compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Philippe Nachbar.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Attribution de fréquences de réseaux mobiles
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’attribution de fréquences de réseaux mobiles, conformément à l’article 22 de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de concrétiser aujourd'hui un engagement que j’avais pris ici même lors de la discussion de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs et qui a d’ailleurs été repris, le 12 janvier dernier, par M. le Premier ministre au cours d’une réunion interministérielle sur l’économie numérique.
Les technologies de l’information et de la communication, les TIC, représentent, au cours des dix dernières années, la moitié du différentiel de croissance observé entre les États-Unis et l’Europe. Elles participent aussi, à hauteur de 40 %, à la hausse de la productivité de notre économie. Ce secteur a donc un impact économique déterminant grâce aux innovations qu’il entraîne pour l’ensemble de notre industrie. J’observe de nombreuses applications dans des secteurs aussi variés que l’automobile, l’aéronautique, la télémédecine ou la formation, par exemple.
Dans cette période de crise économique sans précédent, vous connaissez la volonté du Gouvernement. Nous devons certes nous mobiliser pour faire face à l’urgence financière et économique – en témoigne le plan de relance –, mais nous devons aussi poursuivre les réformes pour préparer la France au « monde d’après ».
La crise est dure, violente, mais elle prendra fin un jour. Et, ce jour-là, nous devrons être prêts à rebondir plus vite que les autres. Il nous faut, dès aujourd’hui, identifier les relais de croissance stratégique et réaliser les investissements nécessaires. Naturellement, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les NTIC, et particulièrement les télécoms, en font évidemment partie. C’est ce qui explique la politique très ambitieuse menée par le Gouvernement depuis dix-huit mois en matière de numérique, notamment en faveur du développement de la concurrence dans les télécommunications.
Ce développement de la concurrence répond, à mon sens, à plusieurs enjeux.
Le premier enjeu est industriel et économique, l’objectif étant de renforcer l’investissement.
On le sait, la concurrence est saine pour stimuler le marché, et les analystes tablent sur une croissance de 7 % environ du marché global, grâce notamment au renforcement de la concurrence.
Les investissements engendrés par l’arrivée d’un éventuel nouvel entrant sur le marché du mobile seront importants pour l’économie et l’emploi du fait des investissements nécessaires pour la construction d’un nouveau réseau, la recherche de nouveaux services et la distribution des offres correspondantes.
D’ailleurs, il faut bien avoir à l’esprit que, sous peine de perdre en compétitivité, il ne sera pas dans l’intérêt des opérateurs historiques de réduire la voilure de leurs investissements, notamment pour ce qui concerne la couverture du territoire, un sujet qui vous est cher à juste titre, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous veillerons tout particulièrement à ce que les engagements pris dans ce domaine soient tenus. D’ailleurs, l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, devra les contrôler et, en cas de non-respect, nous n’hésiterons pas à mettre en œuvre les pouvoirs de sanction que vous avez récemment renforcés.
Le deuxième enjeu concerne le pouvoir d’achat des consommateurs.
D’après les simulations réalisées par les services de mon ministère, l’ouverture du marché des mobiles à un nouvel acteur au moins pourrait, à terme, représenter une baisse moyenne de 7 % des prix pour les consommateurs. Ces simulations tiennent compte de ce qui se passe dans d’autres pays européens lors du passage de trois opérateurs à quatre. Ainsi, c’est tout simplement 1,2 milliard d’euros par an qui serait « rendu » aux Français en termes de pouvoir d’achat, sur un marché dont le chiffre d’affaires avoisinerait, en 2015, 21 milliards d’euros.
Le troisième enjeu a trait à l’innovation.
Il est clair que l’entrée de nouveaux acteurs viendra bousculer les opérateurs historiques et intensifier la course technologique en faveur de nouveaux produits et services. Là, on parle de la prochaine génération de service.
Aujourd’hui, les offres triple play concilient, dans une même offre, la télé, l’internet et le téléphone. Demain, l’offre quadruple play rajoutera une nouvelle dimension, puisqu’il sera possible de consulter de n’importe quel terminal, chez soi, dans la rue ou au bureau, l’ensemble de ses documents et données personnelles. C’est un nouvel âge de la convergence qui s’ouvre aujourd'hui.
Or, si nos opérateurs nationaux sont bien placés dans cette course technologique, ils ne sont pas pour autant en avance sur leurs concurrents européens. Une stimulation saine du marché serait donc bienvenue pour mettre toutes les chances de notre côté et répondre à l’ambition fixée à la fois par l’Europe, avec la stratégie de Lisbonne, et le Président de la République, qui est de faire de la France, d’ici à 2012, un pays leader en matière de technologies de l’information et de la communication.
Pour comprendre les orientations du Gouvernement sur ce dossier complexe, il faut nous rappeler son historique.
Souvenez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, en 2000 et 2001, dans le contexte de l’emballement financier et économique créé par « la bulle internet », l’État avait fixé un prix de 5 milliards d’euros pour les licences 3G. La 3G était alors la première étape vers le portable haut débit. Seuls deux opérateurs avaient répondu à cette offre, qui, avec le recul, paraît vertigineuse. Un troisième opérateur, Bouygues, avait renoncé à suivre. Deux éléments ont joué avec, d’abord, le dégonflement de la bulle internet et, ensuite, la volonté du gouvernement de l’époque d’éviter un duopole qui aurait tué toute concurrence. Il a donc été décidé de baisser les prix, l’État optant pour une redevance fixe à 619 millions d’euros couplée d’une redevance variable de 1 % du chiffre d’affaires.
Aujourd’hui, nous sommes dans une situation qui n’est pas si éloignée. L’appel à candidatures que l’État avait lancé en 2007 pour l’attribution de nouvelles fréquences n’avait pas trouvé preneur auprès de nouveaux acteurs. Il faut donc, comme par le passé, revoir notre offre pour permettre à de nouveaux concurrents de se positionner, tout en garantissant une égalité de traitement de l’ensemble des opérateurs.
Dans le même temps, l’État doit aussi veiller à soutenir la croissance du secteur ainsi que la couverture du territoire et à valoriser convenablement ces nouvelles fréquences, ce qui représente pour les finances publiques de l’argent, beaucoup d’argent. Nous avons donc demandé à l’ARCEP de mener une consultation publique, qu’elle a réalisée au cours de l’été 2008.
À cet égard, je vous livrerai, mesdames, messieurs les sénateurs, le fruit des réflexions du Gouvernement.
Comme l’a annoncé le Premier ministre le 12 janvier dernier, nous pensons qu’il est souhaitable de diviser le « paquet » de fréquences supplémentaires en trois lots. Un lot de 2x5 mégahertz sera « réservé » à un nouvel entrant à un tarif qui ne doit pas être, par définition, discriminatoire par rapport aux offres précédentes. À ce lot, s’ajoutera l’accès à la bande 900 mégahertz, essentielle pour répondre aux enjeux de la couverture du territoire, mais j’y reviendrai dans un instant.
Par ailleurs, nous proposons deux autres lots de 2x5 mégahertz chacun, « ouverts à tous », auxquels tous les opérateurs, y compris les opérateurs historiques, pourront postuler.
Comment le nouvel opérateur sera-t-il choisi, et sur quels critères ?
Il ne sera pas choisi sur un critère de prix, puisque nous proposons que celui-ci soit fixé en amont. Guidés par un souci d’équité avec les opérateurs existants, nous suggérons une règle simple : fixer un prix correspondant au tiers du prix accordé précédemment. Il sera donc du tiers de 619 millions d’euros, soit environ 206 millions d’euros pour un tiers des fréquences attribuées.
Différents types de raisonnements pourraient justifier de demander plus ou, au contraire, moins. Dans ce contexte, nous proposons la solution qui, de l’avis de nombreux experts, apparaît la plus juste et la plus sûre juridiquement. Le décret qui fixera ce montant sera soumis pour avis au Conseil d’État, afin de nous assurer de l’équité d’une telle démarche.
Si le critère financier est écarté, quels autres critères feront la différence pour l’attribution d’une nouvelle licence ?
Nous avons opté pour ce qui est, en termes techniques, une « procédure de soumission comparative », que l’on pourrait qualifier, en termes plus parlants, de « concours de beauté » !
Il s’agit de déterminer quels postulants présentent les meilleures garanties et proposent les meilleurs engagements, notamment en matière d’ampleur et de rapidité des déploiements, de cohérence et de crédibilité du projet, de capacité à stimuler la concurrence au bénéfice du consommateur, d’environnement et de qualité de service.
Dans un souci d’équité entre les opérateurs existants et le nouvel entrant, il paraît souhaitable que les critères retenus en 2009 soient similaires à ceux qui avaient permis d’attribuer les premières licences en 2001 et en 2002.
Il convient notamment de faire en sorte que le nouvel entrant déploie un réseau sur l’ensemble du territoire, cela pour favoriser la concurrence, même dans les zones rurales. Ainsi, pour le lot réservé, le Gouvernement s’oriente vers la reprise des mêmes obligations minimales de couverture que celles qui avaient été proposées dans les précédents appels à candidatures.
Sur ce point, je tiens à indiquer que la diminution de la quantité de fréquences sur laquelle porte l’appel à candidatures pour la bande 2,1 gigahertz n’a pas d’incidence sur la capacité du nouvel entrant à se déployer sur l’ensemble du territoire. C’est à partir de la bande de 900 mégahertz que le nouvel opérateur pourra assurer la couverture des zones peu denses. Il y aura accès afin de bénéficier de conditions tout aussi avantageuses que les opérateurs existants pour la couverture du territoire.
Afin de faciliter la couverture en téléphonie mobile de troisième génération, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a prévu des dispositions pour imposer la mutualisation des réseaux 3G en zones peu denses. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, chargée de définir les conditions de cette mutualisation des réseaux, devrait prochainement rendre ses conclusions sur ce sujet. Il faut d’ailleurs garder à l’esprit que partager les investissements à quatre, et non plus à trois, peut aussi être un avantage compétitif pour une couverture plus grande.
Le partage des fréquences disponibles a un autre avantage : il permet, grâce aux deux lots de fréquences restants, de répondre à la demande des opérateurs qui souhaitent des fréquences supplémentaires.
Pour le coup, le prix offert par les opérateurs pour ces fréquences, pour ces deux lots ouverts à tous, pourrait être un critère déterminant.
La loi de modernisation de l’économie a ouvert la possibilité de mettre aux enchères certaines fréquences. Ce pourrait être le meilleur moyen pour l’État de vendre au meilleur prix. Pour ces fréquences, nous nous orientons donc vers une mise aux enchères ou une procédure de soumission comparative permettant d’envisager, au-delà du critère de prix, des engagements des opérateurs existants de nature à favoriser le dynamisme du marché français.
Par exemple, les opérateurs pourraient être incités à s’engager à assouplir les conditions d’accueil des Mobile Virtual Network Operators, les MVNO, sur leur réseau si un critère de stimulation de la concurrence était retenu.
Ce point est essentiel ; je sais que vous y êtes sensibles. Il a fait l’objet de discussions à l’Assemblée nationale. Le fait d’attribuer des fréquences nouvelles aux opérateurs historiques pourrait permettre d’assouplir les conditions d’accueil et de conforter la place des MVNO sur le marché.
Concernant la couverture du territoire, il n’y a pas matière à demander aux opérateurs historiques d’aller plus loin que les engagements de couverture 3G très ambitieux, parfois au-delà de 99 % de couverture de la population, qui ont déjà été pris.
En revanche, et les élus ruraux y sont tous sensibles, il s’agira de s’assurer que ces engagements ont bien été respectés, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Le Gouvernement y veillera. C’est notamment pour cela que nous avions choisi ensemble de renforcer, grâce à la loi de modernisation de l’économie, les pouvoirs de sanctions de l’ARCEP dans ce domaine. Le Gouvernement n’hésitera pas à prendre des sanctions sur ce point.
Par ailleurs, je souhaite que l’attribution de ces nouvelles fréquences soit décidée après l’attribution du premier lot de fréquences, le lot « réservé » à de nouveaux acteurs. Cela permettrait au lauréat du premier lot de pouvoir, s’il le souhaite, se positionner sur les autres lots. C’est à la fois, pour lui, une possibilité d’acquérir des fréquences supplémentaires et, pour l’État, l’opportunité d’obtenir un meilleur prix.
Tels sont les sujets que je souhaitais évoquer sur l’attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile.
Avant de céder la place à ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, je terminerai par l’attribution des fréquences pour l’internet mobile à très haut débit.
Je voudrais insister sur l’importance d’une attribution rapide de ces fréquences 3G, car elle s’inscrit dans une politique beaucoup plus large en faveur du développement de l’économie numérique que précisera Nathalie Kosciusko-Morizet et qui passera par l’attribution, dans les années à venir, de nouvelles bandes pour l’internet mobile à haut débit.
Il s’agit, d’une part, de la bande de 2,6 gigahertz, qui devrait être libérée par les militaires à partir de 2010 et qui offre de grandes capacités, permettant ainsi une bonne couverture des zones denses.
Il s’agit, d’autre part, des fréquences de la bande 790-862 mégahertz, qui seront libérées par le passage de l’analogique au numérique, le dividende numérique – l’extinction de la télévision analogique devant avoir lieu d’ici au 1er décembre 2011 – et qui ont d’excellentes propriétés pour la couverture du territoire.
Une attribution conjointe de ces fréquences doit permettre de traiter simultanément les problématiques liées aux zones denses et aux zones rurales, et ainsi de réduire le risque de constitution d’une fracture numérique pour le très haut débit mobile, sujet cher au Gouvernement.
Voilà les principaux points que je souhaitais évoquer d’entrée de jeu. Nous attendons vos propositions et, à l’issue de ce débat, le Gouvernement engagera le processus d’attribution de cette quatrième licence de téléphonie mobile. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Avant de donner la parole à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, je ne résiste pas à la tentation de saluer – cela fera plaisir à notre éminent collègue M. Roland Povinelli ! – les adjoints aux maires de la ville de Marseille présents dans les tribunes. Autant de sénateurs en herbe ! (Applaudissements.)
Cela dit, je donne la parole à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mesdames, messieurs les Marseillais, le débat d’aujourd’hui nous permet d’exposer la vision stratégique de notre pays en matière non seulement de fréquences, mais aussi d’économie numérique.
Mon collègue Luc Chatel vous a présenté la politique du Gouvernement sur les fréquences à 2,1 gigahertz et 2,6 gigahertz, ainsi que sur la sous-bande de fréquences 790-862 mégahertz qui seront affectées à l’internet mobile à très haut débit.
Pour les fréquences à 2,1 gigahertz, notre souhait est bien de voir émerger un nouvel opérateur mobile au profit des Français et de la couverture des territoires.
Je souhaite, pour ma part, exposer brièvement quelques-uns des enjeux de l’économie numérique au cœur des projets territoriaux qui, je le sais, vous tiennent à cœur.
J’évoquerai, à ce titre, le dividende numérique, le passage à la télévision tout numérique, la télévision mobile personnelle et les nouveaux services audiovisuels, et, plus globalement, l’aménagement numérique des territoires.
S’agissant tout d’abord du dividende numérique, la France connaît une opportunité historique, celle de la disponibilité de fréquences dites « en or ».
En effet, le passage à la télévision tout numérique va libérer des fréquences et permettra de dégager ce qui est communément appelé « le dividende numérique ».
Ces fréquences basses sont extrêmement intéressantes, car elles permettent de diviser considérablement le coût de déploiement des réseaux mobiles en zones peu denses. C’est un élément essentiel au service de la couverture des territoires.
Le dividende numérique est, pour notre pays et pour l’Europe, comme l’a été en d’autres temps le GSM, une occasion unique de définir une politique ambitieuse dans le domaine du numérique.
Le dividende numérique va contribuer tout d’abord à l’aménagement du territoire, en développant l’internet à très haut débit, grâce à l’affectation de la sous-bande 790-862 mégahertz. La procédure d’attribution de ces fréquences sera lancée d’ici à la fin de l’année 2009, selon plusieurs critères que mon collègue Luc Chatel vous a exposés.
Le dividende numérique permettra le développement des nouveaux services de télévision : la télévision haute définition, la télévision mobile personnelle et la radio numérique dont on parle moins, mais qui arrive aussi.
Quelles sont les étapes suivantes ?
Des travaux sont menés avec les partenaires européens de la France pour que l’Europe tout entière bénéficie de ce dividende d’autant plus facile à mettre en place que nous prenons des options conjointes. C’est important, notamment dans les régions frontalières.
Le Royaume-Uni vient ainsi de prendre une décision identique à celle du Gouvernement français ; l’Allemagne devrait le faire dans les prochaines semaines. Dès lors, nous espérons, dans quelques mois, convaincre nos derniers partenaires européens, afin que le dividende numérique devienne une réalité européenne.
J’en viens maintenant au passage à la télévision tout numérique.
Le dividende numérique ne sera perçu par nos concitoyens que si nous réussissons le déploiement sur l’ensemble du territoire national des dix-huit chaînes de télévision gratuite en qualité numérique et, surtout, l’arrêt dans de bonnes conditions de la diffusion des chaînes analogiques avant le 30 novembre 2011. C’est l’une de mes priorités.
La TNT offre, en premier lieu, davantage de choix pour le téléspectateur, plus d’information, plus de culture et plus de loisirs, mais aussi, en second lieu, plus de qualité. Enfin, elle présente la simplicité de ne pas obliger le téléspectateur à changer de téléviseur pour obtenir beaucoup mieux.
Les réseaux de TNT vont couvrir 95 % de la population. Les 5 % de foyers restants pourront s’équiper de paraboles satellites pour recevoir gratuitement les dix-huit chaînes nationales de la TNT.
Une offre de TNT gratuite par satellite est déjà en place ; une deuxième offre devrait émerger dans les prochains mois, afin de donner plus de choix aux Français.
Mais, pour réussir le passage au tout numérique, il faut s’assurer que l’ensemble des foyers reçoivent effectivement la TNT sur leurs postes de télévision. Il s’agit là, à mon avis, du défi le plus ambitieux.
J’observe que, trois ans après le lancement du déploiement de la TNT, et malgré un taux de couverture de la population qui approche désormais 89 %, seuls 57,8 % des foyers sont aujourd’hui équipés d’au moins un poste capable de recevoir la TNT, et 29,9 % seulement des foyers ont équipé l’ensemble de leurs postes de télévision.
Pour rendre compréhensible et perceptible cette opération relative au dividende numérique, il faut, dès maintenant, accélérer le rythme d’équipement des foyers. Tel est l’objectif du dispositif national d’accompagnement du public vers la télévision numérique terrestre qui a été présenté le 6 novembre dernier et qui sera définitivement mis en place avant le 31 mai 2009.
L’accompagnement des publics sensibles, personnes âgées et handicapées, particulièrement vulnérables face au changement technique, sera encouragé financièrement par l’État. Les ménages à faibles revenus seront, eux aussi, aidés pour l’acquisition et l’installation du matériel de réception. Ainsi, ce sont deux types différents d’aides qui seront mis en place.
L’opération pilote qui a eu lieu à Coulommiers et qui s’est achevée la semaine dernière livre ses premiers enseignements. D’abord, la mobilisation des élus et du tissu associatif est la clé pour assurer la réussite du projet. Ensuite, les conditions de l’assistance financière pour aider dans cette tâche doivent être simplifiées ; je m’y emploie ces jours-ci. Enfin, un effort accru d’information doit être fait, notamment pour expliquer les quelques problèmes techniques auxquels ont dû faire face les habitants de Coulommiers et des neuf autres communes environnantes dans un habitat collectif.
Une deuxième opération pilote sera mise en œuvre à Kaysersberg à partir du 14 avril et jusqu’au 27 mai 2009.
La troisième opération pilote aura lieu en juin, avec le lancement de l’extinction de l’analogique à Cherbourg – l’arrêt est prévu pour le 18 novembre 2009 –, et dans le Nord-Contentin, soit pour environ 200 000 habitants.
L’Alsace et la Basse-Normandie suivront à compter de la fin de l’année 2009, puis la Lorraine, la Champagne-Ardenne, la Franche-Comté, la Bretagne et les Pays-de-la-Loire passeront, dans cet ordre, au « tout numérique » en 2010. Pour les autres régions, l’ordre de passage sera défini dans les mois qui viennent.
Je réunis demain le Comité stratégique pour le numérique, afin de finaliser rapidement l’ensemble du dispositif national d’accompagnement du public vers la télévision numérique terrestre et publier l’ensemble du calendrier de l’opération.
Je souhaite également évoquer la télévision mobile personnelle, la TMP, puisque le dividende numérique, opération que nous engageons aujourd’hui, permettra à de nouveaux services audiovisuels d’émerger.
Ainsi, tout comme l’arrivée du transistor a transformé l’utilisation de la radio, la TMP représente une évolution majeure des modes de consommation télévisuels. Une dynamique mondiale se met en place et il est important que la France y prenne une part à la mesure de son activité radiophonique.
Derrière les pays pionniers tels que la Corée et le Japon, les marchés de la TMP tendent à se multiplier, notamment, dans le cadre européen, en Italie, en Autriche et en Suisse. Il n’y a pas de raison pour que nous restions à l’écart de ce développement.
La définition du modèle économique de la TMP est compliquée : faut-il prévoir la gratuité ou l’absence d’abonnement ? Quel sera le mode de rémunération des distributeurs ?
Je vais donc lancer dans les prochains jours une mission de médiation, qui travaillera jusqu’à la fin du mois de mars 2009, entre les différents éditeurs et distributeurs de services, en y associant bien entendu le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Cette médiation devra examiner la possibilité de débuter les travaux d’investissement sur un réseau pilote de TMP, grâce à un « noyau dur » d’acteurs, que sont les principaux opérateurs de télécommunications et les chaînes de télévision, afin de permettre à une chaîne de valeur de se construire.
J’en viens enfin à l’aménagement numérique des territoires. L’implication budgétaire de l’État y est constante. Ainsi, les investissements sur les réseaux d’initiative publique depuis 2002 sont estimés à 2,5 milliards d’euros, dont près de 50 % sont pris en charge par des investisseurs privés et près de 34 % par les collectivités territoriales.
L’État et l’Europe, au travers des contrats de plan État-région, pour 220 millions d’euros, et des fonds européens, également pour 220 millions d’euros, ont assumé 16 % de ce financement.
Sur la période 2007-2013, 300 millions d’euros seront consacrés par l’État à l’aménagement numérique des territoires.
Dans ce domaine, il s’agit en priorité, selon moi, d’assurer le haut débit fixe et mobile pour tous les Français avant 2012 et de soutenir les collectivités dans leur rôle d’aménagement du territoire.
L’internet haut débit constitue aujourd’hui, comme l’eau ou l’électricité, une commodité essentielle. Les taux de couverture de la population par les différents réseaux d’accès à l’internet haut débit fixe, affichés par les opérateurs eux-mêmes, révèlent que près de 2 % de la population française, répartis sur une fraction significative du territoire, ne sont pas desservis. Cela signifie que 1 à 2 millions de Français sont exclus de la société de l’information.
Un appel à manifestation d’intérêt a ainsi été lancé le 12 janvier dernier, afin d’identifier des opérateurs universels du haut débit fixe.
Chaque Français, quel que soit son lieu de résidence, bénéficiera ainsi d’un droit à l’accès à internet haut débit à un tarif abordable, inférieur à 35 euros par mois, matériel compris. Ces opérateurs – nous avons déjà enregistré plusieurs candidatures – bénéficieront d’un label, qui sera mis en place avant la fin de l’année.
Par ailleurs, dans le cadre des dispositions de la loi de modernisation de l’économie, dite LME, un réseau rural mobile de troisième génération, mutualisant les équipements entre opérateurs, permettra d’assurer à tous les Français un accès au haut débit mobile d’ici à 2012. Je lancerai des expérimentations sur cette mutualisation dans les prochaines semaines.
Les collectivités locales sont fortement impliquées dans la révolution numérique. Elles ont contribué à l’émergence de plus de 100 réseaux d’initiative publique, en investissant plusieurs centaines de millions d’euros pour le désenclavement numérique des territoires. Elles doivent être soutenues.
Ainsi, une circulaire va bientôt mettre en place des instances de coordination entre l’État et les collectivités, afin notamment de définir des schémas directeurs numériques. Une aide financière sera fournie par l’État pour la définition de ces schémas.
Par ailleurs, deux décrets, qui seront publiés prochainement, permettront d’accélérer l’aménagement numérique des territoires. Le premier portera sur le droit à la connaissance des réseaux, instauré par la LME, le second permettra une meilleure connaissance de la couverture des services.
Enfin, doter les collectivités locales d’un outil réglementaire supplémentaire, comme le serait leur investissement minoritaire dans des sociétés qui déploient des réseaux, facilitera leur intervention concernant le très haut débit.
J’ai donc lancé, avec la Caisse des dépôts et consignations, une étude sur ce sujet et, plus globalement, sur la place de l’investissement public pour le très haut débit. J’espère pouvoir y donner suite très rapidement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)