M. Alain Gournac. Les zones d’ombre !
M. Bruno Retailleau. Parmi les pays européens, la France est celui dont la densité démographique est l’une des plus faibles. En outre, sa population rurale représente 31 % de sa population totale, contre 4 % au Royaume-Uni, 10 % en Italie et 20 % en Allemagne. Cette spécificité française rend notre pays plus fragile, ainsi qu’on le constate lorsqu’il s’agit de déployer le réseau à haut débit. Certes, des progrès ont été enregistrés dans les domaines de la troisième génération de mobiles, de la TNT ou de la radio. Mais je rappelle que, si l’on reçoit cinquante-deux stations de radio à Paris, on ne peut cependant en capter que quatre ou cinq dans certaines zones de France ! Pourtant, nous sommes au XXIe siècle !
La quatrième licence est une exigence très importante. Pour autant, son attribution ne doit pas se faire au détriment de l’aménagement du territoire, qui, pas plus que la couverture du territoire, ne doit être une variable d’ajustement.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure, je vous prie.
M. Bruno Retailleau. Oui, monsieur le président.
Il faudra veiller à ce que la couverture soit extrêmement importante. Pour ma part, j’estime qu’une couverture de 80 % de la population au bout de huit ans est trop tardive. Cette exigence devra être un critère de sélection des candidats.
Enfin, en matière d’obligation de couverture, il y a la troisième échéance, notamment pour SFR et Orange. L’ARCEP, qui, en vertu de la loi de modernisation de l’économie, dispose d’un pouvoir de sanction, ne doit pas accepter de transiger sur la question du coût de la couverture et qu’il soit porté atteinte à cette troisième échéance.
Pour conclure, je ferai trois remarques.
Premièrement, vous avez raison d’associer des fréquences hautes, qui permettent de gros débits dans des zones denses, avec des fréquences basses, qui permettent de bons débits dans des zones peu denses. C’est un pari gagnant aussi bien pour la bande 2,1 UMTS que pour la bande du dividende.
Deuxièmement, le Conseil économique, social et environnemental nous expliquait hier que, en 2020, seuls 40 % des Français seront reliés à la fibre optique. Cela signifie que, pendant longtemps, le déploiement du très haut débit sera multimodal : il se fera dans les grandes villes et dans les zones très denses à partir de la fibre. Mais le très haut débit mobile permettra aussi d’assurer la desserte des zones moins denses. Cela signifie que la multimodalité porte à la fois sur la fibre et sur les fréquences radioélectriques.
La mutualisation est un aspect capital. On voit bien que seuls deux opérateurs bénéficieront des 72 mégahertz de sous-bande qui restent à répartir. Il n’est pas question que des abonnés à un opérateur qui ne serait pas l’un des deux opérateurs du dividende ne puissent pas téléphoner lorsqu’ils sont en dehors de Paris ou des grandes villes. Beaucoup de nos collègues s’interrogent sur ce point.
À tout le moins, conservons à la France sa spécificité en matière de régulation, à savoir la concurrence par les infrastructures. Certes, la mutualisation est indispensable pour compléter le réseau, mais je puis vous assurer, mes chers collègues, que, sans cette concurrence par les infrastructures, les finances des collectivités locales auraient été davantage sollicitées.
Pour conclure, j’évoquerai la question de la prévisibilité. En France, nous sommes très inventifs dès lors qu’il s’agit de créer des taxes – par exemple, sur le chiffre d’affaires – ou des règles. En outre, nos jurisprudences contredisent toutes les analyses scientifiques. Aussi, au moment où il est question d’attribuer une quatrième licence et donc de créer un nouveau réseau physique, il faudra à mon avis aller au-delà d’un « Grenelle des antennes ».
Voilà quelques jours, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale a adopté un amendement par lequel elle pose le principe de l’exposition la plus faible possible aux ondes radioélectriques.
Le Gouvernement doit se monter ferme et, peut-être, réfléchir à un dispositif d’inversion de la charge de la preuve pour permettre le déploiement des réseaux. À défaut, ce dernier sera stoppé, et ce seront les populations rurales qui, une nouvelle fois, en pâtiront.
Ces décisions sont très importantes pour préparer la France de demain. Mes chers collègues, je ne doute pas que vous en soyez convaincus comme je le suis moi-même. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de l’attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile, conformément aux dispositions de l’article 22 de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, qui prévoit un débat au Parlement avant la mise en œuvre des dispositions relatives à l’exploitation d’un réseau mobile de troisième génération.
À la demande du Gouvernement, l’ARCEP va lancer un appel à candidatures pour la mise à disposition des fréquences de la bande de 2,1 gigahertz correspondant à la quatrième licence UMTS, non encore attribuée. Il devrait y avoir trois lots de 5 mégahertz chacun, un des lots étant réservé à un nouvel entrant.
En outre, il est prévu que l’ARCEP engage une consultation publique sur les conditions et les modalités d’un appel à candidatures conjoint dans les bandes de fréquences de 790-862 mégahertz, c’est-à-dire la partie du dividende numérique affectée à l’internet à très haut débit après l’extinction de la télévision en analogique, et de 2,6 gigahertz, bande qui devrait être libérée par les militaires à partir de 2010.
Le débat sur la quatrième licence s’engage cependant dans un contexte très particulier puisque les parlementaires ont pris connaissance de nouvelles informations, notamment le prix du ticket d’entrée, et ce dans la presse du 5 février, c’est-à-dire avant le premier débat prévu le même jour, à dix heures trente, à l’Assemblée nationale.
Cette manière de procéder ne paraît guère respectueuse ni de la lettre, ni de l’esprit de la loi, ni donc des droits du Parlement.
Les parlementaires auraient-ils été « victimes » de la course de vitesse, devant les médias, entre les deux ministères – je n’ose pas dire entre les deux ministres –, chacun voulant à l’évidence marquer son territoire et ne rien céder à l’autre ?
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Michel Teston. Quoi qu’il en soit, l’ouverture de la procédure d’attribution de la quatrième licence soulève des questions de plusieurs natures.
Tout d’abord, y a-t-il place sur le marché pour un nouvel opérateur, dans un climat de profonde crise économique et sociale ? Quelles seraient les conséquences de l’arrivée de ce nouvel entrant pour les trois premiers opérateurs et pour les opérateurs de réseau mobile virtuel, les MVNO ?
Le marché de la téléphonie mobile représente aujourd’hui plus de 58 millions d’utilisateurs et, en 2008, pour la première fois, les communications téléphoniques passées avec un mobile sont plus nombreuses que celles qui sont passées depuis un poste fixe.
Dans la mesure où il n’y a que trois opérateurs de téléphonie mobile en France, il est tentant d’en tirer la conclusion qu’il y a place pour un quatrième. C’est d’ailleurs ce que fait le Gouvernement, qui estime qu’un quatrième opérateur pourrait apporter une croissance de 7 % du marché.
Une analyse de la situation dans les autres grands États de l’Union européenne montre que le quatrième opérateur occupe une place marginale – 2,5 % de parts de marché en Espagne – et qu’il éprouve de grandes difficultés à se maintenir. Ses dirigeants peuvent être conduits soit à une cession à l’un des trois premiers opérateurs – c’est déjà fait aux Pays-Bas –, soit à la recherche d’une telle cession, comme c’est le cas en Allemagne et en Grande-Bretagne.
En outre, compte tenu de la situation économique prévisible en 2009, il est très vraisemblable que le marché de la téléphonie mobile subisse aussi les effets de la crise. Une étude menée par l’agence Reuters évoque la possibilité d’une contraction du marché de plus de 6 %, les consommateurs hésitant, notamment, à changer leur terminal mobile.
Par ailleurs, nous avions cru comprendre que le Gouvernement voulait améliorer le sort des MVNO qui demandent des conditions d’hébergement plus justes sur les plans technique et tarifaire. Je discerne mal en quoi l’arrivée d’un quatrième opérateur permettrait de répondre à cette attente.
Il est donc légitime de s’interroger sur l’opportunité de faire entrer maintenant un nouvel opérateur sur un marché qui subira, comme tous les autres, les effets de la crise. À moins qu’il n’y ait un lien avec l’instauration de la taxe de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications pour contribuer au financement des chaînes publiques de télévision ! S’agirait-il d’inciter les trois opérateurs à ne pas augmenter leurs tarifs lors de l’entrée en vigueur de la taxe ?
Cette interrogation m’amène à la deuxième question que pose la décision du Gouvernement : l’arrivée d’un quatrième opérateur est-elle de nature à faire baisser les prix ?
L’objectif du Gouvernement est de rendre du pouvoir d’achat aux Français, objectif qu’il ne parvient pas à atteindre. Il considère que l’arrivée d’un quatrième opérateur devrait stimuler la concurrence et se traduire par une baisse des prix de 7 % et par une meilleure offre de services.
Les associations de consommateurs se réjouissent de l’attribution de la quatrième licence, tout en attendant de connaître plus précisément les modalités de l’appel à candidatures. Elles considèrent probablement que, si les tarifs baissent sur tout le territoire national sans déstabiliser pour autant l’équilibre du marché, l’arrivée d’un quatrième opérateur sera bénéfique. Mais qu’en sera-t-il réellement ?
Selon une étude de l’observatoire économique de la téléphonie mobile, le prix moyen de la minute mobile sortante est moins élevé en France que dans les pays qui comptent plus de trois opérateurs. Il semble donc que l’accroissement de la concurrence ne garantisse pas à lui seul la baisse des prix pour les consommateurs.
Par ailleurs, même en admettant que le nouvel opérateur veuille faire baisser les prix, ne sera-t-il pas tenté par la solution du low cost, avec les effets néfastes qui en résulteraient pour l’économie : bas salaires et diminution de l’offre de services, par exemple ?
En outre, il ne disposera dans un premier temps que de 5 mégahertz, auxquels s’ajouteront les 5 mégahertz libérés par les autres opérateurs dans les dix-huit à vingt-quatre mois suivant l’attribution de la nouvelle licence.
Il est donc possible que les tarifs du nouvel opérateur soient compétitifs, mais seulement sur les territoires où il disposera d’un réseau. Pour qu’il propose une offre géographiquement plus étendue, il faudra attendre qu’il ait atteint les taux de couverture de population lui permettant de bénéficier de la clause d’itinérance, à savoir du droit d’utiliser le réseau de ses concurrents, moyennant rémunération.
Cela dit – et j’appelle votre attention sur ce point –, pouvoir utiliser des réseaux est une chose, vouloir le faire en est une autre !
Cela me conduit à évoquer la question des contraintes qui seront imposées au nouvel opérateur en matière d’aménagement du territoire.
Le cahier des charges annexé à la licence octroyée à chaque opérateur mobile actuellement sur le marché précise ses obligations en matière de couverture de la population.
Les trois opérateurs se sont engagés à résorber les zones blanches. Actuellement, chacun d’eux consacre environ un milliard d’euros par an à l’amélioration de son réseau.
L’itinérance fait aussi partie des obligations des opérateurs. Il s’agit de la possibilité pour un opérateur d’utiliser les infrastructures mises en place par un autre. Dans la situation actuelle, un opérateur couvrant 25 % de la population peut bénéficier de l’itinérance. Ce pourcentage peut paraître important, mais je rappelle que la couverture de la région d’Île-de-France et des cinq autres plus grandes agglomérations françaises suffit pour l’atteindre, donc pour bénéficier de l’itinérance.
L’article 119 de la loi de modernisation de l’économie prévoit un partage des installations des réseaux de troisième génération. Les conditions de la mise en œuvre de ce partage, notamment le seuil de couverture exigé, seront déterminées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Avec ces dispositions, le nouvel entrant peut ne pas investir et se contenter de profiter des infrastructures des autres opérateurs. Dès lors, l’intérêt concurrentiel à investir pour les autres opérateurs est réduit. Le risque existe que ces derniers ralentissent leurs investissements dans les zones moins denses et moins rentables, avec pour conséquence un moindre effort en faveur de la réduction de la fracture numérique.
Il est donc particulièrement important que les obligations demandées au nouvel entrant en matière de couverture du territoire soient identiques à celles qui ont été exigées des opérateurs actuellement en place.
J’en viens à la question de savoir si la procédure retenue par le Gouvernement présente toutes les garanties d’un strict respect des règles de la concurrence.
Le nouvel opérateur obtiendra un droit d’accès à moindre frais : 206 millions d’euros, à comparer aux 619 millions d’euros acquittés par chaque opérateur en place qui dispose d’un lot de 15 mégahertz.
Avec un lot de 5 mégahertz, complété par un autre lot de 5 mégahertz libérés par les autres opérateurs, le nouvel entrant disposera donc de 10 mégahertz pour le prix de 5 ! Son entrée sur le marché se fera ainsi dans des conditions qui lui seront favorables.
Dès lors, on peut se demander comment vont réagir ses concurrents. Ne risquent-ils pas de considérer la procédure d’attribution comme une aide déguisée de l’État au nouvel entrant ?
On peut également s’interroger sur ce qui pourrait se passer dans l’hypothèse où il n’y aurait qu’un seul candidat. Dans ce cas, est-il prévu d’attribuer malgré tout une licence, ou bien un nouvel appel à candidatures sera-t-il lancé ?
La question n’est pas anecdotique. En effet, si l’on en croit toutes les rumeurs qui agitent le microcosme parisien, les jeux seraient faits en faveur d’un opérateur qui n’avait pas voulu verser, en 2007, les 619 millions d’euros correspondant à l’attribution d’une bande de fréquences de 15 mégahertz. Ledit opérateur avait même demandé au juge des référés du Conseil d’État de mettre fin à la procédure d’attribution. Cette requête avait alors été rejetée.
Telles sont, madame et monsieur les secrétaires d’État, les principales questions que je tenais à évoquer au nom du groupe socialiste.
Toutefois, l’actualité me conduit à aborder une question supplémentaire. En effet, et ce jugement est une première, la cour d’appel de Versailles, confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre, a ordonné le démontage d’émetteurs relais de téléphonie mobile en invoquant l’incertitude d’un éventuel impact sur la santé des riverains.
Cette décision de justice exige que le Gouvernement précise clairement sa position sur ce sujet dans la mesure où le quatrième opérateur devra installer de nouvelles antennes relais.
À l’Assemblée nationale, Mme le secrétaire d’État a suggéré la tenue d’un « Grenelle des antennes » afin de répondre à l’inquiétude de nos concitoyens sur l’exposition aux ondes électromagnétiques. Pourquoi pas ? Au nom de l’application du principe de précaution, il convient en effet de définir le niveau de protection nécessaire si l’on veut couvrir tout le territoire en téléphonie mobile en évitant une avalanche de recours en justice.
Notre groupe est également très attentif aux modalités qui seront retenues pour l’attribution des deux autres lots – concours de beauté ou enchères ? –, étant précisé qu’il nous paraît essentiel que l’État encaisse au moins 619 millions d’euros pour les trois lots, c’est-à-dire autant que si la quatrième licence avait été attribuée en même temps que les trois premières.
Je rappelle enfin, à l’attention du Gouvernement, qu’un recensement complémentaire, réalisé en liaison avec l’Assemblée des départements de France, a fait apparaître que 364 communes supplémentaires sont situées en zone blanche en téléphonie mobile et que de très nombreuses autres communes sont en zone grise, c’est-à-dire qu’elles ne sont desservies que par un ou deux opérateurs.
Dès lors, on peut penser que l’objectif prioritaire consiste non pas forcément à attribuer une quatrième licence, mais plutôt à assurer la couverture complète du territoire national par les trois opérateurs existants. Il reste en effet encore bien du travail à réaliser dans ce domaine. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, permettez-moi de me réjouir du présent débat sur l’attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile et du fait que le Parlement puisse, au-delà, évoquer le sujet essentiel du développement du numérique.
Le paysage numérique est en pleine évolution : une évolution permanente, une évolution sur tous les fronts.
Ces évolutions sont d’abord technologiques : le net mobile est en plein essor, la génération LTE, ou long term evolution, est en marche, la fibre se développe.
Elles sont aussi fort heureusement politiques et administratives puisque le Gouvernement, cet été, a introduit des dispositions positives dans la loi de modernisation de l’économie, avant de présenter, en octobre, le plan France numérique 2012.
Ce plan, très important, reconnaît enfin « le haut débit comme une commodité essentielle au même titre que l’eau et l’électricité » et assure que chaque Français bénéficiera du haut débit au 1er janvier 2010. Nous le souhaitons réellement et espérons sincèrement que les objectifs fixés seront atteints.
Le 12 janvier, le Premier ministre a présenté une stratégie d’ensemble s’agissant des fréquences et des réseaux mobiles. Il était temps, puisque la France est en retard dans l’affectation de ses fréquences, ce qui risque de nuire à la compétitivité de nos opérateurs et, au-delà, de notre pays.
Le Premier ministre a annoncé le lancement d’une consultation publique sur l’attribution des fréquences du dividende numérique et dans la bande des 2,6 gigahertz réservée au très haut débit mobile.
Il a également décidé d’un appel à candidatures pour les fréquences de troisième génération avec, sur les trois lots, un lot de deux fois 5 mégahertz réservé à un nouvel entrant, c’est-à-dire à un quatrième opérateur.
C’est l’objet principal de notre débat de ce jour.
Sur le principe, on ne peut qu’approuver l’idée qu’il y ait un quatrième opérateur, car on ne peut qu’être favorable à la concurrence, sous réserve bien entendu qu’elle soit encadrée.
Le Conseil de la concurrence a souligné, dans son avis de juillet 2008, qu’un quatrième opérateur favoriserait la concurrence sur le marché de détail et également sur le marché des MVNO.
Si la baisse des tarifs de détail n’a jamais fait de doute – elle est évalué à 7 % –, l’impact positif d’un quatrième opérateur sur les MVNO a parfois été contesté – il l’a été encore ce matin par M. Teston –, certains considérant le quatrième opérateur comme un concurrent potentiel.
En réalité, il semble qu’un nouvel opérateur aura besoin des MVNO pour rentabiliser son réseau. En cela, leurs intérêts seront convergents.
On peut donc espérer que les MVNO, qui n’ont que 5 % des abonnés aux mobiles et représentent à peine 2 % du chiffre d’affaires du secteur, connaîtront un développement leur permettant de rompre avec des parts de marché marginales au regard de la situation observée chez nos voisins européens.
Pour cela, il faudra certainement, madame et monsieur les secrétaires d’État, revoir certains aspects réglementaires qui semblent freiner leur développement. M. Retailleau a parlé de « déverrouillage » ; vous en direz certainement plus sur ce sujet tout à l’heure.
La concurrence devrait également favoriser l’innovation, l’émergence de nouveaux services, de nouvelles offres, et le taux de pénétration du mobile.
Enfin, d’un point de vue économique, les investissements susceptibles d’être réalisés par un quatrième opérateur sont évalués à 1,5 milliard d’euros ce qui, dans le contexte économique actuel, est plus que jamais appréciable et devrait permettre des retombées positives en termes d’emploi.
Quels que soient les éléments positifs attendus, il faut bien entendu encadrer cette concurrence que nous appelons de nos vœux.
Le président de l’ARCEP a déclaré devant le groupe d’études « Postes et communications électroniques » que l’ARCEP veillera à l’équité entre les opérateurs quant aux conditions d’accès au marché en termes de prix, de couverture et d’investissement.
En termes de prix, cette licence ne doit naturellement pas être bradée, d’autant que la concurrence qui en résultera risque d’avoir une incidence sur les résultats des opérateurs et, par là même, sur les recettes fiscales de l’État.
En termes de couverture, sujet important sur lequel je reviendrai, il convient que le quatrième opérateur ait les mêmes obligations que ses concurrents, en tenant toutefois compte du fait que ses capacités de couverture ne seront pas identiques.
En termes d’investissement, enfin, la mutualisation des infrastructures est bien entendu nécessaire. Il faudra cependant éviter que le quatrième opérateur n’investisse a minima pour bénéficier ensuite uniquement de l’itinérance offerte par ses concurrents.
Le quatrième opérateur ne doit pas être un « passager clandestin » ou un « coucou », selon l’expression utilisée par certains. Une telle situation serait néfaste au développement du réseau, car les opérateurs ne seraient plus incités à investir.
J’attire toutefois votre attention, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, sur la complexité de cette question. L’implantation de pylônes est en effet de plus en plus difficile en raison des réticences qu’elle suscite pour des questions environnementales et de santé publique. La récente décision de la cour d’appel de Versailles demandant le démontage d’une antenne au nom du principe de précaution a de quoi inquiéter les opérateurs, les élus et les utilisateurs.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Hervé Maurey. Comment concilier le principe de précaution et l’arrivée d’un quatrième opérateur développant son propre réseau ? Autrement dit, comment développer les infrastructures sans multiplier les pylônes ? C’est un peu la quadrature du cercle ! Je serais heureux d’entendre le Gouvernement sur ce sujet.
Par ailleurs, il faut veiller à préserver la capacité des opérateurs français sur les marchés internationaux. Nous avons la chance d’avoir, dans ce domaine, des acteurs économiques performants. Nous en avons plus que jamais besoin ; veillons à ne pas les fragiliser !
Nous espérons que la vigilance de l’ARCEP ne sera pas amoindrie par un nombre limité, voire très limité de postulants, et que cette Autorité se réservera la possibilité de ne pas attribuer la quatrième licence si les propositions qui lui sont faites ne répondent pas à ses attentes et aux critères fixés.
La mission de l’ARCEP est donc complexe, puisqu’elle doit tout à la fois assurer les conditions de la concurrence et veiller à ne pas fragiliser les opérateurs existants.
Nous sommes à nouveau confrontés à la fameuse quadrature du cercle ! Là encore, le Gouvernement aura certainement des informations utiles à nous communiquer.
Cependant, quels que soient les avantages escomptés par l’attribution de cette quatrième licence, les garanties demandées par l’ARCEP et les assurances données par le Gouvernement, je ne peux m’empêcher d’éprouver une forte inquiétude, celle que la concurrence entre opérateurs, renforcée par l’arrivée d’un nouvel entrant, ne nuise encore à la couverture numérique du territoire, qui n’est pas aujourd’hui satisfaisante.
J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer à cette tribune mon attachement à la couverture numérique du territoire. Il existe encore aujourd’hui, vous le savez, un grand nombre de communes sans aucune couverture en téléphonie mobile et en haut débit. C’est notamment vrai dans mon département, qui, comme d’autres, a hélas ! refusé de signer la convention avec l’État et les opérateurs pour améliorer la couverture du territoire.
Il est inacceptable – je le dis comme je le pense – de parler de très haut débit quand certains territoires n’ont pas le haut débit. C’est d’autant plus inacceptable que le numérique est devenu indispensable en termes d’aménagement du territoire, de développement économique, de sécurité des biens et des personnes, et tout simplement de qualité de vie. Il n’est pas acceptable qu’il y ait, d’un côté, une France où l’usage numérique se développe et évolue chaque jour vers des technologies plus novatrices et performantes et des services plus nombreux et innovants et, de l’autre, des déserts numériques. Cela est d’autant plus insupportable que nos concitoyens, y compris les services de l’État, sont de plus en plus appelés à recourir au numérique. Les territoires sans couverture numérique sont voués à mourir. Il faut donc tout faire pour remédier enfin à cette situation.
C’est pourquoi je me suis opposé à l’instauration de la taxe de 0,9 % sur les opérateurs de télécommunications, dont la commission des affaires économiques a estimé qu’elle équivalait à 380 000 raccordements de moins par an à la fibre optique.
Le Sénat a adopté un amendement, cosigné par Bruno Retailleau, Pierre Hérisson et moi-même, tendant à permettre de déduire de l’assiette de cette taxe les investissements en faveur du numérique. Sa portée a malheureusement été limitée par l’adoption d’un sous-amendement. Il conviendra de réexaminer cette disposition.
Je ne voudrais pas que les opérateurs, au nom de cette taxe et de l’entrée d’un quatrième opérateur, soient encore moins prompts à remplir leurs obligations et à couvrir le territoire. On sait que les objectifs fixés par l’ARCEP ne sont pas tenus et que cette Autorité devra prendre, cet été, des sanctions. Je souhaite pour ma part que ces dernières soient exemplaires et même sévères.
MM. Daniel Dubois et Gérard Bailly. Très bien !
M. Hervé Maurey. Quant au nouvel entrant, il aura pour priorité, ce qui est normal, de couvrir les zones rentables, d’autant qu’il ne pourra pas, a priori, couvrir autant d’abonnés que ses concurrents actuellement en place.
Les collectivités locales ont, de manière plus ou moins heureuse mais souvent dispendieuse, beaucoup investi pour compenser les défaillances de l’État et des opérateurs. Elles risquent d’être à nouveau sollicitées pour assurer une bonne couverture de la TNT, qui n’est hélas ! pas encore acquise. Elles ne peuvent aller au-delà. L’État doit jouer son rôle sur ce sujet très important.
J’ai été étonné de la déclaration de M. Chatel selon laquelle il n’y avait pas lieu de demander aux opérateurs d’aller plus loin en termes de couverture du territoire.
Je crois au contraire qu’il faut très clairement exiger des opérateurs – je dis bien « exiger » –, au besoin par un texte spécifique et selon des modalités à fixer quant à la prise en charge des coûts, une véritable obligation de couverture numérique pour tous. Cela a été fait par nos aînés pour le téléphone fixe, voilà une vingtaine d’années.
Nous devons, j’en suis convaincu, faire de même aujourd’hui pour la téléphonie mobile et l’internet à haut débit, et fixer comme objectif un taux de couverture de 100 %. Comment pourrait-on atteindre le « haut débit fixe et mobile pour tous en 2012 », cher à Mme Kosciusko-Morizet, si nous nous contentons des objectifs actuels ?
Loin d’être retardée par la crise économique, la couverture du territoire devrait en bénéficier.
Mme Kosciusko-Morizet a déclaré ceci à l’Assemblée nationale : « Les investissements dans l’économie numérique sont des plus productifs, car ils accroissent la compétitivité de l’ensemble des autres secteurs de l’économie. En outre, les emplois de l’économie numérique sont peu délocalisables ». C’est vrai, et c’est pourquoi je regrette, madame et monsieur les secrétaires d’État, que le numérique soit le grand absent du plan de relance de l’économie, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis.
Je regrette que ce secteur n’ait été cité par le Premier ministre, dans son discours du 2 février, qu’au travers d’une mesure ponctuelle et limitée, et qu’il n’ait pas été cité du tout, me semble-t-il, par le Président de la République, lors de son entretien télévisé du 5 février dernier.
Aussi, j’espère ardemment, madame et monsieur les secrétaires d’État, que, dans les prochaines semaines, le Gouvernement prendra des mesures fortes pour favoriser le développement numérique des territoires et, par là même, l’économie tout entière. Ces mesures sont tout particulièrement attendues par notre assemblée qui, vous le savez, est celle des territoires. Par avance, je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)