M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler brièvement quelques chiffres relatifs au coût des travaux dans le secteur ferroviaire qui parlent d’eux-mêmes.
Construire un kilomètre de ligne à grande vitesse, ou LGV, coûte en moyenne 20 millions d’euros ; mais pour les lignes très complexes d’un point de vue technique, comme la LGV PACA, la facture s’élève à quelque 30 millions d’euros par kilomètre.
Le coût des rénovations, comme celui de l’électrification, est pratiquement vingt fois plus faible et s’élève à environ un million d’euros par kilomètre.
Bref, vous comprendrez que je ne suis pas un partisan du « 100 % TGV ». Je suis donc étonné du consensus existant quant à la réalisation de 2 000 kilomètres supplémentaires de lignes ferroviaires nouvelles à grande vitesse d’ici à 2020. Ce consensus se trouve d’ailleurs renforcé par la crise que traverse notre pays, car le plan de relance pousse à l’accélération des projets de LGV.
Je comprends naturellement que la création d’une ligne à grande vitesse soit perçue comme un don du ciel par les élus locaux que nous sommes, mais la compétition entre les intérêts particuliers risque d’aboutir à une situation injuste et inéquitable à l’échelon du pays. L’argent consacré aux TGV ou aux LGV n’est évidemment pas investi dans la régénération ou la modernisation du réseau.
M. Roland Courteau. Très vrai !
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est pourquoi, à titre personnel, je suis tout à fait favorable à l’idée de n’engager la construction de nouvelles lignes à grande vitesse qu’une fois le réseau ferroviaire national actuel remis à niveau.
M. Rémy Pointereau. C’est incroyable !
M. Bruno Sido, rapporteur. Mais j’ai le sentiment que je heurterais ainsi les convictions de nombreuses personnes.
Qui peut admettre une France à deux vitesses ? Jusqu’à quand accepterons-nous une France qui caracole à la vitesse du TGV alors qu’une autre France se trouve empêtrée dans les ralentissements, voire les pannes, des trains Corail et TER ?
Nous devons tout faire pour éviter que ne s’instaure une fracture ferroviaire dans notre pays. J’aimerais connaître votre sentiment sur ce sujet, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.
M. Michel Teston. L’objet de l’article 11 est double : réduire à la fois la consommation d’hydrocarbures et l’émission des gaz à effet de serre. Dans cette perspective, ses dispositions visent à donner la priorité aux modes de transport permettant de mieux réaliser cet objectif.
Pour ce faire, il est donc envisagé de donner une priorité aux transports maritime, fluvial et ferroviaire et de limiter, dans la mesure du possible, le développement du transport aérien particulièrement polluant.
Pour ce qui concerne le transport ferroviaire de voyageurs, il s’agit non seulement d’améliorer les liaisons entre les métropoles régionales et la région parisienne, mais aussi de développer les lignes transversales.
À cette fin, le Gouvernement annonce un engagement financier de 16 milliards d’euros pour le financement d’un programme d’investissements permettant de lancer la réalisation de 2 000 kilomètres de lignes ferroviaires nouvelles à grande vitesse d’ici à 2020.
Il est possible de souscrire à l’objectif, partagé par tous, de mener une politique des transports plus « éco-responsable », qui ferait la part belle aux modes de transport économes en énergie et moins polluants. Cependant, il convient d’être particulièrement vigilant eu égard aux modalités de réalisation des projets envisagés.
Comme je l’ai souligné lors de mon intervention sur l’article 10, le développement du transport ferroviaire nécessite un engagement financier très important et durable, dans lequel l’État devra prendre toute sa part, sans se défausser sur les collectivités territoriales.
La réalisation de 2 000 kilomètres de lignes ferroviaires nouvelles à grande vitesse d’ici à 2020 représente un coût estimé au minimum à 79 milliards d’euros, alors que l’État s’engage à apporter 16 milliards d’euros. On est donc loin du compte...
Si l’État envisage le recours à des partenariats public-privé, la faiblesse de son engagement financier initial risque bien de ne pas inciter les investisseurs privés à intervenir massivement lors de la construction de nouvelles lignes.
En outre, la rédaction du projet de loi suscite notre inquiétude quant à la réalisation effective des projets avancés. En effet, l’article 11 contient une liste de liaisons prioritaires qui pourraient être créées dans le cadre d’un programme de lignes à grande vitesse. Sont visées des lignes sur lesquelles ce programme « pourra » porter. Cette formulation nous amène à poser plusieurs questions.
La liste proposée est-elle exhaustive ou de nouveaux tracés pourront-ils être envisagés ? Dans ce dernier cas, l’engagement financier de l’État augmenterait-il ? Toutes les lignes signalées seront-elles effectivement réalisées ?
L’incertitude planant sur la mise en œuvre du programme et, surtout, sur son financement nous inquiète. Les collectivités territoriales ne risquent-elles pas d’être largement mises à contribution alors même que leurs moyens financiers sont limités ?
Compte tenu de ces incertitudes et de ces inquiétudes, les membres du groupe socialiste ont déposé plusieurs amendements visant à clarifier et à préciser le texte.
Nous vous proposerons, notamment, de prévoir que la participation des collectivités territoriales au programme soit toujours complémentaire à celle de l’État et que cette éventuelle participation tienne compte des capacités financières des collectivités engagées.
Nous souhaitons également que certaines lignes, qui constituent des liaisons structurantes et nécessaires pour un aménagement harmonieux du territoire, fassent l’objet d’une inscription au programme.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, sur l’article.
Mme Jacqueline Alquier. L’article 11 vise le transport des voyageurs. Je me contenterai d’évoquer le transport ferroviaire qui me paraît, le plus souvent, le moyen de transport permettant de répondre aux défis environnementaux qui nous attendent, tout en offrant la possibilité aux usagers de se déplacer facilement dans de bonnes conditions.
Je ne suis pas intervenue précédemment sur l’article 10 pour ne pas multiplier les interventions. Cependant, puisque sont encore visées les liaisons ferroviaires, permettez-moi de revenir sur l’état du réseau ferré de notre pays.
La région Midi-Pyrénées est concernée à plus d’un titre par cette question.
Tout d’abord, elle a été la première à engager un audit pour connaître l’état réel du réseau ferré, à la suite de celui qu’a réalisé l’École polytechnique de Lausanne. Cette étude a révélé l’état de vieillissement de notre réseau dû à un sous-investissement au cours des vingt dernières années, en termes tant d’entretien que de renouvellement. Les résultats ont été accablants !
Contrainte, la région a eu recours à un emprunt de 500 millions d’euros afin de mettre en place un plan de rénovation des lignes ferroviaires et de permettre ainsi à des trains de continuer à circuler en 2020. Cette charge financière représente près de la moitié du budget annuel.
Cette volonté vient d’être concrétisée par l’adoption du plan rail entre RFF et la région Midi-Pyrénées, pour un montant de 820 millions d’euros.
Cet investissement se situe au-delà des compétences des régions. Je me félicite donc que, sur ce point, le présent projet de loi ait été modifié par l’Assemblée nationale ; il a ainsi été rappelé que cette mission incombe à l’État et que les régions peuvent l’accompagner.
Cet investissement devrait permettre d’assurer un vrai maillage territorial par le train en Midi-Pyrénées. Déjà, les efforts réalisés par la région dans ce domaine – l’organisation du cadencement des trains – ont permis une augmentation de la fréquentation. Le trafic a doublé entre 2000 et 2007, passant de 5 millions à l0 millions de voyageurs par an. L’ambition du plan rail consiste à le multiplier encore par deux pour qu’il atteigne 20 millions de voyageurs par an en 2020.
Voilà qui répond aux objectifs du Grenelle de l’environnement.
Nous nous sommes donc résolument engagés en faveur du rail, aussi bien pour le maillage territorial que pour les lignes à grande vitesse qui doivent permettre de relier Toulouse aux autres grandes villes européennes.
Pourtant, si la région contribue ainsi à la régénération des voies sur son territoire, il n’est pas sûr qu’elle soit payée en retour.
Bien au contraire, s’agissant de la ligne à grande vitesse, toutes les collectivités territoriales sont chaque jour un peu plus sollicitées, alors que la mise en service de cette ligne, toujours évoquée, est sans cesse retardée.
En 2003, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, prévoyait l’inauguration de la ligne Bordeaux-Toulouse en 2014. Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, vous estimiez, la même année, qu’elle pourrait avoir lieu en 2015. En 2004, M. Douste-Blazy, alors maire de Toulouse, jurait, croix de bois croix de fer, que Paris ne serait plus qu’à trois heures de train à l’horizon 2016. Plus le temps passe et plus cet horizon s’éloigne !
Le Gouvernement demande aujourd’hui 3 milliards d’euros aux régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, toutes collectivités confondues.
Mme Jacqueline Alquier. Que le Gouvernement arrête de faire croire que cela se fera sans augmentation de la fiscalité locale !
Or quelles garanties avons-nous que le tronçon Bordeaux-Toulouse sera effectivement réalisé à une échéance acceptable ? Selon les dernières prévisions officielles, c’est en 2017 que la ligne serait opérationnelle. Est ce bien le calendrier de l’État ?
Venons-en à la section Toulouse-Narbonne, qui permet de relier les réseaux de la LGV sud-est et sud-ouest et qui ne figurait pas dans le cadre du programme supplémentaire de 2 500 kilomètres prévu par le projet de loi initial. Sa réalisation est désormais mentionnée parmi les chantiers prioritaires des projets de lignes à grande vitesse, grâce, notamment, au travail réalisé à l’Assemblée nationale par notre collègue député Frédérique Massat, ce dont je me félicite.
Ces 150 kilomètres permettront l’achèvement du maillage du réseau à grande vitesse du sud-ouest européen reliant l’Atlantique à la Méditerranée, c’est-à-dire l’axe Bordeaux-Toulouse-Barcelone, mais aussi l’axe reliant Marseille à la Côte d’Azur et à l’Italie.
Ce projet est réclamé depuis de nombreuses années par les quatre régions de l’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée, à savoir Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, la Catalogue et les îles Baléares.
L’avenir de la région Midi-Pyrénées est conditionné par ces réalisations tant du point de vue français que du point de vue du développement des relations internationales. Le maillage territorial de l’ensemble des villes moyennes en est le complément indispensable sur lequel la région travaille ardemment. À l’État de tenir également ses engagements.
Enfin, je terminerai mon intervention par une question. Le projet de loi mentionne que la qualité des dessertes des agglomérations sera améliorée. Il faudrait que le nombre des dessertes soit considéré comme un élément de la qualité des dessertes. Est-ce bien le cas ? Le désenclavement ne sera réel que si des liaisons rapides existent en nombre.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. À la lecture de l’article 11, plus particulièrement du programme de lignes à grande vitesse, je serais presque tenté d’applaudir, constatant que la ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan y figure bien. C’est le fameux maillon manquant sur le plus grand des axes européens de lignes à grande vitesse qui relie l’Europe du Nord au sud de l’Espagne.
Si je n’applaudis pas, c’est parce que nombre de désillusions que j’ai subies au cours des vingt dernières années relatives à ce programme m’incitent à la plus grande prudence.
Comprenez ma réaction. En 1990, on me convie à consulter le tracé de cette nouvelle ligne entre Montpellier et Perpignan, à la suite de la mission Querrien, et l’on m’indique que le projet avance « à pas de géant ».
Cinq ans plus tard, en 1995, on m’invite à patienter avec optimisme, étant donné l’approbation de l’avant-projet sommaire, le fameux APS.
En 2001, onze ans ont déjà passé. Pour nous éviter de perdre patience, on nous annonce la qualification de projet d’intérêt général, le fameux PIG. « On touche au but », me dit-on alors !
Je ne m’étendrai pas sur les multiples sommets franco-espagnols qui eurent lieu sur ce dossier, à Albi en 1992, à Tolède en 1993 et à Foix en 1994.
Toujours et encore, on répète aux populations et aux élus de la région Languedoc-Roussillon que la ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan ne saurait tarder, et on leur demande de prendre patience !
M. Pierre Bernard-Reymond. Cela me rappelle quelque chose…
M. Roland Courteau. Mais, surprise ! Après seize années de tergiversations, le secrétaire d’État chargé des transports m’indique dans cette enceinte même, en 2006, qu’il est nécessaire… de lancer de nouvelles études et d’explorer d’autres scénarios alternatifs visant non plus une ligne de voyageurs, mais une ligne mixte, c’est-à-dire assurant le transport du fret et des voyageurs.
Cette annonce remet en cause le tracé précédent. Balayés le tracé de 1990, l’APS, le PIG, la bande de 500 mètres gelée autour de ce tracé ! Bref, presque tout fut balayé !
Selon l’explication qui nous fut donnée, on aurait tout simplement oublié dans les précédentes études – pardonnez du peu – le fret ! Et il a fallu seize ans pour s’en apercevoir ! Nous sommes donc revenus à la case départ. Autrement dit, mes chers collègues, on nous a promenés – pas en TGV, mais dans un tortillard ! – durant une décennie et demie !
Pourtant, dès 1995, on savait que la section internationale de la ligne à grande vitesse Perpignan-Figueras, passant sous les Pyrénées, serait mixte. Je l’avais maintes fois souligné ici même, puisque j’étais rapporteur pour avis au titre de la commission des affaires économiques sur le projet de loi ratifiant l’accord franco-espagnol pour cette section transpyrénéenne.
Bref, à l’issue de ce voyage à rebours dans le temps, je le répète, nous sommes revenus …
M. Daniel Raoul. En gare ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. … à la case départ !
Je crois que jamais projet n’aura nécessité tant d’années d’attente, soit vingt ans à ce jour, auxquels il faudra, j’imagine, ajouter dix ans de plus, si tout se passe bien ! Bref, il aura fallu trente ans, au total. Ce n’est plus un TGV, c’est véritablement un tortillard !
Bien sûr, monsieur le secrétaire d'État, vous n’y êtes personnellement pour rien. Toutefois, ma question est la suivante : si vous deviez établir une hiérarchie des projets, tiendriez-vous compte de ces années d’attente, de ces innombrables tergiversations et de ces reculs incalculables ?
Monsieur le secrétaire d'État, prenez en considération le véritable étranglement existant entre Montpellier et Perpignan sur ce que j’ai qualifié à l’instant de « plus grand des axes européens de ligne à grande vitesse », qui relie l’Europe du Nord à celle du Sud, jusqu’à Séville, en passant par Valence, Montpellier, Narbonne, Perpignan, Barcelone et Madrid.
Tenez compte également de l’accroissement des échanges avec l’Espagne, à la suite de l’ouverture de la section à grande vitesse Figueras-Perpignan. Sachez, monsieur le secrétaire d'État, qu’aujourd'hui près de 10 000 poids lourds empruntent chaque jour l’autoroute A9. Dans quelque temps, ils seront, selon certaines estimations, autour de 15 000. S’il est un axe où il faut, en urgence, procéder au rééquilibrage entre le rail et la route, c’est bien celui-là, car les files de poids lourds sont interminables sur l’autoroute qui conduit à l’Espagne !
Bref, comptez sur notre vigilance, en ce qui concerne tant la section Montpellier-Perpignan que le tronçon reliant Narbonne à Toulouse, vers Bordeaux, que vient d’évoquer Mme Alquier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Pierre Bernard-Reymond applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je souhaite répondre aux orateurs qui viennent de s’exprimer et m’adresser à l’ensemble de la Haute Assemblée pour faire le point sur le contenu de cet article 11, dont vous poursuivrez la discussion demain, mesdames, messieurs les sénateurs.
Monsieur le rapporteur, j’ai bien compris les craintes qui sont les vôtres. Je sais que la ligne 4 de la SNCF, qui part de la gare de l’Est et va jusqu’à Bâle, traverse le département dont vous êtes l’élu.
Vous avez souligné qu’il y avait les lignes TGV et les autres. Il est vrai que nous devons aujourd'hui prendre en compte à la fois le réseau à grande vitesse, les TER, pour lesquelles les régions – j’en ai nommé quelques-unes, mais j’aurais pu les citer toutes – consentent d’importants efforts d’investissement, et les autres lignes. M. Bizet évoquait tout à l'heure celles qui traversent la Normandie, notamment le Paris-Granville, mais on pourrait citer également certaines lignes transversales, comme le Nantes-Lyon, par exemple.
Il ne doit pas y avoir, d'une part, les lignes à grande vitesse, et, d'autre part, le désert ferroviaire français ! D’où l’importance du travail accompli par tous les conseils régionaux dans ce domaine. D’où aussi la nécessité de maintenir une présence sur les lignes transversales classiques : je pense aux liaisons Bordeaux-Nantes et Tours-Lyon, entre autres.
Nous avons signé récemment avec Réseau ferré de France un contrat de performance portant sur 13 milliards d'euros. Cet accord, d’une ampleur inusitée, vise à accélérer la régénération du réseau ferroviaire sur l’ensemble des lignes que je viens d’évoquer, en particulier les transversales et les dorsales qui subsistent.
Nous nous occuperons également de la réfection des caténaires, car nous nous sommes aperçus, à l'occasion d’événements récents, qu’elles posaient quelques problèmes. J’ai donné des instructions très précises aux présidents de RFF et de la SNCF pour accélérer le travail de rénovation des caténaires dans le cadre de ce contrat.
Enfin, monsieur le rapporteur, vous savez déjà que, lors de son déplacement à Provins, la semaine dernière, le Président de la République a indiqué l’intérêt qu’il portait à l’électrification de la liaison Paris-Troyes, cette ligne 4 qui vous est si chère.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à présent faire le point sur la situation de l’ensemble des lignes TGV, ce qui me permettra de répondre aux questions de Mme Alquier, de M. Roland Courteau et des autres orateurs.
Le projet LGV Sud Europe Atlantique, tout d'abord, est particulièrement important. Au total, il représente quelque 13 milliards d'euros et prévoit la construction, autour du tronçon central Tours-Bordeaux, des sections Poitiers-Limoges, Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Hendaye, cette dernière ligne s’étendant donc jusqu’à la frontière espagnole.
Ce projet est porté par un partenariat public privé, pour lequel un appel à candidature a déjà été lancé. Les prestataires sont en train d’être sélectionnés par Réseau ferré de France. Les dépenses qui relèvent du secteur public, soit 50 % du total, seront partagées pour moitié entre l’État et les collectivités territoriales.
J’ai demandé aux régions Aquitaine, Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées et Centre – un petit tronçon de la ligne traverse cette dernière région au sud de Tours –, ainsi qu’aux départements concernés, de se prononcer avant la fin du mois de janvier et de signer un protocole d’intention.
Nombre de collectivités ont déjà délibéré. C’est le cas, notamment, de l’Aquitaine, de plusieurs départements, y compris celui dont je suis l’élu, de Midi-Pyrénées, dont le président, M. Martin Malvy, est très engagé dans ce projet, comme vous le savez, madame Alquier. D’autres suivront d'ailleurs dans cette région, comme M. Baylet me le confirmait ici même voilà quelques jours.
Nous commencerons donc par le tronçon Tours-Bordeaux, parce qu’il est le feeder, la ligne qui alimente le reste du réseau. La région Limousin, la ville de Limoges et le département de la Haute-Vienne ont accepté de financer la construction immédiate de cette section, afin, en quelque sorte, de s’assurer que le tronçon Poitiers-Limoges sera bien réalisé ensuite. En effet, celui-ci est très important pour la desserte du Limousin et pour la prolongation de la ligne TGV au-delà de Limoges, qui constitue un nœud ferroviaire central.
En ce qui concerne Toulouse, madame Alquier, il n’y a aucune ambigüité. C’est l’une des plus grandes villes de France non encore desservies par une ligne TGV ; en tout cas, la totalité de l’itinéraire Paris-Toulouse n’est pas une ligne à grande vitesse.
L’aéroport de Toulouse-Blagnac arrive par moment à la limite de la saturation, avec trente-sept vols à destination de Paris certains jours de l’année. Tous les vols nécessaires au programme Airbus et à l’entreprise EADS partent d'ailleurs de cet aéroport.
En outre, situé désormais au cœur de l’agglomération de Toulouse, cet aéroport n’a à l’évidence aucune possibilité de s’agrandir. De surcroît, personne, dans les départements limitrophes, ne veut d’un autre aéroport, ou plutôt chacun en approuve l’idée mais à condition qu’il soit implanté chez les autres, ce qui signifie qu’il n’y en aura pas ! La seule solution est donc de faire venir le TGV à Toulouse le plus vite possible.
Telle est notre priorité. Les travaux seront donc entrepris immédiatement après la réalisation du tronçon Tours-Bordeaux. Le Gouvernement s’est engagé sans ambiguïté sur ce point, car nous savons combien la desserte de la ville de Toulouse par le TGV est importante.
Le projet est prêt, nous sommes en train de le lancer, et j’espère que les travaux pourront commencer dès l’année prochaine sur le tronçon central Tours-Bordeaux.
En ce qui concerne la Bretagne et les Pays de Loire, la section qui reliera Le Mans à Rennes, avec un petit tronçon vers les pays de Loire, fera également l’objet d’un partenariat public-privé. Là encore, les collectivités ont accepté de partager les coûts pour moitié avec l’État. Les régions Bretagne et Pays de Loire se sont même portées garantes au cas où les autres collectivités plus petites ne paieraient pas. Le problème est donc réglé, l’appel à candidature va être lancé, et les opérations vont démarrer ; Jean-Louis Borloo a signé un accord en ce sens au Mans voilà déjà quelques mois.
S'agissant de l’arc méditerranéen, évoqué par M. Roland Courteau, la première urgence est la construction du tronçon Nîmes-Montpellier, les gares de ces deux villes étant embouteillées par le trafic du TER et du fret.
Ensuite, viendra la ligne Montpellier-Perpignan. Vous savez d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que le tunnel prévu sous les Pyrénées est terminé. Malheureusement, nos amis espagnols ont pris du retard à Barcelone et à Gérone, et nous ne pourrons donc pas aller tout de suite à Barcelone à grande vitesse ; nous cherchons une solution de transition qui nous permette au moins d’accélérer les relations avec cette ville, grâce à des correspondances avec le réseau espagnol.
Un autre dossier est particulièrement complexe : le choix du tracé de la ligne à grande vitesse Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui est mentionnée dans le présent projet de loi. Comme vous le savez, il y a débat entre les partisans du tracé dit « nord », qui se séparerait de la ligne TGV Méditerranée à Aix et passerait plus au nord dans la plaine du Var, et les partisans d’un itinéraire dit « des métropoles », passant directement par Marseille, Toulon et Nice.
On sait que cette ligne est nécessaire. L’aéroport de Nice se trouve, lui aussi, dans une situation difficile. Le ministre d’État recevra l’ensemble des protagonistes et le Gouvernement devra prendre une décision sur le tracé et lancer les procédures nécessaires.
En ce qui concerne l’est de la France, le Premier ministre a indiqué très clairement que, dans le cadre du plan de relance, nous accélérerions la réalisation de la seconde phase du TGV Est européen, c'est-à-dire de la ligne allant de Baudrecourt en Lorraine jusqu’à Strasbourg.
Avec les Allemands, nous modernisons le pont de Kehl, ce qui devrait permettre de connecter le TGV Est avec la ligne à grande vitesse allemande à Kehl-Appenweier-Offenburg. Ainsi, la position de capitale européenne de Strasbourg serait préservée, car le trajet Francfort-Strasbourg ne durerait plus qu’une heure, sachant qu’il sera possible également d’aller à grande vitesse de Strasbourg à Mulhouse et à Bâle. D'ailleurs, il est important que la desserte aérienne de Strasbourg soit en quelque sorte confortée par le réseau TGV, du côté français, et ICE, du côté allemand.
Par ailleurs, nous sommes en train de réaliser la branche Dijon-Mulhouse du TGV Rhin-Rhône, qui constitue aujourd'hui l’un des plus grands chantiers de France.
Il s'agit d’une branche très intéressante, car elle est à la fois nord-sud et est-ouest. Elle permet d’accélérer le trajet Paris-Bâle-Zurich, le long d’une ligne qui part donc de Paris vers l’est, mais aussi de faciliter les communications nord-sud, c'est-à-dire d’aller plus rapidement de Strasbourg à Lyon. C’est d'ailleurs la première fois que, en France, on construit un TGV qui ne part pas de Paris !
Cette section sera prolongée par deux autres branches, prévues par le Grenelle de l’environnement : l’une ira vers Dijon ; l’autre permettra le grand contournement de Lyon. Ce dernier dossier est complexe, car plusieurs tracés sont envisagés ; mais ce qu’on appelle le CFAL, c'est-à-dire le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, devrait être mené à bien, par l’est.
Le projet de loi prévoit également l’interconnexion sud des lignes à grande vitesse en Île-de-France. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, il manque un barreau entre Massy-Palaiseau et Villeneuve-Saint-Georges, les trains utilisant actuellement la grande ceinture ferroviaire, dont deux portions sont même à voie unique, sur laquelle circulent des TER, les trains franciliens, du fret, des TGV, ce qui pose d’importants problèmes ! (M. Daniel Raoul acquiesce.)
Bien des collectivités demandent que l’on achève enfin le contournement de la région parisienne par une ligne qui partirait de Roissy, passerait à proximité d’Orly et relierait l’ensemble des réseaux existants au TGV. Il ne manque aujourd'hui que cette petite section, qui est très importante pour l’Île-de-France.
Enfin, un traité franco-italien a prévu la ligne Lyon-Turin. Les premières descenderies sont particulièrement importantes. Comme vous le savez, monsieur Repentin, le Grenelle mentionne les accès français au tunnel international, c'est-à-dire la sortie dans le Chablais, afin à la fois de saturer au maximum le tunnel existant, qui sera doté, grâce aux travaux en cours, d’un gabarit international, et de disposer d’une première sortie de TGV à l’est de Lyon.
Dans le cadre du programme supplémentaire de 2 500 kilomètres, nous avons en projet la ligne à grande vitesse reliant Paris, Orléans, Clermont-Ferrand et Lyon.
En effet, à certaines heures du jour, la liaison Paris-Lyon est saturée. Une amélioration de la signalisation permettrait un gain de quelques sillons, mais ce dernier s’avèrerait vite insuffisant, d’où l’idée d’une seconde ligne qui, grâce aux automotrices à grande vitesse plus rapides que les TGV actuels, relierait Paris à Lyon en deux heures.
Elle partirait de la gare d’Austerlitz, actuellement sous-employée, passerait à proximité de la capitale de la région Centre – Orléans –, avant de bifurquer vers l’est dans le Berry à un endroit restant à déterminer, monsieur Pointereau. Cette ligne améliorerait la desserte de Limoges et de Brive ; elle permettrait à Clermont-Ferrand de desservir, par des correspondances, le Massif central et toute une partie de la région Midi-Pyrénées.
Une étude est confiée aux préfets de région, et un débat public sera engagé.
La ligne vers Londres sera elle aussi, un jour ou l’autre, comme Paris-Lyon, saturée : la ligne Paris-Lille dessert en effet également la Belgique, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, ainsi que l’avait voulu Pierre Mauroy. Certes, son idée du hub de Lille était intéressante, mais la saturation menace.
Le Gouvernement a donc mis à l’étude le tracé d’une nouvelle ligne, plus directe, qui passerait par Amiens, avant de rejoindre Calais et de s’engouffrer dans le tunnel sous la Manche.
S’agissant de la liaison Toulouse-Narbonne, Mme Alquier a rappelé que j’avais accepté avec grand plaisir l’amendement de Mme Frédérique Massat, députée de l’Ariège : en effet, relier Toulouse à Narbonne préfigure la liaison Bordeaux-Barcelone, la jonction des réseaux français et espagnol, projet évidemment très séduisant.
Je me dois d’évoquer également l’idée d’un barreau est-ouest, soutenue notamment par M. René Souchon, président du conseil régional d’Auvergne : la ligne Paris-Clermont-Ferrand se verrait enrichie d’une jonction vers l’Atlantique – La Rochelle ou Nantes – réservée au fret et à la grande vitesse.
Tout cela fait beaucoup de projets et beaucoup d’argent.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que le tronçon Dijon-Besançon-Mulhouse, d’environ 200 kilomètres, est en cours d’achèvement.
La desserte de Genève sera bientôt améliorée, la ligne des Carpates, dans le département de l’Ain, étant en cours de rénovation.
Dès l’année prochaine seront lancés les chantiers des lignes Tours-Bordeaux, puis Le Mans-Rennes et Montpellier-Nîmes.
Ainsi donc, pour la première fois en France, plusieurs chantiers de TGV seront en cours de réalisation simultanément, alors que, dans les décennies précédentes, quel que soit le Gouvernement en place, seule une ligne était construite à la fois.
Ces projets ont une ampleur telle qu’il faut avoir recours à des financements privés, à un partenariat entre les secteurs public et privé – c’est pourquoi le Gouvernement a inscrit, dans le plan de relance, plusieurs dispositions visant à les favoriser – ainsi qu’avec les collectivités. Mais, de l’avis général, il faut les mener à bien.
Voilà ce dont il est question dans cet article 11.
L’ambition, en ce domaine, est immense : le Gouvernement ne saurait, certes, oublier les lignes classiques, mais il est fier de porter, au nom de notre pays, ces grands projets. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)