ce que donneront les mesures envisagées. Va-t-on nous présenter l’analyse commentée des experts ? Mais quels experts choisir puisque la crise est sans précédent ?
Mme Nathalie Goulet. Ils n’ont rien vu venir !
M. Michel Charasse. Ils n’ont rien vu venir et ils ne savent pas où l’on va !
Alors, dans ce cas-là, à quoi va aboutir l’étude d’impact ? « Passe devant avec la lampe, je te suis avec le revolver et, s’il pleut, sors ton parapluie ! » Conclusion de l’étude d’impact : il n’y a pas assez de crédits pour les parapluies ! (Rires.)
Donc, si c’est cela l’étude d’impact, merci beaucoup ! Vous comprendrez, mes chers collègues, que je voterai pour la forme, ou plutôt dans l’esprit, contre ce système d’étude d’impact. Je choisirai, pour des raisons purement rédactionnelles, même si la formulation aurait pu être améliorée par plusieurs sous-amendements qui ont été présentés, la proposition de la commission. Mais, sur le fond, je n’y crois pas et ne pensez pas que nous renforcerons l’État, la République, la démocratie et l’esprit civique avec ce genre d’âneries !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. La seule chose qui me paraisse évidente, après l’exposé très brillant de M. Charasse, c’est qu’il existe un large accord dans cette assemblée pour refuser de s’engager dans cette voie.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Pourquoi faire des procès d’intention ?
M. Jean-Pierre Sueur. Je constate – et pourquoi ne pas s’en réjouir ? –que de nombreuses déclarations dans cette assemblée sont concordantes. Pourquoi ne pas le dire ?
Nous sommes conscients des contraintes politiques, monsieur le rapporteur, et nous pouvons tout à fait imaginer que vous tentiez d’améliorer la rédaction du texte avec votre homologue à l’Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est ce que j’ai fait pour la révision constitutionnelle !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais nous ne sommes pas à huit jours près pour le vote d’un texte aussi important.
M. Alain Gournac. Vous voulez le retarder !
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit non pas de retarder le vote, mais de vous mettre en garde, car une telle mesure aura de nombreuses conséquences ! En un an, nous avons voté pas moins d’une cinquantaine de lois. Si, à l’avenir, chaque loi devra être accompagnée d’une étude d’impact, composée de tous les éléments énumérés par l’article 7, mesurez-vous le travail que cela va représenter ?
Plutôt que d’aller dans ce sens, il aurait mieux valu supprimer cet article. Nous aurions alors été en position de force pour parvenir avec les députés à une rédaction plus proche de notre pensée que de la leur. Ce que je défends ici, c’est ce que pourrait être le fonctionnement d’un Sénat qui pèserait de tout son poids.
J’ajoute qu’aux termes de l’amendement n° 10 de la commission « les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact dès le début de leur élaboration ». Je rejoins notre collègue Bernard Frimat pour soulever une question à laquelle vous ne pouvez pas vous dérober : il n’existe aucune définition juridique du « début de l’élaboration » d’un texte de loi.
Prenons un exemple récent, celui de la loi sur l’audiovisuel. Quand donc a débuté l’élaboration de ce texte ? Est-ce le matin où Nicolas Sarkozy a déclaré, devant un parterre de personnes abasourdies, à commencer par Mme la ministre de la culture, qui n’avait pas été mise au courant, que le Président de la République désignera les présidents des sociétés de l’audiovisuel public ? On peut considérer que le début de l’élaboration de la loi c’est le moment où a germé dans l’esprit du Président de la République l’idée de faire cette déclaration. Il faudrait donc que l’étude d’impact soit lancée dès ce moment inconnu, et d’ailleurs inconnaissable ! Vous pensez bien que, lorsque Nicolas Sarkozy a fait cette déclaration, il était à mille lieues d’imaginer une étude d’impact ! Il exprimait un choix politique et il pensait que cette mesure aurait un impact positif. Nous avons contesté ce choix politique, mais nous ne contestons nullement le droit du Président de la République de faire des choix politiques. C’est son rôle !
Les choix politiques font partie de notre fonction ; nous en débattons entre nous. L’étude d’impact de la loi, sujet de notre débat, sera, elle, source de grandes confusions ; nous allons créer un véritable embrouillamini.
Je formulerai une autre remarque, monsieur le rapporteur : on ne peut pas – c’est une erreur – écrire que l’étude d’impact définit les objectifs poursuivis par le projet de loi. Il revient au Gouvernement ou, le cas échéant, au Président de la République, d’expliquer que tel texte sur l’emploi, les questions sociales, la crise, l’outre-mer, ou tout autre sujet, vise à atteindre tel ou tel objectif.
L’étude d’impact n’a pas pour objet de se prononcer sur les objectifs poursuivis par le projet de loi. Sinon, à quoi servirait l’exposé des motifs ? Faire figurer les objectifs dans l’étude d’impact n’a aucun sens !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Mon explication de vote vaudra également pour l’ensemble des amendements et sous-amendements en discussion commune.
Depuis le début, cette discussion est totalement surréaliste ! Car le point important du projet de loi organique, c’est l’article 13. Or, sur cet article, la commission des lois est restée silencieuse : comme elle voulait un vote conforme, elle n’a pas déposé d’amendement. Après quoi, on nous amuse avec l’article 7. Je remarque au passage que ledit article n’était pas imposé par le nouvel article 39 de la Constitution !
M. Michel Charasse. Absolument !
M. Jean-Pierre Michel. Aujourd'hui, dans la majorité des cas, les parlementaires sont saisis d’un projet de loi comportant un exposé des motifs dont la qualité varie selon les ministères : les meilleurs exposent les fondements du projet de loi, la législation antérieure, la législation européenne, le droit international, les conséquences de l’adoption du texte, y compris pour l’outre-mer.
Et nous recevons des rapports des ministères concernés avant même le dépôt de certains projets de loi : je pense, par exemple, au projet de loi de finances ou au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur nous transmettent, sinon des études d’impact à proprement parler, du moins des informations sur la justification des projets de loi.
Franchement, je m’interroge ! Je vois bien, monsieur le secrétaire d'État, que, malgré votre bonhommie rassurante, vous voulez accroître l’inhibition des parlementaires. Mais les parlementaires sont là pour voter la loi, en toute liberté ! Ils n’ont pas besoin que le Gouvernement leur détaille les travaux qui ont précédé le dépôt des textes sur le bureau des assemblées. Les rapporteurs vont se charger de leur information. Après quoi, ils se forgeront leur avis et voteront en connaissance de cause.
Tout cela serait destiné à éviter l’inflation législative. Mais c’est au Gouvernement de s’y employer ! Á lui de procéder autrement qu’en enchaînant le dépôt de projets de loi, d’ailleurs le plus souvent déclarés d’urgence, ce qui limite la liberté des parlementaires de discuter, de se faire une opinion et de voter. Cela limite également le dialogue entre les deux assemblées cher au président de la commission des lois. La principale raison de son amendement de réécriture de l’article 7 n’est-elle pas son souci d’entretenir de bonnes relations avec M. Warsmann ?
Á chacun de balayer devant sa porte : si nous voulons voter de bonnes lois, assurons-nous qu’elles ne relèvent pas du domaine règlementaire ! Nous avons examiné ce matin, en commission des lois, un projet de loi important, qui viendra en discussion dans une quinzaine de jours : les trois quarts des amendements déposés n’ont aucune valeur législative ! Quant au texte lui-même, il comporte tout au plus cinq articles de nature législative ; tous les autres ne sont que des pétitions de principe.
M. Alain Gournac. Il y a deux cents amendements socialistes !
M. Jean-Pierre Michel. Voulons-nous, oui ou non, appliquer l’article 34 de la Constitution ? Pour ma part, je pense que oui !
L’origine de cette situation, il faut la rechercher dans le discours d’Épinal du 12 juillet 2007. Le Président de la République y a exposé sa conception des pouvoirs : à la séparation des pouvoirs succède une « collaboration » entre les différents pouvoirs. Le terme n’est peut-être pas très heureux en France, mais passons…
Cette collaboration va aboutir à une prééminence de l’exécutif. Et pas n’importe quel exécutif : un exécutif qui n’est pas responsable devant nous, c'est-à-dire le Président de la République. D’ailleurs, nous en avons déjà des exemples. Monsieur le secrétaire d'État, je ne parle pas pour vous, mais il nous arrive de voir certains de vos collègues assistés en séance de commissaires du Gouvernement qui sont, en réalité, des conseillers techniques de l’Élysée, ce qui est contraire à la Constitution ! J’espère d’ailleurs que la conférence des présidents se fera un devoir de faire vérifier les arrêtés relatifs aux commissaires du Gouvernement pour connaître leurs fonctions exactes : il faut s’assurer qu’ils représentent bien le Gouvernement, seul exécutif responsable devant nous et avec lequel nous faisons la loi.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai ! C’est important !
M. Jean-Pierre Michel. Nous ne faisons pas la loi avec le Président de la République, même s’il s’arroge le droit d’annoncer, à grand renfort de publicité, les textes qu’il va ensuite faire élaborer par le Gouvernement, lequel n’en a pas toujours connaissance à l’avance, paraît-il, et que l’on nous demandera de voter. Voilà où nous en sommes !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Michel. Je préfère de beaucoup l’amendement n° 163 rectifié de M. Frimat à l’amendement n° 10 de M. le rapporteur, car il est plus concis et il répond mieux à la situation actuelle.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce qui est certain, c’est que nous aboutissons à un véritable embrouillamini !
De nombreux parlementaires réclament depuis toujours une évaluation de la loi avant son élaboration et après sa mise en application.
On a parlé des grandes lois ! Malheureusement, monsieur Charasse, de très nombreuses lois sont des lois d’opportunité, des lois répétitives, des lois d’affichage…
M. Michel Charasse. C’est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous comprenez bien qu’il serait utile pour les parlementaires de savoir pourquoi le Gouvernement veut présenter une nouvelle loi après toutes celles qui se sont succédé.
Ma collègue Éliane Assassi a fait allusion à une catégorie que nous connaissons bien à la commission des lois, les lois pénales, mais c’est vrai aussi dans d’autres domaines.
Il faut donc être plus précis en ce qui concerne l’évaluation. Nous y sommes favorables, nous l’avons même demandée, mais quel est son sens ? Cette évaluation ne tend bien évidemment pas à fixer les objectifs politiques du Gouvernement, qui relèvent, d’une part, de la politique générale de l’exécutif, et, d’autre part, de l’exposé des motifs de chaque projet de loi. Affirmer que l’étude d’impact doit définir les objectifs visés est complètement erroné.
La rédaction peu intelligible retenue par l'Assemblée nationale contient une espèce de catalogue de précisions sur la teneur des documents rendant compte de l’étude d’impact, ce qui laisse craindre que nous soyons submergés de données, alors que, en réalité, les parlementaires doivent simplement pouvoir mesurer l’incidence du nouveau texte sur la législation en vigueur, sur les services publics ou, plus largement, sur les politiques publiques. Or un amendement tendant à cette fin a été rejeté.
En ce qui concerne le Conseil d’État, la discussion que nous avons eue lors de la révision constitutionnelle n’a pas du tout été concluante. De deux choses l’une : soit le Conseil d’État ne sert strictement à rien, et alors supprimons-le ; soit il éclaire le Gouvernement sur le plan juridique, et, dans ce cas, je ne vois pas pourquoi les parlementaires ne seraient pas destinataires de ses avis, d’autant que, comme d’aucuns l’ont souligné, beaucoup en ont connaissance. Il n’y a donc aucune raison qu’ils ne nous soient pas transmis.
En tout état de cause, la manière dont nous essayons de bricoler cet article est tout à fait regrettable. On finit par aboutir à un dispositif incompréhensible, alors que l’on aurait pu s’accorder sur une rédaction plus claire précisant les éléments d’appréciation nécessaires aux parlementaires, que le Gouvernement serait tenu de leur fournir.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l’article 7 du projet de loi organique.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Peu importe les termes employés – évaluation ou étude d’impact –, le principe est quelque peu surréaliste, voire dangereux. L’adopter équivaudrait pour nous à une sorte de suicide collectif. (Exclamations amusées au banc de la commission.)
L’essence même de la politique, c’est bien entendu la prévision. Or, si l’on remplace le personnel politique par des experts,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et voilà, c’est reparti !
M. François Fortassin. … quels que soient leur talent et la façon dont ils ont été choisis,…
M. Jean-Pierre Michel. Attali !
M. François Fortassin. … il devient tout à fait inutile que le Parlement poursuive son travail !
En effet, on soumettra le projet de loi aux experts, et si leur évaluation paraît correcte, il sera superflu que le Parlement en débatte ; si elle est médiocre, le texte sera rangé dans un tiroir et on n’en parlera plus.
Voilà tout de même une bien curieuse conception de la politique, au sens très noble du terme, et de notre mission de parlementaires ! Je n’arrive pas, pour ma part, à comprendre qu’une telle idée, pour le moins saugrenue, sinon farfelue, ait pu nous être soumise.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. À choisir entre la rédaction de la commission des lois du Sénat et celle de l'Assemblée nationale, je préfère incontestablement, pour ma part, la seconde.
Cela étant, tout au long de ma carrière de parlementaire, tant à l'Assemblée nationale qu’au Sénat, le fait que nous ne soyons pas destinataires des avis du Conseil d’État m’a toujours choqué. Il est profondément scandaleux que nous apprenions par la presse que le Conseil d’État aurait émis des réserves ou un avis négatif sur telle ou telle disposition d’un projet de loi. Il s’agit là d’une carence absolument flagrante. Il n’est pas pensable, dans une démocratie transparente – donc dans une vraie démocratie –, que les parlementaires ne disposent pas, lors de l’examen d’un projet de loi, de l’avis du Conseil d’État.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il n’a rien compris !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, nous avions eu un long débat sur ce sujet lors de la révision constitutionnelle, certains d’entre nous ayant même souhaité, alors, viser les études d’impact dans la Constitution. Nous y avons finalement simplement inscrit les conditions de présentation des projets de loi.
On me reproche d’avoir voulu me mettre d’accord sur une rédaction de l’article avec le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, mais il n’en est rien ! Il s’agit seulement de tenir compte des dispositions adoptées par les députés et d’examiner en quoi elles peuvent être en contradiction avec la position du Sénat en matière d’études d’impact, exprimée lors de la révision constitutionnelle et qui est de ne pas aller trop loin.
Néanmoins, nous devons pouvoir disposer d’un certain nombre d’éléments d’évaluation, en particulier savoir quels sont les objectifs visés au travers des projets de loi qui nous sont soumis.
M. Bernard Frimat. Cela figure dans l’exposé des motifs !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’exposé des motifs est parfois tellement succinct que les objectifs poursuivis n’y apparaissent même pas !
Il me semble donc souhaitable d’obliger le Gouvernement à nous donner un certain nombre d’éléments de comparaison, ainsi que des indications sur l’articulation et la cohérence du projet de loi avec le droit européen en vigueur. Ainsi, l'Assemblée nationale a prévu que le Gouvernement devrait préciser la méthode de calcul retenue pour évaluer les conséquences financières et économiques de la mise en œuvre des dispositions du projet de loi.
Par exemple, il est arrivé que l’on nous annonce que l’application d’une nouvelle disposition de la procédure pénale mobiliserait cinq magistrats à l’échelon national. C’était se moquer du monde ! Nous aurions dû disposer d’éléments suffisamment précis et chiffrés, en termes de volume de procédures et de nombre d’heures de travail, pour orienter la réorganisation des tribunaux d’instance et de grande instance.
Nous devons pouvoir bénéficier de ces éléments objectifs, tout en conservant bien entendu – c’est un point auquel il faut être extrêmement attentif – notre liberté de choix.
Le but de la commission des lois a été non pas de faire plaisir à l'Assemblée nationale, mais de prévoir l’inscription, dans les études d’impact, d’éléments parfaitement objectifs qui nous semblaient nécessaires pour améliorer l’information du Parlement et lui permettre ainsi de mieux légiférer. Il ne s’agit pas là de petits arrangements : il est de notre responsabilité de faire en sorte que ces études d’impact, qui, au demeurant, ne nous ont jamais enthousiasmés, répondent au besoin d’information du Parlement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Beaucoup de choses ont été dites, mais la réalité est tout de même assez simple.
Si la réalisation d’études d’impact semble souhaitable, c’est parce que le législateur a très souvent l’impression de voter un projet de loi sans réellement connaître le coût et les conséquences de l’application de ses dispositions.
M. Michel Charasse. Généralement, il ne veut pas l’entendre !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Les études d’impact n’ont naturellement pas pour objet de se substituer au choix politique du Parlement, qui s’exprime par le vote. Pour autant, on ne peut pas se plaindre de ne pas avoir été réellement éclairé sur les implications de l’adoption de tel ou tel texte et, dans le même temps, nous reprocher de prévoir des études d’impact, qui pourront d’ailleurs, le cas échéant, être contradictoires. L’essentiel, dans cette affaire, est que les parlementaires puissent arrêter leur choix politique en connaissance de cause.
Cela ne revient naturellement pas, monsieur Fortassin, à faire le choix de la technocratie au détriment des politiques. Ce sont ces derniers, et eux seuls, qui décident. Il ne s’agit que de leur apporter, au travers des études d’impact, des éléments d’appréciation supplémentaires, rien de plus !
M. le président. Monsieur Détraigne, le sous-amendement n° 43 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Au terme de ce long débat, au cours duquel je me suis parfois senti un peu perdu, je reste très partagé. Je considère pour ma part que les avis du Conseil d’État font partie des éléments d’information utiles aux parlementaires pour déterminer leur choix. Contrairement à ce qui a été dit, prévoir qu’ils nous seront communiqués ne ferait pas du Conseil d’État une troisième chambre. Il s’agit uniquement de bénéficier d’éléments d’information supplémentaires.
Par ailleurs, certains éléments devant figurer, aux termes de la rédaction retenue par les députés, dans l’étude d’impact sont bien plus suspects de subjectivité que les avis du Conseil d’État.
Dans ces conditions, je maintiens le sous-amendement.
M. Jean-Pierre Michel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Je reviendrai très brièvement sur ce que nous avons dit lors du débat relatif à la révision constitutionnelle.
Le Conseil d’État est le conseiller juridique du Gouvernement, et non pas du Parlement ! Son rôle est de relever les erreurs que le Gouvernement a pu commettre, afin qu’il puisse les corriger. Cela ne nous concerne pas.
En revanche, si les avis du Conseil d’État devaient nous être transmis, le risque serait grand qu’ils s’imposent à nous. Dès lors, le Conseil d’État deviendrait de facto, comme il le souhaite, une troisième chambre.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Comme sous Napoléon !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C'est la raison pour laquelle nous avions refusé, lors de la révision de la Constitution, cette disposition qui nous est de nouveau soumise aujourd’hui. Au demeurant, je comprends que certains se plaignent de ne pas disposer des avis du Conseil d’État, dans la mesure où il est vrai qu’ils sont toujours connus de l’opposition !