Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à insérer la nécessaire transmission de toute rectification au Gouvernement par le président de l’assemblée concernée. La rectification est libre jusqu’à l’examen en séance de la proposition de résolution.
Sans qu’il en soit fait usage de manière intempestive, ce droit de rectification pourra néanmoins s’exercer avant la séance. Comment cette rectification, qui aura des conséquences notamment pour l’impression du document et la mise à disposition de cette proposition de résolution, sera-t-elle transmise au Gouvernement ?
Notre amendement a pour objet de combler un vide du projet de loi organique : définir qui informe le Gouvernement d’une telle rectification ; déterminer si les services du Sénat devront automatiquement transmettre cette rectification ou si seules les rectifications majeures seront visées par une transmission. Ce sont des questions qui méritent d’être posées.
Les services des ministères devront-ils rester « pendus » au site du Sénat pour prendre connaissance des rectifications ou bien seront-ils informés automatiquement ?
Cet amendement précise en conséquence que la rectification est transmise par le président de l’assemblée concernée au Gouvernement sans aucun délai.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est une précision qui peut être utile ; la commission y est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. La rédaction proposée est effectivement plus claire et apporte une précision qui sera probablement utile, à la fois pour le Gouvernement et pour le Parlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Mon groupe va, bien sûr, voter cet amendement qui apporte une précision supplémentaire dans le texte et je remercie Mme Boumediene-Thiery d’avoir bien voulu le proposer à notre assemblée.
Je ne voudrais cependant pas, mes chers collègues, qu’à la faveur de ces amendements nous sombrions dans une sorte de béatitude, propice à l’état de somnolence qui parfois s’empare de nos travées ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.-M. le secrétaire d’État proteste en souriant.)
Vos exclamations soudaines, mes chers collègues, me sont très sympathiques ! Je tiens en effet à attirer votre attention sur le fait que nous sommes en train d’adopter, non pas avec l’amendement de Mme Boumediene-Thiery mais avec l’alinéa sur lequel il porte, une disposition très excessive.
Nous sommes tous attachés aux libertés parlementaires et je suis sûr que nous protesterions, peut-être pas en chantant l’hymne national mais en tout cas avec la dernière vigueur, si le Gouvernement voulait imposer la même tutelle sur nos propos alors que nous débattons des projets et propositions de loi !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. D’abord, pour que le Parlement vote une résolution, il faut l’accord du Gouvernement, puisque celui-ci peut s’opposer à toute proposition de résolution qu’il juge susceptible de mettre en cause, si peu que ce soit, sa responsabilité. En confidence, monsieur le secrétaire d'État, j’ai des difficultés à imaginer un sujet qui échappe totalement à la responsabilité du Gouvernement étant donné l’étendue de celle-ci, mais peut-être pourrez-vous nous faire part, si vous en avez, de vos idées sur la question…
Mais ensuite, s’il y a une rectification – le Premier ministre, grâce à Mme Boumediene-Thiery, en sera immédiatement informé, ce qui est fort bien – et que le pouvoir exécutif la considère comme malvenue, nous ne pourrons débattre ni de la rectification, ni de la proposition de résolution elle-même !
C’est un système vraiment très contraignant.
M. Charasse a rappelé que, sous la ive République, les résolutions avaient fini par devenir délétères. Certes, mais on a rappelé aussi, à juste titre, que les résolutions pouvaient alors fonctionner comme des sortes de motion de censure, tandis que, dans la Constitution de la ve République, c’est totalement impossible : il s’agit de moyens d’expression.
Peut-être ces résolutions permettront-elles d’éviter des lois « bavardes » ou encore des dispositions « dépourvues de tout lien » avec le texte qui les contient, pour reprendre les termes de la décision que vient opportunément de rendre, voilà une demie heure, le Conseil constitutionnel à propos de certains passages de la loi que nous a présentée M. Devedjian. Peut-être…
Toujours est-il que, si l’on admet que les résolutions peuvent être légitimes et utiles, on n’en crée pas moins un système qui donne au pouvoir exécutif des capacités tutélaires excessives.
En tout cas, les Premiers ministres, présents et à venir, se pencheront avec intérêt sur les rectifications apportées aux propositions de résolution, et ils pourront tout arrêter si ces rectifications ne leur conviennent pas.
Pour ma part, je ne suis pas en harmonie avec cette conception des rapports entre l’exécutif et le législatif.
M. Pierre Fauchon. Ah, le bon apôtre !
M. Jean-Pierre Sueur. Je dis ce que je veux, libre à M. Fauchon d’intervenir s’il le souhaite !
M. Michel Charasse. C’était un compliment…
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Naturellement, je ne suis pas d’accord avec M. Sueur. Le Gouvernement déclare recevables ou irrecevables les propositions de résolution en fonction d’un certain nombre d’éléments.
L’auteur de la proposition de résolution pouvant rectifier celle-ci, chacun comprend que la seule chose à quoi vise en réalité le dispositif prévu par cet article 5 est le détournement de procédure.
En clair, vous envoyez au Gouvernement une proposition de résolution très banale, très soft, dans laquelle rien ne puisse déclencher l’irrecevabilité, puis, une fois qu’elle a été déclarée recevable, vous la rectifiez…
M. Jean-Pierre Sueur. Ce ne serait pas honnête ! Nous avons tout de même une certaine éthique.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Sueur, je ne doute pas de l’honnêteté intégrale et de l’intégrité complète de chacune et de chacun des membres de la Haute Assemblée…
M. Jean-Pierre Sueur. Merci pour tous les autres !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …et, en effet, de tous ! Que la tentation – je ne doute pas que chacun y résistera – d’introduire dans une proposition de résolution déclarée recevable une rectification la rendant irrecevable puisse exister est cependant concevable, et il s’agit juste de prévenir une telle situation.
Franchement, le Gouvernement aura autre à faire que de passer son temps à vérifier qu’un mot ou une virgule n’ont pas changé la nature de la proposition de résolution ! En revanche, au cas où il s’agirait d’une rectification majeure modifiant l’équilibre d’une proposition de résolution, le Gouvernement doit pouvoir déclarer que cette dernière est devenue irrecevable.
Il ne s’agit là ni de contrainte, ni de contrôle !
M. Jean-Pierre Sueur. Mme la présidente, qui a été ministre déléguée à la francophonie et qui est aujourd'hui membre de l’assemblée parlementaire de la francophonie, confirmera que le mot soft n’appartient pas à la langue française !
M. Bernard Frimat. M. le secrétaire d'État est cool ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Aujourd'hui, je n’ai pas parlé de « chicaya »…
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Eh si, monsieur Charasse, vous l’avez fait ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. Il faut toute l’innocence de notre collègue Jean-Pierre Sueur pour croire, ou pour feindre de croire,…
M. Jean-Pierre Sueur. Stop ! Pas d’injures ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon. …qu’à la faveur d’une rectification l’on ne puisse pas dénaturer profondément une proposition de résolution et d’un texte tout en douceur passer à un autre, lui extrêmement agressif !
M. Jean-Pierre Sueur. La majorité parlementaire votera contre !
M. Pierre Fauchon. Cher ami, je salue votre innocence, mais, en vérité, j’ai quelques doutes, et c’est pourquoi j’ai dit : « Ah, le bon apôtre ! ».
M. Michel Charasse. Le parti catholique a su apprécier ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. M. Sueur ayant déjà expliqué son vote, il ne peut plus prendre la parole et je tiens donc à m’élever en faux contre les propos de Pierre Fauchon.
Nous défendons, comme vous, mon cher collègue, une certaine éthique, et le propos de Jean-Pierre Sueur se comprend dans cette éthique. Il a, comme chacun de nous, ses qualités et défauts, mais aucun qui puisse relever de la naïveté ou de la dissimulation !
Il n’est évidemment pas question de faire passer au Gouvernement, en comptant la rectifier ensuite dans un sens bien moins positif, une proposition de résolution aseptisée, du genre : « Nous souhaitons réaffirmer que le Premier ministre est beau », ce qui devrait pouvoir être considéré comme recevable. (Sourires.) C’est même sans doute là la résolution type qu’attend le Gouvernement en ouvrant cette grande faculté aux parlementaires de la majorité,…
M. Bernard Frimat. … qui sortiront peut-être alors de leur mutisme. Quant à ceux de l’opposition, monsieur Karoutchi, je vous rappelle que les propositions de résolution ne peuvent être amendées !
Mais enfin, mes chers collègues, nous sommes ici pour faire la loi, et nous devons reconnaître que, constamment, comme Michel Charasse l’a dit, et comme Louis Mermaz l’a répété à propos de l’article 4, cette loi organique empiète sur le règlement de nos assemblées.
M. Bernard Frimat. Nous voterons l’amendement d’Alima Boumediene-Thiery, mais il est normal que Jean-Pierre Sueur nous fasse part de son émotion et dise qu’il y a quelque chose de redondant à prévoir que le Gouvernement pourra revenir sur la recevabilité des propositions de résolution si les parlementaires ont l’audace de les rectifier !
À un moment, il faut savoir s’arrêter ! Pour ma part, j’ai toujours considéré que la fonction de commissaire politique n’était pas au nombre des plus nobles dans la République !
M. Pierre Fauchon. Belle innocence !
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa de cet article, remplacer le mot :
deuxième
par le mot :
second
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Notre collègue a vraiment un grand désir de parler, ce soir…
M. Jean-Pierre Sueur. Je voulais, pour la seconde fois – et non pas la deuxième —,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’y en aura donc pas de troisième !
M. Jean-Pierre Sueur. … marquer notre soutien à l’amendement de M. le président-rapporteur, car il s’emploie, comme disait le grand poète Mallarmé, à « donner un sens plus pur aux mots de la tribu ».
M. Alain Vasselle. C’est un alibi pour parler !
M. Jean-Pierre Sueur. Je cite Mallarmé, monsieur le secrétaire d’État, et je ne saurais rectifier son œuvre.
Je profite de cette occasion pour dire à mon collègue Pierre Fauchon, ainsi qu’à M. le secrétaire d'État, que, dans le débat qui a précédé, on a tout de même évité de prendre en considération une composante très importante.
Dans votre esprit, mes chers collègues, tout se passe comme s’il y avait un risque de rectification fallacieuse et, partant, de désordre susceptible de mettre en difficulté le gouvernement de la République.
Je veux simplement vous rappeler qu’il existe une majorité et une opposition.
Si un membre de l’opposition présentait une proposition de résolution banale – par exemple, proposition de résolution pour qu’il ne pleuve plus ou pour qu’il n’y ait plus de tempêtes –,…
M. Michel Charasse. Plus dans le jardin du Luxembourg !
M. Jean-Pierre Sueur. … et y glissait, de manière tout à fait fallacieuse, une rectification portant atteinte au Gouvernement ou mettant en cause sa responsabilité, vous concevez bien, mes chers collègues, que la majorité s’empresserait de voter contre.
Il n’y a donc pas de risque.
Et qu’est-ce donc que ce discours dans lequel on nous dit que nous pourrons aborder tout sujet et faire toute rectification, mais à condition que le Gouvernement déclare que nous avons le droit de le faire !
Il y a là quelque chose de choquant et, même si nous finissons par nous habituer à ces procédés, il me vient l’envie de vous livrer le fond de ma pensée.
M. Pierre Fauchon. Non, ne le dites pas, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Pour ma part – il s’agit d’un point de vue tout à fait personnel–, je préférerais ne déposer aucune proposition de résolution, plutôt que de le faire dans ces conditions et en subissant toutes ces contraintes.
Il n’en reste pas moins que je suis solidaire de mon groupe et de la position que nous avons adoptée ensemble : nous sommes un groupe démocratique, attachés à un parti démocratique ; nous délibérons de tous les sujets, et personne n’est là pour nous dire que telle ou telle initiative est susceptible de mettre en cause la responsabilité de qui que ce soit. Si nous en étions arrivés là, nous ne pourrions plus parler !
M. Pierre Fauchon. Et ce serait dramatique ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous tournons en rond ; vous nous contraignez à répéter toujours les mêmes arguments.
La révision constitutionnelle a créé des droits nouveaux, dont nous avons déjà dénoncé le caractère très limitatif et peu emblématique d’une revalorisation des droits du Parlement par rapport à ceux du Gouvernement.
Loin d’en rester là, vous avez décidé de réduire par la loi organique ce nouveau droit, qui de fait se rétrécit comme peau de chagrin.
Pour déplacer une virgule, il faudra bientôt demander l’avis du Gouvernement. C’est que, chers collègues, un simple changement de ponctuation peut quelquefois provoquer des explosions nucléaires !
Dans ce débat, nous avons l’air d’aimer pinailler, alors que c’est vous qui nous y contraignez.
Ce droit nouveau va se trouver réduit à rien. Les résolutions ne serviront qu’à constater. Loin de déposer des résolutions visant à arrêter les tempêtes, nous pourrons toujours, grâce à elles, affirmer qu’il fait beau quand il fait beau ou qu’il fait mauvais quand il fait mauvais.
De deux choses l’une : ou le Parlement jouit d’un droit nouveau ou non. Dans ce dernier cas, le Parlement peut uniquement déposer des propositions de loi, à des moments très précis et à condition que celles-ci ne dérangent pas.
Nous avons pris acte que nous était accordé le droit de déposer des propositions de résolution, mais encore faut-il que ces résolutions aient un sens politique !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis navré par l’idée que certains se font d’une résolution.
S’il s’agit uniquement de s’opposer et de déposer des textes qui n’ont aucune chance d’aboutir, parce qu’ils remettraient par exemple en cause une loi votée trois mois auparavant, cela témoigne d’une conception assez pauvre de la démocratie.
La Haute Assemblée est capable de se rassembler, ses membres sont capables de faire un travail en commun sur certains sujets d’intérêt général. Nous l’avons encore prouvé hier.
M. Jean-Pierre Sueur. Excellemment !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le Sénat n’est pas qu’un lieu d’affrontement.
M. Jean-Pierre Sueur. Non, mais j’attends la suite…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais c’est pourtant comme cela que vous présentez le Sénat et comme cela que vous présentez les résolutions !
Je suis convaincu que, sur certains des sujets portés par ces résolutions, un consensus se dégagera.
M. Jean-Pierre Sueur. Je l’espère bien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En revanche, il est vrai que les rapports de force politiques peuvent être très différents à l'Assemblée nationale et au Sénat.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il se peut que la majorité du Sénat ne soit pas celle de l'Assemblée nationale. Nous n’avons pas le droit de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Laissez-nous apprécier !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … mais il arrive qu’une assemblée soit dans l’opposition. Cela s’est vu dans le passé !
M. Nicolas Alfonsi. C’est arrivé, et cela se reproduira bientôt !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. « Ma foi, sur l’avenir bien fou qui se fiera :…
M. Bernard Frimat. « …Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. « Un juge, l’an passé, me prit à son service ;
« Il m’avait fait venir d’Amiens pour être suisse.
« Tous ces Normands voulaient se divertir de nous :
« On apprend à hurler, dit l’autre, avec les loups.
« Tout Picard que j’étais, j’étais un bon apôtre,
« Et je faisais claquer mon fouet tout comme un autre. » (Très bien ! et vifs applaudissements.)
Plus sérieusement, mes chers collègues, il faut prévoir les cas où les rectifications qui sont apportées sont telles que la résolution met finalement en cause la responsabilité du Gouvernement.
Il ne s’agit pas d’en faire une affaire d’État !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je fais miens les propos du rapporteur. (Sourires.) Pour ma part, je ne comprends pas très bien les arguments qui nous sont opposés. Le Parlement dispose d’un certain nombre de moyens pour alerter le Gouvernement : les questions orales, les questions écrites, les propositions de loi, et j’en oublie.
Si certaines propositions de loi peuvent faire l’objet d’un large consensus, d’autres recueillent plus difficilement l’assentiment. Quelle que soit leur origine, il est des propositions de loi qui sont adoptées par les deux assemblées, même si elles ont une marque politique.
Une proposition de résolution n’a pas la portée normative d’une proposition de loi. Elle peut dépasser les courants ou les clivages politiques ; elle peut aborder des sujets qui ne sont pas législatifs ou qui n’ont pas de lien avec la politique du Gouvernement.
Peu importe la nature de la résolution, dites-vous, puisque la majorité peut voter contre. Mais tout n’est pas conflit politique : il est des sujets ou des thèmes sur lesquels le Parlement peut avoir envie de déposer une proposition de résolution ou de s’exprimer, loin de toute idéologie ou de toute conviction partisane. La vie politique ne se réduit pas à un affrontement entre la majorité et l’opposition.
À mon sens, les résolutions ne méritent ni cet excès d’honneur ni cette indignité.
Mme Nathalie Goulet. C’est un fantasme !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Elles constituent un moyen supplémentaire d’expression des parlementaires, et il ne bouleversera pas les équilibres en vigueur.
L’usage dira ce qu’est ce droit nouveau ; je ne pense pas qu’il faille y voir un élément aussi mécanique en termes d’opposition ou de majorité.
M. Alain Vasselle. Voilà un amendement de précision qui a mobilisé beaucoup d’énergie !
M. Alain Vasselle. Beaucoup de débats pour pas grand-chose !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :
Les propositions de résolution sont renvoyées à la commission compétente puis examinées et votées en séance. Elles ne peuvent faire l'objet d'aucun amendement sauf pour corriger une erreur matérielle.
Cet amendement a été précédemment retiré.
L'amendement n° 91, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du deuxième alinéa de cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement de conséquence avec l’amendement n° 90, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 90 ayant été rejeté, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 8, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une précision inutile, selon laquelle « les propositions de résolution sont adoptées à la majorité absolue des suffrages exprimés ».
Il s’agit de la procédure habituelle de calcul des majorités. Il va de soi que ni la Constitution ni le projet de loi organique n’autorisent les règlements des assemblées à prévoir une majorité qualifiée pour l’adoption des résolutions.
Quand la majorité qualifiée est requise, la Constitution le prévoit.
Mme la présidente. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Au troisième alinéa de cet article, après les mots :
sont adoptées
insérer les mots :
par scrutin public
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Si l'Assemblée nationale a jugé opportun d’apporter une précision dont Jean-Jacques Hyest vient de démontrer qu’elle était parfaitement inutile, dès lors que la majorité absolue est requise, celle-ci ne peut être exprimée valablement que par scrutin public.
Mais si l’on admet que, dans une assemblée, les délibérations ne peuvent être adoptées qu’à la majorité absolue de ceux qui sont là pour voter, le dernier alinéa de l'article 5 est superflu. L'amendement n° 8 a alors toute sa pertinence et mon amendement devient sans objet.
M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme la présidente. Les amendements nos 50 et 161 sont identiques.
L'amendement n° 50 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 161 est présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mme Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer le mot :
absolue
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 50.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet de supprimer l’adjectif « absolue », qui ne sert à rien dans la mesure où la référence aux suffrages exprimés est suffisante.
Si le dernier alinéa de l’article 5 existe, ce n’est pas pour rien : il s’agit de se prémunir contre la tentation d’établir, dans le cadre du règlement, une majorité renforcée.
Cette question est sans doute moins importante pour l’Assemblée nationale que pour le Sénat. Le Gouvernement sait en effet qu’il ne dispose pas de la majorité absolue à la Haute Assemblée.
Ainsi, si une résolution était proposée par le groupe du RDSE et recevait le concours d’autres groupes, l’UMP par exemple, elle serait adoptée sans problème.
Je soupçonne donc le rapporteur d’imposer cette suppression pour pouvoir, à terme, demander la majorité qualifiée pour l’adoption d’une résolution au Sénat.
Alors que l'Assemblée nationale s’est décidée pour la majorité simple, le Sénat se verrait bloqué en raison de la configuration partisane qui prévaut ici.
Nous devons maintenir cette référence à la majorité simple, qui doit être la règle.
C’est la raison pour laquelle je précise d’emblée que je ne voterai pas l’amendement n° 8.
M. Michel Charasse. La majorité simple est toujours absolue, sauf dans les cas prévus par la Constitution !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 161.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement va exactement dans le même sens et vise également à supprimer l’adjectif « absolue ».
Nous nous exprimons et nous votons à la majorité. Si elle recueille la majorité des voix, la résolution est adoptée.
Pourquoi la majorité « absolue » serait-elle requise pour l’adoption d’une résolution, alors qu’elle ne l’est nullement pour le vote d’une loi ?
Dans la hiérarchie des normes, une loi a beaucoup plus d’effet qu’une résolution, qui n’est qu’un texte par lequel on s’exprime. À l’instar d’une motion, la résolution n’emporte pas en elle-même d’effet concret, alors que la loi s’applique, et souvent pour très longtemps, à l’ensemble des citoyens de notre pays.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n°33 rectifié ainsi que sur les amendements identiques nos 50 et 161 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’ai expliqué pourquoi cet alinéa ne servait à rien.
Si l’adjectif « absolue » est supprimé, la nouvelle rédaction de l’alinéa est la suivante : « Les résolutions sont adoptées à la majorité des suffrages exprimés. » Dans ce cas, c’est l’ensemble de l’alinéa qui devient superflu.
M. Jean-Pierre Sueur. Si l'amendement de la commission est adopté, le nôtre n’a plus d’objet !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pourquoi alors refuser la suppression de la totalité de l’alinéa ? Parce que, sinon, on pourrait un jour imposer la majorité qualifiée ? Certainement pas ! Il faut que la Constitution le prévoie.
Il existe des majorités spécifiques, pour les révisions de la Constitution, pour l’adoption de certaines lois en dernière lecture. Si aucune disposition spécifique n’existe, c’est la règle générale de la majorité des suffrages exprimés.