M. Jacques Muller. Je reviens à la charge avec la notion de croissance durable. Mais, au préalable, je voudrais lever une équivoque.
Je ne suis évidemment pas contre le concept du développement, celui qui consiste à évaluer les transformations structurelles qui apparaissent dans nos sociétés humaines, bien au contraire ! Mais je défends un développement humain, social et écologique.
Par réalisme et par solidarité avec les habitants du monde et les générations futures, je suis attaché, ainsi que je l’ai indiqué tout à l'heure, à un développement soutenable. C’est pourquoi je conteste fermement la notion de croissance durable du PIB, et ce pour deux raisons.
Premièrement, la croissance du PIB ne saurait être, en toute rigueur, un indicateur du développement. Chacun sait que le PIB agrège algébriquement les bienfaits et les dégâts du progrès, dès lors qu’ils se traduisent par des activités marchandes dégageant de la valeur ajoutée.
Très concrètement, plus d’accidents, plus de tempêtes, plus de dégradations de l’environnement, plus de guerres aussi, peuvent contribuer à doper le PIB dans la mesure où la réparation de ces malheurs entraîne une activité économique supplémentaire. Certes, cela accroît le PIB, mais cela n’apporte pas plus de satisfaction ou de bien-être aux individus.
Deuxièmement, compte tenu de la finitude de notre planète, nous ne pouvons, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, inscrire dans ce projet de loi de programme une notion aussi incongrue, qui se heurte à la finitude physique de la planète. C’est un oxymore scientifique.
En conséquence, il convient de retirer ce terme du projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Je ne reprendrai pas les explications que j’ai données tout à l'heure à propos des amendements nos 630 et 631, sur lesquels la commission a émis un avis défavorable.
Je vous répondrai simplement, mon cher collègue, que le mode de calcul de la réduction de l’empreinte écologique fait actuellement l’objet de nombreux débats contradictoires et très compliqués. Il est donc difficile d’inscrire ce concept dans la loi sans le préciser, et il est tout autant difficile de le préciser sans donner matière à controverse.
Pour toutes ces raisons, la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous avons saisi le Commissariat général au développement durable sur l’empreinte écologique ; il doit nous rendre un rapport dans trois mois. En outre, le Premier ministre a saisi officiellement le Conseil économique, social et environnemental de ce sujet.
Par ailleurs, un travail est mené actuellement sur la notion de croissance durable par la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social, présidée par le professeur Joseph E. Stiglitz et son conseiller le professeur Amartya Sen.
Effectivement, plus il y a d’accidents sur la route, plus le PIB augmente. Le travail mené actuellement permettra de clarifier cette notion de croissance durable. Cela dit, elle est bien comprise du grand public.
Le Gouvernement, qui préfère conserver sa rédaction, émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Pour ma part, je reste solidaire de mon ami Jacques Muller, car la notion de croissance repose encore sur celle de ressources infinies de la planète. Nous n’avons pas encore totalement intégré le fait qu’il nous faut partager.
À entendre les chantres de l’exportation, avoir des balances commerciales qui affichent des excédents gigantesques, c’est génial ! Mais cela signifie aussi que d’autres ont des balances commerciales déficitaires et donc que nous nous satisfaisons d’un monde inégalitaire.
Il en va de même pour la croissance. Notre planète n’est pas extensible, car nous n’avons pas encore trouvé le moyen de vendre des frigos sur la planète Mars ! Il faut donc bien, à un moment donné, partager, échanger, etc. Voilà pourquoi je soutiendrai l’amendement n° 632.
J’en viens à l’argument de M. Sido relatif à la difficulté de maîtriser la notion d’empreinte écologique, aux conflits possibles. Vous avez tout à fait raison, monsieur le rapporteur, nous n’en sommes qu’au début des évaluations arithmétiques. Seulement, à plusieurs reprises dans le texte de loi, il est fait allusion aux « services rendus par la biodiversité », alors que, sur ce point aussi, les calculs sont encore à l’état embryonnaire !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je comprends très bien les arguments qui ont été avancés par les sénateurs Verts. Toutefois, nos avis divergent quelque peu.
Je pense en effet que tout le monde peut se retrouver sur l’expression de « croissance durable », laquelle signifie aussi « développement durable ». Les trois branches du tripode sont bien le développement, l’environnement et le social.
Certes, je comprends qu’il faudra bien diminuer l’empreinte écologique, entre autres pour les gaz à effet de serre. Mais, préférant conserver l’expression de « croissance durable », nous ne soutiendrons pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. J’entends qu’il faut encore affiner le concept d’empreinte écologique avant de l’inscrire dans la loi, mais vous, madame la secrétaire d'État, vous y laissez le concept de croissance bien qu’un travail soit actuellement mené afin qu’il prenne une autre signification. J’avoue ne pas bien comprendre...
Pour le principe, nous maintenons cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 312, présenté par MM. Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston et Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, Lise, S. Larcher, Patient, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
croissance durable
rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du premier alinéa de cet article :
qui permet de satisfaire les besoins d'une génération, en commençant par ceux des plus démunis, sans compromettre la possibilité, pour les générations suivantes, de satisfaire les leurs.
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Cet amendement vise à compléter la dernière phrase du premier alinéa de l’article 1er, qui précise que la présente loi « assure une croissance durable sans compromettre les besoins des générations futures. ». Bien évidemment, nous pourrions discuter longuement de la notion de besoin, mais tel n’est pas mon propos en cet instant. Notre préoccupation se situe ailleurs.
Nous souhaitons prendre en compte le fait que les inégalités sociales ne cessent de croître depuis plusieurs années et qu’elles risquent encore de se creuser avec la dégradation économique, la multiplication des plans sociaux et la montée du chômage. C’est peut-être le moment ou jamais de croiser deux exigences prioritaires et complémentaires : la prise en compte de l’environnement et le traitement de la pauvreté.
Sur fond de croissance atone, de nombreux foyers ont basculé dans la précarité,...
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Claude Jeannerot. ... y compris – j’aurai l’occasion d’y revenir – dans la précarité énergétique. Malheureusement, on le sait, pauvreté et précarité énergétique vont souvent de pair.
On ne dénombre pas moins de 7,9 millions de personnes pauvres en France, celles dont le niveau de vie est inférieur à 880 euros par mois. De récentes enquêtes montrent que le taux de pauvreté, qui représente d’après les dernières données disponibles 13,2 %, est en nette progression depuis 2004. Fait assez récent, parmi les personnes les plus vulnérables figurent de nouveaux pauvres qui ne sont pas sans activité mais qui font partie de la nébuleuse d’un salariat dont le statut qui lui est traditionnellement attaché est de plus en plus grignoté et déstabilisé.
Force est de souligner que les foyers qui rencontrent des difficultés pour se chauffer l’hiver sont de plus en plus nombreux du fait du renchérissement du prix de l’électricité et du gaz ces dernières années.
M. Roland Courteau. C’est très vrai !
M. Claude Jeannerot. Rappelons qu’entre 2003 et 2008 le prix du gaz a augmenté en France de près de 25 % pour les particuliers. Pour l’électricité, les tarifs pour les particuliers ont augmenté de manière récurrente, avec une hausse de 2 % l’été dernier. Remarquons que, parallèlement, les dividendes versés aux actionnaires n’ont pas cessé de croître non plus, comme le soulignait très justement mon collègue Jean-Marc Todeschini lors de la séance des questions d’actualité au Gouvernement.
Dès lors, si la présente loi, compte tenu des objectifs fixés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, permettait d’assurer une croissance durable, celle-ci ne devrait pas s’accompagner d’un accroissement des inégalités. Or, depuis ces dernières années, le mode de croissance est producteur d’inégalités sociales de plus en plus importantes et la politique menée par ce Gouvernement n’est pas sans incidence, surtout – il faut le rappeler à chaque occasion – avec le bouclier fiscal, le « travailler plus pour gagner plus » sur fond de politique salariale atone, l’accroissement des dividendes des actionnaires au détriment des salaires et de l’entreprise, etc.
La dernière phrase du premier alinéa de cet article 1er ne nous satisfait donc pas. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter : « qui permet de satisfaire les besoins d’une génération, en commençant par ceux des plus démunis, sans compromettre la possibilité, pour les générations suivantes, de satisfaire les leurs ».
Nous faisons ici référence au rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, présidée par Mme Gro Harlem Brundtland sur le développement durable, et à la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, qui s’est tenue à Rio de Janeiro en 1992.
Cet ajout constitue pour nous un minimum. Concrètement, cela signifie, par exemple, que les objectifs fixés dans la présente loi ne peuvent être obtenus sur fond d’accroissement de la pauvreté et de la précarité énergétique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Au texte initial du projet de loi, les députés, qui ont leur génie propre et qui avaient bien pressenti tout ce que vous diriez, ont réussi par leur ajout au troisième alinéa de l’article 1er, à concilier protection de l’environnement, développement économique et progrès social.
Par conséquent, les trois piliers du développement durable sont clairement affirmés dans le texte, sans qu’il soit nécessaire de les réaffirmer sous une autre forme au premier alinéa.
Aussi la commission souhaite-t-elle que vous retiriez cet amendement. Dans le cas contraire, elle serait dans l’obligation d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage totalement l’avis de la commission : c’est consubstantiel à la définition de développement durable. En effet, le développement ne peut être durable que s’il respecte ce principe d’équité sociale et de réduction des inégalités sociales.
Par conséquent, je souhaite le retrait de l’amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. Roland Courteau. Ce qui va sans dire va mieux en le disant !
Mme la présidente. Monsieur Jeannerot, l’amendement n° 312 est-il maintenu ?
M. Claude Jeannerot. La lutte contre la pauvreté doit être un élément fort de ce texte. En tant que président de conseil général, j’observe dans mon département que les personnes les plus pauvres sont celles qui sont souvent exposées aux factures énergétiques les plus élevées. Il me paraît donc essentiel de prendre en compte deux exigences : l’environnement et la lutte contre la pauvreté.
Par ailleurs, je rappelle que notre assemblée a adopté un vaste dispositif de lutte contre la pauvreté : le revenu de solidarité active ; il convient de donner une cohérence à l’ensemble.
Cela dit, ayant bien entendu vos explications, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, et sous réserve que le texte porte fortement l’exigence de lutte contre la pauvreté, j’accepte de retirer cet amendement.
M. Bruno Sido, rapporteur. Je vous remercie.
Mme la présidente. L’amendement n° 312 est retiré.
L'amendement n° 518, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries et Teston, Mme Bourzai, MM. Guillaume, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les grands projets publics seront appréciés en intégrant leur impact pour le climat et leur impact pour la biodiversité.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement vise les grands projets.
Souvenez-vous, l’engouement initial des associations pour le Grenelle s’est construit sur l’espoir non seulement d’une réponse à l’urgence écologiste, mais aussi de la fin de l’incompréhension, de la sortie des conflits durs autour des grands projets. On allait enfin se donner les moyens de dialoguer !
Mais cet engouement s’est un peu essoufflé dans le temps en raison de quelques renoncements, du doute qui s’est installé au vu de choix parallèles sur des projets routiers, etc. Il me semble nécessaire de consolider la confiance.
Aussi, cet amendement précise les deux axes prioritaires susceptibles d’orienter les arbitrages : le climat et la biodiversité.
Il n’existe pas de projet sans impact, et c’est le propre de notre action que de modifier les équilibres. Au cours de son développement, l’humain n’a cessé, des siècles durant, de modifier son environnement ; sa survie fut à ce prix. Aujourd’hui, l’urgence environnementale ne nous permet plus de faire comme si notre univers de vie était infini et infiniment renouvelable.
N’en déplaisent aux obscurantistes qui le niaient et aux charlatans qui se firent le relais de ces mensonges, les effets du désordre climatique, désormais mesurables, doivent être pris en compte, afin que nos choix soient les plus judicieux possibles pour ne pas aggraver l’effet de serre.
Quant à la biodiversité, dont l’érosion nous apparaît moins spontanément catastrophique qu’une tempête ou la montée du niveau des océans, elle pourrait bien nous réserver quelques mauvaises surprises si nous persistions à dépenser sans compter ce qui nous reste de capital botanique et zoologique.
L’esprit de cet amendement est donc de guider les déclinaisons réglementaires à venir, tout comme la production d’indicateurs ou les points essentiels à mettre au débat en matière de choix de grands projets.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Madame Blandin, cet amendement nous semble largement satisfait par le deuxième alinéa de l’article qui introduit le principe de renversement de la charge de la preuve.
J’ai bien écouté vos explications, mais, la réponse étant dans le texte, la commission souhaite le retrait de cet amendement. Dans le cas contraire, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission : ce principe est normalement satisfait par le deuxième alinéa. L’expression « solutions respectueuses de l’environnement » englobe normalement non seulement le climat, la biodiversité, mais également les enjeux de santé environnementale.
Par conséquent, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Blandin, l'amendement n° 518 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le rapporteur, je ne suis pas votre raisonnement. Nous n’allons pas jouer en permanence aux dominos, retirant chacun de nos amendements…
Certes, le deuxième alinéa de l’article 1er fait mention de la prise en compte de la préservation de l’environnement. J’ai bien noté également l’introduction de la notion du renversement de la charge de la preuve, que, pour ma part, je n’ai absolument pas évoquée. Toutefois, le terme de « grand projet » n’apparaît pas.
Je le répète, depuis trente ans, les élus locaux, les associations de riverains, les écologistes, s’affrontent, dans une incompréhension totale du langage des uns et des autres. Le grand projet n’est vraiment pas l’objet de désir, c’est l’objet du conflit.
Si vous pouviez introduire dans cet article une clause de confiance en précisant que les « grands projets seront appréciés en tenant compte de leur impact pour le climat et la biodiversité », vous ranimeriez la confiance des grandes associations qui, je le rappelle, est en train de s’essouffler.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Je formulerai deux observations.
Il est exact que la dégradation de la biodiversité s’observe moins facilement en France continentale qu’outre-mer. Cependant, la « stratégie nationale de la biodiversité » est mentionnée expressément au quatrième alinéa de l’article 1er.
Quand on parle de grandes décisions d’intérêt public, c’est l’ensemble des missions publiques qui sont concernées, dans une perspective de transversalité, et pas seulement les grands projets. Je ne suis donc pas opposé à cet amendement, madame Blandin, mais il ne me semble pas de bonne technique de procéder à une réécriture à chaud. Ce projet de loi fera l’objet de quatre lectures, nous aurons donc l’occasion d’examiner plus attentivement ce point ultérieurement.
Mme la présidente. L'amendement n° 245, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :
Elle introduit le principe du renversement de la charge de la preuve en cas d'impacts potentiels ou avérés sur l'environnement, obligeant le porteur d'un projet à en démontrer le faible impact environnemental ou l'absence de solutions alternatives.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à introduire la notion de renversement de la charge de la preuve : lorsqu’un projet est contesté, il revient au porteur du projet lui-même d’apporter les preuves que l’impact environnemental du projet ne justifie pas son rejet ou que son coût environnemental ne peut être évité.
En effet, la rédaction actuelle de l’article 1er qui vise à introduire la notion de « coût raisonnable » réduit la portée du principe de renversement de la charge de la preuve. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, de réécrire le deuxième alinéa.
Un tel principe, d’ailleurs énoncé par le Président de la République dans son discours de restitution des conclusions du Grenelle de l’environnement du 25 octobre 2007, est fondamental. Concrètement, les décisions publiques ne pourront plus être prises en faisant abstraction de leur impact sur l’environnement et les projets dont le coût environnemental est trop important devront être refusés.
La réforme des procédures de décision environnementale doit être rapidement mise en chantier pour imposer ce principe.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Avant de donner cet avis, je voudrais faire remarquer à Mme Blandin, à Mme Didier, mais aussi à mes collègues de la majorité que la commission a retenu un grand nombre des amendements qui ont été déposés. Je crois même que nous avons été plus ouverts que le Gouvernement.
Si la commission n’a pas été favorable à l’amendement n° 518, c’est tout simplement parce qu’il introduisait une redondance. Au demeurant, je partage tout à fait l’avis de M. le ministre d’État. Il y aura quatre lectures ; ce n’est pas à chaud qu’il convient de rédiger, dans un coin de l’hémicycle, cette loi très importante.
Rassurez-vous, madame Blandin, la commission a examiné ce projet de loi et les amendements qui ont été déposés d’une façon très ouverte, sans ostracisme et sans volonté de dénaturer en quoi que ce soit la rédaction retenue par l’Assemblée nationale.
Madame Didier, je suis désolé, mais, au risque de me répéter, je suis obligé de vous dire que l’amendement n° 245 est largement satisfait par le projet de loi. Le renversement de la charge de la preuve est en effet prévu au deuxième alinéa de l’article 1er. La commission vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Peut-être existe-t-il une légère différence entre ce qui est prévu dans l’amendement et ce qui est précisé dans le projet de loi. Mais chaque texte mérite une interprétation : tout ne peut pas être écrit et pris au pied de la lettre !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Didier, l'amendement n° 245 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Que représente exactement la notion de « coût raisonnable » ? Cette question mériterait tout de même une explication ! En effet, vous aurez toujours des personnes qui considéreront que le coût est exorbitant et qu’ils ont trop de charges. On finit toujours, à un moment donné, par considérer que tout ce qui est social ou environnemental est de trop. Dès lors, comment faire en sorte que cette notion ne subisse aucune dérive ?
Je retire l’amendement n° 245. Toutefois, je souhaite que cette question soit de nouveau évoquée au cours de la discussion.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Madame la sénatrice, je partage tout à fait votre avis. Dans ce domaine, nous gérons en permanence des contradictions, pas seulement en termes de « coût raisonnable », mais également en termes de services. Par exemple, lorsqu’on construit des lignes ferroviaires, on doit résoudre un certain nombre de problèmes. Il faut donc trouver un équilibre général qui permette d’avancer.
Le principe est le suivant : vérifier qu’il n’existe pas une meilleure solution en matière de développement durable à un coût raisonnable. Quel que soit le cas de figure, il s’agit de gérer les contradictions. À nous de donner au mot « raisonnable » son sens réel, sans le dénaturer.
Mme la présidente. Par conséquent, nous avons encore du travail ! Fort heureusement, ce texte fera l’objet d’autres lectures, l’urgence n’ayant pas été déclarée !
M. Daniel Raoul. Bonne remarque !
Mme la présidente. L'amendement n° 696 rectifié, présenté par MM. Houel, P. Blanc, Billard, Revet, Garrec et Fouché, Mme Sittler et MM. Bécot, Juilhard et Carle, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa de cet article par les mots :
à la condition impérative de respecter le principe de neutralité fiscale et sous couvert d'études préalables d'impact du mécanisme envisagé
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Dans son discours sur le Grenelle de l’environnement du mois d’octobre 2007, le Président de la République avait précisé qu'il était « contre toute fiscalité supplémentaire qui pèserait sur les ménages et les entreprises ». Il avait ajouté : « Il n'est pas question d'augmenter le taux de prélèvements obligatoires. Et le Gouvernement est contre tout prélèvement sur le pouvoir d'achat des ménages. Tout impôt nouveau doit être strictement compensé. »
Le principe de neutralité fiscale est fondamental pour les PME, qui considèrent que toute contrainte fiscale supplémentaire doit être compensée pour ne pas constituer une augmentation de la pression fiscale déjà très forte qui pèse sur elles, au détriment de leur compétitivité.
Une fiscalité écologique réellement incitative se doit de respecter le principe de neutralité fiscale, sous peine de reporter la charge du dispositif sur les acteurs économiques, notamment les PME.
Il est par conséquent essentiel d'inscrire dans le projet de loi l'énoncé de ce principe. Tel est l’objet de l’amendement n° 696 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur Revet, j’ai le plaisir de vous dire que nous sommes tout à fait d’accord avec vous. Nous partageons totalement les préoccupations des auteurs de cet amendement.
Cependant, j’appelle votre attention sur le fait que la commission a rédigé son propre amendement, qui va plus loin. En effet, l’amendement n° 1 vise à prévoir, conformément aux engagements pris par le Président de la République, que le Gouvernement transmettra au Parlement un rapport annuel permettant de vérifier que la pression fiscale n’a pas augmenté.
Par conséquent, je vous demande, monsieur Revet, de bien vouloir retirer cet amendement, qui sera plus que satisfait par l’adoption de l’amendement n° 1 de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Madame la présidente, vous m’autoriserez un commentaire d’ordre général.
Nous sommes évidemment favorables au principe énoncé dans l’amendement n° 696 rectifié. J’attire cependant votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait qu’il ne peut pas se vérifier pour chaque cas pris isolément.
Par exemple, a été adopté aujourd’hui en commission mixte paritaire le dispositif de l’éco-prêt à taux zéro. La possibilité de le cumuler avec le crédit d’impôt prévu à l’article 200 quater du code général des impôts repose sur le principe suivant : ce n’est pas parce que quelqu’un bénéficie d’un financement bancaire qu’il doit être exclu d’un avantage fiscal.
Une telle mesure fiscale, considérée isolément, n’est pas neutre par nature. C’est l’ensemble des dispositions de la loi de finances relatives au développement durable qui doit être, comme c’est d’ailleurs le cas cette année, globalement neutre.
Je souhaitais attirer l’attention de la commission sur ce point. En effet, s’il n’était pas pris en compte, aucune mesure individualisée ne pourrait être prise. Or cela ne correspond pas du tout, me semble-t-il, à la volonté générale.
Mme la présidente. Monsieur Revet, l’amendement n° 696 rectifié est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Madame la présidente, dès lors que M. le rapporteur indique que cet amendement sera satisfait tout à l’heure, il me semble que M. Houel comme les autres cosignataires seraient d’accord pour le retirer.
Mme la présidente. L’amendement n° 696 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer le quatrième alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
La stratégie nationale de développement durable et la stratégie nationale de la biodiversité sont élaborées par l'État en cohérence avec la stratégie européenne de développement durable et en concertation avec les représentants des élus nationaux et locaux, des employeurs, des salariés et de la société civile, notamment des associations et fondations visées au deuxième alinéa de l'article 43 de la présente loi.
L'État assure le suivi de leur mise en œuvre au sein d'un comité pérennisant la conférence des parties prenantes du Grenelle de l'environnement et en rend compte chaque année devant le Parlement, auquel il propose les mesures propres à améliorer leur efficacité. Le Gouvernement transmet à celui-ci, au plus tard avant le 10 octobre, un rapport annuel sur la mise en œuvre des engagements prévus par la présente loi, son incidence sur les finances et la fiscalité locales et son impact sur les prélèvements obligatoires au regard du principe de stabilité de la pression fiscale pesant sur les particuliers et les entreprises.
La parole est à M. le rapporteur.