M. Jean-Pierre Sueur. Le débat qui a lieu en ce moment même montre, finalement, qu’il existe d’assez larges convergences entre nous, mes chers collègues, sur cette question de l’étude d’impact. Je regrette donc que l’on ne puisse pas réécrire davantage le texte en séance.
J’ai tout lieu de supposer, monsieur le rapporteur, qu’un accord préalable – et naturellement virtuel – a été conclu entre vous-même et votre homologue de l’Assemblée nationale sur la nouvelle rédaction que vous nous proposez pour l’article 7 par l’amendement n° 10. Si tel est le cas, nous sommes en quelque sorte les spectateurs de cet accord, ce qui est regrettable. En effet, nous sommes très nombreux ici à considérer – et il suffit d’entendre ce qui est dit pour s’en convaincre – que ces études d’impact alourdissent le processus et qu’elles procèdent d’a priori qui ne sont absolument pas justifiés.
Par conséquent, nous vous suggérons de supprimer deux alinéas de l’amendement de la commission. Je ne sais pas quel sera le succès – au sens étymologique du terme – d’une telle proposition. Je crains, naturellement, que ce succès soit plutôt négatif…
M. Jean-Claude Carle. Appelez cela un échec !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, à la suite du compromis virtuel auquel vous avez consenti, vous proposez que l’on inscrive dans la loi organique que, pour chaque loi, soit défini l’impact des dispositions envisagées « dans les Terres australes et antarctiques françaises » !
Très franchement, mes chers collègues, vous imaginez le fonctionnaire…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est très important, par exemple si la loi porte sur la pêche !
M. Jean-Pierre Sueur. Naturellement ! Nous n’avons rien contre les Terres australes et antarctiques, monsieur le rapporteur. Elles bénéficient d’une grande considération de notre part, notamment pour des raisons écologiques, …
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah ! Tout de même !
M. Jean-Pierre Sueur. … mais il y a là un présupposé qui mérite d’être remis en cause : il repose sur l’idée que les lois auraient un impact spécifique sur chaque territoire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Que faites-vous des articles 73 et 74 de la Constitution ? Ils reconnaissent les spécificités de certains territoires !
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, mais la plupart des lois s’appliquent – et c’est heureux – à tous les Français, quel que soit le lieu où ils résident. Je trouve donc qu’il y a là quelque chose d’excessif.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer l’alinéa par lequel vous proposez d’écrire dans la loi, monsieur le rapporteur, que l’étude d’impact doit comporter – je ne sais pas si vous mesurez l’ampleur de la tâche –…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, parfaitement !
M. Jean-Pierre Sueur. … « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ».
C’est invraisemblable ! Considérez en effet n’importe laquelle des lois dont nous avons débattu : quel que soit le sujet – qu’elles traitent du logement, de l’agriculture, de l’éducation, des affaires sociales, etc. –, il faudra produire un volume de deux mille pages pour évaluer les conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que les coûts et bénéfices financiers attendus de chaque disposition de chaque article, pour chaque catégorie d’administrations publiques – c'est-à-dire l’ensemble des ministères, l’ensemble des administrations, l’ensemble des services déconcentrés de l’État et des collectivités locales –, chaque catégorie de personnes physiques – autrement dit tous les citoyens – et morales – donc l’ensemble des associations et organismes en tout genre –, en indiquant, pour chaque catégorie, la méthode de calcul retenue. Je le répète : c’est invraisemblable !
Monsieur le rapporteur, nous connaissons votre bon sens. Très franchement, êtes-vous intimement convaincu du bien-fondé de cet alinéa ? J’attends avec intérêt votre réponse.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai pas à vous répondre, monsieur Sueur !
M. le président. Le sous-amendement n° 193 rectifié, présenté par Mme M. André et MM. Yung et Bodin, est ainsi libellé :
Dans le neuvième alinéa de l'amendement n° 10, après les mots :
conséquences économiques, financières, sociales
insérer les mots :
, en particulier au regard de l'égalité entre les femmes et les hommes,
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Je précise que cet amendement a été déposé en particulier par Mme Michèle André, en sa qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
L’article 7, qui prévoit l’obligation pour le Gouvernement d’assortir le dépôt d’un projet de loi d’une étude d’impact, a fait l’objet de profonds remaniements. L’Assemblée nationale a souhaité en enrichir le contenu, ce qui l’a conduite à adopter un dispositif très étendu. La commission des lois du Sénat, estimant que la description de l’étude d’impact ne devait pas donner lieu à une énumération trop détaillée, nous propose une rédaction plus synthétique dans son amendement n° 10.
Mme Michèle André regrette cependant qu’à cette occasion la commission ait supprimé une disposition ajoutée par l’Assemblée nationale qui faisait obligation au Gouvernement d’analyser l’impact du projet de loi « en termes d’égalité entre les femmes et les hommes. »
Certes, on peut – et même on doit – considérer que, dès lors qu’une étude d’impact procède à l’évaluation des conséquences sociales d’un projet de loi, elle doit nécessairement en examiner les effets au regard de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui en constituent, à n’en pas douter, un aspect essentiel. Mais, sur un point aussi important et aussi sensible, ce qui devrait aller sans dire va encore mieux en le disant.
Le sous-amendement n° 193 rectifié a pour objet de préciser que l’évaluation des conséquences économiques, financières et sociales, prévue par la rédaction de la commission des lois, comprend « en particulier » une évaluation « au regard de l’égalité entre les femmes et les hommes ».
Dois-je rappeler que, depuis la dernière réforme constitutionnelle, et grâce à l’adoption d’un amendement de la commission des lois, le principe de l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités, tant politiques que professionnelles et sociales, figure à l’article 1de la Constitution parmi les grands principes de la République.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. Yannick Bodin. Il me paraît donc indispensable que l’étude d’impact qui accompagne un projet de loi évalue dans quelle mesure les dispositions proposées concourent ou non à la poursuite de cet objectif général que la Constitution assigne à la loi, et je souhaite que cette obligation soit inscrite dans la présente loi organique.
M. le président. Le sous-amendement n° 211 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Martin, est ainsi libellé :
Dans le neuvième alinéa de l'amendement n° 10, après les mots :
morales intéressées,
insérer les mots :
notamment pour les collectivités locales et leurs groupements,
La parole est à M. Pierre Martin.
M. Pierre Martin. Il s’agit d’un sous-amendement de précision.
M. le président. Le sous-amendement n° 214, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après le neuvième alinéa de l'amendement n° 10, insérer un alinéa ainsi rédigé :
L'évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur les services publics et leurs usagers ;
Le sous-amendement n° 213, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement n° 10, après les mots :
les consultations
insérer les mots :
et négociations avec les partenaires sociaux et associatifs
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. En ce qui concerne le sous-amendement n° 214, nous souhaitons que les études d’impact exposent avec précision l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur les services publics et leurs usagers.
Au regard de la politique menée aujourd’hui par le Président de la République et le Gouvernement, qui s’attaquent dès qu’ils le peuvent à tous les services publics, que ce soit La Poste, les hôpitaux, l’éducation nationale, la justice ou encore les transports publics, notre proposition est primordiale.
Les parlementaires, mais aussi, au-delà, les personnels, les usagers et les syndicats doivent connaître les conséquences qu’entraînent les réformes – passées, en cours ou à venir – de l’exécutif concernant les services publics.
Il s’agit d’une question de démocratie, certes, mais c’est aussi une question de vérité, car il est facile de dire qu’il faut réformer l’hôpital, l’école, la justice, etc., pour réaliser des économies, pour être plus compétitifs et plus efficaces, pour moderniser, sans jamais apporter ni d’éléments concrets ni d’études sérieuses pour étayer de tels propos et sans jamais dire aux Français la vérité sur le coût réel de ces réformes supportées par la collectivité.
En définitive, ce sont les Français qui paient la note soit parce que les services publics cessent d’être publics, et qu’il faut payer plus, soit parce que l’accès aux soins, à la justice, etc., s’est détérioré. Parfois, les deux motifs peuvent se combiner.
Pour ce qui est du sous-amendement n° 213, nous proposons que les documents accompagnant les études d’impact rendent compte non seulement des consultations menées avant la saisine du conseil d’État, mais également des négociations avec les partenaires sociaux et associatifs.
En effet, il nous semble important que la discussion législative s’appuie sur une information préalable concernant les positions des différents acteurs concernés par un projet de loi. Il n’est pas inintéressant pour les parlementaires – toutes opinions confondues – de connaître, avant de se prononcer en séance publique, l’appréciation que portent les principaux intéressés sur telle ou telle réforme, d’autant que les acteurs sociaux ou associatifs maîtrisent bien leur sujet et peuvent nous fournir des éléments sérieux.
Vous me répondrez sans doute que les commissions permanentes des assemblées auditionnent déjà les acteurs concernés par les textes dont elles sont saisies. Mais ces auditions concernent seulement les parlementaires membres de la commission en question, pas les autres. De plus, ces réunions ne sont pas publiques et elles ont souvent lieu très peu de temps avant l’examen du texte en séance. Parfois, elles sont même programmées en même temps que les réunions de groupe hebdomadaires, quand ce n’est pas pendant la séance publique !
Avec notre proposition, les avis des partenaires sociaux et associatifs seront connus en amont, ils seront publics, et chaque parlementaire en aura connaissance.
M. le président. Le sous-amendement n° 61, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa de l'amendement n° 10 par les mots :
, ainsi que les conclusions de ce dernier
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement s’inscrit dans la même logique que celle qu’a développée tout à l’heure M. Sueur. En effet, il tend à mettre un terme au petit jeu très récurrent qui consiste, pour le Gouvernement, à ne pas transmettre les conclusions du Conseil d’État sur les textes dont celui-ci est saisi, alors même que ces conclusions se retrouvent souvent dans la presse ou entre les mains de plusieurs d’entre nous.
Certains avancent l’idée d’une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Je ne suis pas convaincue par cet argument. Il est normal qu’une autorité qui donne un avis puisse le rendre public, surtout lorsqu’il a pour effet de modifier l’économie générale d’un texte.
Je vous renvoie, par exemple, aux modifications importantes qui ont été apportées par le Conseil d’État au projet de loi pénitentiaire : il a sabré de nombreuses dispositions du texte sans que l’on en connaisse vraiment la raison.
Je vous propose donc, par ce sous-amendement, de préciser dans la loi organique que les projets de loi sont accompagnés des conclusions du Conseil d’État, de manière à pouvoir apprécier les modifications apportées par ce dernier à chaque texte dont il est saisi.
Cela me semble relever d’un impératif de transparence. Qui pourrait ici être contre la transparence ?
M. le président. Le sous-amendement n° 212 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Martin, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 10, remplacer les mots :
leurs orientations principales
par les mots :
leur contenu
La parole est à M. Pierre Martin.
M. Pierre Martin. Afin de mesurer au mieux la portée du texte examiné, il paraît primordial de connaître le contenu des textes d'application qui seront nécessaires. Tel est l’objet de ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 62, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter l'amendement n° 10 par un alinéa ainsi rédigé :
Les dispositions du présent article sont applicables aux amendements présentés par le Gouvernement.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je prends note de la volonté affichée par l’Assemblée nationale de soumettre le droit d’amendement du Gouvernement à une étude préalable, conformément, d’ailleurs, à ce qui est prévu dans l’article 11 bis du projet de loi organique.
Toutefois, d’une part, cette étude d’impact est facultative, puisque le principe devra en être fixé – ou non – dans le règlement de chaque assemblée, d’autre part, elle est insuffisante au regard de l’importance prise par les dispositions présentées sous forme d’amendements par le Gouvernement.
Il est souhaitable que les amendements du Gouvernement fassent l’objet d’une étude préalable aussi détaillée que celle qui est prévue pour les projets de loi. Ces amendements sont parfois transmis à quelques jours de l’ouverture des débats, ce qui en rend l’examen difficile.
Je rappelle à cette occasion – M. Bizet sait de quoi je parle ! – que c’est seulement trois jours avant le début de l’examen en séance du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale que nous ont été remis trois amendements visant à transposer trois directives européennes
Il me semble donc qu’il convient de rationaliser le pouvoir d’amendement du Gouvernement, à certains égards illimité, afin de permettre un meilleur travail en commission.
C’est pourquoi je vous propose d’insérer dans la liste des textes soumis à une étude préalable les amendements présentés par le Gouvernement : cela évitera que ce dernier ne dépose par voie d’amendement des dispositions qui auraient pu s’insérer dans le projet de loi initial, s’exonérant ainsi du dispositif prévu au présent article 7.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par MM. Mercier, Fauchon et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Il est joint aux projets de loi déposés sur le bureau de l'assemblée saisie un ou plusieurs documents qui rendent compte des travaux d'évaluation préalable réalisés.
L'évaluation préalable comprend une appréciation de la législation existante, la définition des objectifs poursuivis, l'exposé des options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles ainsi qu'une estimation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales de la réforme.
Elle rend compte des consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d'État. Elle analyse l'application dans le temps de la nouvelle législation et les mesures transitoires éventuellement proposées.
La teneur de l'évaluation est fonction de l'ampleur de la réforme proposée et de son urgence ainsi que, le cas échéant, de l'importance de son incidence prévisible pour les comptes des administrations publiques ou du nombre de personnes directement concernées.
La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. L’accumulation des prescriptions qui résultent de l’article 7, même amélioré par notre excellent rapporteur, risque d’être vaine, illusoire, voire dangereuse.
Elle risque d’être vaine, parce que tout projet de loi doit porter en lui-même l’essentiel de sa justification et qu’il appartient aux membres de nos commissions, avec l’aide de leurs excellents collaborateurs, d’apprécier la réalité de celle-ci et de la rejeter si elle est insuffisante.
Elle risque d’être illusoire pour les raisons qui ont été fort bien évoquées, en particulier sur les travées du groupe socialiste, par plusieurs collègues ; ils ont été si nombreux à s’être excellemment exprimés sur ce sujet que je ne peux les citer tous : ils ont dénoncé le caractère aléatoire de toute étude d’impact. L’expérience montre que nul ne peut savoir quelles seront les conséquences d’une loi nouvelle. Repassez dix ans après et voyez ce qu’il en reste !
Elle risque, enfin, d’être éventuellement dangereuse, dans la mesure où aucune énumération ne pouvant être complète un élément aura forcément été oublié. Ainsi, je constate que le Vatican n’est pas tenu au courant ! (Sourires.) C’est peut-être une fâcheuse lacune : toute omission donne à penser que les préoccupations qui ne sont pas évoquées doivent être considérées comme sans intérêt et secondaires.
Pour toutes ces raisons, et puisque nous apprécions le texte du Gouvernement – M. le rapporteur a rappelé qu’il était très sobre – nous estimons que le plus sage serait de nous en tenir au texte initial.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 163 rectifié, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Il est joint aux projets de loi, dès leur transmission au Conseil d'État, les documents rendant compte de l'étude d'impact réalisée. Ces documents sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent.
Ces documents comprennent un bilan de l'état du droit existant, y compris au regard de la législation européenne, de son application en métropole et, chaque fois que nécessaire, outre-mer. Ils comprennent également des données permettant d'apprécier la valeur ajoutée du projet de loi par rapport au droit existant, son impact sur l'ordonnancement juridique, les impératifs constitutionnels à respecter sauf en ce qui concerne les projets de loi constitutionnelle, et les options possibles en dehors de l'intervention de dispositions législatives nouvelles.
Ces documents rendent compte des consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d'État. Ils analysent l'application dans le temps et, chaque fois que nécessaire, outre-mer des dispositions législatives envisagées et les mesures transitoires éventuellement proposées. Ils comprennent la liste des textes d'application, leurs orientations principales et le délai prévisionnel de leur publication.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, cet amendement, ainsi que les amendements nos 164 et 165 ont été présentés lorsque nous avons défendu nos sous-amendements à l’amendement n° 10 de la commission.
Cependant, je veux laisser à M. le rapporteur une dernière possibilité : le présent amendement étant meilleur que l’amendement de la commission, M. Hyest pourrait retirer ce dernier, ce qui rendrait sans objet tous les sous-amendements, et se rallier au nôtre, dont la concision ne peut que ravir tout un chacun dans cet hémicycle.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa de cet article :
Dès leur transmission au Conseil d'État, les projets de loi sont accompagnés d'une étude d'impact.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Cet amendement mourra si l’amendement de la commission est adopté.
Mes amis et moi souhaiterions que soit retenue une rédaction plus simple : « Dès leur transmission au Conseil d’État, les projets de loi sont accompagnés d’une étude d’impact. » Point n’est besoin de paragraphes entiers pour dire cela, et le reste.
D’autant plus que, tout cela, c’est « bidon » : c’est fait pour amuser les « gogos » et, surtout, pour nous empêcher de légiférer librement. En effet, derrière les études d’impact se profile la mise en place de dispositifs visant à interdire aux élus du suffrage universel d’exprimer la loi, qui est pourtant l’expression de la volonté générale, pour le plus grand bénéfice des intérêts particuliers. C’est en cela que c’est « bidon » et scandaleux !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Le Conseil d’État nous ligote !
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après les mots :
projets de loi
insérer les mots :
et aux propositions de loi inscrites à l'ordre du jour de l'assemblée en dehors des séances d'initiatives parlementaires
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Dans l’idéal, les études d’impact devraient permettre d’éviter l’inflation législative et d’élaborer des lois tous azimuts, par exemple à la suite d’un quelconque fait divers.
Depuis 2003, les lois portant sur le même sujet se sont succédé. J’en veux pour preuve, notamment, celles qui sont relatives à la récidive ou à l’immigration. Nous avons déjà eu l’occasion de le dire, mais je le répète : entre 2002 et 2008, nous avons adopté seize lois ayant trait à l’insécurité. J’ose espérer que si des études d’impact dignes de ce nom, c’est-à-dire sérieuses et argumentées, avaient été réalisées sur ces textes, nous n’aurions pas légiféré autant.
Cela étant, nous estimons que la rédaction de l’article 7 peut encore être améliorée. Tel est l’objet des amendements et sous-amendements que nous avons déposés, car nous avons des doutes sur les intentions réelles du Gouvernement en la matière, pour ne pas dire des craintes. En effet, il est prévu que seuls les projets de loi seront accompagnés des documents rendant compte de l’étude d’impact.
Par cet amendement n° 95, nous demandons que les propositions de loi soient elles aussi accompagnées de ces études d’impact. Nous savons tous ici que, bien souvent, certaines propositions de lois, singulièrement quand elles sont déposées par la majorité – nous en avons eu un nouvel exemple la semaine dernière –, répondent en réalité à une commande gouvernementale. Quand le Gouvernement procède ainsi, l’avantage est double pour lui : non seulement il pèse sur l’initiative parlementaire, mais, de plus, il échappe à l’avis du Conseil d’État.
Aux termes de l’article 7, le Gouvernement devra accompagner ses projets de lois d’une étude d’impact. Toutefois, s’il souhaite contourner cette mesure, autrement dit, s’il ne veut pas, pour diverses raisons, qu’une étude d’impact soit réalisée sur tel ou tel texte, il fera tout simplement passer celui-ci sous la forme d’une proposition de loi.
M. le président. L'amendement n° 164, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, remplacer le mot :
appréciation
par le mot :
présentation
Cet amendement a été défendu.
L'amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Au deuxième alinéa de cet article, après les mots :
au regard
insérer les mots :
de la Constitution,
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Cet amendement mourra, lui aussi, si l’amendement n° 10 est adopté.
Il s’agissait simplement de prévoir dans le texte du Gouvernement que l’étude d’impact devait au moins s’intéresser à la compatibilité du texte avec la Constitution, ce afin d’éviter que le Parlement ne subisse des déconvenues, toujours désagréables, auprès du Conseil constitutionnel. Cela paraissait l’évidence.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est totalement aléatoire !
M. Michel Charasse. Apparemment, telle n’est pas forcément l’idée qui a été retenue, même s’il est question de l’état de la législation française en général.
Aujourd’hui, une étude est réalisée presque systématiquement par le secrétariat général du Gouvernement. Il n’y a pas de raison qu’elle ne soit pas diffusée auprès des députés et des sénateurs.
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
estiment les
par les mots :
contiennent une analyse approfondie des
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il est prévu, dans l’article 7, que les documents rendant compte d’une étude d’impact « estiment les conséquences économiques, financières, sociales et environnementales des dispositions législatives proposées ».
Par cet amendement, nous proposons que les documents en question contiennent une analyse approfondie desdites conséquences plutôt qu’une simple estimation.
La nuance est importante, surtout à un moment où le Président de la République est omniprésent et se sert du Parlement et des projets de lois pour faire des annonces dans tous les sens, lesquelles relèvent le plus souvent d’un plan de communication dont l’objectif est l’affichage politique.
Pour illustrer mon propos, je prendrai un seul exemple, celui de la réforme des régimes spéciaux. Il eût été très utile de disposer d’une analyse approfondie des conséquences économiques, sociales, environnementales et, surtout, financières des dispositions législatives proposées. Cette analyse nous aurait appris que, pour l’État, non seulement les gains seraient très limités, voire nuls, mais que, de surcroît, le coût des contreparties se traduirait par des charges supplémentaires.
La réforme des régimes spéciaux aura donc coûté plus cher que le statu quo. Il est clair qu’elle relevait plus de l’idéologie que d’une nécessité absolue de sauver les comptes de l’État.
Je ne sais pas si une étude d’impact et une analyse approfondie auraient pu éviter une telle situation. En tout état de cause, si l’article 7 n’est pas amendé en ce sens, l’exécutif pourra, demain, continuer à faire réforme sur réforme, sans avoir de comptes à rendre sur leurs conséquences.